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Home Vie politique Dossier Madagascar : les vrais dessous du trafic de bois de rose : noms, schémas, chiffres, tenants et aboutissants

Madagascar : les vrais dessous du trafic de bois de rose : noms, schémas, chiffres, tenants et aboutissants

Ces histoires de trafic de bois de rose commencent sérieusement à taper sur le système et à faire dire n’importe quoi à tout le monde, des plus hautes personnalités internationales et nationales jusqu’au simple citoyen lambda. Nos recherches personnelles ont abouti à un ouvrage de 60 pages, rédigé, en français et en anglais par Herizo Randriamalala et Zhou Liu de Madagascar Conservation & Development. Intitulé : « Bois de rose de Madagascar : Entre démocratie et protection de la nature ». Leur travail a duré de février 2009 à février 2010 et cela a donné un document exceptionnel dont voici une synthèse journalistique qui fera taire les imbéciles et permettra certainement aux autorités de juguler l’hémorragie. Comme on dit : qui veut peut. Une chose est sûre : ce trafic (aussi synonyme de commerce) de bois de rose ne remonte pas uniquement à 2009 mais c’est cette année qu’elle a connu un « pic ». Vous saurez pourquoi…


A Madagascar, le bois de rose provient de la région du Marojejy pour un tiers, et de celle du Masoala pour les deux autres tiers. Pour la campagne 2009,  environ 36 700 tonnes ont été exportées dans 1 187 conteneurs à destination quasi-exclusive de la Chine (50 tonnes d’ébène vers l’Allemagne), pour un prix de vente estimé à 220 millions de dollars américains. Ces exportations ont généré 20,5 millions de dollars (41 milliards d’ariary, en prenant un taux moyen de 2 000 ariary pour un dollar) de recettes pour l’État malgache, qui en est ainsi le premier bénéficiaire, mais talonné de près par le principal exportateur. La fraude pour l’ensemble de la filière est évaluée à 4,6 millions de dollars (9,2 milliards d’ariary), tandis que le montant des devises non rapatriées pourrait s’élever à US$ 52 millions (104 milliards d’ariary). Si cette activité a rapporté environ US$ 1 300 (2,6 millions d’ariary) à chaque intervenant local, le bénéfice moyen d’un exportateur atteint les 75% de son chiffre d’affaire.

Alors que la réglementation prévoyait 13 exportateurs agréés, 23 ont exporté et 20 nouveaux exportateurs sont en attente d’agrément. Aucun rondin exporté en 2009 n’avait la taille minimale requise par la loi. Trois compagnies maritimes (Delmas, UAFL, Safmarine) ont participé à cette activité, mais Delmas est celle qui en a le plus profité et le plus longtemps, tandis que les autres ont arrêté dès qu’elles ont pris conscience de son illégalité. Trois banques (BOA, BNI-CL et BFV-SG) ont soutenu les exportations, seule la BOA s’en est partiellement désengagée.

À au moins trois reprises (1992, 2006 et 2009-2010), l’exploitation du bois de rose a été facilitée par le pouvoir en place peu avant des élections importantes, pour les financer et pour ne pas mécontenter les électeurs des régions d’origine du bois. Sur les 23 exportateurs de 2009, 13 ont déjà été déférés devant un tribunal pour des délits forestiers, dont cinq plusieurs fois. Seuls deux ont été condamnés, les autres ont été relaxés au bénéfice du doute, tant les lois sont contradictoires et donc peu applicables. Les fautes de procédure de l’Administration forestière expliquent en grande partie ce peu de résultats. Un Premier ministre et neuf ministres sous deux régimes différents ont facilité la coupe dans la forêt. Un Premier ministre et un ministre, sous les deux mêmes régimes, l’ont freinée. Cette filière est un vrai commerce inéquitable, puisqu’au final, la partie chinoise touche 25 fois plus que la partie malgache et 357 fois plus que les villageois de la forêt. Essentiellement fondée sur une économie souterraine, cette activité a provoqué un net ralentissement économique dans la SAVA (Sambava, Antalaha, Vohémar, Andapa), par immobilisation et détournement des capitaux prévus pour la vanille. Ce marasme est sans doute à l’origine d’un pic de mortalité dans la population à la fin 2009, début 2010, et il a causé la fermeture temporaire de plusieurs écoles en brousse. En outre, laisser se développer les exportations massives de bois de rose risque d’amener une criminalisation de la filière, avec l’arrivée à Madagascar de membres de la mafia chinoise


Récapitulatif des exportations de bois de rose depuis 1998 (Eaux et Forêts In litt., Stasse 2002, Anonyme 2008a, World Trade Organization 2008, Schuurman 20099)

Ci-après, la liste des personnes et des sociétés ayant exporté du bois de rose en 2009. Les noms en italiques sont ceux des «nouveaux venus», qui n’étaient pas inclus dans l’arrêté n°003/2009 du 28 janvier 2009.

