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Madagascar Grand Sud. Mépris affiché de tous les régimes élus successifs

ALBUM DE PHOTOS PRISES ENTRE LE 15 ET LE 23 JUIN 2016 ICI


C’est vers la fin des années 1960 que je suis allé à Toliara pour la première fois de ma vie. A l’époque, la route n’était que de la latérite un peu après Fianarantsoa. Le plateau de l’Horombe était craint à cause de cette route (nationale!) froissée en tôle ondulée et des termitières dures comme du béton. Nombre de pilotes de rallye ont vu leur carter crevé à cause d’elles.

Mais ce qui m’a le plus frappé -et qui se poursuit jusqu’en cette année 2016- ce fut la vision de ces charbonniers du plateau d’Andatabo, perché avant l’entrée de la ville: ils recueillaient l’eau de pluie dans des caniveaux naturels au bord de la route et même en puisant dans les flaques d'eau! Cette précieuse eau pour se laver, cuire leurs aliments et laver leur linge. En plus d’un demi-siècle, rien n’a été fait pour leurs descendants qui vivent donc comme leurs aïeux: pauvres, sales, mal nourris et ignorants, jamais à l’abri des maladies.


Or, en ces lieux existent bel et bien des nappes phréatiques. Profondes certes, mais si les Américains aimaient tant les Malgaches, le forage de puits comme chez eux, aurait résolu ce problème. Au cours des décennies suivantes, années 1980 (époque où je suis entré dans le journalisme), 1990, 2000, 2010, j’ai eu maintes fois l’occasion de sillonner tout ce grand sud de Madagascar, que ce soit par l’axe de la RN13 par Isoanala et Betroka; par l’axe via Andranovory et Betioky ou celui passant par Tsiombe et le cap Sainte Marie.

Le constat était le même: ce n’est pas l’eau, là-bas qui pose un problème mais c’est sa maîtrise. En effet, contrairement à l’Anosy (vers Fort-Dauphin) très luxuriant, l’Androy et ses environs sont enclavés au beau milieu de tout un réseau fluvial qui ne demande qu’à être drainé au cœur du pays des cactus rouges («raketa mena») devenus l’aliment de base là-bas.

Périodiquement, tous les deux ans, avec ou sans le phénomène El Niño, le «Kere» (famine, disette) sévit dans ces contrées. Cela est du à une sécheresse persistante causé par un manque de pluie, le vent austral dit «Tsiokatimo» chassant rapidement les nuages chargés d’eau censés tomber sur la région. Or, depuis la première république de Philibert Tsiranana, des tas de projets avaient été mis en place. Qui sont tombés à… l’eau. Pourquoi?


Le PAM a une démarche qui sahélise tout un peuple, en distribuant des stocks de vivres à chaque fois que le Kere sévit. Et il se sent avoir le sentiment du "devoir" accompli... Donnez des pompes à eau solaire, des éoliennes pour tirer l'eau de la terre que diable!

Tout se résume en une phrase: manque d’organisation; manque de suivi-évaluation; manque de volonté et de rigueur; corruption pour empêcher le développement même cette région de la part des tenants du pouvoir eux-mêmes. Ajouté à cela la sahélisation totale de tout un peuple à travers le PAM (Programme alimentaire mondial) qui n’a fait qu’accentuer l’instauration d’une culture de mendicité et d’attentisme chez des gens pourtant fiers et durs au labeur: construction de magasins de stockage et y faire défiler les gens en leur distribuant des surplus alimentaires (surtout du maïs) au nom du peuple américain via l’USAID. De nos jours, les programmes «Argent contre travail» et «Nourriture contre travail» accentuent encore plus cette dépendance invraisemblable en ce troisième millénaire.


Où qu'il décède, un Antandroy doit être enseveli dans sa région

Seul espoir de survie pour ce peuple laissé-pour-compte, après avoir vendu tous leurs biens, l’exode. Ainsi, depuis le début des années 1980, aucune ville de Madagascar n’a pas son «contingent» de gens du Sud qui survivent avec un travail au bas de l’échelle sociale: gardiens de nuit, tireurs de pousse-pousse, manœuvres, vendeurs à la sauvette… Plus de 50 ans que cela dure, et aucune solution durable et pérenne, malgré tous les ateliers, tous les projets, tout l’argent qui a bel et bien été donné pour cette région que j’avais dénommé le royaume du Kere. Quelques projets de deux entités, au fil des décennies, après l'ère Tsiranana, pour vous donner une idée.


