Madagascar HCC. Jean Eric Rakotoarisoa. Mission HVM accomplie !

Mercredi, 11 Février 2015 16:42 Analyse
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Acte 1 : " Félicitation ! je t'ai choisi, hein ! Tout doit être conforme à la constitution, sinon je te remplacerai par Honoré ou Anaclet"

Voilà ! Hery Rajaonarimampianina, « candidat de dernière minute », élu président « sans parti politique ni longue préparation au préalable » (VIDEO ICI), a bien fait d’avoir choisi ce spécialiste du droit constitutionnel. En ayant décidé que la nomination du copain rotarien promu général de brigade, Jean Ravelonarivo, comme Premier ministre, était conforme à la constitution, Jean Eric Rakotoarisoa vient de prouver une chose : dans des pays comme Madagascar, la loi est faite pour être contournée par des hommes de loi sensés, heu, censés la faire appliquer, au bénéfice des dirigeants du moment. Pour cela, ce professeur de droit constitutionnel ne fera jamais exception.

Acte 2 : " je prête serment de protéger les intérêts de celui qui m'a fait roi "

En tout cas, l’exercice n’a pas été de tout repos puisqu’il lui aura fallu 19 jours et nuits blanches pour pondre une décision qui fait huit pages en format A4 et police 10. Désormais, il a fait de la corruption du prescrit constitutionnel une jurisprudence qui permettra à tous les violeurs de la loi fondamentale de faire ce qu’ils veulent. La question qui se pose est réellement la suivante : comment se fait-il qu’un personnage réputé comme « rigoureux et honnête » a-t-il pu se dédire, renier ses propres convictions qu’il a assimilé du temps où il était membre du SeFaFi (Observatoire de la vie publique à Madagascar) ? En fait, personne ne pourra répondre à cette question et il emportera son secret dans la tombe. Car, à ce stade, et de son vivant, ce ne seront plus les remords qui l’étoufferont.

Acte 3 : " La loi fondamentale, c'est moi et personne d'autre ". En réalité, il n'est qu'un simple instrument de l'Etat de non-droit à Madagascar, mais il refuse de s'en rendre compte. Jusqu'à quand?

Il ne fera pas non plus exception dans le fait que, dans nos contrées, rares (ils se comptent sur les doigts d'une seule main) sont les personnalités malgaches qui osent démissionner. Ils attendent tous d'être "démissionnés" en dilapidant  les biens publics. Mais est-ce que cela empêchera la chute inattendue de celui qui l’a fait roi de la voltige constitutionnelle ? L’avenir nous dira quand et comment (rien ne sert de courir, il faut partir à point), le passé est clair en ce qui concerne ses prédécesseurs élus par le peuple qui n'ont pas prévu leur chute brutale... En tout cas, personnellement, je n’aimerai pas être dans la peau de Jean Eric Rakotoarisoa qui, aux yeux des personnes sensées, n’est plus qu’un robot entre les mains d’un pouvoir qui n’a pas encore finir de nous étonner. Avec ses conneries hebdomadaires.

Acte 4 : " Vous voyez, çà plane pour nous ! On ne manquera plus de rien. Ce tapis rouge nous protège... ". Oui, mais la vie est terriblement courte... Pour l'heure, avec Jean Eric Rakotoarisoa d'Ambohitrombihavana, nul est celui qui est censé connaître sa loi à lui


Cela ne changera rien à rien, en l’état des choses, mais je publie, ci-après, cette décision longue comme un jour sans pain (pain dont le prix va bientôt augmenter à Madagascar), afin que vous puissiez vous y retrouver dans ce dédale de considérations, d'argumentations aussi biscornues que les cornes d'un diable sorti de sa boîte. Avec le recul, vous constaterez des contradictions de motifs qui n'existe nulle par ailleurs, sauf dans l'esprit tourmenté d'un mécréant... Chapeau, à Jean Eric Rakotoarisoa en tout cas, qui a du perdre quelques kilos quand même ! Mais si la chair est faible, il comprend très vite que la vie est courte pour qu’il puisse profiter de cette « victoire ». Et on verra si l’adage malgache suivant peut aussi être « considéré » : « Aleho halan’Andriana toa izay halam-bahoaka ».


