Militaire de carrière, « mpikabary » (orateur traditionnel) de formation, Zafihita Rakotoarimanana était, avant tout, un farouche défenseur de la langue malgache. De souche paysanne d’Ambohitrimanjaka, son inimitable accent laissait à penser qu’il ne maîtrisait pas bien le français. Ce dont il sen foutait comme de son premier « malabary » (habit traditionnel malgache, sorte de chemise grand-père). J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’aller chez lui, lors de ses je-ne-sais-plus combien d’années de mariage, lorsque j’écrivais pour Madagascar Tribune. Il habitait un quartier populeux où il était très populaire et énormément serviable. Avec les deux autres larrons Honorat et Eric, Zafihita formait le trio Fou Hehy, dans lequel il jouait le rôle de Ra-Filomène, une femme et non un travesti. Par la suite, une émission intitulée « Torak ‘Hehy » (éclats de rires) passe aux heures de grande écoute sur la Tvm qui couvre tout Madagascar. Il s’agit de sketches à propos de faits d’actualité ou sociaux.

Du vivant de Rakoto Frah, le célèbre flûtiste, nous étions ensemble sur l’île de Nosy Be lors d’une édition du festival Donia. C’est là que j’ai pu constater que Zafihita était un érudit à sa manière. C’est-à-dire avec une logique bien malagasy et non européenne, basée sur la sagesse ancestrale. Depuis bientôt quatre ans, le trio Honorat, Eric, Zafihita plus les autres comiques Gothlieb et Francis Turbo animent la première émission radio matinale de proximité. La plus écoutée dans la Capitale malgache et ses environs. Tant et si bien qu’elle est devenue aussi une émission télévisée. Depuis quelques mois, Zafihita avait des problèmes de santé. Mais ce vendredi 28 septembre, il est vraiment parti au paradis des humoristes. Il n’avait que 45 ans et laisse une veuve et trois orphelins. En titre d’hommage de la ville d’Antananarivo, sa dépouille mortelle sera exposée à la Tranompokonolona d’Analakely à partir de 16h, ce dimanche 30 septembre (photo ci-dessus).

Le mercredi 3 octobre 2007, après une messe à l’église d’Ambohitrimanjaka, Zafihita sera enseveli dans ce village de ses origines. Que dire sinon poser la question : Mort où est ta victoire ? Car pendant encore très longtemps, la majorité des Malgaches et leurs descendants se souviendront de Ra-Filomène, cette créature inventée, mais criante d’authenticité, longtemps imitée mais jamais égalée. Heureusement qu’il existe des kilomètres de sketches mémorisés grâce à l’audiovisuel numérique. Tous les membres de l’équipe rédactionnelle de madagate.com, même ceux qui résident en France et méconnaissent donc Zafihita, s’associent à moi pour adresser nos profondes condoléances à la famille de cet ami trop tôt disparu. S’il y a quelqu’un d’irremplaçable, dans ce domaine de l’humour à la Malgache, c’est bien lui.

Jeannot Ramambazafy