Dans mon dossier sur la dissolution incompréhensible et anti-patriotique de l’Institut de Gemmologie de Madagascar (IGM), j’avais effleuré le cas de sociétés historiques malagasy qui avaient disparues au gré des dirigeants, incluant le Réseau national des chemins de fer malagasy ou RNCFM. Dans ce dossier, je vous (re)parle de ce rail à Madagascar, dans le volet «nouvel envol partiel». Mais un peu d’histoire avant d’aller plus loin.
L’histoire des chemins de fer malagasy remonte à la colonisation. Ainsi, les premiers repérages de la ligne Tananarive Côte Est (TCE), dans le but de désenclaver la Capitale par le chemin de fer, ont été entrepris dès le lendemain de la prise de possession de la Grande Île par la France.Car il ne se passa que six ans avant le lancement des travaux. De 1901 à 1936, quatre lignes furent construites.Pour plus de détails, en voici en voilà de manière chronologique, et merci MADARAIL.
A Madagascar, les premiers rails furent posés à Anivorano le 1er avril 1901, et l’ouverture de la ligne reliant Brickaville à Antananarivo a été officialisée le 1er avril 1909. Le tout premier train arriva dans une gare de Soarano en pleine construction, qui fut inaugurée dans le courant de l’année 1910. Concernant le trajet Antananarivo-Antsirabe, les travaux ont débuté le 4 Mars 1912. Le tronçon Brickaville-Toamasina fut achevé le 6 mars 1913. Ainsi est née la ligne TCE pour Tananarive-Côte Est. Une autre ligne fut créée, à partir du 31 mai 1915 : la Ligne MLA pour Moramanga-Lac Alaotra qui a permis de relier la ville d’Ambatondrazaka à partir du 22 juin 1922. Pour la ligne TA reliant Antananarivo à Antsirabe, elle fut achevée officiellement le 15 octobre 1923.
En ce qui concerne la dernière ligne ferroviaire construite à Madagascar, sa construction a duré 10 ans, de 1926 à 1936, pour des raisons de difficultés budgétaires. Pour le colonisateur français, l’objectif était de «désenclaver l'Est du pays afin de favoriser l'exportation des produits agricoles malgaches vers l'Europe». Il s’agit de la ligne FCE qui relie la ville de Fianarantsoa à Manakara. Ce trajet est assez exceptionnel, sinon unique au monde, et il faut le faire au moins une fois dans sa vie, dit-on. Pour faire court, la ligne Fianarantsoa-Côte Est c’est : 163 km de voie ferrée, 18 gares, 48 tunnels (dont le plus long mesure 1.072 m), 67 ponts, 4 grands viaducs et… un aéroport. En effet, la ligne passe par la piste de l’aéroport de Manakara. Le parcours de la côte Est de Manakara à Fianarantsoa connaît un dénivelé de 1.200 m avec une pente allant jusqu’à 35%, qui constitue une des plus raides du monde.
En ce qui concerne la gestion du chemin de fer malagasy, son histoire est la suivante : le 28 Février 1944, une société ferroviaire est créée pour desservir les réseaux Nord et Sud. Il s’agissait de la Régie générale des chemins de fer d’Outre-mer ou RGCFOM. Le 1er janvier 1950, elle prend le nom de Régie des Chemins de fer de Madagascar ou RCFM. Puis, en 1974, l’Etat malagasy nationalise la RCFM avec, toutefois, le statut d’EPIC (Entreprise Public à Caractère Industriel et Commercial). Puis, dans la ferveur de la révolution socialiste n’ayant abouti à rien, le 6 mai 1982, le RFCM devient une société d’Etat et prend le nom de Réseau national des chemins de fer malagasy ou RNCFM. Et c’est bien le début de la fin du « Lalamby » (rail) à Madagascar. L’application des théories du « Boky Mena » (petit livre rouge résumant la charte de la révolution socialiste), a ignoré la valeur des acquis d’avant la naissance du parti Arema.