Bon, pour nous consoler, chantons à tue-tête le refrain de "la vie ne m'apprend rien" du regretté Daniel Balavoine :

Mais je n'peux pas, je n'sais pas
Et je reste planté là
Les lois ne font plus les hommes
Mais quelques hommes font la loi

Et je n'peux pas, je n'sais pas
Et je reste planté là

Jeannot Ramambazafy – 11 février 2015

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Décision n° 12-HCC/D3 du 11 février 2015 relative à une demande de contrôle de constitutionnalité du Décret n°2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement.

La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’Ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Les rapporteurs ayant été entendus;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme :

Considérant que par lettre du 23 janvier 2015, enregistrée le même jour au greffe de la juridiction de céans, les députés :
1. ALIDY Bin Soufou;
2. HARINOSY Rabenerika Charlot;
3. HENRI Jean Michel ;
4. MAHARAMBY Ndalana Espérant ;
5. MAMOD’ALI Hawel ;
6. MARA Niarisy ;
7. MILAVONJY Andriasy Philobert ;
8. NAHARIMAMY Lucien Irmah ;
9. NASSER Ahmed ;
10. RASOLOFO Samuelson Jean Baptiste ;
11. NIVO Rufin ;
12. RABARISON Joseph Aimé ;
13. RABEARISOA Jean Claude ;
14. RAFENOMANANTSOA Tsirimaharo Ny Aina
15.
RAHANTANIRINA Lalao ;
16. RAHAROARILALA Tinoka Roberto Michael ;
17. RAHASIMANANA Paul Bert ;
18. RAHELIHANTA Jocelyne ;
19. RAHOLDINA Ranaivo Herinantsoina ;
20. RAJAOBELINA Lova Herizo ;
21. RAJAOZANANY Jean Claude ;
22. RAKOTOMALALA Lucien ;
23. RAKOTOMANGA Lantoarivola Sedera Andriambelovololona ;
24. RAKOTONIMANANA Solonirina ;
25. RAKOTOSOLOFONDRABE Zakamady ;
26. RAMAHASINDRY Koko Herisoa ;
27.
RAMAHERIJAONA Hajanirina Lanto ;
28. RAMAROLAHY Maurice ;
29. MANANJARA Ruffine Aurelie ;
30. RANDRIAMIALISOA Willison ;
31. RANDRIANANDRAINA Théophile Christian ;
32. RANDRIANASOLO Dera Louis Charles ;
33. RANDRIANATOAVINA Jean Martin ;
34. RASALAMA Léon ;
35. RASOLONJATOVO Honoré ;
36. RATEFIARIVONY Jaona ;
37. RATSIVALAKA née RAHERIARIVO Marie Michelle ;
38. RAZAFINTSIANDRAOFA Jean Brunelle ;
39. RAZANADRABEARIMANANA Jacques Aurélien ;
40. RAZANAKOLONA Paul ;
41. RAZANAMAHASOA Christine Harijaona ;
42.
ROILAHY ;
43. SEBANY Mouhamed ;
44. SOLAIMANA Mahamodo ;
45. TODY Arnaud ;
46. TOVONAY ;
47. TSABOTOKAY Honoré ;
48.
VOLAHAINGO Marie Thérèse,

saisissent la Haute Cour Constitutionnelle pour le contrôle de constitutionnalité du décret n° 2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 118 alinéa 1er de la Constitution ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 118 alinéa 1er de la Constitution, « (…) le quart des membres composant l’une des Assemblées parlementaires (…) (peut) déférer à la Cour Constitutionnelle, pour contrôle de constitutionnalité, tout texte à valeur législative ou réglementaire (…) » ;

Considérant que l’Assemblée Nationale est composée de 151 députés ; que le nombre des demandeurs dépasse largement le quart des députés exigé ;

Considérant que la saisine, régulière en la forme, est recevable ;

