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Madagascar : 2002 et 2009 : Lorsqu’un Français vise juste

 Eltrigo est un pseudonyme pas forcément français. Mais il l’a été choisi par un blogueur bien français qui n’a rien d’un blagueur. Ici, il nous donne sa vision assez acérée mais qui correspond aux réalités qui prévalent à Madagascar. Cela change avec ces soi-disant Malgaches fanatiques qui prétendent aiment patrie (à 10.000 km et après  tant d’années, c’est extra !), mais qui passent leur vie, en cherchant à défendre un dictateur, à médire sur leurs compatriotes -donc sur eux-mêmes- et à déverser des tonnes de désinformations comme s’ils n’allaient pas mourir un jour, laissant à leurs héritiers, un lourd passé fait de mensonges. Bon, c’est leur choix, même s’ils se sont sentis obligés de faire du sur-place et de vivre au passé. Place aux propos pertinents (bien qu’avec un ton impertinent) d’Eltrigo illustrés par les soins.

Jeannot Ramambazafy

 

 

« Ca fait maintenant un long moment que j’ai renoncé à m’exprimer sur les événements à Madagascar. Je l’ai dit, j’ai honte d’être français, d’être européen, d’être occidental, tant la France, l’Europe et les Etats-Unis, ont eu depuis plusieurs années déjà, puis plus nettement encore depuis le début de cette crise, une attitude en tout point lamentable. Par exemple, le 6 juillet dernier, la H(aute)A(autorité de)T(ransition) est venue s’agenouiller devant sa suffisance « Communauté Européenne », représentée par Monsieur Stefano Manservisi. Voici la production littéraire de la dite Europe : « … L'Union européenne considère que le transfert par la force du pouvoir survenu à Madagascar le 17 mars 2009 constitue une violation flagrante des éléments essentiels repris à l’article 9 de l’Accord de Cotonou… » .

Il se trouve que l’ambassadeur des Etats-Unis, lors de deux interviews successives, a formellement infirmé (je dis INfirmé) que la démission de l’ancien président ait été forcée. Il a même affirmé (je dis Affirmé) avoir essayé de l’en dissuader, c’est dire... Monsieur Manservisi et ses acolytes sont donc définitivement sourds, ou peut-être, considèrent que l’ambassadeur des Etats-Unis à Madagascar, pourtant soutien notoire au président démissionnaire, n’est pas crédible. Continuons : « … Au titre de l’article 96 de l’Accord, elle s'est engagée dans un dialogue politique avec le pouvoir en place qui a conduit à l'ouverture de consultations afin d’examiner la situation et les possibles solutions pour un retour rapide à l'ordre constitutionnel. Au cours de la réunion d'ouverture de ces consultations, qui a eu lieu à Bruxelles le 6 juillet 2009, l’Union européenne n'a pas pu noter de propositions satisfaisantes de la partie malgache. Les propositions et engagements de la partie malgache restent dans un cadre non constitutionnel, ne présentant pas de perspectives crédibles - pour le moment - pour un retour à l'ordre constitutionnel dans le court terme… ».

Ouf ! En Français accessible, le « retour à l’ordre constitutionnel » ne peut s’interpréter que par : le retour de l’ancien président et la reprise du fonctionnement « normal » du gouvernement de celui-ci. Et donc, les européens désirent un retour du président démissionnaire et constatent que les malgaches n’en veulent pas ! J’arrête de vous abrutir du langage diplomatique des sbires européens pour vous signaler qu’ensuite il est dit que l’on continue à vous couper les vivres (630 millions d’€ gelés) mais qu’on continue à discuter avec vous jusqu’à ce que l’on soit contents (que vous produisiez une « feuille de route » qui nous agrée). Il y a plusieurs mois, la H(aute)A(autorité de)T(ransition) a organisé des assises nationales, assez représentatives (ie inclusives, dans le jargon actuel), qui ont produit une « feuille de route » qui ne convient pas puisque entre autre, elle propose de rédiger une nouvelle constitution (l’ancienne ayant été remaniée par le président démissionnaire dans une présidentialisation outrancière), de reprendre le code électoral déficient (ce que le président démissionnaire avait promis de faire dès 2003 d’ailleurs et que la communauté internationale avait encouragé à l’époque), d’organiser un référendum sur cette constitution (ce qui est la moindre des choses), puis des élections présidentielles et législatives (ce qui est le moins…). L’Europe, elle, veut conserver clairement la constitution actuelle et le président démissionnaire. Logique, non ?

