Au mois d’avril prochain, les 1001 journalistes malgaches vont aller aux urnes pour élire le nouveau président de l’Ordre des Journalistes de Madagascar ou Ojm. Parmi les candidats, notre confrère Patrick Andriamahefa (notre photo), du quotidien entièrement en langue malgache « Ao Raha », appartenant au groupe Prey d’Edgar Razafindravahy. Interview à propos de son programme assez consistant
Dans le monde journalistique malgache, on ne peut pas parler de « propagande » avant l’heure. De toute façon, il ne s’agit pas de politique politicienne mais de faire connaître, en fin de compte, des objectifs communs à tous et qui, malheureusement, n’ont jamais été mis en pratique… Mais avant tout, qui est Patrick Andriamahefa ?
Il a commencé dans le journalisme en 1991, au plus fort des évènements. A cette époque, il travailla pour la première station radio privée officielle, Radio Feon’ny Vahoaka (RFV) créé par Alain Ramaroson. Ensuite, il passa à Radio Mada qui, à l’époque, était dirigée par Richard Claude Ratovonarivo, avant d’être reprise par le président Ravalomanana. Enfin, il fit entendre sa voix sur les antennes de Fréquence Plus des frères Ntsay. De la radio, Patrick Mahefa (son pseudonyme d’écriture) passa à la télévision. Plus précisément à Tv Plus créé par Nicolas Rabemananjara, en tant que présentateur . Patrick Commença vraiment dans la presse écrite en 2004, dans le quotidien « L’Express de Madagascar » puis dans «Ao Raha ». Au total, donc, et à 40 ans, il a derrière lui 17 ans de journalisme tout support confondu.
Patrick, quelle est ta motivation, en te portant candidat au poste de président de l’OJM ?
« Bien qu’ayant 40 ans et père de deux enfants, je me sens toujours jeune… Et, d’une manière générale, et dans toutes les sphères de la vie d’une nation, la participation des jeunes ne signifie, en aucun cas, la négligence sinonlaneutralisation des personnes beaucoup plus âgées. A mon sens, il convient de souligner que si les jeunes souhaitent renforcer leur participation dans le monde des médias malagasy, ce n’est qu’une pérennisation et une volonté d’amélioration des efforts déjà déployés et témoignés par ce qu’on appelle, ici, les « Zoky Raimandreny » (parents aînés) dans notre profession. Un proverbe malagasy dit que « ce n’est pas à celui qui va tresser les cheveux que l’on cache la partie chauve ». La sagesse malagasy a donné une place primordiale aux aînés. Leurs conseils, leur assistance, leur bénédiction sont plus qu’essentiels pour une société harmonieuse et épanouie. Valorisons cette particularité qui nous a fait « Malagasy », jusque dans notre métier, car c’est dans cette adaptation que réside souvent notre faiblesse. Ne perdons plus de temps dans des critiques négatives, sinon des conflits de génération qui n’apporteront rien de bon pour notre épanouissement. Il est temps de construire de nouvelles bases héritées des bien s du passé et dotées d’une perspective digne du Troisième millénaire. Il est temps que les jeunes se lèvent et prennent en main leur avenir. Tout change dans le monde, rien n’est figé : la politique, l’économie, la vie sociale, la mentalité… tout est sujet au changement, y compris l’image du journalisme à Madagascar. Le changement est tributaire de nouveaux défis. En ce qui me concerne, j’entends en relever quatre ».
Nos visiteurs ainsi que les journalistes de par le monde sont curieux de savoir lesquels et qui n’ont jamais été mis en application...
