Rappel. Le 18 février 2017, deux éléments de la police ont été lapidés jusqu’à ce que mort s’ensuive, dans le village d’Ankotrolava, commune d’Antsakabary, district de Befandriana Nord. Cela à cause d’un canard tué par un enfant et d’un terrible quiproquo qui s’en est suivi dans cette zone rouge du vol de zébus par les dahalo. Dans premier temps, ce sont les gendarmes locaux qui ont tenté de réglé l’affaire. Mais ils ont vite abandonné lorsque le propriétaire du canard a refusé les 300.000 ariary de dommages proposés par le père de l’enfant: il voulait 3.000.000 d’ariary ni plus ni moins.
Devant le refus de payer cette somme exagérée pour un canard, le propriétaire alla porter plainte à la police de Befandriana Nord, qui dépêché alors à Ankotrolava deux de ses éléments pour procéder à l’arrestation du père du mineur tueur de canard. Une fois sur place, et selon des témoignages précis, ces deux policiers, encadrant le prévenu, ont commis des actes de rackets sur les villageois, allant jusqu’à des contraintes physiques à l’aide de la crosse de leurs fusils. Un vendeur de miel, à qui ils ont extorqué de l’argent, rentra chez lui en propageant au passage que « deux dahalo déguisé en policiers étaient à l’œuvre à Antsakary».
A la suite de cette information qui s’est propagée comme une trainée de poudre, presque tous les habitants des villages longeant le cours d’eau Tavenina, qui en ont marre de l’insécurité ambiante due aux méfaits des dahalo, se sont rendus en direction d’Ankotrolava. On connaît la suite: appréhendés, les deux policiers, natifs de Mandritsara et de Port-Bergé, ont eu la fin horrible décrite plus haut, sans aucune forme de procès que cette justice populaire (« fitsaram-bahoaka ») qui a tendance à se répandre à travers tout Madagascar ces derniers temps. On dit souvent que la vengeance est un plat qui se mange froid. Mais elle peut être aussi à double sens.
Que le ministre de la police, Anandra Norbert (photo ci-dessus), le veuille ou non, les agissements des dizaines de policiers dépêchés à Befandriana Nord et ses environs ne sont pas du tout conformes au rapport qu’il a lu en français -et en style télégraphique hésitant- à partir d’un smartphone devant la presse, à Antananarivo, le 24 février 2017: « Résultats et recoupements auprès plusieurs sources. Premièrement: incendie huitaine de cases sises à Ambalamanga, a été commis par une aliénée mentale, après départ missionnaires PN et missionnaire n’y sont pour rien. Deuxièmement: maire + son adjoint ne sont qu’indicateurs et simples témoins dite affaire. Troisième point: aucun décès par balle n’a été signalé dans commune rurale Antsakabary et environs. Dans cadre dite affaire, fausses nouvelles ont été intentionnellement propagées, en vue envenimer politiquement situation. Envisageons demain matinée (Ndlr: rapport reçu dans la nuit du 23 février) tenir point de presse en vue couper court à telles propagations fausses nouvelles tendant à induire hautes instances étatiques et salir corps PN (police nationale) ».
Mais, le lendemain même, mis devant le fait accompli des réalités vraies qui ne s’inventent pas, voilà que le ministre de la Sécurité publique ou ministre de la Police nationale, Anandra Norbert, se défend en déclarant qu’il n’a pas menti mais qu’il n’a fait que lire un rapport. Oui, mais le résultat est que c’est toujours la police qui ment! Dans un vrai état de droit, soit il aurait déposé sa démission, soit le président de la république l’aurait démis de ses fonctions. Hélas, nous sommes à Madagascar, dans la IVème république du Hery Vaovao. Je n’écris pas pour polémiquer en quoi que ce soit mais pour apporter des preuves de part et d’autre. En voici une qui résume tout:
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DECLARATION DE TOUS LES PRETRES FILS D’ANTSAKABARY BEFANDRIANA NORD
Qui ont reçu l’accord de Monseigneur Rosario, Evêque d’Ambanja, face aux évènements qui se sont produits dans la commune d’Antsakabary, district de Befandriana Nord.
Nous, prêtres, fils de cette terre (natifs), compatissons à la douleur des familles victimes des actes perpétrés. Nous condamnons fermement cette expédition punitive effectuée par des éléments de la police qui ont commis des actes de violence barbares indignes de tout être humain.
Nous lançons un appel à la société civile et à la communauté internationale œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’Homme afin qu’elles considèrent et prennent en main le plus rapidement possible, et sans délai, cette affaire.
Nous lançons aussi un appel aux dirigeants administratifs et aux autorités compétentes ainsi qu’aux personnes de bonne volonté, d’ici ou d’ailleurs, de prendre en considération le sort de ces familles sans abri et, particulièrement, celui des écoliers.
« Ce que je désire, est-ce que le méchant meure? dit le Seigneur, l’Éternel. N'est-ce pas qu'il change de conduite et qu'il vive? » Ezéchiel 18 : 23
Traduction libre de Jeannot Ramambazafy
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AUTRE PREUVE ACCABLANTE POUR LA POLICE NATIONALE
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Il n’y a aucune leçon non plus à tirer de cette minable mais malheureuse affaire. Comme l’a écrit le SECES (Syndicat des enseignants-chercheurs et chercheurs-enseignants de l'enseignement supérieur) dans sa dernière déclaration: « Madagascar s’éloigne de plus en plus de l’Etat de droit » (ICI). Un autre corps des forces de l’ordre -la gendarmerie, par exemple- aurait du se charger de cette descente sur terrain pour procéder à une enquête. La Police nationale s’en étant chargée, elle figure comme étant à la fois juge et partie. D’où le terme « expédition punitive » et corporatiste à outrance. Il n’y a jamais rien de bon à tirer dans ce genre de démarche à sens unique avec la loi du plus fort armé jusqu’aux dents…
Pendant ce temps, le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Mahafaly Olivier, est à Paris où il a reçu le Prix Mandela du Courage 2016, ce samedi 25 février à l'hôtel Marriott des Champs-Elysées à Paris (selon l'invitation)…
Jeannot Ramambazafy – 25 février 2017