ANONA Etienne (Antalaha), BEKASY Johnfrince (Antalaha), BEMATANA Martin (Antalaha), BETSIAROANA Jean Galbert (Antalaha), BEZOKINY Christian Claude (Antalaha), BODY Thierry Antalaha, CHAN HOY LANE Kara (Antalaha), DESIRE (Antalaha), GUERRA William (Antalaha), LAISOA Jean-Pierre (Antalaha), MALOHELY Jean-Michel (Antalaha), MBOTIFENO SAO KUNE Edith (Antalaha), NDAHINY Grégoire (Antalaha), PATRICIA Soa (Antalaha), RAKOTOARIVONY Nosiarivony (Antalaha), RAMIALISON Arland (Antalaha et Toamasina), RANJANORO Jeannot (Antalaha), RASOANIRINA Joséphine (Sambava), SAM SOM MIOCK Eugène (Toamasina), SOA Elia Rolaine (Antalaha), THUNAM Roger (Antalaha), TOTOBE Eric (Antalaha), SUPERWOOD Sarl (Antananarivo).

Ci-après, les demandes de création de société, d’agrément d’exportation et/ou de constatation de stock de bois précieux. (Les demandes dont les noms sont marqués d’un * présentent de fortes similitudes de formes et de dates de rédaction. Il s’agit probablement de sociétés crées en série autour d’un même noyau familial. Celles qui sont marquées de deux ** sont situées à la même adresse à Antananarivo. Même conclusion.)

PAULA Anouschka*, Antalaha (12 octobre 2009, 6 conteneurs déjà prêts à Vohémar), RASOANAIVO*, Antalaha (12 octobre 2009), COMPAGNY SEA AND SUN Sarl*, Antalaha (19 octobre 2009), Société HERY* Antananarivo (12 octobre 2009), ISLAND WOOD*, Antananarivo (13 octobre 2009), RAZAKAMAHEFA Heritiana Jacquis ** MCO TRADE, Antananarivo (30 avril 2009), TOANDRO Honoré Velondrazana **AGRI-BUSINESS COMPANY -ABC-, Antananarivo (13 octobre 2009, 12 conteneurs déjà prêts à Vohémar), MAHARITSY Josie Noe France Nita, Toamasina (19 août 2009), RANAIVOJAONA J-P, Antalaha (03 novembre 2009), RAZAFISOAMANDIMBY, Antalaha (03 novembre 2009), MAGNAT MATER MINING Sarl -3M-, Antalaha (15 octobre 2009), SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DES PRODUITS Sarl, Sambava (27 septembre 2009), BADADY Serge, Antalaha (25 conteneurs déjà prêts à Vohémar), BEFOTOTO Angelin, Antalaha (25 conteneurs déjà prêts à Vohémar), JAOTOTO Chantal Bhana (25 conteneurs déjà prêts à Vohémar), RAELISON (3 conteneurs déjà prêts à Vohémar), RASOANIRINA Joséphine (2 conteneurs déjà prêts à Vohémar), SEGUY Andriafidy (25 conteneurs déjà prêts à Vohémar), SOLOFONIRINA Roberto Faciane (25 conteneurs déjà prêts à Vohémar), SUN TUNG Rita Antalaha (1 conteneur déjà prêt à Vohémar).