Il est à noter que la position américaine est identique, si ce n’est que comme les Etats-Unis sont de très faibles donateurs, ils ne peuvent réellement suspendre leur contribution qui n’existe quasi pas et qu’ils ont décidé de bloquer les marchandises exportées par Madagascar vers les Etats-Unis (500 millions de $ par an). Vous vous doutez bien que ce n’est pas pour cela que je reprends la parole aujourd’hui. En effet, le 14 juillet dernier, je n’ai pas été invité à la « garden party » de l’ambassadeur de France à Madagascar, en sa résidence. Mais je suis finalement tombé sur le discours de l’ambassadeur, qui je dois le dire m’a « mis sur le cul ». Ecoutez bien :

« … Et bien la position de la France, comme celle de l’Union européenne, la position de la France est simple : c’est celle de l’Onu, c’est celle de l’Union africaine, c’est celle de la SADC, c’est celle de l’Organisation internationale de la francophonie, c’est celle de la Communauté internationale qu’elle a exprimée lors de la réunion du Groupe de contact d’Addis-Abeba du 30 avril. C’est celle, justement, de cet appui à une solution politique malgache inclusive, pour gérer la transition vers la résolution d’un nouvel ordre constitutionnel… ».

Nouvel ordre constitutionnel, mais ça change tout, et comme Monsieur l’ambassadeur ne peut que parler au nom de la France, j’en déduit que nos instances nationales abruties (oui, oui, je pèse mes mots) ont changé radicalement d’avis. Terminé l’ancienne constitution et l’ancien président ! Oui à … ce que propose la HAT, grosso modo ! Et la raison de fond se situe sans doute un peu plus loin dans le discours. Rappelez-vous que sur ce blog, (Ndlr : celui d'Eltrigo) j’ai maintes fois dénoncé la dictature de l’ancien président, les élections truquées de 2006, la corruption pour favoriser ses entreprises, les atteintes à la liberté de la presse, les emprisonnements des opposants, etc. Et bien lisez :

« …Pour ce qui est de notre poutre (de la parabole biblique de la paille et de la poutre), je pense à la France, je pense à la Communauté internationale. Je pense qu’il faudra aussi qu’on s’interroge sur certaines positions que nous avons pu prendre l’an passé, que nous n’avons pas prises, parce l’important ce n’est pas dans ce qu’on fait mais l’important est aussi dans ce qu’on ne fait pas. Pourquoi sommes-nous restés silencieux quand les choses ont commencé à se détériorer, après l’immense espoir populaire de 2002 (Traduction : l’auto proclamation de Marc Ravalomanana). Pourquoi nos institutions internationales financières n’ont-elles rien dit lorsque l’Etat a favorisé les intérêts d’un grand monopole privé (Traduction : la société Tiko devenue un empire économique) ? Il lui a accordé des avantages indus par rapport à ses concurrents. Pourquoi la Communauté diplomatique n’a-t-elle pas protesté ou pas assez énergiquement ou pas suffisamment lorsque les atteintes à l’Etat de droit se sont multipliées. Lorsqu’il y a eu des emprisonnements, des arrestations arbitraires et je sais qu’il y en a qui en ont subi qui sont parmi nous (Explication : il y a dans l’assistance de nombreux malgaches faisant actuellement partie de la HAT et qui ont connu la prison). Pourquoi n’avons pas protesté assez fort lorsque des entraves ont été mises à la liberté de la presse et d’expression et lorsque, parfois, la peur - certains d’entre vous l’ont dit - ont gagné les cœurs ? Si nous avions parlé plus fort, si nous n’avions pas donné une confiance excessive à de bonnes paroles technocratiques qui nous ont été prodiguées ; si nous avions décidé plus tôt de suspendre de nos aides budgétaires (suspendues en décembre 2008), si nous avions été réellement exigeants et rigoureux dans le contrôle des comptes publics et la dénonciation des conflits d’intérêts, peut-être que ces dérives (les événements de janvier/février/mars 2009) ne se seraient pas produites. Peut-être que les dirigeants d'alors nous remercieraient-ils pour notre franchise et les conseils donnés. Peut-être que Madagascar aurait-elle pu continuer son développement sur de bons rails et affronter la crise économique mondiale dans de meilleures conditions… ».

Les invités du 14 juillet 2009, à la résidence France, un peu médusés

Non, non, ce n’est pas moi, c’est l’ambassadeur de France à Madagascar qui vous cause ! Chapeau, Monsieur l’ambassadeur, génial mea culpa ! Bon, bien entendu, il n’était pas là à cette époque, il ne parle donc pas pour lui. Mais quel aveu ! C’est tellement énorme que je me demande s’il n’a pas pété un plomb ou abusé du champagne, toujours excellent dans les jardins de la résidence de France. Mais aucune espèce de démenti n’est sortie pour l’instant des instances élyséennes.

 

7 février 2009 devant le Palais d’Etat d’Iavoloha. Ne jamais oublier

Donc pour faire simple, la France nous dit : Effectivement Marc Ravalomanana s’est fourvoyé dans le chemin tortueux de la dictature et de la corruption, et nous avons eu tort de ne pas le remettre dans le droit chemin ! Le bordel actuel pourrait donc bien être légitime faute d’être légal. Bon, là je m’avance un peu, mais, on n'en est pas loin… Et il nous faut travailler ensemble à la mise en place d’un nouveau régime… Je vous passe la suite où il laisse entendre la « participation internationale à un éventuel tribunal pour juger des exactions et massacres perpétrés » en particulier le 7 février dernier, et comme d’habitude, la constante non ingérence dans les affaires d’un état souverain, bla, bla, bla... Faudrait quand même savoir, quelques lignes plus haut, il se reproche de ne pas avoir fourré son nez dans les affaires nauséeuses du président démissionnaire et maintenant il dit le contraire. Bon, il y a encore des subtilités du langage diplomatique qui m’échappent. Enfin, c’est pas grave : Allez les petits Malgaches, faites-nous une jolie nouvelle constitution, des gentilles élections et tout repart ! Bon on vous ouvrira peut-être notre portefeuille, puisqu’on vous dit que c’est un peu nous qui vous avons foutu dans la merde !