Que sont devenus les projets suivants sur trois présidents élus? A l’eau…

  • 1980-1983: Projet d'Exploitation d'Eau dans le Sud
    • 1987: Projet d'Exploitation des Eaux Souterraines dans le Nord-Ouest
    • 1990-1991: Projet d'Alimentation en Eau Potable dans le Sud
    • 1992-1994: Projet d'Exploitation des Eaux Souterraines dans le Sud-Ouest, Phase I (Atsimo Andrefana)
    • 2000-2004: Projet d'Exploitation des Eaux Souterraines dans le Sud-Ouest, Phase II (Menabe)
    • 2004-2007: Étude d'Alimentation Durable en Eau Potable dans le Sud
    • 2008-2012: Projet d'Amélioration de la Gestion des Systèmes d'Approvisionnement en Eau et des Comportements Hygiéniques dans la Région Atsimo Andrefana «RANOFIDIO»
    • Juillet 2013, en période de transition donc: Exécution du projet intitulé: « Exploitation des Eaux souterraines dans la Région Sud-Ouest de la République de Madagascar». Il est censé servir au maintien du fonctionnement des infrastructures d'approvisionnement en eau dans la Région Sud-Ouest, au niveau des trois sites d'Andranohinaly, d'Ankilimanike et de Befoly. Les travaux consisteront en la construction d'un nouveau forage à Andranohinaly et en la réhabilitation des infrastructures d'approvisionnement en eau (telles les groupes électrogènes, pompe à moteur submersible, réservoir, borne fontaine, tuyaux de distribution…) dans les trois sites concernés. Ce projet financé par le Ministère de l'Eau et la JICA s'élève à 1.528.476.120 Ariary dont 294.735.520 Ariary du Gouvernement Malagasy et 1.233.740.600 Ariary du Gouvernement Japonais.

    • 2001: Programme d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural dans le Grand Sud (AEPA-FAD). Prêt FAD: 7,93 millions d’UC. Date d’approbation: Avril 2001. Date de démarrage et durée: novembre 2001 sur cinq (05) ans
    • 2005: Programme d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural. Prêt du FAD: 51,00 millions d’UC. Date d’approbation: décembre 2005. Date de démarrage et durée: janvier 2006 sur trois (03) ans.

Ce projet visait à assurer un approvisionnement en eau potable et une meilleure hygiène sanitaire dans les districts d’Ihosy, Iakora, Ivohibe et Betroka. Se déroulant dans le Grand Sud de Madagascar, région jugée prioritaire en matière d’eau, le projet participe à la réalisation des objectifs intermédiaires de la stratégie de lutte contre la pauvreté, arrêtée par le Gouvernement malgache, visant à augmenter sensiblement la couverture des besoins en eau et en assainissement à moyen et long termes.

Ce ne sont que des exemples parmi d’autres qui ont abouti nulle part. Certains esprits tordus diront qu’entre-temps le pays a traversé trois crises. Certes, mais la continuité dans l’État dans tout çà? Et boum ! Voilà Hery Rajaonarimampianina au pouvoir en 2014. Si vous voulez une image du topo et de sa profonde philosophie débile de « rupture dans la continuité », c’est comme si le tableau de tous les projets précédents, a été effacé par l’éponge Hvm: rien n’a existé avant lui.

Ainsi, après des tas d’alertes suivis de déclarations émanant d’un esprit totalement démoniaque de la part du ministre des Finances de la Transition pendant 5 ans (ICI), voilà que le régime Hvm/Rajaonarimampianina se réveille. Le 21 février 2016, tous les dirigeants envahissent Ambovombe dans des 4X4 en contraste insultant par rapport à la pauvreté ambiante. 21 engagements sont révélés, acceptés, signés, jurés d'être mis en action:


Seulement, six mois après, rien n’a bougé, rien n’a été fait. En fait, le régime tablait sur l’argent des bailleurs de fonds (chiffré ci-dessus) pour bouger. Drôle de gouvernance. En juin 2016, le BNGRC (Bureau national de gestion des risques et des catastrophes) -dont il faut saluer ici l'initiative qu'il a prise conjointement avec le PNUD et le ministère de tutelle- a organisé une descente dans ce grand Sud. Le reportage vidéo inédit est ICI aussi. Mais toujours aucune action gouvernementale concrète depuis.

Mme Kwang à Ambovombe, le 21 juillet 2016 au côté du Premier ministre Mahafaly Olivier: Validation de l'atelier qui a déjà eu lieu en juin 2016

Ainsi, il aura fallu la venue de la Coréenne Kang Kyung-Wha, Sous-Secrétaire générale de l’ONU chargée des affaires pour que le Premier ministre daigne descendre sur le terrain, le 21 juillet 2016.

