Dans le rĂ©cit de la Bible, les hommes de Babylone n'avaient quâune seule langue et ne formaient qu'un seul peuple. Mais un jour lâidĂ©e leur vint dâĂ©difier une tour qui atteindrait les cieux par sa hauteur, et leur permettrait ainsi d'accĂ©der directement au Paradis. On nomma cette tour la « tour de Babel », « babel » signifiant « porte du ciel » en hĂ©breu. Dieu les trouvant trop orgueilleux, les punit en leur faisant parler des langues diffĂ©rentes, si bien que les hommes ne pouvaient plus se comprendre, ne pouvaient plus communiquer entre eux. Sans directives communes prĂ©cises, ils furent contraints d'abandonner leur entreprise et se dispersĂšrent sur la Terre, formant ainsi des peuples Ă©trangers les uns des autres. Et câest en rĂ©fĂ©rence Ă ce rĂ©cit de la GenĂšse (chapitre 11) que l'on utilise parfois le terme « tour de Babel » pour parler d'un lieu oĂč rĂšgnent le brouhaha et la confusion, oĂč les gens ont des difficultĂ©s pour s'entendre, se comprendre. Car le mot babel a Ă©tĂ© rapprochĂ© au mot « bĂąlal » qui veut dire confus. La raison de cette dispersion Ă©tait que Dieu trouvait que les hommes Ă©taient emplis dâorgueil qui est, depuis, le pĂ©chĂ© originel numĂ©ro Un.
En cette fin du mois dâaoĂ»t 2011, câest cette atmosphĂšre « bĂąlal » qui rĂšgne Ă Madagascar. Au nom de la libertĂ© dâexpression, dans une situation de « crise » (mais laquelle exactement ?), tout le monde croit avoir ses solution, mais, tous comptes faits, sur ses problĂšmes personnels. Dans le domaine de la politique, tout est axĂ© sur un personnage et sur les sous, au nom du peuple malgache. Et la cacophonie est telle que le monde nâa plus que mĂ©pris pour ces intellectuels et politiques malgaches qui pratiquent une dystopie concernant lâavenir de leurs propres descendants. La dystopie sâoppose Ă lâutopie. Ainsi, au lieu de prĂ©senter un monde parfait, du moins meilleur, la dystopie propose un des pires qui puissent jamais exister.
Les mondes terrifiants dĂ©crits dans les romans de science fiction laissent Ă penser qu'une dystopie est, par dĂ©finition, la critique dâun systĂšme politique, d'une dictature sans Ă©gard pour les libertĂ©s fondamentales. En lâoccurrence, le dictateur est, ici, Andry Rajoelina, traitĂ© de tous les noms. En fait, la dystopie est une partie de la science fiction. Elle ne crĂ©e un avenir imaginaire qu'Ă fin d'exacerber des problĂ©matiques politiques, scientifiques, Ă©thiques ou existentielles contemporaines Ă ceux qui lâutilisent. Et ils sont si nombreux, croyez-moi, quâon ne sây retrouve plus. A croire que ces Malgaches (les premiers Ă voir tout en noir) ne sont pas des Malgaches. De lĂ Ă dire quâils ne sont que des apatrides intellectuels, il nây a plus quâun demi-pas Ă franchir. Selon la convention de New York du 28 septembre 1954 (jâavais un mois et demi !), le mot « apatride » (du prĂ©fixe privatif a- et du grec « patris » ou « terre des ancĂȘtres »), s'applique « à toute personne qu'aucun Ătat ne considĂšre comme son ressortissant par application de sa lĂ©gislation ». En clair, un apatride dĂ©signe une personne dĂ©pourvue de patrie, donc de nationalitĂ©.
Pour me faire comprendre dans mon terme « apatrides intellectuels », je prendrai lâexemple du groupuscule « Madagascar RĂ©sistance » du bon docteur Andriantavy Ă La RĂ©union. Tous leurs propos sur Madagascar, quâils prĂ©tendent aimer, sont dystopiques Ă outrance. Or, ils vivent Ă La RĂ©union, nâont jamais eu le droit de vote et ils ne sont mĂȘme pas Malgaches de nationalitĂ©. Leurs enfants ne parlent pas le malgache. Et le seul et unique but de leur dĂ©marche « bĂąbal » demeure la protection des intĂ©rĂȘts de Marc Ravalomanana qui leur a promis des sous, Ă©videmment. MĂȘme topo pour les membres du Gtt -surtout en France-. VoilĂ des « Malgaches » dont on nâavait jamais entendu parler avant mars 2009 et qui sont devenus Ă la fois « bĂąbaliques » Ă outrance et dystopiques invĂ©tĂ©rĂ©s pour dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts du mĂȘme prĂ©sident dĂ©missionnaire, Ă partir de mars 2009. Mais le coup de boomerang quâils vont recevoir, une fois le retour Ă la normale, câest quâĂ force dâattirer lâattention sur eux, les Renseignements gĂ©nĂ©raux français vont procĂ©der un grand coup de balayage au sein de cette diaspora « malgache » qui, jusquâau mois de mars 2009, Ă©tait rĂ©putĂ©e bien intĂ©grĂ©e sinon intĂšgre.