Durant plus d’une décennie, allant des années 1990 au début de l’an 2000, c’est la mise à mort de tout un système : le chemin de fer n’est plus entretenu, les matériels moteurs et remorqués ne sont plus fonctionnels ni même renouvelés. C’est le début des volte-faces nationalisation-Privatisation d’un régime en déclin. Quelques mois après sa chute, le régime du président Didier Ratsiraka, officier supérieur de marine, décide de privatiser le RNCFM. Le 10 octobre 2002, C’est la société COMAZAR qui signe «la Convention de Concession de Gestion d’Exploitation du réseau Nord» avec le pouvoir révolutionnaire. Il s’agit d’une entreprise fondée en 1995 par Eric Peiffer et Patrick Claes, en collaboration avec Transnet et Transurb Consult. Elle exploite des chemins de fer en Afrique (Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Ethiopie). Si le siège social de Comazar est à Johannesburg, son action est détenue majoritairement par le groupe d'investissement français Bolloré. Pour Madagascar, Comazar devient MADARAIL (contraction de Madagascar Railways) dont le siège est à Antananarivo.
Le 1er juillet 2003, sous le Président Marc Ravalomanana, opérateur économique, Madarail signe avec l’Etat malagasy une convention de concession de gestion d'exploitation des infrastructures et du patrimoine du RNCFM pour une période de 25 ans initialement prévue. A ce moment-là , la répartition des actions était la suivante : Madarail : 51,0% ; Manohisoa Financière: 12,5% ; Premier Immo : 9,0% ; Financière Aro : 2,5% ; État malagasy : 25,0%. En 2008, VECTURIS, un opérateur ferroviaire privé belge devient l’actionnaire majoritaire de Madarail et nouvel opérateur ferroviaire. A l’époque, 60 millions USD avaient été investis par Vecturis pour la réfection des lignes et la rénovation du parc ferroviaire, à travers des prêts de la Banque mondiale et de la Banque européenne et d’investissement. Jusqu’ici, aucun changement palpable n’est perçu par le commun des Malagasy, en tout cas et en ce qui concerne leur «lalamby». Certes, certaines gares ont été embellies mais détournées de leur fonction initiale qui est la vente de tickets de trains à travers des guichets vitrés et hall d’attente pour les voyageurs et les accompagnateurs. D’ailleurs, les trains de voyageurs n’existent même plus depuis fort longtemps et les actuels halls de gare sont tout ce que vous voulez sauf des halls de gare. Cependant, certains voyages spéciaux (via Micheline) pour touristes -étrangers surtout- sont organisés par Madarail. Il y a bien eu, il n’y a pas longtemps, un train très utile, pour public mais avec un wagon spécial, reliant Ambatondrazaka à Moramanga et vice versa, mais il a été abandonné. Le train «Dia Soa», pour le même trajet, n’est pas accessible à tous… Quant aux trains de banlieue, dont l’un desservait Anjeva -à 25 km à l’Est d’Antananarivo-, dénommé « medalinina » (omnibus). Ce n’est plus qu’un très lointain souvenir… Comme Soarano-Alarobia. Ici, même les rails ont disparu sous des constructions au niveau d’Ankorondrano.
En 2011, Madarail devient actionnaire majoritaire sous l’appellation de MADARAIL HOLDING. Vecturis reste toujours l’opérateur ferroviaire, malgré tout… En 2012, la répartition des actions est la suivante : Madarail Holding : 75% ; Etat malagasy : 25% restants. En 2013, Vecturis avait prévu, à nouveau, avec l'aide de soutiens d'institutions de prêts, d'investir 100 millions USD dans Madarail Holding Ltd.
Implanté subitement avec de grands moyens financier venus d'on-ne-sait-où... par le fils aîné du président expert-comptable alors en exercice,  cette "magnifique brasseries typique des années 20" ferme subitement ses portes du jour au lendemain... de la défaite de son père candidat Hery Rajaonarimampianina, lors du premier tour de l'élection présidentiel de 2018. Puis ce fils prodigue disparaît du territoire de Madagascar mais il est suivi à la trace, car tout se paie ici-bas, un jour ou l'autre
Sous le président Hery Rajaonarimampianina, expert-comptable, son fils aîné a exploité, à la gare de Soarano Antananarivo, un restaurant/brasserie dénommé «Café de la Gare». Après sa défaite à l’élection présidentielle de 2018, ce fils prodigue a subitement disparu et le fameux «Café de la Gare» a fermé ses portes définitivement, sans avertir quiconque. Ainsi, depuis l’existence de Madarail, les seuls mouvements visibles par la population malagasy, concernant leur «lalamby», consistent aux wagons de la Logistique pétrolière qui vont et viennent de la raffinerie de Toamasina à Antananarivo. Une raffinerie prestigieuse, fleuron du pays, devenue un lieu de dépôt et de stockage de produits pétroliers finis, importés d’on-ne-sait-où mais dont le prix à la pompe augmentait quasi mensuellement sous le régime du parti Hvm créé par Hery Rajaonarimampianina.