Au fond :

Considérant que selon les demandeurs, la nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, le Général RAVELONARIVO Jean, par le Président de la République, méconnait les prescriptions constitutionnelles en la matière ;

Considérant que les demandeurs se fondent sur les articles 54 et 72 de la Constitution, ainsi que sur l’article 27 de l’ordonnance n°2014-001 du 18 avril 2014 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale, pour contester la conformité à la Constitution du décret n°2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;

Que pour leur part, la lecture combinée de ces dispositions fait ressortir qu’en premier lieu, la présentation du Premier Ministre au Président de la République relève uniquement du parti ou du groupe de partis politiques majoritaire à l’Assemblée Nationale ; qu’il en résulte ainsi qu’il appartient uniquement aux instances compétentes des partis et groupes de partis politique formant la coalition politique majoritaire de signer l’acte de présentation du Premier Ministre, Chef du Gouvernement mais non les députés pris individuellement et encore moins les présidents des groupes parlementaires ; que les parlementaires ne sont pas toutefois exclus de ce processus dans la mesure où ceux-ci peuvent faire valoir leurs opinions au sein des instances compétentes de leurs groupes politiques respectifs. ;

Qu’en second lieu, les députés élus sous le nom d’un parti ou groupe de partis politiques aux élections législatives n’ont pas été présentés en leurs noms personnels, mais au nom de leurs groupes politiques ; qu’en ce sens, l’article 72 de la Constitution impose que « (…) durant son mandat, le député́ ne peut, sous peine de déchéance, changer de groupe politique pour adhérer à un nouveau groupe, autre que celui au nom duquel il s’est fait élire. En cas d’infraction à l’alinéa précédent, la sanction est la déchéance qui est prononcée par la Haute Cour Constitutionnelle » ;

Qu’en tenant compte de ce principe, qui constitue une variante du mandat impératif, il faudrait soustraire de la liste des partis et groupes de partis politiques qui a présenté le Général RAVELONARIVO Jean, les députés élus sous les noms des groupes politiques MAPAR, VPM/MMM, l’AVANA-ARD, Ny Hiaraka Isika et Maintso Hasin’ny Madagasikara, soit 80 députés ; qu’il est alors inconcevable que le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ait été présenté par un groupe de partis majoritaire composé de 118 Députés ; et qu’en conséquence, Monsieur RAVELONARIVO Jean n’a pas été présenté par le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale ;

Considérant que la procédure prévue par ces dispositions de l’article 118 alinéa 1er de la Constitution a pour objet un contrôle concret de la constitutionnalité par action qui s’exerce sur un acte normatif au moment de son application, dont la finalité est plus l’annulation plutôt que l’invalidation de l’acte normatif dont la constitutionnalité est contestée ; que le litige pendant concerne ainsi des parties qui sont en opposition et que l’exercice de cette confrontation et d’une contradiction entre parties constitue l’élément structurel du procès ; que les parties au présent litige, dans le règlement du différend, doivent pouvoir bénéficier de toutes les garanties processuelles du débat contradictoire définies par les dispositions de l’article 13 de la Constitution dans ses alinéas 5 et 6, dont celles de pouvoir exposer pleinement leurs prétentions et de faire valoir les droits de la défense ;

Qu’ainsi, en application des dispositions de l’article 32 alinéa 2 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle, organisant les droits de la défense dans la procédure contentieuse devant la juridiction de céans, l’Etat Malagasy, représenté par la Direction de la Législation et du Contentieux (DLC) du Secrétariat général du Gouvernement, habilitée à cet effet, a déposé un mémoire en défense auprès du greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le 6 février 2015 ;

Considérant que dans son mémoire en défense, le Directeur de la Législation et du Contentieux, réplique que l’esprit de l’article 54, en ce qui concerne le concept du parti ou groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale, doit se focaliser sur la nécessité d’une émanation réelle de la souveraineté du peuple laquelle se matérialise , dans le cas d’espèce, par la majorité à l’Assemblée Nationale ;

