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Rwanda. Comprendre le génocide de 1994, il y 27 ans le 7 avril

Ce n’est vraiment plus la joie dans de nombreux foyers à travers la planète Terre. L’actuelle pandémie -et qu’importe son nom- a réussi à empêcher de rendre un dernier hommage aux familles des défunts subits. L’ambiance n’est donc plus à la joie. Et même si l’on sait pertinemment que l’on mourra tous un jour ou l’autre, mais sans savoir d’avance quand, où et comment, l’ambiance actuelle sur les cinq continents est devenue… mortelle.

Y-a-t-il eu pire dans le passé ? Certainement, si l’on pense à la peste noire, au milieu du XIVème siècle, en Eurasie, Afrique du Nord et Afrique subsaharienne et la grippe espagnole qui a ravagé l’Europe de mars 1918 à juillet 1921, en tuant entre 50 et 100 millions de personnes. Plus que les deux guerres mondiales réunies. Mais dans ce dossier, et pour être dans l’actualité, je rappelle ce qui s’est passé au pays de Paul Kagamé, à partir du 7 avril 1994, il y a 27 ans déjà, date pour date, ce 7 avril 2021. En espérant que cela fera réfléchir les fanatiques de Marc Ravalomanana et leur manière de traiter leurs adversaires -Malagasy comme eux, pourtant- de « foza » (crabes)…

C’est, en effet, à l’aube du 7 avril 1994 que débuta le génocide au Rwanda. Il a été déclenché suite à l'assassinat du président rwandais, Juvénal Habyarimana, un Hutu. Alors que la haine des Tutsis était ancrée dans l’esprit de la population - entretenue par les médias, particulièrement Radio Télévision Libre des Mille Collines - l'assassinat du président Habyarimana a été une occasion pour les Forces armées rwandaises (FAR) et les miliciens extrémistes hutus pour appeler la population à l'extermination des Tutsis. L’ensemble de la population hutue a été encouragée à participer aux massacres de près d'un million de femmes, d'hommes et d'enfants, assassinés par leurs voisins ou leurs proches.

Après les tentatives de destruction des Arméniens et des Juifs d’Europe, le génocide des Tutsis, en 1994, est le dernier des génocides du XXe siècle. En trois mois, il causa la mort de près d’un million de victimes. Il a eu lieu du 7 avril au 17 juillet 1994. Historiquement, Il s’inscrit dans un projet génocidaire latent depuis plusieurs décennies, à travers plusieurs phases de massacres de masse, et stratégiquement dans le refus du noyau dur de l’État rwandais de réintégrer les exilés Tutsis, objet de la guerre civile rwandaise de 1990-1993. Ainsi, à l’instar des génocides précédents, celui des Tutsi a commencé par une phase de stigmatisation de la population, s’est poursuivi par la persécution qui allait déboucher sur la mise à mort.


Pour autant, ce meurtre de masse caractérisé, avait ceci de particulier : il est le premier « génocide de proximité » car les bourreaux et leurs victimes étaient des voisins. Mais pourquoi ce massacre a-t-il eu lieu ? Il faut remonter à l’époque de la colonisation du pays. Sous domination allemande dès le début du XXème siècle, le Rwanda avait subi les tourments angoissants d’une idéologie ethnologique déjà prégnante, qui, progressivement, allait « racialiser » ce qui étaient avant tout des groupes sociaux partageant tous la même langue et la même culture. Les Tutsis (pasteurs, parmi lesquels se trouve la royauté) vont être désignés comme supérieurs aux Hutus (cultivateurs) et aux Twas (cueilleurs), et seront réputés issus d’une origine différente de celle des Hutus et des Twas. Cette vision racialiste de la réalité rwandaise fait écho à la théorie hamitique, selon laquelle les éléments civilisationnels présents en Afrique sont le fait de l’apport de peuples non pas spécifiquement africains mais ayant des racines lointainement européennes.

À la fin de la première guerre mondiale, la Belgique a pris la place de l’Allemagne dans la colonisation du Rwanda, et ne trouva rien à redire à cette situation qui lui paraissait bien établie. D’un côté, les Tutsis avaient accès à l’instruction et occupaient des postes à responsabilités dans l’administration. De l’autre, les Hutus cultivaient la terre et restaient cantonnés aux classes socioéconomiques inférieures. Cette discrimination raciale alla plus loin lorsqu’en 1931, le colonisateur belge décida de mettre en place une carte d’immatriculation désignant l’ethnie d’origine des Rwandais. Dès lors, les habitants avaient été caractérisés par leur origine : soit tutsie, soit hutu soit twa.

C’est alors que, dans les années 1950, les Tutsi en sont venu à réclamer l’indépendance. Le colonisateur belge, qui s’était appuyé sur les Tutsis pour l’administration du royaume, s’inquiéta de leurs prétentions. Ils jugèrent l’indépendance prématurée et, pour la différer, encouragèrent les revendications hutues. C’est ainsi que des Hutus reprirent à leur compte la théorie hamitique. Selon eux, les Tutsi seraient des intrus venus de la région du Nil… et ils les ont invités à y retourner. Le 1er novembre 1959, jour de la Toussaint, la tension déboucha sur une révolution sociale qui permit aux Hutus de prendre le pouvoir.

