Antananarivo, 7 février. Devoir de mémoire et hommage à Ando Ratovonirina

Jeudi, 08 Février 2018 02:16 Photos
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7 février 2009. A la suite des tirs sauvages d’éléments para-militaires, sur tous ceux qui bougeaient devant le palais d’Ambohitsorohitra, le journaliste cameraman de la Rta (Radio Televiziona Analamanga) Ando Ratovonirina, 25 ans, meurt touché d’une balle en plein cou. Ci-après, l’hommage de Reporters Sans Frontières, suivi du mien sous forme de photos impérissables.

Car si le ministre de tutelle actuel, Harry Laurent Rahajason alias Rolly Mercia, et le président de l’Ordre des Journalistes de Madagascar, Gérard Rakotonirina, en fin de mandat, l’ont complètement oublié (même pas une fleur…), moi, en tant que journaliste doyen, je n’oublierai jamais ce jeune confrère mort en service commandé.


RSF, 9 février 2009 - Reporters sans frontières exprime son émotion après la mort d'Ando Ratovonirina, journaliste de Radio et Télévision Analamanga (RTA), le 7 février 2009, à Antananarivo. Le journaliste, âgé de 25 ans, a été tué par balle alors qu'il couvrait une manifestation populaire, devant le palais présidentiel, s'étant soldée par des dizaines de morts.

"En même temps que tous ceux qui ont été frappés par un deuil absurde, nos premières pensées se tournent vers la famille d'Ando Ratovonirina, ainsi que les membres de la rédaction de RTA, profondément choqués par la perte de leur jeune collègue. Nous saluons le courage des journalistes indépendants qui s'efforcent de rendre compte des violences politiques frappant Madagascar, malgré les menaces, les intimidations et l'inquiétant climat d'insécurité. Il est absolument insupportable que ce journaliste ait payé de sa vie son effort pour informer ses concitoyens", a déclaré l'organisation.

Le 7 février, Ando Ratovonirina, journaliste reporter d'images (JRI) de la chaîne de télévision privée RTA, a été tué d'une balle dans la tête, alors qu'il couvrait la manifestation populaire conduite par le maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina. Le coup de feu a été tiré par des membres de la garde présidentielle, qui défendaient le palais du président Marc Ravalomanana aux abords duquel affluaient les manifestants. Le corps inanimé d'Ando Ratovonirina a été immédiatement transporté à l'hôpital Ravoahangy, où un médecin a déclaré qu'il avait été tué "par une balle derrière l'oreille".

Heritina Ny Anjarason, journaliste pour la station de radio RTA, était aux côtés de ses deux collègues de la télévision, Ando Ratovonirina et Mirindra Raparivelo, au moment de l'incident. Reporters sans frontières a recueilli son témoignage: "Ando avait un micro à la main et prenait des notes sur son calepin, tandis que Mirindra tenait une petite caméra. Au retour d'une délégation du maire qui était allé parlementer avec les militaires qui gardaient le palais, nous nous sommes approchés du général Dolin, directeur de cabinet d'Andry Rajoelina, pour l'interviewer sur les résultats des négociations. Nous avions alors le dos tourné au palais. Mais nous n'étions même pas parvenus jusqu'au général Dolin lorsque des rafales ont éclaté. Nous nous sommes alors mis à terre, mais Ando a quand même été touché ".

"Ando est mort en plein travail, par amour du journalisme. En hommage à sa mémoire, nous avons décidé de diffuser une version allégée du journal", a confié à Reporters sans frontières le rédacteur en chef de la télévision RTA, Andry Raveloson.

Ando Ratovonirina venait d'achever ses études de journalisme et travaillait à la RTA depuis trois mois. Auparavant, il avait été photographe pour le quotidien "La Gazette de la Grande Ile" et avait également collaboré avec l'agence "Tophos", sous le pseudonyme de Hathor.

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Le 7 février 2009 à Antananarivo, Madagascar, 37 manifestants sont tués et 175 autres blessés lors de tirs de la garde présidentielle sur une foule qui se dirigeait vers le palais présidentiel. Ando Ratovonirina, journaliste de la RTA y a été tué d'une balle au cou.

11 février 2009. Au moment où on allait enterrer notre confrère Ando, les membres du parti au pouvoir Tim ont organisé un rassemblement festif au stade municipal de Mahamasina. Faisant fi du devoir de mémoire historique et souillant la mémoire de ce jeune homme assassiné en service commandé. L’histoire jugera Yvan Randriasandratriniony l’heure venue. Car il a eu beau brailler comme un pauvre diable pour défendre Marc Ravalomanana, une chose est sûre : ce dernier a les mains rouges de sang. Et pour çà, il n’a aucune excuse, aucune constitution ne pouvant le mettre à l’abri car la constitution n’a jamais été un permis de tuer ses compatriotes. Surtout pas pour défendre un palais vide.