« Il est grand temps de mettre en pace une Commission au sein de laquelle seront débattus les problèmes des journalistes malagasy, ainsi que les objectifs et stratégies correspondant. Ce sera mon premier défi. D’une manière symbolique, l’OJM devra être la tête. Car nos ancêtres disaient « qu’une bête dépourvue de tête ne marche pas ». Mais une tête dépourvue de corps et de membres ne vivra pas non plus. Ainsi, cette Commission associera les représentants de tous les médias professionnels existant à Madagascar. Ce, en vue de préparer la prise de décision par l’OJM. Je citerai, à titre d’exemples, les problèmes typiques des journalistes dans l’exercice de leur fonction, la négociation auprès des instances étatiques ou auprès des employeurs… Mon second défi concerne la valorisation de la carte professionnelle de journaliste. Pendant longtemps, son acquisition répondait uniquement aux exigences procédurales des élections des membres du bureau de l’OJM. C’est-à -dire qu’on s’en servait pour voter et c’est tout. La véritable valeur de cette carte professionnelle ne sera jamais reconnue en l’absence d’une discipline stricte entre nous. Des commissions spéciales seront alors mises en place pour étudier ce problème et pallier aux éventuels dérapages, pour ne citer que les falsifications. Et, toujours dans le cadre de l’amélioration de la crédibilité des journalistes malagasy et le renforcement de la rigueur, le Conseil de discipline sera instauré auprès de l’OJM ».
Sur ce point, effectivement, c’était le néant, jusqu’ici, sinon un simple rappel à … l’ordre. Quel est ton troisième défi ?
« Ce sera le renforcement de la solidarité entre les journalistes travaillant dans toute la Grande Île. Est-il nécessaire de rappeler, une fois de plus, la sagesse malagasy prônant que l’unité fait la force ? Parler est bien mais appliquer c’est mieux. Les journalistes malagasy ont enduré nombre d’épreuves durant toute leur existence (exemples : censure et emprisonnement sous la colonisation, la même chose dans la première et la seconde république. C’est sous le président Zafy Albert qu’a été levé la censure, en 1993. Mais actuellement, il y a un censure déguisée…). Je crois que les « Zoky Raiamandreny ont à dire à ce sujet, pour ne raconter que les persécutions diverses qui accompagnent souvent la pratique de la censure, d’entrave à la liberté de presse. Conjugués au présent, ces épreuves n’en sont pas moins d’actualité. La solidarité des journalistes se trouve bafouée par la différence de points de vue politique ou stratégique des organes dans lesquels ils travaillent. Certaines « rédactions » dictent des lignes directrices tendant à la servilité et entravant la neutralité des informations dans leur ensemble. Faisons, désormais, preuve de solidarité, en nous focalisant uniquement sur notre métier auquel nous nous sommes engagés. La persécution des autres, qui ne partagent pas notre point de vue, n’est pas utile. Il faut toujours prioriser le dialogue et rechercher des solutions autour d’une table de négociation. Dans cette optique, l’Assemblée générale des journalistes se fera tous les trimestres au moins ».
L’intention est bonne, Patrick, mais tant qu’existera l’actuelle auto-censure aussi, on n’est pas encore sur le point de décoller, du point de vue objectivité. Enfin, bref, quel est ton quatrième défi ?
« Il concerne la formation des journalistes, en collaboration avec des organismes étatiques et privés. Des rencontres ont déjà eu lieu avec le ministère de tutelle. Nombreux sont les projets de formation de haut niveau, qui bénéficient de l’appui des Bailleurs de fonds et d’autres organismes aussi bien nationaux qu’internationaux. Il faut que chacun puisse accéder à ces formations pour qu’il n’y ait pas deux poids deux mesures dans la répartition. La transparence sera de mise dans les procédures de sélections et d’attribution, avec le concours du ministère de tutelle ».
En écoutant Patrick, il est à penser que rien de tout ce la n’a été fait ni même commencé par le bureau de l’OJM précédent. Et qui du code de la communication ? Patrick n’en a pas touché mot lors de notre entretien. Mais il a tout de même un message à faire passer
« Journalistes ! Ensemble pour le Futur ! Il est temps pour décider du Futur qui sera le nôtre. Il faut changer et adopter une nouvelle vision pour les quatre ans à venir. Mes défis sont quatre. Réalisons-les ensemble ! ».
Recueillis par Jeannot Ramambazafy
Journaliste
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