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Madagascar : pour une IVème République crédible

Les faits sont là avant que les jeux soient faits : quoi que l’on dise ou médise ici et là, tout le monde, la majorité des Malgaches de Madagascar comme les membres de la Communauté internationale sont d’accord sur un point : il faut aller aux élections, seule et unique voie vers le retour constitutionnel, une constitutionnalité dont la rupture a eu lieu le 17 mars 2009 par la démission de Marc Ravalomanana qui avait remis les pouvoirs à un « directoire militaire ». La IIIè république -qui comportait tout de même trois parties- a les deux pieds dans la tombe. Bientôt on s’écriera ; Vive la IVè République.

Pour le moment, les débats stériles et les faux problèmes apparaissent, au nom de cette sacrée démocratie mise en application à toutes les sauces. Jusqu’à en oublier que nul n’est censé ignorer la loi que la liberté des uns s’arrêtent là où commence celle des autres. Cela dit, il faut passer aux choses plus réalistes, plus visionnaires et ne pas stagner sur des considérations sentimentalistes liées à un culte de la personnalité qui rend aveugle, sourd mais pas muet…

L’Observatoire de la Vie Publique (siglé SEFAFI en malgache) a rédigé un texte qui mérite d’être connu du monde entier et des décideurs particulièrement. En voici de très très larges extraits. Où il est vraiment intéressant de savoir ce qu’il faudra intégrer à la nouvelle constitution de la future IVè République de Madagascar.

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA

SeFaFi

Observatoire de la Vie Publique

Rue Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo

Tél. : 22 663 99 Fax : 22 663 59 Email : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

(…) En faisant savoir qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle « pour terminer la transition dans la neutralité », le président Andry Rajoelina a ajouté que « la crise ne date pas d’aujourd’hui, mais de 50 ans ; 50 ans d’hypocrisie, de mauvaise foi, d’égoïsme, de mensonges, de

tromperies ». Ce jugement, hélas, rejoint celui des observateurs de la vie politique malgache, quels que soient leurs convictions politiques ou leurs choix idéologiques. C’est de cette maladie chronique dont le pays a besoin de guérir, de cette mauvaise gouvernance dont il doit se défaire au plus vite. Oui, la décision d’Andry Rajoelina va dans le bon sens, celui de l’honnêteté intellectuelle et du respect de la parole donnée en politique - même s’il a laissé planer le doute un peu trop longtemps.

Préparer une IV° République crédible

S’il est une chose sur laquelle la grande majorité des concitoyens sont d’accord, c’est bien la nécessité de tourner la page d’un passé peu glorieux, de mettre en place de nouvelles institutions et de voir émerger une nouvelle classe politique aux comportements plus éthiques et plus patriotes. Pour cela, il faudra accroître le contrôle des responsables à tous les niveaux, du Fokontany (quartier) au sommet de l’État - la priorité étant de sanctionner enfin les contrevenants, notamment en matière de détournement d’argent public. Depuis un demi-siècle d’indépendance en effet, les citoyens savent que la corruption est généralisée dans les sphères du pouvoir et des forces armées, et que les dirigeants, anciens comme nouveaux, ne recherchent que leur intérêt personnel, et étalent un style de vie que leurs revenus déclarés ne sauraient justifier. Mettre un terme à ces pratiques sera long et difficile. Pour y arriver, à défaut de conscience éthique de la part de la classe politique, il existe deux moyens : une société civile organisée et politiquement neutre, qui ait le courage de dénoncer les dirigeants dévoyés ; et une constitution qui garantisse efficacement les droits et libertés des citoyens tout en limitant de manière irréversible les dérives majeures du pouvoir. Un dialogue national doit dégager les idées directrices permettant aux experts de rédiger la constitution de la IVème République. Sans prétendre se substituer à ceux qui assumeront cette lourde responsabilité, il a semblé opportun au SeFaFi de suggérer quelques points essentiels à la bonne gouvernance attendue et aux libertés imprescriptibles des citoyens. Garanties par la Constitution, à l’instar du caractère républicain de l’État, ces dispositions ne devraient pouvoir faire l’objet d’aucune modification ultérieure :

