Article 20 de la loi 2014-006 du 25 mai 2014 sur la cybercriminalité à Madagascar :
« L’injure ou la diffamation commise envers les Corps constitués, les Cours, les Tribunaux, les Forces Armées nationales ou d’un Etat, les Administrations publiques, les membres du gouvernement ou de l’Assemblée parlementaire, les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l’autorité publique, les citoyens chargés d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent, les assesseurs ou les témoins en raison de leurs dépositions, par les moyens de discours, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public (Ndlr: voir plus bas, article 74 de la loi 90-031), soit par le biais d’un support informatique ou électronique, sera punie d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de 2 millions à 100 millions Ar ou l’une de ces peines seulement ».
Cette loi a adoptée par les députés lors de la session ordinaire de l’Assemblée nationale du 19 juin dernier. Le 16 juillet 2014, elle a été jugée conforme à la Constitution de la IVème république de Madagascar par la HCC (Haute cour constitutionnelle), et publiée au Journal officiel pour son effectivité.
Il est déjà trop tard: la pensée unique est bel et bien présente à Madagascar. Le pire est à venir. A moins que...
Qu’aucun citoyen malgache ne se leurre : tous, sans exception, sont concernés par cette loi absolument anti-démocratique sinon carrément liberticide car contraire à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme: journalistes, internautes, cybernautes, blogueurs, usagers des NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication), manifestants, grévistes (la grève est un droit), simples citoyens. Conforme à la Constitution ? Rappels.
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EXTRAITS DE LA CONSTITUTION DE LA IVème REPUBLIQUE DE MADAGASCAR
Article 7.
Les droits individuels et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution et leur exercice est organisé par la loi.
Article 10.
Les libertés d'opinion et d'expression, de communication, de presse, d'association, de réunion, de circulation, de conscience et de religion sont garanties à tous et ne peuvent être limitées que par le respect des libertés et droits d'autrui et par l'impératif de sauvegarde de l'ordre public, de la dignité nationale et de la sécurité de l'État.
Article 11.
Tout individu a droit à l'information. L'information sous toutes ses formes n'est soumise à aucune contrainte préalable, sauf celle portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs.
La liberté d'information, quel que soit le support, est un droit. L'exercice de ce droit comporte des devoirs et des responsabilités, et est soumis à certaines formalités, conditions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique.
Toute forme de censure est interdite.
L'exercice de la profession de journaliste est organisé par la loi.
Article 12.
Tout ressortissant malagasy a le droit de quitter le territoire national et d'y rentrer dans les conditions fixées par loi.
Tout individu a le droit de circuler et de s'établir librement sur tout le territoire de la République dans le respect des droits d'autrui et des prescriptions de la loi.
Article 13.
Tout individu est assuré de l'inviolabilité de sa personne, de son domicile et du secret de sa correspondance.
Nulle perquisition ne peut avoir lieu qu'en vertu de la loi et sur ordre écrit de l'autorité judiciaire compétente, hormis le cas de flagrant délit.
Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi promulguée et publiée antérieurement à la commission de l'acte punissable.
Nul ne peut être puni deux fois pour le même fait.
La loi assure à tous le droit de se faire rendre justice et l'insuffisance des ressources ne saurait y faire obstacle.
L'État garantit la plénitude et l'inviolabilité des droits de la défense devant toutes les juridictions et à tous les stades de la procédure y compris celui de l'enquête préliminaire, au niveau de la police judiciaire ou du parquet.
Toute pression morale et/ou toute brutalité physique pour appréhender une personne ou la maintenir en détention sont interdites.
Tout prévenu ou accusé a droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une décision de justice devenue définitive
La détention préventive est une exception.
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En résumé, il n’y a pas à dire : en attendant un amendement -peut-être-, les Malgaches sont tous en liberté provisoire. Mais s'en rendent-ils compte, abrutis par les "informations" vues à la TVM ? De la propagande pure et dure, et en boucle, digne du temps de l'ex-Urss et du Kgb. Rappelons que le nouveau directeur, de la TVM, Lantomalala Rasata, a été formé dans cette ex-Urss.
Pour en revenir à cet article 20 qui n'a donc rien à voir avec la cybercriminalité, sachez que ce n'est qu'un copié-collé de l'article 74 de la loi n°90-031 sur la Communication. Un texte donc qui date de près d'un quart de siècle. Internet grand public n'existait pas encore à Madagascar. Ci-après la preuve, et je tiens le ministre Cyrille Reboza et toute son équipe pour coupables de cette régression et complices tous les députés qui l'on accepté sans même l'avoir lu, ainsi que les membres de la HCC qui l'on trouvé conforme à la Constitution malgache actuelle:
Enfin, il serait intéressant de connaître l'avis du citoyen français, Henry Rabary-Njaka sur la photo qui suit. Aurait-il oser palabrer, à Paris, comme il l'a fait à propos des journalistes malgaches à Antananarivo ? Mais aussi l'avis du citoyen-ministre d'Etat, Rivo Rakotovao, à propos de "blessures pour son honneur et son orgueil" ?
A Madagascar, tous ces manifestants seraient déjà à Antanimora ou à Tsiafahy ou immédiatement passés par les armes
Pour rappel, ci-après les deux phrases de la lettre du lecteur publié le 12 juillet 2014 dans le quotidien Madagascar Matin, qui a valu à nos confrères, Jean Luc Rahaga et Didier Ramanoelina, 3 jours et 4 nuits à la prison d'Antanimora. Nulle part, Rivo Rakotovao n'a été traité de voleur comme il l'a dit ("Fa ahoana aho no lazaina amina gazety fa mpangalatra") :
« Et que dire de ce comité interministériel dont tous les membres civils sont des membres actifs du HVM. Il ne reste plus qu’à y intégrer RaBekonetaka (Rivo Rakotovao), un autre porte-valise d’Eric Nazaraly sur les affaires douanières du temps où il était conseiller de Hery Rajaonarimampianina, et la boucle est bouclée ».
La démocratie est morte à Madagascar, mon pays désormais en deuil. Je le suis aussi, avec les millions de Malgaches qui ne méritent pas le retour de cette censure émanant d'un terrorisme d'Etat qui ne dit pas son nom. Cela ne signifie pas que je baisserai les bras.
Le président contre l'emprisonnement des journalistes et le ministre d'Etat emprisonneur de journalistes. Pourquoi garder un homme qui n'a plus les mêmes visions que soi, en tant que président élu du peuple malgache ?
Nous, journalistes, combattons pour la défense d'un principe, qui est la liberté de presse et la liberté d'expression, et non pour défendre un dirigeant très mal-aimé de son peuple -même s'il a été élu-, qui ne fera jamais que passer. Il sera extrêmement difficile à Hery Rajaonarimampianina de rattraper toutes les bourdes commises au nom de sa "rupture dans la continuité". Malgré son intervention in extremis pour intimer son ministre d'Etat à retirer sa plainte.
En anglais : To defuse the growing protest, President Hery Rajaonarimampianina intervened publicly to disapprove “the imprisonment of journalists for acts within the scope of their profession”. Immediately after that declaration, the Minister withdrew his complaint.
Jeannot Ramambazafy – 31 juillet 2014