Qu’en théorie, cette majorité est censée être atteinte soit, en premier lieu, par un parti politique disposant de la moitié plus un des sièges à l’Assemblée Nationale soit, si aucun parti politique n’atteint la majorité, à l’entité formée par le regroupement ou la coalition de partis dont le nombre des élus atteint ou dépasse la moitié plus un des sièges à l’Assemblée Nationale ;

Que lors de la mise en place de l’Assemblée Nationale en 2014, aucune des « entités issues des élections ne pouvaient individuellement répondre à la définition de parti ou groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale » ;

Que le « Groupe politique » mentionné à l’article 72 de la Constitution correspond au « parti politique » au sens des articles 5,6 ,7 de la Loi n° 2011-012 du 09 septembre 2011 relative aux partis politiques ;

Que selon la même DLC, ni le MAPAR, ni le VPM/MMM, ni le HIARAKA ISIKA ne répondent au statut de « parti » ou « groupe de partis » majoritaire à l’Assemblée Nationale visés par l’article 54 de la Constitution ;

Qu’elle estime par ailleurs, que le décret n°2015 -012 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, constitue un acte de Gouvernement devant bénéficier de l’immunité juridictionnelle ;

Que de ce qui précède, la juridiction de Céans apporte les arguments et clarifications suivants :


I- CONCERNANT L’ARTICLE 54 DE LA CONSTITUTION.

Considérant qu’aux termes de l’article 54 alinéa 1er de la Constitution, « le Président de la République nomme le Premier Ministre, présenté par le parti ou le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale » ;

Considérant que pour pouvoir appréhender les prescriptions constitutionnelles sus évoquées, il importe d’analyser ses divers aspects ;

1- De la nature de la compétence du Président dans la procédure de nomination du Premier Ministre ;

Considérant que le pouvoir de nomination que la Constitution assigne au Président de la République pour la nomination du Premier Ministre, constitue un pouvoir propre du Président de la République qui l’exerce par le truchement d’un décret ne nécessitant pas de contreseing ;

Que toutefois, en dépit de la dispense de contreseing qui peut laisser à penser que le Président de la République dispose d’une liberté d’action, l’opération juridique complexe que constitue la procédure de nomination du Premier Ministre est encadrée par les dispositions de l’article 54 alinéa 1er de la Constitution, soumettant l’édiction de l’acte de nomination du Premier Ministre à l’exigence préalable de sa « (présentation) par le parti ou le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale » ; qu’ainsi, en matière de nomination du Premier Ministre, le pouvoir du Président de la République ne peut être discrétionnaire : il s’incarne dans une compétence liée, et relève, en conséquence, de la catégorie des pouvoirs propres conditionnés du Président de la République ;


2- Du rapport constitutionnel du Président de la République et du Premier Ministre.

Considérant qu’en l’occurrence, la nature des attributions du Président de la République doit, par ailleurs, être appréciée au regard des rapports que la Constitution de la IVème République organise entre les deux plus hautes Autorités au sein de l’Exécutif bicéphale que la Loi fondamentale établit ;

Considérant que, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution, notamment en de nombreuses dispositions du Sous-titre 1er du Titre II de la Constitution, telles qu’elles sont énumérées et explicitées par la Cour de céans dans son Avis n°02-HCC/AV du 25 février 2014 portant interprétation des dispositions des chapitres premier et 2 inclus dans le sous-titre premier du Titre III de la Constitution, les relations entre les deux responsables de l’Exécutif reposent sur une situation de subordination du chef du Gouvernement par rapport au chef de l’Etat dans l’architecture institutionnelle de l’Exécutif , et la prééminence du Président de la République sur le Premier Ministre dans le partage vertical du pouvoir ;

