Décidément, la communication ne passe vraiment pas au sein de la Haute Autorité de la Transition de Madagascar. C’est le cafouillage total quant aux intentions réelles du Président Andry Rajoelina qui s’emmure dans un silence incompréhensible. Ainsi, les rumeurs vont bon train, qui constituent la base des informations sur la situation. D’un, côté des médias qui divisent les institutions de la Transition et qui pratiquent une malhonnetêté intellectuelle sans bornes, et de l’autre, des interprétations à l’intérieur même de la HAT sur lesquelles l’opinion ne sait plus comment les assimiler.
Annick Rajaona, Porte-parole de la Présidence de la HAT
Au milieu, comme sortie d’une boîte à malice, la porte-parole de la Présidence, Annick Rajaona surgit, qui annonce une nouvelle approche. Ce, après la démission, acceptée, de Ny Hasina Andriamanjato, vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères. Encore une réaction tardive. Pourquoi ne pas en avoir parlé dès le retour de la visite « privée » en France ? Pour la petite histoire, Annick Rajaona, a longtemps œuvré dans le département communication de Ny Hasina Andriamanjato, du temps où il était l’inamovible ministre des Postes et Télécommunications sous Didier Ratsiraka.
Ainsi, dans une intervention sur Viva Télévision (JT du 22/02/2010 au soir) - soit quinze jours après le retour de France-, Annick Rajaona a donc annoncé que la HAT -le Président Andry Rajoelina surtout- va faire appel à la Commission de Venise. Sans dire pourquoi ni quand cette décision a été prise, elle a donné aux téléspectateurs, une petite leçon de choses. En matière de communication, ce n’est pas comme cela qu’on s’y prend. En tout cas, qu’est-ce que cette Commission de Venise ? Ayant fait nos propres recherches, découvrez alors cette entité européenne.
Venise, la ville des amoureux par excellence
La Commission de Venise est le nom usuel de la Commission européenne pour la démocratie par le droit. Créée en 1990, elle se réunit à Venise, d’où son appellation. Cette Commission constituait un accord partiel par 18 Etats membres du conseil de l’Europe. Mais, depuis février 2002, l’accord s’est élargi, permettant à des Etats non européens de devenir membres de la Commission. Déjà une question : depuis quand Madagascar fait-elle partie de cette Commission de Venise ? Aucune réponse de la part de la porte-parole. Et la Grande île ne figure pas dans la liste officielle des pays non européens membres. A ma connaissance.
Sur quoi table alors la HAT ? La mission de la Commission de Venise est de contribuer à « la diffusion du patrimoine constitutionnel européen, fondé sur les normes fondamentales du continent, tout en continuant à assurer aux Etats le « dépannage constitutionnel ». Jusqu’ici, rien de « palpable » ni de concret. A moins que la HAT compte sur ceci : « La Commission de Venise a évolué progressivement vers une instance de réflexion indépendante reconnue internationalement ». Une instance de REFLEXION. Et le grand problème est qu’une partie de l’Union européenne, elle, ne reconnait pas la HAT.
Mais c’est vrai : la Commission de Venise « joue un rôle unique dans la gestion et la prévention des conflits, à travers l’élaboration de normes et de conseils en matière constitutionnelle ». Cela signifie que le Président Andry Rajoelina va s’en tenir à l’organisation des élections législatives annoncée. Mais coincé entre l’enclume de la désinformation et le marteau des sanctions éventuelles, aura-t-il les reins solides et surtout les arguments nécessaires pour mobiliser la majorité des citoyens, y compris les ennemis venant de l’intérieur ?
Michel Camdessus, Directeur général du FMI, du 16 janvier 1987 au 14 février 2000
En bref, tout cela traduit un manque flagrant de coordination entre ce qui se dit et se qui se fait, dans le cadre des avancées vers une sortie de crise effective, conformément à la volonté de la majorité du peuple malgache qui aspire au changement. Comme l’a dit, un jour, Michel Camdessus, en visite à Madagascar : " Plus j’entends et moins je comprends ". Une séance d’explication claire et sans détour s’avère nécessaire sinon incontournable de la part d’Andry Rajoelina qui, au fil des jours, rallonge le temps entre la réflexion, la décision et l’action. 2010, déjà année des 50 ans de l’Indépendance recouvrée, doit être l’année des élections vers la IVè république. Dans le cas contraire, vive la… dépendance !
Jeannot RAMAMBAZAFY - 13 février 2010