- Laïcité de l’Etat,

- Séparation effective des pouvoirs,

- Indépendance sous contrôle de la justice,

- Possibilité d’empêchement définitif du président de la République,

- Responsabilité pénale, pour tous les dirigeants politiques, des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions,

- Interdiction de cumul des mandats électifs, et d’un mandat électif avec une responsabilité nationale,

- Age minimal (35 ans) et maximal (65 ans) pour être candidat à la présidence,

- Limitation de la durée (5 ans) et du nombre (2) des mandats présidentiels,

- Déclaration obligatoire de patrimoine pour les responsables élus ou nommés à un poste national,

- Interdiction de se représenter à la prochaine élection législative pour un député qui change de parti pendant la législature,

- Incompatibilité du statut militaire (Armée, Gendarmerie, Police nationale) et de l’exercice d’une fonction politique,

- Liberté d’expression et de manifestation,

- Liberté de la presse publique et privée, et adoption d’un Code de la Communication qui impose les principes éthiques de la profession,

- Elections libres et transparentes, réglées par un Code électoral et une CENI crédibles,

- Transparence du financement des partis et des campagnes électorales,

- Pérennité du calendrier électoral, hors de la saison des pluies,

- Statuts pour les partis politiques, pour l’opposition, pour les anciens Présidents,

- Transparence dans l’utilisation de l’argent et des biens publics,

- Décentralisation avec pouvoirs et ressources financières clairement définis,

- Publication intégrale des contrats passés par l’État, concernant l’exploitation des ressources naturelles du pays (minières et halieutiques, terres, bois, etc.).

La liste n’est pas exhaustive, et certains points mériteront d’être approfondis et précisés. En toute hypothèse, les abus et les déconvenues du passé devront être pris en compte, pour que la constitution de la IVème République garantisse efficacement les droits des citoyens, réponde aux légitimes aspirations de la population et garantisse le fonctionnement d’un État efficace et juste. Dans ces conditions, les souffrances et les conflits de la Transition n’auront pas été inutiles.

SEFAFI, Antananarivo, le 14 mai 2010

Le passage concernant tous les points de la constitution (en rouge) ont donc été bafoués durant 50 ans. Par exemple pour la possibilité d’empêchement définitif du Président. Zafy Albert l’avait intégré dans la loi fondamentale. Il a été le premier et le dernier à en avoir fait l’objet. Car de retour aux affaires, en 1996, Didier Ratsiraka a vite fait d’organiser un referendum constitutionnel. Les provinces autonomes sont apparues mais la motion d’empêchement présidentiel a été effacée à l’insu des Malgaches ignorants puis ignorés sinon méprisés par la suite. Car ce sont eux qui sont passés aux urnes en toute méconnaissance de cause. Normal s’ils sont descendus quatre fois dans les rues (1972, 1991, 2002 et 2009). Passons le tour de passe-passe de Marc Ravalomanana (referendum d’avril 2007 lui ayant permis de diriger le pays à coups d’ordonnances pour « cause déterminante ». Mais elle n’a jamais été déterminée). Glissons enfin sur cette Haute Cour de Justice qui n’a jamais été mise en application en 50 ans de dépendance économique et financière vis-à-vis des bailleurs de fonds….

Ces points de la Constitution font jolis en français. Mais pour qu’ils soient réellement inscrits dans la nouvelle loi fondamentale, il sera impératif, ici et maintenant, de les traduire en malgache et de les diffuser dans toutes les régions de la Grande île. Car ce sont bien les Malgaches de Madagascar qui votent et non pas Joachim Chissano and Co et les membres de la communauté internationale incluant Niels Marquardt, déjà sur le départ, ou encore Louis Michel. N’est-ce pas ? Car jusqu’ici, on semble vraiment oublier que c’est l’avenir de 20 millions de Malgaches et de leurs descendants qui est en jeu et que ce sont eux qui décideront et choisiront en dernier ressort. Attention alors aux (mauvaises) surprises car le peuple est sûrement versatile mais il n’oublie JAMAIS. Et, à bien y réfléchir, Madagascar c'est exactement le monde chanté par mon ami Georges Moustaki (avec qui j'ai dîné en 1972 à Antananarivo) : celui des rois serviles et des mendiants orgueilleux.

Jeannot RAMAMBAZAFY

Mis à jour ( Mardi, 18 Mai 2010 09:40 )  
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