Considérant, de manière générale et bien que le Premier Ministre soit une institution politique centrale et un rouage essentiel du pouvoir exécutif, que le champ d’action du Premier Ministre est strictement délimité par la Constitution au regard des intérêts du Président de la République ; que plus précisément, pour ce qui concerne les dispositions de l’article 54 de la Constitution, le Président de la République constitue la seule Autorité habilitée à accepter la cessation volontaire des fonctions du Premier Ministre, chef du Gouvernement ; et qu’en outre, il dispose d’un véritable droit de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre, « en cas de faute grave ou de défaillance manifeste » , dont l’appréciation relève de la volonté souveraine du Président de la République, en tant que Chef de l’Exécutif ; qu’en conséquence, à la responsabilité de jure du Premier Ministre devant l’Assemblée Nationale s’ajoute une responsabilité de facto devant le Président de la République, une double responsabilité dans le cadre d’un régime semi-présidentiel tel que prévu par la Constitution de la IVème République ;

Considérant qu’en dernier lieu, la prééminence du Président de la République sur le Premier Ministre procède de la nature différenciée de la légitimité politique du Chef de l’Etat et du Chef du Gouvernement ;

Considérant, en effet, que le Président de la République et le Premier Ministre sont tous les deux revêtus d’une légitimité, dont les sources toutefois diffèrent ; que si la légitimité du Président de la République émane immédiatement du suffrage universel direct, celle du Premier Ministre est déléguée de la volonté des députés appartenant au parti ou au groupe de partis majoritaire au sein de l’Assemblée Nationale ;

Que l’élection du Président de la République au suffrage universel direct constitue un élément politique déterminant de subordination du Premier Ministre aux décisions du Président prises conformément à la Constitution ; que cette primauté politique demeure néanmoins conditionnée au soutien du Président par la majorité parlementaire : que cette majorité lui devienne hostile, et la neutralisation du bicéphalisme liée à la primauté présidentielle disparaît également ;

Considérant que la recherche de l’efficacité dans l’ordonnancement des rapports entre le Président de la République et le Premier Ministre, qui constitue la ratio legis du pouvoir de nomination du Premier Ministre par le Président de la République, doit reposer sur une collaboration franche, loyale et étroite entre les deux responsables de l’Exécutif qui doivent œuvrer ensemble pour pouvoir garantir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ; que, selon l’article 65.1 de la Constitution, « le Premier Ministre, Chef du Gouvernement , conduit la politique générale de l’Etat » arrêtée en Conseil des Ministres d’après l’article 55.1 de la Loi fondamentale ;

3- De la nature de l’acte administratif, portant nomination du Premier Ministre.

Considérant que les dispositions de l’article 54 alinéa 1er de la Constitution, en organisant la procédure de nomination du Premier Ministre par le Président de la République dans le cadre des rapports d’ordre constitutionnel entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale, confèrent à ladite procédure les caractères propres à la catégorie des opérations juridiques complexes ; que dans cette perspective, si en la forme, l’acte pris par le Président de la République pour la nomination du Premier Ministre constitue un acte administratif unilatéral et un acte normatif découlant des obligations constitutionnelles, sur le fond, il ne saurait être appréhendé en faisant abstraction de la chaîne de décisions qui le précède et de la qualification juridique de cette situation ;

Considérant, à cet égard, que par la volonté du constituant de soumettre l’opération juridique de nomination du Premier Ministre à des exigences inhérentes à des rapports d’ordre constitutionnel entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale, le régime de la procédure de désignation du Premier Ministre en droit malgache échappe, en conséquence, au périmètre strict de l’acte administratif unilatéral qui est de mise dans d’autres situations nationales où il revêt le fond d’un acte de gouvernement et la forme d’un acte administratif ; que toutefois, un acte administratif insusceptible de recours devant le juge administratif ne l’est pas forcément devant le juge constitutionnel ; qu’en application des dispositions de l’article 118 alinéa 1er de la Constitution, l’opération juridique de nomination du Premier Ministre peut être soumis à un contrôle de sa conformité à la Constitution effectué par la Haute Cour Constitutionnelle ; que dès lors, la juridiction de céans doit exercer pleinement sa compétence en la matière et assurer le respect de ces dispositions constitutionnelles ;

4- De l’aspect de souveraineté de la nomination du Premier Ministre et la compétence des dirigeants de parti politique ou groupes de partis politique.