Toky, à droite

TOKY

Au même moment, ce 11 février 2009, la jeune Toky, 18 ans, est enterrée par sa famille. Toky a été froidement assassinée de deux balles dans le dos, le 7 février 2009. En tant que journaliste professionnel, j’ai tenu à accompagner Ando, ce jeune confrère à sa dernière demeure, à Mahitsy, ville distante de quelque 30 km de la Capitale. Je vous invite à m’y accompagner de nouveau gràce à la magie intemporelle des photos. Il ne s'agit, en aucun cas d'un voyeurisme morbide mais un devoir pour que le nom d'Ando Ratovonirina ne tombe pas dans l'oubli dans l'espace et dans le temps. Ajoutez 9 ans à toutes les personnes que vous voyez sur ces photos. Certaines nous ont déjà quittés depuis...

En route pour Mahitsy, à quelque 30 km sur la route de Mahajanga. Une pluie diluvienne s’était abattu sur la région ce jour déjà assombri par le deuil. L’église Fjkm Miandrarivo Fifaliana se trouve à 3 km du centre de cette ville où travaillent une mission de médecins chinois renommés par et pour l’acupuncture. La piste était tellement exécrable que plus de la moitié des personnes qui ont tenu à accompagner Ando à sa dernière demeure, a fait les 2,600 km restant à pieds.

L’église Fjkm Miandrarivo Fifaliana se trouve à droite sur la photo. Encore loin… Il était donc évident que je suis arrivé parmi les retardataires et que l’église était déjà bondée. Mais une fois sur place, j’ai pu entendre l’homélie du jour axée sur Jérémie 29 : 11 : « Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous ; et je vous l’affirme : ce ne sont pas des projets de malheur mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir à espérer ».

Eglise Fjkm Miandrarivo Fifaliana, Mahitsy
Hommage à Ando par une de ses tantes.

« A la mémoire de mon neveu, mort pour sa Patrie sous les feux des projectiles
Ando, pourquoi faut-il que ce soit ton histoire qui m’a fait prendre conscience de la réalité de la vie de notre pays? Tu fais partie de cette génération que nous appelons «
génération sacrifiée» mais que tes parents ont essayé de tous leurs efforts de ne pas te noyer dans cette fatalité. Ils t’ont donné les meilleurs enseignements qui pouvaient exister à Madagascar. C’était leur priorité, le sens même de leur vie. Comme ce qu’ont essayé de faire les dirigeants de ce pays, selon qu’ils ont estimé de bien pour notre patrie. Après tes études, tous tes diplômes et après tant de combats, tu as pu trouver du travail et, enfin, récemment, tu es entré dans une société où tu as pu réellement exprimer tes aspirations.
Au moment où ton talent allait prendre son envol, on t’a coupé brutalement ton histoire. Tel notre pays au moment où tous les espoirs sont permis pour son peuple, au moment où l’on essaie de changer son histoire. Que ta mort ne soit pas vaine. Ta vie s’est arrêté là mais puisse le problème de notre pays trouver un dénouement et qu’il soit gouverner dans un esprit d’amour et de paix. L’humilité et le pardon peuvent nous y conduire, pour la gloire de Dieu Notre Seigneur. Et je prie pour ton frère jumeau afin que son histoire soit plus longue et plus belle. Amen »
.

Comme tout journaliste d’investigation, j’ai pris le temps de visiter ce village de Miandrarivo et je vous ramène cette photo d’enfants vraiment insouciants, heureux dans leur pauvreté monétaire

Le Team SO6 dont faisait partie Ando. Au fond, à gauche, le pilote de rallye, Laza Randriamifidimanana

Le Team SO6 dont faisait partie Ando. Au fond, à gauche, le pilote de rallye, Laza Randriamifidimanana

Pas de poignées de mains à la famille, à cause du temps, mais une levée de main pour s’entre-saluer

Le retour a occasionné quelques sorties de route

Le confrère Salomon de la Gazette de la Grande Île et le driver qui a tenu à me raccompagner jusque chez moi

Ando. Personnellement, voici mon ultime hommage que j’ai puisé dans l’Ecclésiaste : « J’ai observé encore toutes les injustices qui existent sur la terre. Les opprimés crient leur détresse e personne ne leur vient en aide. Le pouvoir est du côté des oppresseurs si bien que personne ne peut leur venir en aide. J’estime que ceux qui sont déjà morts sont plus heureux que les vivants ». (4 : 1). « Mais Dieu demandera des comptes pour toutes nos actions, mêmes cachées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises » (12 : 14).
Ando, tu as été assassiné purement et simplement car une Convention signée à Genève stipule l’interdiction de tirer sur les gens de la presse, avec une caméra au poing qui plus est; sur les ambulances et les brancardiers, sur ceux qui hissent un drapeau blanc. Mais tu n’es pas mort pour rien. Nous, journalistes malagasy, nous poursuivront le combat contre cette démocratie de carnaval qui a viré à la dictature de carnage.

Jeannot Ramambazafy – Journaliste

Mis à jour ( Jeudi, 08 Février 2018 15:46 )