Puis vint la campagne électorale pour la présidentielle de 2018. Parmi les promesses du candidat n°13 figurait ceci : Modernisation de Madagascar comprenant le développement et la connectivité de nos routes, nos aéroports, nos ports, nos voies ferrées, ainsi que l’organisation et la sécurité du transport pour améliorer la circulation des biens et des personnes. C’est le «Velirano» 11). Les mêmes et habituels détracteurs et opposants pour le simple plaisir de s’opposer ont ri, disant qu’il ne s’agissait que de simples paroles en l’air. Mais, petit à petit, du matériel roulant est arrivé à Fianarantsoa sans besoin de tapage publicitaire. C’est Rfi qui annonce la couleur en mars 2020. Extraits d’un article de Sarah Tétaud, en date du 15 mars 2020 : « À Madagascar, c’est une livraison qui devrait bientôt changer le quotidien de milliers d’habitants. Vendredi 13 mars 2020, trois locomotives espagnoles de seconde main, sont arrivées par bateau dans le grand port de Tamatave. Elles sont destinées à la FCE, la ligne Fianarantsoa Côte-Est, la seule ligne de marchandises et de voyageurs encore en activité dans le pays qui relie la ville des Hauts-Plateaux à la cité côtière de Manakara… L’acheminement des trois locomotives entre Tamatave et Fianarantsoa devrait prendre encore plusieurs semaines. Des travaux sur ces motrices doivent aussi être réalisés afin qu’elles puissent s’adapter à l’écartement spécifique des rails de cette ligne mythique ».
En fait, ce sont quatre locomotives, issues de la ville de Balsameda, en pays basque espagnol, qui étaient arrivés à l’époque. Mais l’une servira de réserve pour y prendre des pièces de rechange pour les trois autres, en cas de panne. Par ailleurs, un viaduc de 200 m du côté de Sahasinaka et la réhabilitation de 60 km de voie ferrée était en cours en ce mois de mars 2020. L’autre fait, oublié par la majorité des médias d’ici et d’ailleurs, c’était l’arrivée de nouveaux wagons. Heureusement que moov.mg, le 11 mars 2020, a été perspicace. Lisez : « Le lot de quatre locomotives pour la ligne FCE a été commandé d’Espagne en septembre 2019. Les trois autres locomotives dont une sera transformée en pièces détachées ainsi que quatre voitures pour passagers arriveront à Fianarantsoa dans les semaines qui viennent. Des transformations et des modifications au niveau du système de freinage actuel des locomotives, lequel ne convient pas au contexte des voies ferrées de Madagascar, s’effectueront dès l’arrivée des pièces par bateau. L’avantage d’avoir trois locomotives permettra de bien distinguer les transports de passagers et les transports de marchandises. Le transport de passagers n’est pour le moment possible que jusqu’à Sahambavy à bord de la Micheline ». Oui, quatre voitures passagers, communément appelés wagons faisaient partie de la commande.
Le 3 mars 2021, en prélude à la Journée internationale de la Femme, la Première Dame de Madagascar, Mialy Rajoelina, a emprunté un de ces wagons pour rejoindre la commune de Sahambavy, à 23 km à l’Est de Fianarantsoa, tiré par l’une des quatre locomotives sur laquelle, la Présidente fondatrice de l’Association Fitia a pris une photo. Et le 5 mai 2021, ce fut autour du Président de la République, Andry Rajoelina, de concrétiser sa promesse électorale en ayant réceptionné officiellement les trois locomotives nouvellement acquises pour la ligne FCE, ainsi que le wagon présidentiel récemment réhabilité. Ces moyens de locomotions publics constitueront, sans nul doute, un levier de choix pour l’économie des régions Matsiatra Ambony et Vatovavy Fitovinany. Lors de son discours du jour, le Président Rajoelina a rappelé qu’il s’agit d’une promesse faite aux habitants des deux régions. « L’arrivée d’autres wagons pour être tirés par ces trois locomotives, aura lieu prochainement », a-t-il informé.
