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Madagascar, santé publique: un truc de malade !

À Madagascar, se soigner et vaincre sa maladie, aussi insignifiante soit-elle, est un combat de titan pour le patient et sa famille. Les frais d’hôpitaux, les médicaments et les soins coûtent tellement cher que certains sont contraints de mettre leurs biens en vente pour pouvoir les payer. Le manque de politique national de la santé publique et l’inexistence d’un bon système de santé en sont la cause.

Un lundi matin du mois de mai dans la grande cour du Centre hospitalier universitaire de Ravoahangy Befelatànana. Ranary, un sexagénaire et sa femme sont assis sur un banc. Le regard vide, Ils semblent abattus. Ils ne se parlent pas. En effet, cela fait huit jours que la sœur de cet homme est admis à l’unité Accueil-Triage-Urgences et Réanimation (ATUR) de cet hôpital. Elle a eu un accident vasculo-cérébral un peu moins de deux semaines auparavant. « Plus d’une semaine au service d’Urgence sans être admis nulle part. Elle ne bénéficie aucun véritable soin, et pourtant, l’argent coule à flots », se lamente le retraité. Sa femme ajoute qu’à ce rythme, ils n’auront plus de quoi payer les prochaines prescriptions médicales, faute d’argent. En quelques jours, plus de 400 000 ariary ont été dépensés seulement pour l’achat de médicaments et les autres frais para-cliniques. Les autres dépenses comme les frais de déplacement et autres non inclus. Le chiffre est colossal pour cette famille. A ne pas oublier que d’après les dernières statistiques, plus de 90% des Malagasy vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Et pourtant, l’État n’a pas de réel système de prise en charge pour la population en matière de santé.

Un système de prise en charge sélectif

Le pays, jusqu’à aujourd’hui n’a pas de système de prise en charge pour la population en matière de santé. Hors le cas d’urgence, aucun patient ne peut être admis dans un établissement  hospitalier  public  et  y  recevoir  des  soins  sans  avoir rempli au préalable des  formalités  administratives et financières. Seulement, près de 7% des travailleurs malagasy bénéficie d’une prise en charge en matière de santé. 6% sont issus du secteur privé et 0,6 % sont fonctionnaires. Ces derniers sont des agents de l’État et des agents non encadrés de l’État qui obtiennent soit une prise en charge directe soit un remboursement des frais médicaux. Une frange de la population malgache obtient des soins et traitements gratuits auprès des hôpitaux publics après avoir prouvé qu’ils ne peuvent pas payer les frais.

Dans toute la Grande-île, chaque établissement public de santé dispose d’une caisse sociale appelée « fonds d’équité ». Pour le centre hospitalier universitaire Joseph Raseta Befelatànana, ce fonds d’équité est constitué en une partie des recettes propres de l’établissement (RPE) et 3% des recettes de la pharmacie. Au niveau de cet hôpital, en moyenne 60 patients par mois bénéficient de la prise cette charge sociale. Dina Ranivoarintsoa, chef du service social du CHU explique que les bénéficiaires sont les sans-abris, les personnes détentrices de certificat d’indigence dûment délivré par le Fokontany et les patients emmenés d’urgences à l’hôpital et dont la famille n’est pas identifiée. Elle fait savoir qu’il arrive que cette caisse ne soit pas épuisée, voire n’est pas touchée du tout, alors que les demandes de prise en chargent fusent.

La sœur de Ranary aurait pu bénéficier de la prise en charge du service social, mais puisqu’elle a été accompagnée par son frère, on les a laissés – elle et ses parents – se charger de tous les frais. Le frère et la belle-sœur de la patiente ignorent l’existence de ce fonds d’équité.

Des cas fréquents

Même cas pour Olivier, un garçon de 16 ans, orphelin de père, habitant dans le quartier défavorisé d’Ankorondrano Andranomahery. Il est atteint d’une infection à la gorge. Le garçon est le premier d’une quatre fratrie, sa mère est gardienne de toilettes publiques dans le quartier d’Ankorondrano Andranomahery. Cette dernière doit laisser son travail à chaque fois qu’elle doit emmener Olivier à l’hôpital. Malgré leur situation, Olivier et sa mère n’ont pas été mis au courant de l’existence du fonds d’équité. Et grâce à l’aide de ces bienfaiteurs, ils lancent des appels à l’aide sur les médias et parviennent à suivre le traitement et à effectuer les va-et-vient entre leur domicile et le centre hospitalier universitaire d’Andohatapenaka.