Considérant que cette même volonté du constituant d’inscrire la procédure de désignation du Premier Ministre dans les rapports constitutionnels entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale l’insère dans la configuration et la dynamique de la dévolution et de la répartition du pouvoir au sein de l’Exécutif ; qu’ainsi, par essence même, ladite procédure participe à l’exercice de la souveraineté par les représentants de la Nation ;

Considérant qu’aux termes de l’article 5 alinéa 1er de la Constitution, il est indiqué que «la souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect, ou par la voie du référendum. Aucune fraction du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté » ; que l’application de cette prescription constitutionnelle réservant aux seuls représentants élus au suffrage universel la qualité pour participer à tout exercice de dévolution de la souveraineté, exclut les instances compétentes des partis et groupe de partis, dépourvus de l’onction du suffrage universel, de la procédure de désignation du Premier Ministre que la Constitution a entendu rattacher à l’exercice de la souveraineté ;

Considérant, au surplus, que le constituant ainsi que le législateur ont entendu définir un statut constitutionnel et législatif des partis politiques, pour les confiner à un rôle et une vocation bien circonscrits, éloignés des prétentions exprimés par les demandeurs ;

5- Des préceptes du lieu institutionnel et de la majorité.

Considérant que dans la détermination du lieu institutionnel où doit s’apprécier l’existence du « parti ou groupe de partis majoritaire » habilité à présenter le Premier Ministre au Président de la République, comme l’indiquent les dispositions de l’article 54 alinéa 1er de la Constitution, la clarté de l’énoncé est renforcée par la conjonction de coordination « à », précédant le lieu : l’Assemblée Nationale ; que dès lors, il apparaît sans conteste que « le parti ou groupe de partis majoritaire » doit être constaté au sein même de l’Assemblée Nationale ; que conformément aux prescriptions du constituant, faisant de la procédure de désignation du Premier Ministre, une opération juridique complexe s’insérant dans les relations entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale ; que la désignation du Premier Ministre ne saurait alors se dérouler en dehors du cadre des Institutions de la République ;

Considérant, par ailleurs, que la pratique communément admise dans le fonctionnement des régimes constitutionnels qui reconnaissent que le Premier Ministre procède du Parlement, veut que l’existence et la réalité de la majorité sur laquelle le chef du gouvernement provient, s’apprécient dans le fonctionnement même du Parlement ; que la cristallisation de cette majorité est constatée et formalisée à l’occasion d’une procédure législative particulière qui peut être l’élection du Premier ministre par les membres de la chambre législative désignée à cet effet par la Constitution, comme il est indiqué à l’article 63 de la Loi fondamentale pour la République Fédérale d’Allemagne pour la désignation du Chancelier dans cet Etat, ou par un vote d’investiture ou de confiance effectué par la chambre législative qui y est habilitée, pratique qui constitue le droit commun des régimes parlementaires ; que dans les deux cas de figure, la majorité absolue est requise pour emporter la désignation du Premier Ministre ;

Que le Premier Ministre peut être issu des rangs du « parti ou du groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale », ou ne pas l’être ; il suffit qu’il soit présenté par le « parti ou le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale » ;

Que dès lors, en matière parlementaire, l’adjectif qualificatif « majoritaire » s’il ne fait l’objet d’une qualification expresse, se conçoit, tout d’abord, dans le sens de la majorité absolue, c’est-à-dire de « la moitié plus un », ou pour être arithmétiquement précis, par le premier nombre entier supérieur à la moitié des acteurs concernés dans un processus décisionnel, comme il est communément admis dans le fonctionnement de tout Parlement et, à défaut, dans le sens de la majorité relative, soit celui du plus grand nombre, sans pour autant que ce dernier ne constitue « la moitié plus un » ;

