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Hommage à Charlotte Rafenomanjato


Décidément, tout le monde meurt autour de moi. Dernière en date, Charlotte Arrisoa Rafenomanjato…

Au moment où Barack Obama allait être élu premier président noir de l’Histoire des Etats-Unis d’Amérique (4 novembre 2008), Charlotte Arrisoa Rafenomanjato poussait son dernier soupir à la suite de complications pulmonaires. C’était à la clinique des sœurs d’Ankadifotsy.

Charlotte était à la fois femme de théâtre, romancière, poète, essayiste et traductrice très prolifique. Elle fut membre fondateur et Présidente d'honneur de la Société des Ecrivains de l'Océan Indien (SEROI). Née en 1936, fille d'un médecin, elle était sage-femme, puéricultrice de formation. Son époux, qui a très récemment disparu, fut diplomate. Mère de trois enfants.
Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato habitait à Ambohidratrimo, banlieue nord d’Antananarivo.

Voici des extraits de l’interview qu’elle m’avait accordé en décembre 2002, parus dans Madagascar Tribune :

Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato est un auteur bilingue français-malgache. Ses travaux sont nombreux et divers : poésies, romans, histoires courtes, essais, pièces et traductions. Parmi ses œuvres dramatiques, inédites pour la plupart, deux ont été primées lors des concours organisés par RFI et sa pièce « Le Prix de la Paix » a fait l'objet d'un téléfilm en 1987. D'autres pièces ont été traduites en anglais et en italien et ont été jouées à Madagascar, en France, en Italie et même aux Etats-Unis. Cependant, c'est la publication de ses nouvelles (« Le Cinquième sceau », Harmattan, 1993 et « Le Pétale écarlate », Société Malgache d'Edition, 1995) qui a permis au grand public de connaître les œuvres d'un auteur qui, jusque récemment, était internationalement dans l'ombre. Qui est cette femme dont les œuvres sont profondément enracinées dans un contexte traditionnel dominé par des superstitions malgache mais, néanmoins, inclus dans le monde contemporain ? Extraits d'une très longue interview.

« S'il est une chose que je n'aime pas faire, c'est de parler de moi. Mais je peux dévoiler que je suis la fille d'un docteur et ma mère était une pianiste accomplie. J'ai donc passé mon enfance entourée de gens doués... J'ai commencé à écrire sérieusement très tard dans la vie. Je dois aussi ajouter que j'ai beaucoup voyagé et que j'ai vécu dans de nombreux pays... J'ai passé dix-huit ans de ma vie à l'étranger c'est seulement de retour au pays que je suis tombé amoureuse de l'écriture... Ma première œuvre est « Le Prix de la Paix ». Ayant donc longtemps vécu, j'ai vu et constaté un contraste affligeant comparé aux souvenirs que j'avais... Le téléfilm réalisé d'après ce premier écrit a été axé sur cette détresse. Plus tard, bien sûr, j'ai varié mes thèmes, mais le premier était un cri d'angoisse, le cri d'une femme qui n'a plus trouvé ce qu'elle avait laissé derrière elle, en quittant son pays... « La Pécheresse » est une critique sociale. Ici, je suis moraliste. Mais depuis, j'ai abandonné la morale écrivant parce que je me suis dit que personne n'écoute, ou du moins, personne n'entend... C'est un triste constat des choses mais on est forcé d'admettre, comme l'a dit André Malraux, qu'en essayant de mesurer des valeurs humaines dans la bataille de l'humanité contre l'injustice et l'humiliation, les valeurs humaines disparaissent graduellement dans le temps... Il n'y a aucune ironie de ma part à propos du personnage du nain du « Cinquième sceau ». Mais il est, aussi bien physiquement que spirituellement déformé et laid. Cependant, à la fin du roman, il représente l'amour humain, la beauté spirituelle, la compassion et le désir de se sacrifier pour le bien-être d'un autre... Le nain dans « Le Pétale écarlate » est une personne réelle qui mobilise la société malgache qui est, de quelque façon, une liaison entre le monde moderne et l'autre monde, le monde du passé, celui de nos croyances. Car ce nain est un sorcier qui est devenu un guérisseur : il est le fils d'un guérisseur. Il représente quelque chose tout à fait différente du nain du « Cinquième sceau ». L'écriture est ma raison d'être. Quand j'écris, j'oublie parfois où je suis, ce que je fais. Et j'écris et écris encore et toujours... Un conseil pour les écrivains malgaches en herbe : écrivez parce que vous aimez le faire, mais, pour le moment, n'essayez pas de vouloir faire de l'écriture un métier. Car à Madagascar, la littérature ne nourrit personne. Pour ma part, je sens que, profondément ancré en moi, il y a un message que je dois communiquer afin de servir l'humanité. Mais étant donné mon milieu, mon environnement, je refuse inconsciemment cela. Ce que je dis est contradictoire mais je le crois c'est le cas. Cela n'exclut pas l'idée, quelque peu démodée, du désir de transmettre un message, du désir à être entendue, même si je dois prêcher dans le désert... Ma profession de sage-femme m'a énormément aidé parce que c'est une profession où on rencontre joie et douleur.
La joie simple des gens simples. Les gens parlent beaucoup de joie, de bonheur, mais je crois que nous devons chercher leur définition dans la vie quotidienne. Quand j'ai aidé des milliers de mères à mettre leurs bébés au monde, j'ai rencontré cette joie. Par ailleurs, dans ma vie quotidienne, je rencontre des gens qui vivent derrière une façade, qui porte un masque. Dans ma profession, les masques n'existent pas. Tout est ouvert. Il y a la compréhension totale. On voit tout : la douleur et la joie. Peut-être que c'est cette profession qui m'a appris à mieux comprendre les gens et à mieux écrire ».