Répartition des bénéfices en 2009 pour les exportations de bois précieux depuis Vohémar


Répartition moyenne des frais et des bénéfices pour un exportateur de bois de rose en 2009

Les acheteurs de bois précieux malgache à Vohémar en 2009 :

Tous des Chinois, sauf trois : SHANGHAI TAN TAN TRADE (1 628 tonnes), n°4058 Caoan Road, Shanghai, Chine, OCEAN TRADING (1 033 tonnes), Room 1702, Kwai Hung Holding Centre, 89 King's Road, North Point, Hong Kong, Chine, ZHANG JIAGANG (862 tonnes), Jiang Hai Mid Road, Jingang Town Zhang, Jiagang, Chine, FOSHAN EVERLASTING (777 tonnes), 31 floor Jinghua Building, 18, Jihua Road, Foshan, Guangdong, Chine, CHINA KEY WIN (686 tonnes), room 2, 12 floor, Lucida Industrial Building, Ville 43-17 Wang Lung street, Tsuen wan, Hong Kong, Chine, ZHEJIANG WILLING (685 tonnes) n°368 North Zhou Shan Road, Hangzhou, Chine, HIGH HOPE (669 tonnes), 2105 High Hope Building, Nanjing, Chine, BEIJING YINTUO (630 tonnes), Room 1602 Kwai Hung Holdings Centre, 89 King's Road, North Point, Hong Kong, Chine, WUXI GUANGMING (564 tonnes), Yunbe East road n°148, Wuxi, Jiangsung Lung, Chine, CHINA ARTEX (486 tonnes), 9/F Fortune Building, 168, Hundong Road, Fuzhou, Chine, ZHANG JIANGANG JIANGSU SKYRUN (414 tonnes), Hongxin Building, 100 Jianye Road, Nanjing, Chine, SHANGHAI SHENJI (398 tonnes), 16/F Jincheng House, n°511 Tanmu-West Road, Shanghai, Chine, CHINA MEHECO (385 tonnes), room 2101/8 n°18 Guangming, Zhong Jie Chong Wen District, Beijing, Chine, DALIAN RISING (367 tonnes), 12 D China Bank Plaza, n°15 Renmin Road, Dalian, Chine, CHINA TUSHU SHANGHAI PUDONG (350 tonnes), 15/F Shanghai Bund International Tower, 99 Huanpu Road, Shanghai, Chine, FOSHAN NANHAI GUCHENG (323 tonnes), n°338 Dong Er Joncun Gucheng Nanhei Foshan, Guangdong, Chine, XIAMEN HIGH WATER (274 tonnes), room 1206 Senhui Building Huli, Xiamen, Chine, HH INTERNATIONAL (253 tonnes), A-1702 Hengwa Building Pagu, South Road, Tianjin, Chine, DONGGUAN SILVER DRAGON (252 tonnes), 6th floor, Block A, Industrial & Commercial Building, Gang Kou road, Humen, Dongguan, Guangdong, Chine, HEROWISE ENGINEERING (133 tonnes), Shop n°41, g/f Golden Court 1A, Laosin Street, Causeway Bay, Hong Kong, Chine, WUXI SHI ZHOU YE (120 tonnes), Wen Lizhong, Room 22042 Door Yinchun Apartments, Changjiang Road, Wuxi, Chine SHANGHAI KING TIRD (116 tonnes), n°880 Dong Da Ming Road, Shanghai, Chine, SHANGHAI SHANG FU (106 tonnes), Room 1907, n°578 Tianbao Rd, Piaoying Centre Building, Shanghai, Chine, SHANGHAI TONG SHENG (99 tonnes), n°1906 flat 3 Yangpu District, Kong Jiangroad, Guofu Garden, Shanghai, Chine, CHANGSHU JINBIAN CRAFT (96 tonnes), 103 Renmin Road, Haiyu Town, Changsu, Chine, CHINA JILIN FOREST (90 tonnes), n°4036 Renlin street, Chan Chun, Chine, DALIAN YULIN (90 tonnes), Xinghai Square B3 Yi Pin Xian Hai 22-2-501, Shakekou District, Dalian, Chine, JILIN HAITIANXIA (90 tonnes), 500, Nanhu Avenue, Economic & Technical Development Zone, Chan Chun, Chine, SHENZHEN CITY XUAN LONG (90 tonnes), CH District 6th Floor, Commodity Exchange Building, Badan North Road, Luo-Hu District, Shenzhen, Chine, HONGTAI WOOD (88 tonnes), Flat C, 8/F Wan Fong Height, 15, Shing Fong Street, Kwai Chung, Hong Kong, Chine, TEK'ASIA (87 tonnes), 3rd Floor, Fook Hong Industrial Building n°19, Sheng Yuet Road, Kowloon Bay, Kowloon, Chine, CHINA NATIONAL FOREST (72 tonnes), SHIJI XI YUAN 606 room n°20, Anyuan Street, Beijing, Chine, CHANGSHA WEICHU SEED (61 tonnes), Co Kay Yuan Xinge Building 1 Dong 27 Level C, Zone Economic development, Changsha, Chine, CECEIEC TIANJIN (54 tonnes), 4 floor, n°305 Nanjing Road, Tianjin, Chine, THEODOR NAGEL Gmbh (49 tonnes), 118, Billstrasse,PO box 28 02 66 / D - 205 15, Hambourg, Allemagne, JIANGSU BOSHENG (45 tonnes), room 318, Huanghe Road n° 275, Changshu, Chine, JIANGSU GUOTEI (43 tonnes), 9/F Guotai Times Plaza, Building A n°5 Renmin road, Zhangjiagang, Chine, YICK PO 41 (tonnes), 23 B Flat Room B Blk 5 23/F Residence Oasis, Tseung Kwan, Hong Kong, Chine, JIANG YIN HUA QUAN (40 tonnes), Jiangyin, Chine, CITIC INTERNATIONAL (38 tonnes), Room 4507, Capital Mansion, n°6 Xinyuannan Lu, Chaoyang District, Beijing, Chine, SANGHAI HONG SHENG (tonnes), 34 Room 201 n°70 lane 999, Lou Shan Guan Road, Shanghai, Chine, SHANGHAI SILK (34 tonnes), 283 Wu Xing Road, Shanghai, Chine, SUNOVER SIZE (20 tonnes), Port-Louis, Maurice, DALIAN SK (20 tonnes), room 809 n°3 Gangwan Street, Zhongsan District, Dalian, Chine, HONG KONG KING CHUNG (20 tonnes), Hong Kong, Chine, TIANJIN WINSTAR (20 tonnes), n°2 Xun Yuan Xili, The Second Street Teda, Tianjin, Chine, JIANGSU LIGHT INDUSTRIAL (19 tonnes), n°100 Jianye Road, Nanjing, Chine GUANGZHOU PEIJIA (18 tonnes), room 2118, III Baiyun Building, Baiyun Road, Guangzhou, Chine, FLAVOUR HANDLING LLC (zero tonne), 113 Barksdale Professionnal Center, Newark, DE19711-3258, USA.