Considérant qu’à la suite des élections législatives du 20 décembre 2013, aucun parti ne peut se prévaloir disposer de la majorité absolue à l’Assemblée Nationale ; qu’en conséquence, celle-ci ne peut s’apprécier que par le truchement de groupe de partis ou de coalition de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale ; que la logique de l’inspiration parlementaire du régime de la Constitution de la IVème République, quelle que soit la portée réelle du parlementarisme dans son fonctionnement, est avant tout l’idée que le gouvernement repose sur le soutien de l’Assemblée Nationale, c’es-à-dire le soutien de la majorité parlementaire ; qu’il s’agit là, en réalité, de la conséquence logique d’un des fondements de la démocratie représentative énoncée par les dispositions de l’article 5 alinéa 1er de la Constitution ;

Considérant que la majorité parlementaire qui présente la double vertu cardinale de stabiliser le fonctionnement du régime politique et de simplifier le jeu de ses Institutions, ne doit pas s’apprécier de manière théorique ; que son effectivité doit être vérifiée de façon concrète pour avoir la certitude de sa réalité ; que dans cette perspective, et conformément à la lettre et à l’esprit des dispositions de l’article 5 alinéa 1er de la Constitution ainsi que des principes de la démocratie représentative, sur lesquels se fondent la Constitution du 11 décembre 2010, une importance particulière doit être accordée à la réalité de la majorité parlementaire qu’à la désignation du groupe de partis ou de la coalition de partis qui en sont le vecteur essentiel, et le mode d’expression de ladite majorité ;

Considérant qu’une première présentation du Premier Ministre a été transmise par un groupe de partis au Président de la République, le 13 janvier 2015, recevant l’aval de 120 députés sur les 151 composant l’Assemblée Nationale, en vertu du procès-verbal de présentation en date du 9 janvier 2015 ; que par la présente demande, 48 députés ont entendu contester la conformité à la Constitution du décret n°2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, et revendiquant, à leur bénéfice, le fait de constituer la coalition de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale ; que la consistance de cette majorité revendiquée demeure, néanmoins, virtuelle en l’absence de sa formalisation expresse ;

Considérant, d’autre part, qu’une certaine confusion pèse sur l’engagement des 120 députés qui ont apporté leur soutien à la première présentation, car 17 d’entre eux, dix jours plus tard, se sont joints à la présente demande ; que même si on retranche ceux-ci du contingent initial, les 103 députés restants constituent une majorité absolue à l’Assemblée Nationale ;

Considérant qu’il est cependant à reconnaître que cette majorité est constituée par un nombre important de députés indépendants, élus sans être apparentés à une formation politique au moment des élections comme le leur autorisent les dispositions de l’article 25 de la Loi organique no2012-016 du 1er août 2012 relative aux premières élections législatives de la Quatrième République; que cette situation ne peut pour autant les condamner à ne pouvoir rejoindre une majorité au sein de l’Assemblée Nationale, car ils sont des députés à part entière et donc sont des représentants légitimes de la Nation ; que les dispositions de l’article 72 alinéa 3 leur reconnaissent, d’ailleurs, le droit, au sein de la vie parlementaire, d’adhérer à un groupe parlementaire, l’incarnation à l’intérieur de l’Assemblée Nationale des partis et groupes de partis, ceux-ci s’effaçant formellement pour céder la place aux groupes parlementaires ;

Qu’ainsi, le concept du parti ou groupe de partis majoritaire doit être apprécié dans le sens de la majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale soutenant le Premier Ministre pour asseoir une stabilité politique ;

Que le groupe des 120 députés ayant présenté le Premier Ministre répond à ce critère de stabilité politique conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution ;

Que de tout ce qui précède, la procédure de nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l’article 54 de la Constitution doit être appréhendée dans une analyse globale des prescriptions de la lettre et de l’esprit de la Constitution tels : la nature de la compétence du Président, le rapport constitutionnel entre les deux chefs de l’Exécutif, la nature de l’acte administratif de nomination, le concept de souveraineté dans l’exercice de nomination, le précepte de majorité parlementaire dans un mandat représentatif ;

Que le Président de la République nomme le Premier Ministre présenté par le parti ou le groupe de partis majoritaire à l’Assemblée Nationale qu’il estime à même de mettre en œuvre la politique générale de l’Etat arrêté en Conseil des Ministres ;

II- CONCERNANT L’ARTICLE 72 DE LA CONSTITUTION ET L’ORDONNANCE N°2014-001 DU 18 AVRIL 2014 FIXANT L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE.