A Madagascar mĂȘme, les apatrides intellectuels croient et font croire que la Grande Ăźle sera un enfer sans eux. Et la dystopie « bĂąbalique » Ă©tend ses dangereux tentacules dans tous les domaines, tous les milieux. Ils ne devraient pas perdre de vue, la rĂ©alitĂ© suivante : en art martial, par exemple, tĂŽt ou tard, on trouvera toujours quelquâun de plus fort que soi, les techniques Ă©voluant. Mais ils ont toujours dans la tĂȘte les dĂ©clarations de Didier Ratsiraka, il y a plus de vingt ans : «  Mbola tsy teraka ny olona handimby aho ». Celui qui me remplacera nâest pas encore nĂ©. MĂŽssieur lâAmiral : personne nâest irremplaçable ici-bas. Tout le monde passe et trĂ©passe. Et voilĂ que tous les politiciens et autres intellectuels « malgaches » sâappliquent Ă dissĂ©miner un affreux pessimisme sans rime ni raison, sauf dĂ©fendre leur champion en espĂ©rant des sous Ă la clĂ©.
Dans le domaine des sous, justement, il sâagit de ceux des bailleurs de fonds dits traditionnels, bien Ă©videmment. Pour eux, dans leur esprit aussi tordu quâun boa constrictor, la reconnaissance internationale est synonyme de rĂ©ouverture du robinet de financements qui, Ă terme, endetteront encore plus les Malgaches sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Depuis dĂ©cembre 2009, Andry Rajoelina a prouvĂ© que le pays pouvait vivre (survivre diront certains) sans cette « manne » financiĂšre. Mais certains ont tellement Ă©tĂ© habituĂ©s Ă vivre avec quâils pensent que câest incontournable pour lâavenir du pays. Et ils tentent dâen persuader des « compatriotes » qui ne sont peut-ĂȘtre pas cons mais ne sont pas patriotes non plus⊠Devant cette situation aussi stupide que grotesque, le mutisme, voire le dĂ©dain de la communautĂ© internationale (restreinte Ă lâUnion europĂ©enne et les USA) est plus que normal. Elle campe sur une position dictĂ©e par des prises de dĂ©cisions incomprĂ©hensibles par elle, dans les domaines politique et diplomatique.
Elle ne comprend plus lâattitude dâAndry Rajoelina, coincĂ© par sa dĂ©marche de « fihavanana ». Plus de deux ans Ă espĂ©rer un changement dans les mentalitĂ©s et les pratiques de la politique, pour « lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de la nation », cela nâentre plus dans les critĂšres dâune transition qui est, comme lâa si bien dit le SĂ©nateur Jean Faure : « quelque chose qui est trĂšs court entre deux Ă©vĂšnements ». Alors, quand je lis dans les journaux locaux que le gouvernement « lance un ultimatum Ă la Sadc », jâenrage. VoilĂ une entitĂ© qui a suspendu Madagascar et qui, pourtant rĂ©clame sa part de cotisation. Qui, dĂšs lors, prend le peuple malgache pour un canard boiteux ? Tssss. Tout changement nĂ©cessite un grand chambardement. MĂȘme impopulaire sur le moment. Et çà , Andry Rajoelina ne pourra jamais y parvenir sâil persiste Ă prendre des pincettes. Dans les annĂ©es 1970, Didier Ratsiraka a dĂ©cidĂ© de fermer la station de la NASA dâImerintsiatosika. Tous les Malgaches nâen sont pas morts. Il a mĂȘme Ă©tĂ© applaudi. Câest ce genre de dĂ©cision qui manque au PrĂ©sident de la HAT, trop occupĂ© Ă entendre et surtout Ă©couter un entourage dont lâunique raison de vivre est de conserver les acquis. Non pas ceux de la rĂ©volution orange dont certains nâont mĂȘme pas fait partie, mais les acquis liĂ©s Ă leur fonction : voiture, indemnitĂ©s en tous genres, pouvoir et les abus qui vont avec. Au nom dâAndry Rajoelina, en prime, lorsquâils sont dĂ©masquĂ©s.