Les banques

Trois banques locales soutiennent les exportations de bois de rose. Il s‘agit de :

Bank of Africa (BOA) : au moins onze exportateurs y ont leurs comptes.

BNI-Crédit Lyonnais (BNI-CL) (Ndrl : devenue BNI-CA ou Crédit Agricole) : le principal exportateur y a un compte.

BFV-Société Générale (BFV-SG) : les deux plus gros exportateurs y ont leurs comptes.

Il est intéressant de noter que la BOA compte parmi ses actionnaires l‘Agence Française de Développement, le Groupe de la Banque mondiale (à travers l‘International Finance Corporation), la Netherlands Development Finance Company et la Banque Marocaine du Commerce Extérieur. Les banques interviennent dans les opérations d‘exportation à plusieurs niveaux :

-la domiciliation bancaire : une banque locale certifie qu‘un exportateur possède un compte en devises dans une de ses agences. Cette opération est imposée par le ministère des Finances et sert à contrôler l‘obligatoire rapatriement des devises au pays. Elle n‘est donc valable que pour une seule opération d‘exportation et doit être renouvelée en permanence.

-l‘octroi de crédits pour financer l‘extraction du bois de la forêt, son acheminement jusqu‘au port d‘exportation, le paiement des taxes et amendes préalables à l‘exportation.

Répartition du marché du bois précieux entre ces banques. Ces chiffres ne constituent évidemment qu‘une estimation basse, car ils ne prennent pas en compte tous les mécanismes par lesquels les banques gagnent de l‘argent dans ces opérations (placement à terme, vente de devises, etc.). Ils n‘incluent que les frais de domiciliation et les commissions sur le change.

Les compagnies maritimes

Avant l‘exportation, les difficultés du transport terrestre dans le Masoala (inexistence ou impraticabilité des routes) favorisent le transport maritime intérieur pour le bois de rose. Le bois coupé dans le Parc National de Mananara, dans le Parc Naturel du Makira et dans la partie sud du Masoala est évacué par des caboteurs vers Toamasina (le plus fréquent) ou parfois vers Antalaha. Le bois venant de la partie nord du Masoala est évacué par piste vers Antalaha ou, lorsque la situation l‘exige, par cabotage vers Toamasina. Le bois venant du Marojejy est toujours évacué par la route vers Vohémar ou Antsiranana.