Cette « Toussaint rwandaise » amena à des dizaines de milliers de morts, essentiellement des Tutsis. Un nombre équivalent de Tutsis se réfugia dans les pays voisins (Ouganda, Congo, Burundi). Ils s’installèrent dans des camps, au pied des hauts plateaux rwandais, par nostalgie de leurs pâturages et de leurs troupeaux. En 1962, le pays devient officiellement indépendant, sous un pouvoir dominé par les Hutus. Mais les exodes de Tutsis, les incursions de réfugiés et les massacres se poursuivirent durant toutes les années 1960.

En 1972, dans le Burundi voisin limitrophe, où les Hutus tentèrent de suivre l’exemple rwandais, l’armée répliqua durement. 100.000 Hutus furent massacrés et les Tutsis conservèrent le pouvoir. A la fin de ces dramatiques évènements, le président rwandais de l’époque, Grégoire Kayibanda, fut accusé par les Hutus ultras d’être « trop tendre avec les Tutsis » avec lesquels il ne rejetait pas de négocier. L’année suivante, le 5 juillet 1973, un coup d’État pacifique renversa Kayibanda et amena au pouvoir le général Juvénal Habyarimana, alors ministre de la Défense. Il s’agissait d’un pratiquant d’une politique de dureté à l’égard des Tutsis.

Le 30 septembre 1990, en Ouganda voisin, des militaires tutsis appartenant au « Front Patriotique Rwandais » (FPR) quittèrent leurs casernes et pénétrèrent au Rwanda en vue de récupérer la terre de leurs ancêtres. Ces exilés déterminés, convertis à l’Anglais, attirèrent l’attention des Américains au moment où ceux-ci commençaient à s’intéresser à l’Afrique…

Ce fut l’affolement à Kigali, dans le clan Habyarimana, où l’on commençait à plier bagages. Or, ce moment précis, voilà que le président rwandais reçoit l’appui inespéré de François Mitterrand, président de la République française, qui, en juillet 1992, a reçu son homologue rwandais à l'Elysée. Quelques centaines de parachutistes dissuaderont les soldats Tutsis de Paul Kagamé de poursuivre plus avant leur offensive. Le régime est sauvé. Mais pas pour longtemps.

En prévision de l’ultime affrontement, que chacun savait inéluctable, le « Hutu Power » du Général Habyiarimana forma dans tous les villages une milice hutue : les Interahawe. Habyarimana porta aussi le nombre des « Forces armées rwandaises » (FAR) de 5.000 à 35.000 hommes. Et les combats reprirent de plus belle. Sentant l’imminence d’un grand danger, le gouvernement français décida de passer le relais à l’ONU. Le 4 août 1993, les frères ennemis entamèrent des négociations à Arusha, en Tanzanie voisine. 2.500 Casques bleus ont été déployés au Rwanda et les militaires français se sont retirés.

Dans ce contexte, alors que le multipartisme autorisé en 1991 permettait à l’opposition de se manifester, le pouvoir hutu développa une propagande haineuse qui prépara psychologiquement la population au génocide. Le rôle de conditionnement des médias – la Radio Télévision Libre des Mille Collines en tête- comme le poids des mots fut déterminant. Les Tutsis furent assimilés à des insectes nuisibles – des cafards – dont il fallait se débarrasser. Ce processus d’animalisation déboucha, en avril, lorsque commença le génocide, sur une chasse au « gibier » suivie d’une mise à mort des victimes, abattues avec cruauté et comme du bétail.

Le déclencheur du génocide a été l’attentat, le 6 avril 1991 à Kigali, contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana. Attentat qui le tua ainsi que son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira. L’attentat avait, sans doute, été perpétré par les extrémistes hutus, refusant le processus d’Arusha et donc le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis.

Le 7 avril 1994, la première ministre Agathe Uwilingiyimana – une Hutue modérée qui cherchait à éviter la guerre civile – est assassinée ainsi que 10 casques bleus belges de la MINUAR chargés de sa protection.  D’autres personnalités politiques hutues modérées sont assassinées par le « Hutu power », empêchant tout règlement pacifique de la crise. Des barrières sont dressées par des milices hutues à Kigali puis dans le reste du pays, et, au vu de leurs cartes d’identité, les Tutsis sont systématiquement assassinés. En 100 jours, plus de 800.000 Tutsis ainsi que des Hutus modérés sont assassinés. Ces exécutions se poursuivirent durant trois mois.


