Avec comme thème : « Etat de droit par l’instauration d’une Justice indépendante, crédible et respectée », ces Premières Assises nationales jamais organisées par le Corps de la Magistrature et du SMM (Syndicat des magistrats de Madagascar) dureront 3 jours (8 au 10 février 2012, marque une volonté manifeste d’en finir avec les problèmes qui minent de domaine. A l’image du discours, ci-après, du Président du SMM, Marius Auguste Arnaud.
Au micro, Marius Auguste Arnaud, actuel Président du SMM
« Suite aux évènements de Toliara, du 09 décembre 2011, le corps de la magistrature a entrepris en son sein, un long travail de réflexion et de remise en cause. L’assassinat de Rehavana Michel, précédé par son enlèvement dans l’enceinte même d’une juridiction, et la barbarie avec laquelle des éléments armés de la Police Nationale l’ont torturé à mort, nous a fait profondément réfléchir.
Nous en sommes arrivés à la conclusion que l’Etat de droit, tant scandé par les politiques quand besoin est, et qui semble être protégé par les Constitutions successives depuis 1992, ainsi que les autres textes en vigueur, est loin d’être une réalité.
Nous ne sommes pas ici pour polémiquer mais rendons-nous à l’évidence : la Justice malgache a perdu la place qui devrait être la sienne : Où est aujourd’hui son Autorité ? Qu’en est-il de son Indépendance ?
L’affaire Rehavana a mis au grand jour les atteintes intolérables portées à l’autorité de la Justice et qui mettent gravement en péril l’équilibre des pouvoirs. Quant à l’indépendance de la Justice, elle ne se limite pas à son inscription dans la Constitution. Elle doit être suivie d’engagements concrets par l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Les magistrats malgaches ne nient pas l’existence de dérives au sein du corps. Toutefois, nous constatons que les atteintes les plus graves au principe de la séparation des pouvoirs et donc, à l’indépendance de la Justice, émanent de l’Exécutif et du Législatif.
L’Exécutif, fort de son ascendance naturelle, en tant qu’autorité tutélaire, s’adjuge de véritables pouvoirs de décisions à l’endroit de la Magistrature : immixtion de l’Exécutif dans la gestion des carrières des magistrats à travers le CSM ; fréquentes interventions dans les affaires judiciaires, accompagnées d’intimidation et de menaces, parfois liées aux origines ethniques des intéressés ; multiplication des organes de contrôle de la Justice dont les missions sont parfois perverties ; insuffisance des moyens mis à sa disposition.
Le Législatif, plus motivé par ses avantages que par ses véritables fonctions, met la justice au service d’intérêts politiques et personnels en tentant d’instrumentaliser l’appareil judiciaire pour se soustraire à ses responsabilités, dans certains cas, pénales.
A la suite de ces constats, les présentes Assises auront comme principaux objectifs de trouver des solutions concrètes à tous les maux qui minent la Justice Malagasy. Le moment est venu de partir sur de nouvelles bases pour asseoir véritablement une justice indépendante, impartiale, crédible et respectée.
Le fait que l’organisation de ces Assises émane des magistrats eux-mêmes, est un gage de notre bonne volonté de lutter contre les défaillances internes de la Justice, de lutter contre la corruption et de refuser toute pression, d’où qu’elles viennent, sur le fonctionnement normal de la Justice. Et votre présence massive aujourd’hui dans cette salle, témoigne de l’importance vitale que nous accordons tous à l’instauration d’un Etat de droit en vertu duquel Gouvernants et Gouvernés sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d’une Justice indépendante.
J’appelle de mes vœux une justice qui soit enfin au service du Vahoaka Malagasy au nom duquel toutes les décisions juridictionnelles sont rendues, et que dorénavant, tous les principaux acteurs de la Justice, les magistrats en premier, prennent acte de leur serment qui implique un service désintéressé au profit des justiciables et conformément à la loi.
Nous sommes conscients de l’ampleur du défi à relever et c’est la raison pour laquelle nous lançons un appel solennel à l’endroit de vous tous, hauts responsables, décideurs et société civile ici présents aujourd’hui, pour appuyer cette démarche qui va dans le sens d’une meilleure gouvernance démocratique.
Excellences Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre aimable attention ».
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Reportage : Jeannot Ramambazafy - Harilala Randrianarison