Recueillis par Jeannot Ramambazafy (Madagascar-Tribune, 06/12/02)

Toutes les Å“uvres de Charlotte Rafenomanjato

Ouvrages publiés et inédits
Pièces de théâtre:
« Le prix de la Paix », prix RFI 1986, adapté à l'écran, présenté au festival des films africains à Montréal en 1988.
« La Pécheresse », prix RFI 1987.
« Le Prince de l'Etang », traduit en italien, présenté par la troupe malgache « Johary » au festival du théâtre africain en Italie et au festival des Francophonies à Limoges en 1988. Editions Buzoni.
« L'Oiseau de Proie », présenté par la troupe malgache « Mikanto » à Antananarivo lors du colloque sur la littérature malgache d'expression française en 1991.
« Le Troupeau », traduit en anglais, présenté par la troupe « Rodney Hudson/Hudson Scott » à New York lors du festival du théâtre contemporain. Editions Ubu Repertory Theater » 1991.
« Le Pain des Autres », sélectionné par RFI, 1989.
« La Paix du Purgatoire », inédit.
« Le Portrait et le Cresson », inédit.
« Boomerang », inédit.
« Plume et Plume », inédit.
« Le Cerveau », inédit.

Nouvelles et contes:
« Omeo zanako » (Donnez-moi mon fils), in Dominique Ranaivoson (éd.), Chroniques de Madagascar Saint-Maur-des Fossés, 2005, pp.21-30
« L'Adolescent », inédit.
« Doggy- bag », inédit.
« Rangory », inédit.
« Faly », inédit.
« L'Aquarium de Dieu », inédit.

Romans et Essais:
« Pétale écarlate », Société Malgache d'Edition, 1990.
Ce roman a été republié sous le titre « Felana » (Paris: le Cavalier bleu, 2005, 252p. ISBN: 2-84670-103-2).
« La Marche de la Liberté », Azalées/L'Harmattan, 1992.
« Le Cinquième Sceau », L'Harmattan, 1994.
« Nanté, fille du néant », inédit.
« Kirihitra », inédit.

« La fracture », inédit.