Par ailleurs, en parlant toujours de wagons, la CUA (Commune urbaine d’Antananarivo) en a offert 9 à la ligne FCE, le 11 mars 2021. Il s’agit d’une partie des 14 wagons offerts à la CUA par l’Ambassade suisse à Madagascar, dans le cadre d’un projet de train urbain, en 2006, il y a 15 ans, sous le maire Patrick Ramiaramanana. Actuellement, ce projet est remis au goût du jour par le maire Naina Andriantsitohaina, et ces wagons ne correspondent pas à son projet à lui. Car lorsqu’il était candidat à la mairie, M. Andriantsitohaina a prévu dans le point 4 de son programme qui en comprenant 8, la mise en place de nouveaux projets de transport urbain : tramway, téléphérique, trains de banlieue. Pour ces derniers, des aménagements sont en cours, en partenariat avec l’Etat malagasy.
Ligne FCE. Les regrettés tarifs d'antan pour les voyageurs de toutes les catégories sociales, pour les deux classes de wagons qui ont déjà existé à cette époque révolue
Pour en revenir à la ligne FCE, elle traverse les 18 communes des deux régions citées, qui sont : Fianarantsoa, Vohimasina, Sahambavy, Ampitabe, Ranomena, Andrambovato, Madiorano, Tolongoina, Amboanjobe, Ambinan- Manampatrana, Ionilahy, Mahabaka, Fenomby, Sahasinaka, Antsaka, Mizilo, Ambila, Manakara Gara et Manakara-Maritime. Depuis des décennies, elle ne disposait plus que de wagons délabrés et d’une seule locomotive. Les pannes techniques, de plus en plus fréquentes, ne lui avaient plus de transporter convenablement les quelque 250.000 passagers utilisant cette ligne annuellement. Par ailleurs, la FCE a toujours joué un rôle majeur pour faciliter l’évacuation et l’acheminement des produits agricoles des communes enclavées des deux régions. Concernant particulièrement la ville de Manakara, voici comment la décrit les entités spécialisées en tourisme : «Capitale administrative de la région Vatovavy-Fitovinany, cette ville côtière calme et paisible est aussi connue pour ses paysages naturels et son exceptionnelle biodiversité, ainsi que pour son incomparable patrimoine historique et culturel. Lors de votre circuit dans le sud-est de Madagascar, vous apprécierez fortement cette étape. Manakara se situe à proximité de l’embouchure de la rivière de Manakara. La ville dispose d’un petit port, construit en 1936, et est traversée par le canal des Pangalanes. Les activités quotidiennes des habitants consistent en la pêche, le tressage de nattes, la construction de pirogues et la fabrication de papier Antemoro. Ce produit fait la réputation de la région et sert à concevoir des parchemins, des carteries ou des cartes postales».
La boucle ferroviaire d'Anjiro (localité sur la RN2), avant, en haut, et par... la suite : totalement délaissée et défigurée par les outrages du temps et le je-m’en-foutisme humain
A présent, la question qui se pose est la suivante : sauf changement non communiqué, le contrat de gestion d’exploitation entre l’Etat malagasy et MADARAIL HOLDINGS arrivera à terme en 2028. Sera-t-il renouvelé avec d’autres avantages que celui donné aux infrastructures hôtelières et touristiques et aux produits pétroliers ? Ou bien ?... Qui vivra verra bien. Pour l’instant, le nouvel envol du « Lalamby malagasy» est partiel. Tiens, on devrait retenir ce nom une bonne fois pour toutes ! Non ?
Jeannot Ramambazafy - Également publié dans "La Gazette de la Grande île" du mardi 11 mai 2021