Dans le Rwanda de l’époque, les ordres issus du gouvernement étaient relayés par les préfets, qui les transmettaient à leur tour aux bourgmestres, lesquels organisaient des réunions dans chaque village pour informer la population des consignes données, avec l’appui de gendarmes ou de soldats, ainsi que du clergé. Les ordres étaient aussi transmis par la Radio Télévision Libre des Mille Collines qui encouragea et guida, jour après jour, heure par heure le génocide, dénonçant les Tutsis encore vivants à tel ou tel endroit. Les FAR (Forces Armées Rwandaises) participèrent largement aux massacres dans lesquels les fers de lance ont été les milices Interahamwe créées par le parti du président Habyarimana deux ans plus tôt. La population, qui participa massivement aux massacres, utilisa essentiellement des machettes, des houes et des gourdins cloutés, les « outils ».

Des barrières étaient montées sur toutes les routes du Rwanda pour arrêter les fuyards qui furent massacrés sur place. Généralement les autorités locales, parfois sous la pression de hiérarchies parallèles organisées par les préfets, prétextaient la mise en sécurité des Tutsis pour les regrouper dans des lieux publics comme les stades, les bâtiments communaux, les écoles et les églises. Ensuite des groupes de miliciens achevaient les personnes, parfois précédés par les FAR qui commençaient « le travail » avec des armements adaptés, notamment des grenades. Enfin, les maisons de Tutsis étaient systématiquement visitées par les miliciens pour sortir ceux qui s’y cachaient, pour les massacrer.

Les massacres atteignirent des sommets dans l’horreur. L’ampleur du massacre : en trois mois, près d’un million de personnes ont été tuées ; sa cruauté : des femmes enceintes ont été éventrées pour tuer les fœtus ; la violence sexuelle fut fréquemment employée, des tueries eurent lieu au sein de familles mixtes ; le sadisme se manifesta dans de nombreux cas ; le nombre d’exécutants en fit un des événements les plus atroces du XXème siècle. Les massacres ne cessèrent complètement que courant juillet, mais on estime que 80 % des massacres ont été accomplis à la mi-mai. D’ailleurs, à partir du 16 mai 1991, les autorités locales ont normalisé la situation en ouvrant les services publics, les banques, les transports, etc.

Bien peu de Tutsis en réchappèrent. Ceux qui le purent, ont été celles et ceux qui parvinrent à se cacher suffisamment longtemps dans les marais et les forêts jusqu’à la déroute du « Hutu power » devant l’avancée du FPR ou qui furent protégés par des Hutus qui les cachèrent. La capitale, Kigali, a été prise le 4 juillet 1994 par le FPR. Les miliciens hutus et les FAR battirent en retraite au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo), suivis par deux millions de réfugiés hutus qui redoutaient les représailles du FPR.

Le 19 juillet 1994, un gouvernement fondé sur les derniers accords d’Arusha, mais dominé par le FPR, prit les rênes du Rwanda. Le président de la République et le Premier ministre sont des Hutus dits modérés. Celui qui a conduit le FPR à la victoire, le général-major Paul Kagamé, devint, à cette date, l’homme fort du Rwanda. En effet, il est devenu président de la République depuis le 24 mars 2000 à ce jour, après avoir été vice-président et ministre de la Défense de 1994 à 2000. Il était également président de l'Union africaine de 2018 à 2019.

Le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 est source de controverses et de débats tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la France et du Rwanda. La coopération militaire entre les deux pays remonte à 1975. La France a apporté un soutien militaire, financier et diplomatique au gouvernement hutu de Juvénal Habyarimana contre le Front patriotique rwandais, créé par les exilés Tutsi, pendant la guerre civile rwandaise débutée en 1990. Elle est soupçonnée d’avoir poursuivi ce soutien pendant le génocide des Tutsi au Rwanda. L’ampleur de ce soutien et son impact sur le génocide firent l’objet de vives controverses, en particulier entre les gouvernements français et rwandais et continuent d’influencer les relations diplomatiques entre les deux pays.

L’Opération Turquoise – opération lancée par la France pour officiellement mettre fin au génocide – est ainsi considérée comme une opération dont l’effet principal – sinon le but initial – a été, en retardant l’avancée du FPR, de permettre la fuite des génocidaires en dehors du pays. De la même manière, François Mitterrand, dans les semaines qui suivirent le génocide, évoqua « un double génocide », semblant renvoyer dos-à-dos un – réel – génocide contre les Tutsis et un – très imaginaire – génocide contre les Hutus. A partir de novembre 2007, le gouvernement français, sous le Président Nicolas Sakozy, a admis que « des erreurs politiques » avaient été commises, ayant empêché de prévenir ou d’arrêter le génocide. Puis, plus rien.

Le 26 mars 2021, une commission, composée de quatorze historiens, a remis un rapport « accablant » sur le génocide des Tutsis au Rwanda, au Président Emmanuel Macron. Ces recherches visent « à faire la lumière sur les actions de la France lors de ce massacre. Ce rapport pourrait ainsi marquer une étape importante dans les relations dégradées entre Paris et Kigali ». Que dire, sinon : qui vivra verra et lira…

Dossier de Jeannot Ramambazafy - Sources : archives rwandaises et françaises. Également publié dans "La Gazette de la Grande île" du mercredi 7 avril 2021



Mis à jour ( Samedi, 24 Avril 2021 09:34 )  
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