A quoi joue encore l’Union Européenne ? Au coffre-fort du monde ? Elle aura tort. Tôt ou tard.
Au centre : Stefano Manservisi
A l’issue de la première rencontre HAT-UE qui a duré plus de quatre heures au siège de l’Union européenne, à Bruxelles, ce lundi 6 juillet 2009, Stefano Manservisi, Directeur général pour le Développement de la Commission européenne depuis novembre 2004, a déclaré :
« Les propositions d’Andry Rajoelina, président de la Haute Autorité de Transition (HAT), pour revenir à l’ordre constitutionnel à Madagascar ne sont pas "satisfaisantes". Nous avons à traiter un pouvoir qui na pas sa légalité, mais nous allons continuer à discuter pour voir si nous pourrons retourner vers la légalité tous ensemble. Nous savons tous que la situation reste complexe. Voilà pourquoi nous avons abouti à une position négative. Mais les consultations ne s’arrêtent pas là pour autant. Nous allons poursuivre les discussions, notamment à travers le groupe de contact international qui doit se réunir à nouveau d’ici fin juillet 2009», a ajouté M. Manservisi.
 
Le Président de la HT s’est-il trop empressé ?
Par ailleurs, Andry Rajoelina aurait-il confondu vitesse et précipitation ? En effet, toujours selon M.Manservisi : « La partie malgache nous a même proposer l’organisation d’un referendum en septembre 2009, pour changer la Constitution. Or, il avait semblé qu’auparavant elle avait été d’accord pour préparer un tel référendum de manière plus sereine et dans un contexte élargi ». Victoire ou échec en demi-teinte donc de part et d’autre car les ponts ne sont pas totalement coupés, malgré le fait qu’un portefeuille de 630 millions d’euros reste gelé. Ainsi, jusqu’à ce qu’une solution acceptable pour l’Union européenne soit trouvée, la Commission a suspendu à titre conservatoire la coopération avec la Grande île de l’Océan Indien, exception faite de l’aide humanitaire et de certains projets en cours bénéficiant directement à la population. Mais justement, parlons de cette dernière. C’est vraiment elle qui préoccupe l’Union européenne ou bien c’est le fait qu’il n’est pas dans les habitudes de ce genre d’institution internationale de se renier directement ? Car, si l’on se rappelle l’histoire, il ne s’agit pas uniquement d’une question de gros sous mais d’orgueil piqué face à ce gamin qui n’a pas froid aux yeux et qui entend réellement écrire l’histoire de l’avenir des générations futures malgaches.
 
C’est pour leur donner un avenir meilleur qu’Andry Rajoelina s’est levé contre la mainmise inadmissible de la famille Ravalomanana sur le patrimoine malgache
En effet, Stefano Manservisi est déjà venu à Madagascar au mois de juin 2008. Lors d’une conférence de presse, voici ses déclarations recueillies à l’hôtel Colbert, le lundi 9 juin 2008 :
« En ce qui concerne le soutien de l’Union européenne dans l’amélioration de la démocratie à Madagascar, il est surtout question d’appuyer la réforme du code électoral et l’effectivité de la décentralisation. Nous adoptons la politique de la proximité, une proximité avec les citoyens ». Ah bon ? Etait-il au courant que, depuis la réélection de Marc Ravalomanana, en décembre 2007, le parti au pouvoir Tim avait le quasi-monopole au niveau des régions, des medias publics et qu’il était strictement interdit de se réunir et de s’exprimer comme dans tout pays démocrate qui se respecte ? Ne sait-il donc pas que c’est cette situation d’oppression qui a amené le peuple à descendre dans la rue comme en 1972, 1991 et 2002 ? Ou bien des rapports trop beaux pour être vrais suffisent-ils pour décider que les présidents démocratiquement élus doivent être soutenus ? Même si, par rapport à leur peuple, ils s’enrichissent honteusement avec l’argent que vous leur prêtez ? Vous faites des audits ? Des visites ? Mais tout n’est que mise en scène quand vous êtes là . Et vos ambassadeurs deviennent subitement aveugles, sourds, muets lorsque vient l’orage parce que la politique extérieure de leur pays respectif est calqué sur des principes, des règles. Mais il y a toujours des exceptions à une règle. Surtout lorsqu’un dirigeant bafoue les droits les plus fondamentaux.
 
