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Madagascar: plus question de gaspiller les deniers publics par une rallonge sine die de la Transition

C’est Razafisambatra Louis De Mon Désir (photo ci-dessus) qui parle. Et il développe, ici, les raisons de son anxiété.

Notre pays peut être comparé à un laboratoire constitutionnel, dont le dernier exemple est illustré par la constitution présentée hâtivement lors de la soi-disant conférence nationale de trois jours à Ivato. Mais en termes de révolution, la rupture demeure une utopie. Une quête hypocrite, et par là même infructueuse d’un consensus, fait voler en éclat les fondements de la vie nationale. On est bien loin de Marcel Waline, qui avait l’impression d’être pris dans une tourmente, dans un ouragan, d’entendre un vent de tempête déraciner des chênes séculaires. Autrement dit, la population malgache continue à être victime d’une longue période d’instabilité politique. On ne cherche même pas à avouer les désaccords profonds qui expliquent cette instabilité. Certains s’acharnent à réclamer l’amnistie, juste pour pouvoir se présenter aux élections ; d’autres la refusent par divers subterfuges pour empêcher la candidature de ses adversaires politiques ; de mauvaise foi, on fait fi des éléments susceptibles d’atténuer l’instabilité constitutionnelle et de compléter quelques acquis pour l’instauration d’un Etat de droit ; les observateurs et les facilitateurs de la communauté internationale s’égarent également dans cette absence de juste milieu dans le monde politique malgache, ne pouvant pas de plus saisir l’identité institutionnelle de Madagascar. Les éléments de continuité ne peuvent pas venir à leur esprit, devant quelques politiciens opaques à la démocratie et à la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen ; et selon le mot de Chateaubriand, la SADC éprouve de difficultés à découvrir les manières de prendre la mesure de la patience malgache ; une attitude très compréhensible en ce sens que les raisons majeures de nos cycles constitutionnels n’ont pas été débattues de fond en comble ; la véritable protection juridique et politique de la constitution n’est toujours pas à l’ordre du jour ; l’article 2 de la déclaration de 1789 faisant figurer la résistance à l’oppression parmi les droits naturels et imprescriptibles des citoyens a été plusieurs fois bafoué.

Le dialogue malaisé entre les gouvernants et les gouvernés est prouvé par le refus par certains politiciens d’un contrat civique, une manifestation de leur réconciliation avec le peuple malgache. S’y ajoutent l’opacité des financements public et privé des partis politiques, le non-respect de la réglementation de la campagne électorale (les moyens audiovisuels, les sondages électoraux, règles déontologiques), l’inexistence d’une transparence sur le financement et le plafonnement des dépenses électorales.

D’une part, force est alors de constater que le président de la haute autorité de transition, Andry Nirina Rajoelina, avec toute sa clique politique, met en œuvre depuis trois ans des manœuvres dilatoires pour s’accrocher au pouvoir. D’autre part, les leaders des trois mouvances, pendant la même période, prennent en otage le peuple malgache en revendiquant des ministères-clés sans pour autant débattre les véritables problèmes de fond. En clair, le premier camp cherche à tout prix à préserver ses privilèges exorbitants ; le second est obnubilé par son éventuel et chimérique retour au pouvoir et ose encore vouloir prolonger d’un an la transition politique pour raison de calcul électoraliste. Autant dire, les points communs des deux camps politiques se font remarquer par leur insouciance de la nécessité d’avoir au moins cinquante inspecteurs de finances et d’impôts pour contrôler efficacement l’exécution du budget de l’Etat ; ils ne consacrent pas une seconde pour solutionner les retards statistiques maintenus depuis des décennies pour que la balance de paiement ne puisse pas entraîner une politique économique destinée à l’amélioration du niveau de vie de la population malgache ; ils ne veulent pas changer le système, qui interdit à tout ministre de l’économie et des finances de faire une transparence et un sérieux contrôle sur la gestion des directions générales des impôts, de la comptabilité publique, des douanes ; une façon d’exprimer qu’ils entendent conserver indéfiniment l’impunité dudit ministre ; ils ne font preuve d’aucune volonté politique pour dénoncer que le vote de la loi fiscale n’a jamais été accompagné d’un respect des lois organiques et d’un contrôle constitutionnel ; ils évitent de reconnaître la quasi inexistence de lois organiques sur les finances publiques ; toujours dans leur logique du maintien du système, ils ne disent même pas aux chefs de parti et à la société civile le rendement et l’évolution de l’assiette de la TVA avec l’économie malgache, et son effet sur les contribuables ; ils préfèrent rester dans l’immobilisme face à l’omission d’une structure relative aux biens importés et exportés pour que notre politique fiscale et notre économie ne soient pas vulnérables à la distorsion de prix au niveau international.

Tout cela, pour suggérer que l’élasticité de la transition ne résoudra pas les crises répétitives dans le pays. Le changement sous-entend le changement du système, c'est-à-dire :

- audace politique de mettre dans le débat la structure du prélèvement fiscal, une des garantes de la performance de notre économie,

- contrôle strict par la cour des comptes concernant l’exécution de la loi des finances et non une simple déclaration générale de conformité des comptes des ordonnateurs de budget et ceux des comptables, donc nécessité absolue d’un rapport spécial relatif à l’autorisation budgétaire afférente à la gestion du budget de l’Etat,

- Explication par les députés à leurs électeurs du rapport annuel de la cour des comptes concernant la gestion des deniers publics,

- Donner aux journalistes ce rapport,

- Une commission de suivi de ce rapport au sein du ministère des finances,

- Une cour de discipline budgétaire et financière pour juger la mauvaise gestion des ordonnateurs du budget,

- Changement de la pédagogie de la commission des finances de l’Assemblée nationale,

- Un code général des impôts à la portée du peuple par le truchement de circulaires émises par les autorités compétentes éclaircissant les conditions d’exécution de la loi fiscale,

- Une superstructure d’audit coiffant et contrôlant cette armature, etc.

Evidemment, la liste des jalons et des leviers du changement du système n’est pas limitative, mais malheureusement je ne peux pas tout énumérer dans ce bref article.

Pour terminer, ne pensez pas que le peuple malgache est dupe. Il connaît pertinemment, après cinquante-deux ans d’indépendance et trois ans de transition, les beaux parleurs politiques et les vrais patriotes. Il faut donc une nouvelle structure de transition de quatre mois à six mois au maximum pour préparer stricto sensu et réaliser l’élection présidentielle. Face à cette misère de la majorité de nos compatriotes, notre pays a besoin d’un Président de la République en possession d’un programme de développement porteur de changement et de résultats immédiats.

Enfin, prions afin que l’initiative de rassemblement des chefs d’églises (FFKM) ne dégénère pas en un simple catalogue de propositions du temps du forum national de 1992, dont la sincérité laissait à désirer à quelques nuances près. Espérons cette fois-ci qu’ils rejoignent en tout cœur et âme le patriotisme des ecclésiastiques de 1956, acteurs potentiels de la lutte pour l’indépendance de Madagascar. Que le seigneur exauce nos prières.

Fait Ă  Paris le 8 mars 2012,

RAZAFISAMBATRA Louis De Mon DĂ©sir

Mis Ă  jour ( Dimanche, 11 Mars 2012 06:54 )  
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