Rolland Randrianarimalala, quand à lui, ne compte plus les dépenses. Son père est hospitalisé à l’hôpital de Befelatanana depuis une semaine. Originaire d’une commune rurale à Antsirabe, sa famille vit de la riziculture.  Sa vie entière bascule le jour où son père a dû être évacué d’urgence à Antananarivo. Le père du jeune homme est admis à l’hôpital public de Befelatanana. «3 jours d’hospitalisation et environ un million d’Ariary de dépenses», confie le jeune homme. Il contacte régulièrement ses proches, restés à la campagne, pour multiplier la vente de riz et amasser assez d’argent pour l’achat de médicaments, représentant «le plus gros des dépenses».

Ranary, Rolland Randrianarimalala et Olivier ne sont pas des cas isolés. Avec le soutien de leurs familles, ils prennent en charge eux-mêmes les dépenses sans espoir de remboursement. Outre les appels à l’aide, les membres d’une même famille cotisent, font des emprunts, vendent leurs biens afin de sauver leurs proches et s’engouffrent ainsi dans une extrême pauvreté.

Des priorités et des financements incohérents

A Madagascar, les budgets alloués à la santé étaient de 14$USD par ménage en 2014, soit environ 50 000 ariary, contre 10 dollars dix ans plutôt. Pourtant, dans les autres pays africains de même situation que Madagascar, voire en plus mauvaise posture, dans les années 90, une amélioration de l’accès de leur population à la santé est constatée. Une augmentation de 4 dollars pour la Grande île en 19 ans alors que le niveau de vie et le pouvoir d’achat des ménages sont en baisse. Jusqu’à ce jour, Madagascar, signataire de la déclaration d’Abuja ne se rapproche pas de l’objectif à atteindre. C’est-à-dire d’allouer au moins 15% du budget de l’État à la santé publique. Des millions de dollars américains ont été pourtant octroyé à l’État malagasy, en appui à la santé publique. Sauf que beaucoup se demandent si ces sommes ont été utilisées à bon escient.

D’après la société civile, le financement extérieur devrait servir à appuyer les établissements de santé des zones rurales pour que les habitants des zones enclavées, surtout les mères et les enfants, puissent bénéficier de soins dont ils ont besoin. En rapprochant les établissements sanitaires et du personnel de santé de la population, des difficultés et – de fil en aiguilles – les dépenses qu’elles peuvent générer, pourraient être évitées. Un système de contrôle incluant des représentants des citoyens et de la société civile participent devra être mis en place. Le Collectif des Citoyens et des Organisations Citoyennes avancent qu’en 2015, «plus de 63% des dépenses publiques en matière de santé auraient été financées par l’aide extérieure. 11% seulement de cette aide extérieure aurait été comptabilisée dans le budget, ce qui signifie que 59% des dépenses publiques en matière de Santé n’auraient pas été soumis au contrôle budgétaire».

Le Pr Mamy Lalatiana Andriamanarivo, ministre de la Santé publique annonce un grand changement imminent qui mettrait fin au paiement direct lorsqu’il s’agit pour la population de se soigner auprès des établissements de santé publics. «La mise en place d’un système qui s’appellera «Couverture santé universelle» est à l’étude et sera opérationnel dans un futur proche», annonce le ministre de la Santé publique.

Jusqu’à ce jour, les dépenses en santé ruinent les ménages malgaches, surtout lorsqu’une hospitalisation s’impose. La précarité économique encourage la vente illicite de médicaments à moindre prix mais d’origine douteuse. Laissé à leur sort par l’État, et sujet à la précarité économique, les uns se soignent par l’automédication. Tellement désespérés, les autres se laissent facilement berner par ces guérisseurs charlatans et ces pasteurs charismatiques prophétisant tout et n’importe quoi.  Mais il y a aussi ceux qui préfèrent rentrer chez eux et attendre la mort en se disant que tout le monde partira, tôt ou tard.

mpi.media

Toutes les informations contenues dans cette publication relèvent de la seule responsabilité de l’association Malagasy Press Independant et de l’ONG ILONTSERA et ne peuvent être aucunement être considérées comme reflétant le point de vue du Fonds Commun multi-bailleurs.

Mis à jour ( Jeudi, 13 Juillet 2017 15:53 )  
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