Les navires côtiers ci-dessous ont fait des rotations de bois de rose entre Maroantsetra et Toamasina, Mananara et Toamasina, Antalaha et Toamasina :

El Betela IV, Savannah, Esperance, Red Rose, Voromahery, Anissa II, Trucha, l‘Orient, Mellino, Maroa IV. La fréquence des rotations était d‘un navire par jour au départ de Maroantsetra au plus fort de l‘activité (mars-septembre 2009), elle est tombée à un navire par semaine en janvier 2010.

Les compagnies maritimes internationales qui transportent les conteneurs vers l‘Asie sont :

au départ de Vohémar : UAFL (et sa filiale Spanfreight), Delmas (groupe CMA-CGM), Safmarine ; au départ de Toamasina : Delmas, Safmarine et PIL ; au départ d‘Antsiranana : Delmas, Safmarine et MSC.

Seules UAFL, Safmarine et Delmas ont chargé du bois précieux en 2009. PIL et MSC, sollicitées, n‘ont pas voulu répondre aux questions de Herizo et Zhou, quant à leur implication dans ce trafic.

Répartition du marché du bois précieux entre les compagnies maritimes

Les porte-conteneurs ci-après ont fait des rotations de bois de rose en 2009 au départ de Vohémar :

Delmas : Ultima (Ndlr : Ultimate) (03 février 2009, 15 février 2009, 27 février 2009, 08 mars 2009, 20 mars 2009, 27 mars 2009), -CMA CGM- Léa (04 mai 2009), Consistence (04 juillet 2009) ; UAFL : Providence (17 février 2009, 06 mars 2009, 27 mars 2009), Mauritius (30 mai 2009)

La compagnie Safmarine a transporté 32 conteneurs de 40 pieds en février et mars 2009 au départ de Toamasina (Safmarine à Schuurman In litt.). Dès avril, elle a décidé d‘arrêter tout transport de bois depuis Madagascar, pour une période indéfinie. Des trois compagnies incriminées, elle s‘est montrée la plus responsable.

La compagnie UAFL a arrêté de son plein gré le transport du bois de rose dès qu‘elle a pris conscience de son origine douteuse au plan légal et des atteintes à l‘environnement que ces exportations représentaient (UAFL à Schuurman In litt. 23 octobre 2009). Son dernier voyage a été effectué le 30 octobre 2009 avec le Mauritius. Il est vrai qu‘il lui a tout de même fallu huit mois pour s‘inquiéter. En outre, le navire Ultima lui appartient, mais il a été affrété par Delmas pour les rotations mentionnées ci-dessus. La part d‘UAFL est donc en réalité un peu supérieure à celle de la figure ci-dessus, car ces chiffres n‘incluent pas les frais d‘affrètement de l‘Ultima.

La compagnie Delmas n‘a arrêté de prendre du bois précieux à Madagascar qu‘à partir du 4 décembre 2009, sous la pression des médias. Son discours officiel n‘a jamais varié : elle se retranche derrière l‘apparente légalité des documents administratifs nécessaires à l‘exportation (S. Goddart, CMA CGM à L. Wilmé In litt., communiqué de presse du 16 mars de CMA CGM, http://www.cmacgm.fr/AboutUs/PressRoom/PressReleaseDetail.aspx?Id=9126&). Les atteintes à l‘intégrité des aires protégées la laissent insensible. Il a en fait fallu l‘épisode rocambolesque (et coûteux) du Léa le 4 octobre 2009 pour qu‘elle commence à se poser des questions sur la solidité juridique des documents que les exportateurs lui présentaient. Ce navire a en effet chargé 101 conteneurs à Vohémar le 2 octobre 2009. Il semblerait, selon des sources judiciaires, qu‘en fait 12 conteneurs ne disposaient d‘aucun document, ce qui ressemble fort à de la contrebande.

La fraude

Dans cette filière, plusieurs types de fraude ont pu être mis en évidence : la fraude sur l‘origine du bois, sur la taille des rondins, sur la taxation des poids à l‘exportation, sur les amendes, sur le rapatriement des devises, sur les documents administratifs, la contrebande, et enfin, omniprésente, la corruption qui fausse tous les mécanismes de contrôle de l‘État. On peut estimer que pour 2009, la fraude se situe aux environs de 4,6 millions de dollars (9,2 milliards d‘ariary) et de 52 millions de dollars (104 milliards d‘ariary) de devises non rapatriées.

