Les 5 et 6 août 2014, l’administration Obama avait organisé, à Washington DC, le premier Sommet USA-Afrique. A l’époque, l’objectif était de « renforcer les liens des États-Unis avec "l'une des régions les plus dynamiques" du monde ». A ce moment, a peu près tous les dirigeants des pays membres de l'Union africaine avaient été invités, sauf ceux à la tête d'une transition : Guinée, Mali, Burkina Faso et Soudan, suspendus de l'organisation panafricaine. En ce qui concerne l'Érythrée et le Sahara occidental, Washington n'entretient pas de relations diplomatiques avec eux.
Durant l’administration Trump, aucun sommet USA-Afrique n’a été organisé… Il aura fallu l’élection de Joe Biden pour qu’une suite soit donnée à l’initiative du Président Barack Obama. Ainsi, du 13 au 15 décembre 2022, à Washington DC, bien sûr, le Président Joe Biden accueillera des dizaines de Chef d’état et dirigeants africains. Quels sont, cette fois-ci, les tenants et aboutissants de cette rencontre USA-Africa 2022.
D’emblée, Karine Jean-Pierre, Porte-parole de la Maison Blanche, lors d’un très récent point de presse, a déclaré : « Ce sommet est l'occasion d'approfondir les nombreux partenariats que nous avons sur le continent africain. Nous nous concentrerons sur nos efforts pour renforcer ces partenariats dans un large éventail de secteurs allant des entreprises à la santé en passant par la paix et la sécurité, mais nous nous concentrerons sur l’Afrique ».
Par ailleurs, la grande révélation émane Président Biden lui-même, relayée par la Maison Blanche le week-end dernier : L’actuel Président des États-Unis « mettra à profit ce Sommet pour déclarer son soutien à l'ajout de l'Union africaine, en tant que membre permanent, au sein du G20 ».
Quoi qu’il en soit, ce sommet sera le plus grand rassemblement international à Washington depuis avant le début de la pandémie de Covid-19. Ainsi, les responsables étatiques de Washington DC ont avertis les habitants à se préparer à des barrages routiers et au renforcement de la sécurité occasionnés par la venue de 49 chefs d'État et dirigeants invités dans leur ville.
Lors de cette rencontre avec la presse, les responsables de la Maison Blanche a révélé que « les discussions de ce Sommet USA-Afrique devraient se concentrer sur le coronavirus, le changement climatique, l'impact de l'invasion russe de l'Ukraine sur l'Afrique, le commerce et plus encore ». Mais le Président Biden est en train de peaufiner un discours qui devrait apaiser les doutes, sur la scène internationale, en ce qui concerne le « Leadership américain » après quatre années de politique étrangères « America First » de Donald Trump. Joe Biden entend profiter de ce Sommet pour apaiser les inquiétudes en Afrique quant à savoir si les États-Unis sont sérieux en ce qui concerne « l'entretien de la relation ».
Or, force est de constater que l’effort du Président Biden pour rapprocher les nations africaines des États-Unis arrive à un moment assez compliqué. En effet, son administration avait déjà clairement indiqué qu'elle pensait que « l'activité chinoise et russe en Afrique était une préoccupation sérieuse pour les intérêts américains et africains ». Ainsi, dans sa stratégie pour l'Afrique subsaharienne, dévoilée en août 2022, l'administration Biden a averti que la Chine -qui a injecté des milliards dans l'énergie, les infrastructures et d'autres projets africains- considère la région comme une arène où Pékin peut « défier l'ordre international fondé sur des règles, faire avancer ses propres intérêts commerciaux et géopolitiques étroits, compromettent la transparence et l'ouverture ».
L'administration Biden a également fait valoir que la Russie, « le principal marchand d'armes en Afrique, considère le continent comme un environnement permissif permettant aux oligarques et aux sociétés militaires privées liés au Kremlin de se concentrer sur la fomentation de l'instabilité pour leur propre avantage stratégique et financier ».
Or, les responsables de l'administration Biden ont souligné que « les préoccupations concernant la Chine et la Russie ne seront pas au cœur des pourparlers [lors de ce Sommet USA-Afrique]». Selon Molly Phee, Secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines, et face aux journalistes, « les États-Unis accordent la priorité à notre relation avec l'Afrique dans l'intérêt de nos intérêts mutuels et de notre partenariat face aux défis mondiaux. Nous sommes très conscients, encore une fois, de l'histoire de la guerre froide, nous sommes conscients, encore une fois, de l'impact délétère du colonialisme sur l'Afrique, et nous cherchons soigneusement à éviter de répéter certaines des erreurs de ces époques antérieures ».
Ainsi, même si l’administration Biden a été déçue qu'une grande partie du continent ait refusé de suivre les États-Unis pour condamner l'invasion russe de l'Ukraine, « le Président Joe Biden ne devrait pas s'attarder publiquement sur les différences ».
Voulant aller de l’avant, le président américain participera avec les dirigeants africains à une session sur la promotion de la sécurité alimentaire et de la résilience des systèmes alimentaires. L'Afrique a été touchée de manière disproportionnée par la hausse mondiale des prix alimentaires qui a été causée en partie par la baisse des expéditions du principal exportateur de céréales, l'Ukraine. Constat de John Stremlau, professeur de relations internationales à l'Université du Witwatersrand à Johannesburg, invité au point de presse. « L'un des aspects uniques de ce Sommet USA-Afrique est le dommage collatéral que la guerre russe a infligé à l'Afrique en termes d'approvisionnement alimentaire et le détournement de l'aide au développement vers l'Ukraine. Les coûts d'opportunité de l'invasion ont été très élevés en Afrique ».
Selon des analystes de divers horizons, « les dirigeants africains chercheront à ce que le Président Biden prenne des engagements majeurs lors de ce Sommet, notamment l'annonce de sa première visite présidentielle en Afrique subsaharienne, des efforts pour renforcer l'économie du continent grâce aux investissements et au commerce du secteur privé, etc. ».
Peut-être plus important encore, cela pourrait être l'occasion pour Joe Biden de démontrer que l'Afrique est plus qu'un champ de bataille, dans sa compétition économique et militaire avec Pékin et Moscou. Les mots de la fin, pour clore ce dossier post Sommet USA-Afrique reviennent à Abraham Kuol Nyuon, analyste politique et professeur agrégé de sciences politiques à l'Université de Juba au Soudan du Sud : « Je crois fermement que les États-Unis sont toujours considérés comme une superpuissance du point de vue africain, mais la plupart des dirigeants africains ne veulent pas s'aligner sur sa promotion de la démocratie. Ils ont besoin du soutien de l'Amérique mais pas du système américain ».
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY
Sources : White House, Public Broadcasting Service (PBS) et Associated Press (AP)