Aujourd’hui, j’ai un peu moins honte d’être français, mais juste un peu !

Bongo est mort (Omar) ! Vive Bongo (Ali Ben)

C’est bien joli tout ça, mais ça pose finalement plus de problèmes que ça n’en résout. Une petite semaine plus tard, les instances de l’UA, en charge du dossier malgache, ont repris allègrement la terminologie usuelle du retour à l’ordre constitutionnel… Il faut bien comprendre que sur 53 membres, l’UA compte à mon avis environ 45 dictateurs corrompus (moins Bongo, fraîchement rappelé au paradis des voyous, mais dont le fils devrait prendre la suite … démocratiquement, cela va sans dire). Ces braves gens sont bien entendu solidaires, et ne peuvent en aucune façon laisser tomber l’un des leurs. Marc Ravalomanana bénéficie donc largement de leur soutien. Bien entendu, c’est surtout pour éviter toute légitimation du renversement d’un dictateur corrompu par un peuple martyrisé, affamé, écrasé, etc.  Je ne suis en effet pas sûr que tous ces braves gens passeraient leurs vacances ensemble… Le résultat est que la France s’oppose manifestement à la position habituelle de l’UA ! Chose qu’elle n’avait encore jamais faite, ayant, on l’a vu encore récemment, toujours entretenu ces braves dictateurs, qui n’ont jamais manqué par ailleurs de renvoyer l’ascenseur.

L’actuel ambassadeur américain Niels Marquardt qui confond la constitution pourrie malgache toujours toilettée et la constitution américaine une vingtaine de fois amendée en seulement 220 ans

Alors que se passe t il ? Je me pose à nouveau la question. Pétage de plomb d’un ambassadeur un peu « pompette », ou vrai rupture de la diplomatie française en Afrique, avec bras de fer en perspective ? Mais ce n’est pas fini ! En effet, il y a encore nos amis américains. Ici, c’est très compliqué ou du moins peu compréhensible ! D’un coté, notre ami Obama, passe récemment au Ghana, et nous assène des grandes vérités – toujours bonnes à dire, dont celle qui me semble la plus originale est quand même une condamnation ferme et sans équivoque du népotisme et de la corruption ainsi qu’un appel aux peuples africains à se lever pour que cela cesse ! Dans le même temps, le brave ambassadeur américain à Madagascar, continue allègrement à soutenir Marc Ravalomanana et à demander… le retour à l’ordre constitutionnel antérieur… du despote corrompu. L’ambassadeur est-il connecté à la Maison blanche ? Le président Obama a-t-il entendu parler de Madagascar et de son ambassadeur local ? Voilà un vrai mystère.

L’ambassadrice Wanda Nesbitt qui a apporté une lettre de George Bush, en mai 2002, pour reconnaître Ravalomanana, alors que la France avait trainé des pieds. Pour se rattraper avec « speedy » Dominique De Villepin, ministre des Affaires étrangères

Un petit retour en arrière : 2002. La France est dans son pré carré à Madagascar. Normalement aucun pays occidental ne prend d’initiative et la France mène le jeu. Six mois de crise, où la France soutien discrètement le dictateur Didier Ratsiraka, dans son bras de fer avec le vil impétrant (ou brillant libérateur)… Marc Ravalomanana. Au bout de six mois, bris violent du consensus occidental ! Les Etats-Unis reconnaissent unilatéralement Marc Ravalomanana comme président. La France s’incline 48 heures après. Bon, depuis on n’est pas très copains avec Marc Ravalomanana et les Américains super potes avec lui… Morale : Ne serait-on pas en train de rendre monnaie de sa pièce à l’Oncle Sam ? Notre Naboléon national ne chercherait-il pas, un terrain propice à un bel aboiement de roquet indépendant, sans trop de conséquences internationales ? La France ne voudrait-elle tout simplement pas nous faire croire qu’elle est redevenue maîtresse chez elle et bouter l’américain de son territoire ?

Nicolas Sarkozy et François Fillon, lors d’un jogging matinal…

Finalement on se résume : La France semble prendre une position opposée à tous les acteurs internationaux, position que l’on peut raisonnablement juger objective, morale et juste. Mais elle se prépare alors un gentil conflit avec l’ONU, l’UA, l’UE et les USA… Excusez du peu ! Pendant ce temps, on se fout royalement des Malgaches. Normal, de nouveaux notables népotiques et corrompus sont en place. Rien ne change ! ».

27 Juillet 2009 Par Eltrigo

Mis à jour ( Mercredi, 26 Août 2009 18:16 )  
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