La corruption – La « Tax Force »

Dans une filière aussi chaotique que celle du bois de rose, et qui génère des revenus aussi importants, il est évident que la corruption tient une place de premier choix. Elle semble s‘exercer à tous les niveaux de la filière : dans la forêt, lors du transport terrestre, lors des formalités administratives, lors des contrôles, lors des procès de délinquants et surtout, lors des activités de lobbying pour influencer les décisions gouvernementales.

Il est impossible d‘avancer un chiffre global pour une activité par essence cachée et qui ne laisse pas de trace. Mais le phénomène s‘est répandu en proportion de la peur créée en février et mars 2009, où les locaux des Eaux et Forêts ont été saccagés et incendiés en plusieurs points de la côte Est, où les dépôts de bois saisis par l‘État ont été pillés (mais seul le bois de rose a été emporté, lors de cet accès de colère sélective (Andriatahina et Rakotondrabe 2009)), où des agents de Eaux et Forêts ont été menacés, où des agents de MNP ont été agressés et grièvement blessés, où des villageois opposés à la coupe se sont fait tirer à l‘arme automatique. Face à ces excès, l‘État a déployé une Task Force (mission interministérielle chargée de reprendre le contrôle de la filière) dans la région et notamment dans les parcs. La population régionale l‘a rapidement surnommée « la tax force », en raison du droit qu‘elle prélève à chaque passage de bois interdit, au lieu de le saisir (source : nombreux témoignages personnels). Entre d‘un côté des exportateurs qui disposent d‘un trésor de guerre de plusieurs millions de dollars, et de l‘autre, des voyous prêts à tout pour réduire au silence ceux qui s‘opposent à leur action, le choix des fonctionnaires investis d‘un pouvoir de blocage dans cette filière est vite fait et nul ne peut leur jeter la pierre, surtout quand ils ont le sentiment très net que l‘exemple vient d‘en haut.

Législation : évolutions

La période 1974-1989 dénote une grande stabilité de la législation. La forêt est fermée, on n‘y coupe pas ou peu, ou on se cache. En fait, durant cette période de dictature révolutionnaire, l‘exportation de bois de rose est faible et clandestine. Les Soviétiques créent quelques aérodromes isolés, comme celui de Doany à côté d‘Andapa, et prennent quelques billes de bois par avion. On peut noter deux coïncidences : l‘assouplissement législatif de novembre 1992 (réglemente l‘exportation des bois précieux), suivi des élections présidentielles du 25 novembre et des législatives de juin 1993 ; l‘assouplissement du 30 octobre 2000, qui ferme la forêt sauf aux abords d‘Antalaha et qui correspond au passage du cyclone Hudah en avril 2000.

Durant la période Ravalomanana. On constate clairement que la forêt s‘ouvre aux activités humaines en septembre 2004, après le passage de Gafilo en mars ; le 14 septembre 2006, juste avant les élections présidentielles du 3 décembre de la même année, suivies d‘un référendum quatre mois plus tard.

On voit aussi apparaître clairement l‘effet destructeur de l‘arrêté interministériel du 28 janvier 2009 (autorisation d‘exportation à titre exceptionnel et nominatif pour treize exportateurs), que la note du 18 février (interdiction de transporter et d‘exporter du bois de rose et d‘ébène tant que l‘inventaire n‘est pas terminé) ne parviendra pas à atténuer, la tourmente politique étant alors à son comble.

Dans l'actuelle période Rajoelina, on dénote un effet dent de scie de la réglementation en vigueur. La décision du 30 juillet 2009 (autorisant l‘exportation de 25 conteneurs de bois de rose pour chacun des 13 opérateurs du décret 003-2009, contre le paiement de 72 millions d‘ariary – US$ 36 000 - par conteneur), suivie de l‘arrêté du 21 septembre 2009 (autorisant à titre exceptionnel et nominatif l‘exportation des 25 conteneurs de bois de rose, d‘ébène et de palissandre pour chacun des 13 opérateurs, moyennant le paiement de 72 millions d‘ariary par conteneur), est brutalement stoppée par la note du Premier ministre du 30 novembre 2009 (exploitation, transport et commerce de bois précieux sont interdits). Son successeur, le Premier ministre Camille Albert Vital, s‘empresse de rouvrir la forêt le 31 décembre 2009 par une note qui reprend les termes de l‘arrêté du 21 septembre, mais sans date butoir cette fois (dès que cette note a été signée, les exportateurs ont organisé une grande fête à Antalaha. Dès le lendemain, plus de mille coupeurs repartaient au travail dans le Masoala). D‘après les calculs de Herizo et de Zhou, les exportations prévues par cet arrêté ont déjà rapporté à l‘État la somme de 27,3 milliards d‘ariary (13,6 millions de dollars).