« Ravalomanana Marc, de Président de la rue à Président du Palais », Azalées, éditions de l'Ile de la Réunion, 2002.
« Ravalomanana Marc, de Président de la rue à Président du Palais (Tome II) », 156 p. Achevé en novembre 2005. Pas encore édité.
« Cet ouvrage est le second tome d'un de mes livres édité chez Azalées éditions de l'Ile de la Réunion en novembre 2002 sous le titre de : « Ravalomanana Marc, de Président de la rue à Président de palais ». Une narration et illustration de la crise politico-sociale malgache de cette époque, dont la première investiture du candidat Ravalomanana le 22 février 2002 après sa déclaration dans la rue qu'il s'emparait du pouvoir, suivie immédiatement par la constitution d'un gouvernement insurrectionnel. La seconde investiture officielle s'est faite le 6 mai de la même année grâce à la ténacité et au stoïcisme (plus de 200 morts) des centaines de milliers de Malgaches, dont l'imbécile écrivain que je suis, qui ont vu en Monsieur Ravalomanana le "messie" qui les mènera vers la terre de dignité. "N'aies crainte, crois simplement", "vérité et sainteté", tels ont été les slogans ressassés par notre Panurge national du moment aux moutons que nous étions ! » (Introduction de l'ouvrage)
« Sang pour sang, vie pour vie », Antananarivo: Société malgache d'édition, 2003, 237 p.
« Les Amants d'Iarivo, Mpifankatian'i Iarivo », Antananarivo: Société malgache d'édition, 2004.
Poésie
« Moi, môme errant, recueil de poèmes », inédits.
« Amertumes », recueil de poèmes, inédit.

Par la force des choses, elle monta sur la scène politique en ayant été membre du parti Rassemblement des forces nationales (RFN), au coté de l’ancien ministre José Rakotomavo, et des pasteurs Max Rafransoa, et Edmond Razafimahefa. S’étant sentie « piégée », elle rejoindra le mouvement orange d’Alain Ramaroson.

Voici les derniers paragraphes de son ouvrage « Ravalomanana Marc, de Président de la rue à Président du Palais (Tome II), pages 145 et 146 :
(…) Au Président de la République malgache en exercice Ravalomanana Marc, nous disons : notre pays et notre peuple ont assez souffert. Gardez le peu de dignité qui vous reste, démissionnez. Nous ne voulons plus de cette HAINE que vous distillez pour nous diviser ; de ces exclusions et de ces discriminations religieuses et ethniques qui nous déchirent; de cette PEUR permanente entretenue pour nous museler ; de ces injustices pour préserver vos intérêts personnels ; de vos MENSONGES et fausses promesses proférés quotidiennement même dans les temples et les églises. Ayez enfin conscience que ce sont vos incompétences et vos GABEGIES qui ont détruit notre économie et notre social.
Voyez-vous, beaucoup ne vous craignent pas, ne vous craignent plus. Ma modeste personne entre autres. Votre règne prend fin. Des Malgaches jeunes, compétents et intègres, des hommes d’Etat, sont prêts à prendre la relève dans le respect de la transparence et de la démocratie. Adieu Monsieur, partez et vite. Vous avez accumulé assez de richesses dans des pays étrangers pour vivre dans l’opulence jusqu'à la fin de vos jours. Laissez-nous la terre de nos ancêtres que vous ne parviendrez jamais à vendre. Nous savons que le miroir du diamant et du pétrole vous fascine et vous envoûte. S’ils existent, laissez les aux enfants malgaches, ils en ont grand besoin. Quant à nous, que le Tout Puissant nous aide, nous aidera, à sortir du gouffre où vous nous avez emmenés.
Ce 6 Novembre 2005
RAFENOMANJATO Charlotte-Arrisoa

Charlotte ne vivra donc pas physiquement la suite des évènements… Elle a été inhumée dans son caveau familial à Ambohimasina Ambohimalaza, le vendredi 6 novembre dernier au mausolée d’Ambohimalaza. Ce, après messe en la cathédrale catholique Antanimena, en présence de l’ancien président Zafy Albert. Au nom de toute l’équipe rédactionnelle de madagate.com, je présente nos plus profondes condoléances à ses enfants et petits-enfants.

Jeannot Ramambazafy
Journaliste

 

 

 

 

Mis à jour ( Lundi, 17 Novembre 2008 07:08 )  
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