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Lorsquâon lance un ultimatum, il faut avoir du rĂ©pondant. Au Niger, ils ont lâuranium exploitĂ©, de maniĂšre plus quâavantageuse, par la France (Areva) et la Chine (China National Nuclear Corporation ou Cnnc). VoilĂ pourquoi leur transition, suite Ă un authentique coup dâĂ©tat militaire, nâa pas durĂ© longtemps. Le dĂ©dain de la Sadc peut ĂȘtre traduit par : « Nous en avons marre de vos maniĂšres « bĂąbaliques. DĂ©brouillez-vous entre vous ». Et la crise sâinstallera indĂ©finiment. De son cĂŽtĂ©, la CommunautĂ© internationale, ultra-dĂ©veloppĂ©e et structurĂ©e en matiĂšre de rĂ©glage de conflits, a en horreur les pouvoirs « faibles ». Ce nâest pas Andry Rajoelina, lui-mĂȘme, qui est faible, mais lorsque tous disent, il faut en finir, cela signifie : « allez aux Ă©lections ! ». Concernant le referendum du 17 novembre 2010, aucun membre de la CommunautĂ© internationale, pas plus que lâOnu, ne lâa rejetĂ©, respectant la souverainetĂ© de Madagascar. Mais ce sont les membres mĂȘmes de la tour de Babel malgache qui se font peur les uns les autres. MĂȘme Chissano y a mis du sien : « La communautĂ© internationale ne reconnaĂźtra aucune Ă©lection prise unilatĂ©ralement ». Pour semer la confusion, il nây a pas mieux. Aucun nâa plus dâarguments valables, solides. Tout le monde saute sur la moindre occasion, la moindre dĂ©claration pour « dystopiser » une situation dans laquelle seule la population malgache paie et paiera les pots cassĂ©s.
A ce stade, il nây a quâune et unique solution. Annoncer, avant le 31 aoĂ»t 2011 -dĂ©lai lĂ©gal- la tenue dâĂ©lections pour novembre 2011. La tour de Babel malgache redoublera de dystopie mais seul son vrai intĂ©rĂȘt primera. Et que veulent les plus de huit millions de Malgaches inscrits sur les listes Ă©lectorales ? Choisir ceux qui dirigeront le pays. Car, bien quâon pense quâils sont analphabĂštes et illettrĂ©s, pour mieux les infantiliser, ils savent que seules des Ă©lections mettront un terme Ă la pĂ©riode de transition et, par synergie, Ă la crise, avec le retour Ă lâordre constitutionnel. A prĂ©sent, et sachant tout cela, la question est de savoir qui a intĂ©rĂȘt Ă ce que cette transition se prolonge comme un jour sans pain ? A Andry Rajoelina de prouver que ce nâest pas lui. Sa mission originelle Ă©tait de conduire la transition entre la IIIĂš et la IVĂš rĂ©publique. Et de la mener Ă bien. Il est plus quâurgent quâil cesse dâĂȘtre menĂ© en bateau par des courtisans qui ne pensent quâĂ leurs avantages matĂ©riels et financiers qui risquent brusquement de disparaĂźtre. Et câest dans ce sens quâAndry Rajoelina devra axer les dĂ©clarations quâil se doit de faire dans le courant de la derniĂšre semaine du mois dâaoĂ»t. Le « strongman of Madagascar » a vivement intĂ©rĂȘt Ă prouver quâil lâest vraiment.
Sinon, il va vivre ce quâest la versatilitĂ© du peuple. Et le temps des "latsa" (sarcasmes) arrivera avec "Efa tenenina foana fa e e e!". Comme Tsiranana et son "tsak tsak zato arivo";en 1972; comme Ratsiraka et son "tsy hiala aho!", en 1991 et et comme Ravalomanana avec son "tsapao aloha ny hery", en 2009. Ceux-lĂ savent pertinemment et parfaitement que les regrets ne viennent qu'aprĂšs. Mais alors: l'Histoire ne sera-t-elle donc qu'un Ă©ternel recommencement de la bĂȘtise humaine ?
Je rappelle, ici, et je me souviens qu'Andry Rajoelina avait dĂ©jĂ parlĂ© d'Ă©lections pour fin 2010. Aussi, il importe d'avancer et pourquoi pas les Ă©lections des « Sefo fokontany » (chefs de quartier), en attendant ? Mais en attendant qui, quoi ? En tant que chef dâEtat, il doit prendre une dĂ©cision ferme, bonne pour lâavenir mĂȘme du pays. Sans se laisser dĂ©sarçonner par la tour de Babel malgache qui va inventer tout ce quâil y a « dâinventable » pour « dystopiser » encore plus lâatmosphĂšre par des dĂ©clarations qui nâaboutiront jamais Ă des solutions concrĂštes pour ce fameux « intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de la Nation ». Dans cette guĂ©guerre dâusure, quâest-ce qui nâa pas Ă©tĂ© dit, Seigneur, et qui se dira encore ? Mais Madagascar ne sera jamais le nombril du monde. Never ! Il ne reste plus que le second dĂ©luge Ă annoncer. Je vous laisse le soin de lire attentivement sur lâInternet et dans tous les mĂ©dias, ces dĂ©clarations de trĂšs mauvaises intentions.
Jeannot RAMAMBAZAFY â 25 aoĂ»t 2011