La responsabilité de la classe dirigeante

La faiblesse du pouvoir central à Madagascar, ainsi que sa mauvaise gouvernance, ont été soulignées par de nombreux auteurs. Roubaud (2001) écrit ainsi : « La désillusion de l‘opinion publique sur les bienfaits de la transition est surtout motivée par le comportement des nouveaux élus, qui voient dans la concurrence électorale un nouveau moyen d‘accaparer les ressources publiques (le détournement de fonds n‘étant qu‘un des nombreux avatars de cette tendance lourde) ». Et aussi: «Contrairement au credo admis, la principale entrave au développement de Madagascar n‘est pas l‘excès de régulations publiques, mais sa «sous-administration» chronique. La démocratie malgache est malade, non de ses électeurs, mais de son État et de ses élites». Le secteur forestier était déjà pointé du doigt par Mercier (2006), pour qui l‘application de la politique forestière et des règlements se heurte à la faiblesse institutionnelle et à de sérieux problèmes de gouvernance. D‘une façon plus générale, l‘abondance d‘une ressource naturelle favorise la corruption dans les pays où les institutions ont un faible niveau démocratique, car cela encourage les dirigeants à rechercher des rentes de situation (Bhattacharyya et Hodler 2009). Enfin, Angeles et Neanidis (2009) ont estimé déterminant le rôle de l‘élite locale dans l‘efficacité de l‘aide étrangère dans les pays en développement. La probabilité d‘un mauvais usage de cette aide est élevée si la classe dirigeante possède un grand pouvoir économique et social, si elle a peu de considération pour les classes inférieures et si la proportion de colons européens était élevée durant la période coloniale, relativement à la population indigène. Madagascar a donc un lourd handicap...

Les risques

Si la situation actuelle vient à perdurer, si le Gouvernement ne met pas un terme définitif aux exportations massives de bois de rose, il est à redouter une criminalisation de la filière. Selon l‘un des exportateurs (communication personnelle en date du 15 novembre 2009):« La mafia chinoise commence à se faire sentir dans les affaires de bois de rose. Il existe à ce jour encore des nouveaux contrats entre exportateurs et acheteurs. Pourtant la date limite pour l‘exportation des bois ronds sous l‘autorisation exceptionnelle actuelle est fixée au 30 novembre 2009. On entend dire par les acheteurs chinois, avec arrogance, que l‘exportation continuera toujours d‘une manière ou d‘une autre, car ils croient pouvoir ouvrir toutes les portes, même celles des personnes les plus haut placées, avec leur argent. On dit que l‘un des acheteurs chinois va monopoliser le marché à l‘exportation avec quelqu‘un de haut placé. Et que les autres Chinois devront passer par lui pour pouvoir sortir le bois. Des menaces verbales de mort ont été faites si l‘un d‘entre eux dépasse les limites qu‘ils ont posées. Mais le problème est que tous disent que les lots leur appartiennent. Les exportateurs, fous d‘argent, acceptent les avances de tous les acheteurs qui passent. Pourtant il n‘y pas assez de bois en stock, donc on recommence les coupes illicites en cachette, même dans les endroits protégés. L‘une des têtes de la mafia chinoise est sur notre territoire. Il paraît que si la communauté chinoise est menacée ou s‘ils ont un grand problème entre eux, ce seront eux qui feront le nettoyage à leur façon».

Voilà le strict essentiel qu’il fallait savoir sur ce commerce (trafic) de bois de rose à Madagascar. L’ouvrage impeccable de Herizo Randriamalala et Zhou Liu contient encore plus de détails ainsi qu’une approche environnementale poussée. Mais ce dossier doit suffire amplement à mieux appréhender la « chose » et à agir en conséquence. En tout cas, il est clair que c’est tout un monde qui y est impliqué… Une histoire de très gros sous qui peut entraîner une mort... subite.

Synthèse de Jeannot RAMAMBAZAFY – 18 juillet 2010

Mis à jour ( Mercredi, 21 Juillet 2010 08:50 )  
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