Considérant que les demandeurs invoquent une lecture combinée des articles 54 et 72 de la Constitution avec l’article 27 de l’ordonnance n°2014-001 du 18 avril 2014 fixant l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée Nationale, aux fins « de soustraire de la liste des partis et groupes de partis politiques qui a présenté le Général Ravelonarivo Jean, les députés élus sous les noms des groupes politiques MAPAR, VPM/MMM, l’AVANA-ARD, Ny Hiaraka Isika et Maintso Hasin’ny Madagasikara, soit 80 députés. Il est donc inconcevable que le Premier Ministre ait été présenté par un groupe de partis majoritaire composé de 118 députés, qu’en conséquence, Monsieur Ravelonarivo Jean n’a pas été présenté par le groupe de parti majoritaire à l’Assemblée Nationale » ;

Considérant que l’article 72 de la Constitution, afin de circonscrire toute tentative de « nomadisme politique » au sein de l’Assemblée Nationale, organise une obligation d’allégeance des députés à leur parti d’appartenance et met en place un dispositif de régulation des partis politiques dans le fonctionnement de l’Assemblée Nationale en sanctionnant de déchéance le député qui, durant son mandat, « (change) de groupe politique pour adhérer à un nouveau groupe, autre que celui au nom duquel il s’est fait élire », de même que celui qui « (…)dévie de la ligne de conduite de son groupe parlementaire » ;

Considérant, cependant, que ce dispositif n’est pas d’application immédiate et encore moins automatique ni spontanée ; que l’article 72 in fine prévoit une procédure autonome, avec ses caractères propres pour l’accomplissement de ses fonctions ; que ladite procédure, développée par les dispositions de l’article 29 de l’arrêté n°67-AN/P du 3 mai 2014 portant Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, a prévu que « la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de déchéance ne sera effectuée qu’après deux rappels à l’ordre adressés à l’endroit du député désobéissant par le président de son groupe (parlementaire) ou parti d’appartenance » ; que les effets qui procèdent de cette procédure ne peuvent, dès lors, être invoqués à bon droit, qu’à l’épuisement de sa mise en œuvre ;

Considérant que le député, mandataire de l’autorisation à exercer le pouvoir œuvre dans l’intérêt de la Nation et la représente entièrement et non les individus qui l’ont élu et encore moins le parti ou groupe de partis qui l’a présenté aux élections, d’où le port du titre officiel de député de Madagascar ; que d’autre part, le député-représentant est, en droit, libre dans l’exercice de son mandat, comme l’indiquent les dispositions de l’article 71 in fine, « le député exerce son mandat suivant sa conscience et dans le respect des règles d’éthique déterminées dans les formes fixées à l’article 79 » ; qu’ il a entière liberté d’opinion, de parole et même de vote, selon les dispositions de l’article 73 alinéa 1er de la Constitution ;

Considérant que l’évocation de la sanction de l’article 72 par les demandeurs étant effectuée en dehors de ladite procédure, est inopérante ;

Considérant ainsi que les griefs portés par les demandeurs à l’endroit du décret n°2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, soumis à l’examen de la Haute Cour Constitutionnelle pour contester la conformité de ses dispositions à la Constitution, ne sont pas fondés ;

Considérant que le contrôle de constitutionnalité a pour conséquence de garantir le fonctionnement normal des Institutions politiques et le respect des libertés fondamentales ;

En conséquence,
Décide :

Article premier.- Le décret n°2015-021 du 14 janvier 2015 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, est déclaré conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera notifiée aux demandeurs, au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi onze février l’an deux mille quinze à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haut Conseiller – Doyen ;
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller ;
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haut Conseiller ;
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Mr RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller ;
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haut Conseiller ;
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.

Mis à jour ( Vendredi, 13 Février 2015 10:03 )