Marc Ravalomanana et son copain Louis Michel (Commissaire européen), le chantre du MAP,  le 19 Janvier 2007 à l’issue de la prestation de serment de son second mandat. Durant le comptage des voix, les ordinateurs du ministère de l’Intérieur sont tombés en panne, toute une journée. Comme par hasard, les chiffres se sont inversés. Mais oh ! L’UE ne s’immisce pas dans ce genre d’affaires malgacho-malgaches et dans ces cas de figure, se rappelle subitement aussi que Madagascar est une nation souveraine
Toujours ce même 9 juin 2008, Stefano Manservisi était tellement euphorique qu’il a déclaré aussi : « Le MAP est une vision assez complète et assez articulée capable de donner une croissance à ce pays ». Ainsi, les 577 millions d’euros du 10è FED pour 2008-2010 avait été aligné sur ce MAP (Madagascar Action Plan), un miroir aux alouettes et au mirage dans sa pratique. Plus visionnaire que Ravalomanana, M. Manservisi a fanfaronné en déclarant que : « Si le gouvernement malgache est capable de soutenir les programmes et actions de développement, la Commission Européenne peut augmenter ce montant d’une façon substantielle. Comme 25% ». Et, révolutionnaire avant l’heure, il a ajouté : « La Commission Européenne n’entend plus rester un simple bailleur de fonds mais veut jouer le rôle d’un véritable partenaire pour le développement. Les rapports entre les deux entités deviendront ainsi des rapports de partenariat ». Ah bon ? Evidemment, la volonté de tout un peuple ayant eu soif de changement a bousculé tous les calculs, un bailleur de fonds n’étant pas un philanthrope mais vit à travers des intérêts. Quid, dès lors, de l’ardoise laissés en suspens  par la défection de Marc Ravalomanana ? On ne veut plus « partenariser » à présent ? Andry Rajoelina n’était venu ni pour se justifier, ni pour « satisfaire » l’Union européenne, encore moins pour mendier. Il est venu pour révolutionner totalement les données préétablies dans le pur style de la conférence de Berlin sur la colonisation. Pourquoi se mettre à la table d’assassins ? Pourquoi perpétuer le culte de l’impunité au nom de l’accord de Cotonou ? Ces Messieurs de l’UE ont-ils visionné ou non la vidéo des tueries du 10 août 1991 et du 7 février 2009 ?
 
Jean-Louis Schiltz, ministre de la Coopération et de l'Action humanitaire et Louis Michel, Commissaire européen en charge de la Coopération et de l'Action humanitaire signant l'accord de Cotonou révisé, le 24 juin 2005, au nom de l'UE.
Encore une fois, si j’étais Andry Rajoelina, je tiendrai bon pour réaliser ce qui a été convenu avec la majorité des Malgaches. Et si c’est d’argent que l’on parle, pourquoi serais-je obligé (c’est vraiment le mot) de suivre le diktat d’Européens qui ne comprendront jamais les cultures du Sud ? Tiens, heureusement que j’ai invité le prince royal Al-Waleed bin Talal bin Abdul Aziz al-Saud (Prince Al-Waleed Bin Talal) d’Arabie Saoudite, qui sera en visite officielle à Madagascar, le jeudi 9 juillet 2009. Il est indéniable que nous allons nous entendre, étant tous issus de l’hémisphère sud et c’est la cinquième fortune mondiale. Il est le petit-fils du roi Abdullah bin Abdulaziz Alsaud, fondateur de la dynastie Al Saoud. Une telle personnalité ne se déplace jamais sans raison plus que valable… Je ne blaguerai pas avec le devenir des générations malgaches futures en jouant au poker menteur mais il y a un commencement à tout et j’ai toujours un atout dans ma manche. Pourquoi faut-il que ce soit ceux qui gouvernent à , coups d’argent qui veulent régenter mon pays jusqu’à la dernière génération de colonisés ? On verra bien le revirement à 360° de tous ces bailleurs de fonds traditionnels dont les gros sous, au lieu de développer Madagascar, avec la complicité de dirigeants menteurs, ont endetté le peuple malgache pour au moins 45 ans. Ici encore, rien n’est jamais acquis et on lèvera encore une campagne de dénigrement à caractère « arabesque » mais qui vivra verra…
 
Le roi Abdullah bin Abdulaziz Alsaud et le Prince Alwaleed bin Talal Alsaud
Je sais, je n’ai pas un langage de diplomate. Mais si personne ne veut appeler un chat un chat, heureusement que j’existe. Non seulement ce prince est très charmant et humain (un jour, j’ai vu un film sur lui et j’ai été frappé par sa manière de redistribuer les richesses de son pays à son peuple) mais il n’est pas un donneur de leçon. En plus il est très croyant.
La philosophie de vie du Prince Al Walid. Cliquez sur la photo
Où je veux en venir ? C’est simple : le vent du vrai changement a souffler sur Madagascar. Il est grand temps pour les bailleurs de fonds comme l’UE de s’y aligner de vraiment devenir des « partenaires » pour le bien du peuple malgache. Qui de vous, Blancs d’ici ou d’ailleurs, avez-même osé penser, il y a  peine une dizaine d’années, qu’un Noir serait le Président de la nation la plus puissante de la planète. Aidez-nous donc à accélérer notre développement (et non plus notre émancipation style Jules Ferry). Vos descendants n’en sortiront que plus grandis. Oui mais, les intérêts, les intérêts financiers. N’est-ce pas ? Quand le moment de votre revirement arrivera, car il arrivera, je rirais bien dans ma tombe, pour l’éternité. A réveiller l’enfer.
Jeannot RAMAMBAZAFY – Journaliste
Antananarivo, le 6 juillet 2009
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