A l’issue de l’entrevue de l’émissaire de Ban Ki-moon avec le Président Hery Rajaonarimampianina, le 22 juillet 2016, au palais d’Etat d’Iavoloha, voici ce qui a été décidé en haut lieu:

« Le gouvernement malgache, avec le soutien des partenaires techniques et financiers, a opté pour la tenue d’un atelier pour l’élaboration d’un plan de relèvement et de résilience face à la sécheresse des régions les plus affectées dans le grand sud de Madagascar, qui a justement pour objectifs d’arriver à une compréhension commune sur les concepts de relèvement et résilience, et leur rôle; d’arriver à une compréhension commune sur les causes principales de cette crise ; de parvenir à un consensus des besoins majeurs en relèvement ; et enfin d’élaborer pour les régions de l’Androy, Anosy et Atsimo Andrefana un plan de relèvement pour le moyen terme (jusqu’à 3 ans), en prenant compte des activités déjà en cours ».

Ce gouvernement « de combat », qui se prend au sérieux sans jamais l'être, a tout simplement oublié que cet atelier a déjà eu lieu en juin 2016 et que la descente avec Mme Kwang ne servait que pour sa validation. Il y a comme de l’eau dans le gaz de la communication de ce régime irresponsable qui ne reprend que les phrases des autres, sans aucune action papable. Preuve:



Dans le but de contribuer à maximiser les efforts humanitaires entrepris dans le Grand Sud et assurer une transition compréhensive avec les actions de développement, le Bureau National de Gestion des Risques et de Catastrophes (BNGRC), avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement  (PNUD) et en étroite collaboration avec le Ministère de la Population, de la Protection sociale et de la Promotion de la femme, un atelier de Réflexion pour la mise en œuvre d’un Plan de Relèvement et Résilience face à la sécheresse dans le Grand Sud de Madagascar a donc été organisé le 23 juin 2016 dans les locaux du BNGRC.


DISCUSSION

-Pourquoi le Grand Sud de ‪Madagascar reste la région la plus‪ ‎vulnérable de Madagascar ?

- Avons-nous une compréhension commune des causes et des réalités?

-De quoi le Sud de Madagascar a besoin pour assurer son relèvement ? Comment favoriser des actions synergiques entre les acteurs? Quelle différence est à faire pour qu'il y ait du changement et de l'impact?

Puis, cet atelier a été suivi d’une descente sur terrain de plusieurs journalistes dont ceux de madagate, du 15 au 23 juin 2016 donc.

Rien que du cinéma pour cette ministre de la Population, totalement dépassée par les évènements. C'est une ancienne journaliste très critique qui a vendu son âme au diable... en invoquant "la solidarité gouvernementale". Le tribunal de l'Histoire ne la ratera pas en tout cas


Combien reste-t-il encore de ce genre de camions octroyés par la JICA dans le Sud malgache, et où va l'argent de cette eau précieuse vraiment vendue à prix d'or?

Les gars, chers amis lecteurs, ce n’est plus de l’irresponsabilité, c’est du je m’en foutisme complet! Donc, les 21 engagements solennellement signés par certains ministres -qui ne le sont plus depuis-, sont aussi à jeter à la poubelle des attrape-sous alors. Ce régime incroyable ne bougera pas tant que l’argent des bailleurs de fonds ne sera pas débloqué. Cessons de rêver éveillés car ils en sont toujours à la recherche d’une « compréhension commune sur les causes principales de cette crise ». Tant que ne sera pas mise en place un comité international de suivi-évaluation implanté dans toutes les zones touchées et régi par le droit international, qui se chargera de faire un rapport mensuel de toutes les activités, de toutes les dépenses affectées à ce grand Sud, l’an 2100 arrivera mais le royaume du Kere le restera pour toujours. Quel que soit le président élu après Hery Rajaonarimampianina. A bon entendeur, salut!

Les chiffres recensés en cette fin du mois de juillet 2016

Près d’un million de personnes sont atteintes de malnutrition dont 675.000 personnes qui en souffrent de manière sévère. Les trois régions principalement touchées par l’insécurité alimentaire sont l’Anosy, l’Androy et l’Atsimo Atsinanana. Dernière question qui vous fera profondément réfléchir: qui, des Malgaches au pouvoir (passés, présents et à venir) et des membres de la Communauté internationale, ne veulent absolument pas que le Grand Sud de Madagascar ne se développe un jour? A quoi servent les panneaux solaires et les éoliennes? Un pays colonisé doit-il toujours le rester indéfiniment?

Jeannot Ramambazafy – 24 juillet 2016

Mis à jour ( Mardi, 26 Juillet 2016 09:09 )  
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