Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme
(CNIDH)
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«Observations et enquêtes effectuées auprès des services du Centre d’Immatriculation de Madagascar (CIM)»
COMMUNIQUE DE PRESSE
La sécurité et la sécurisation routières dépendent de plusieurs facteurs, dont les visites techniques des véhicules, et les contrôles des permis ainsi que des cartes grises. La transformation des permis de conduire et des cartes grises en version biométrique infalsifiables figure parmi les mesures pour améliorer la sécurité sur nos routes et le respect du droit à la vie et permet également de détecter les faux permis et les cartes grises falsifiées.
De par les mandats et missions de la CNIDH conférés par la loi 2014-007 du 22 juillet 2014 l’instituant, les articles 1, 2, 7, 11 du chapitre premier définissent certains de ses mandats (interpellation, émission d’avis et de recommandation, enquêtes et investigations). Aussi, face aux réalités relatives à l’obtention des permis de conduire et des cartes grises infalsifiables, la CNIDH ne peut rester muette car les procédures «imposées» par le Centre d’Immatriculation de Madagascar ou CIM constituent des facteurs de violations des droits fondamentaux:
- Droit Ă la vie
- Droit à la sécurité
- Non discrimination, traitement Ă©gal des usagers dus Ă la pratique de la corruption Ă toutes les Ă©tapes du processus.
En effet, de nombreux usagers doivent faire la queue dès 20 heures alors que certains travaillent la nuit (manque à gagner), bravant la pluie, le froid et des possibles agressions pour être en première ligne le lendemain lors de la distribution des numéros.
Pourtant des usagers (entreprises et autres coopératives) contactent les hauts responsables du CIM et une organisation est mise au point pour faciliter l’obtention des documents. Par contre, les simples citoyens doivent de conformer aux directives du CIM et passer les diverses étapes à savoir :
- l’obtention d’un numéro
- la remise des dossiers
- le paiement des droits
- la prise de photos
- la remise du nouveau document.
Au niveau de chacune de ces étapes, des pratiques corruptives ont été observées:
- les numéros se négocient entre 5.000 ariary à 15.000 Ariary selon les rabatteurs et le document (permis ou carte grise) si les usagers (pour raison de sécurité) arrivent après la distribution qui s’effectue souvent à partir de 05:30 du matin et n’ont pu en obtenir ;
- pour accélérer le dépôt des dossiers, on paie 10.000 Ariary ;
- pour le paiement des droits, on doit payer 10.000 Ariary pour ne pas s’éterniser et effectuer le paiement avant les autres. L’ouverture d’une seule caisse la matinée favorise cette corruption. Certains jours, vers midi seulement, deux autres caisses sont ouvertes afin d’accélérer le paiement mais celui-ci s’arrête à 14 :00. Des usagers doivent payer 2.000 Ariary (avis de paiement) en plus des droits normaux, et pourtant certains usagers n’en paient pas ;
- la prise de photo est aussi concernée. Selon la perception de l’opinion publique, la queue est créée pour inciter les usagers à la corruption. Un des neuf photographes serait «réservé» aux clients empruntant la «voie anormale», moyennant 10.000 Ariary.
Au total, si les usagers empruntent la «voie anormale» comme disent les rabatteurs, ils paient donc 40.000 Ariary et quelquefois plus en sus des droits normaux. Ces usagers sont les bureaucrates, les chauffeurs locataires qui doivent gagner leur pain au jour le jour comme les chauffeurs de taxi et les transporteurs de marchandises, les chauffeurs des bus et de taxi brousse qui ne peuvent pas quitter leurs postes.
Quelques faits typiques et marquants, mais d’autres cas peuvent être cités :
- Un usager résidant en province est arrivé le matin vers 09h et a pu obtenir son permis biométrique l’après-midi vers 14 h et il a pu repartir le jour même ;
- Un autre usager sachant conduire mais sans permis, grâce à «la magie pratiquée» par des agents du CIM, a pu obtenir son permis biométrique moyennant 300.000 ariary. «C’est trop dangereux et risqué», disent des rabatteurs ;
- Un autre usager a pu avoir en un jour ses papiers (carte grise) grâce à un agent du CIM moyennant 165.000 Ariary; pas de queue, ni dépôt de dossiers, ni paiement, ni prise de photos, ni récupération du document biométrique. L’agent lui a remis la carte grise biométrique le soir.
Voilà quelques faits et pratiques qui sont contraires à la loi et qui menacent la sécurité des usagers et les ruinent en même temps. Ces pratiques sont la principale raison de la réticence de nombreux usagers à cette transformation. Ils ne veulent pas enrichir les agents du CIM. Des dérives pratiquées par de nombreux agents de l’Etat qui devraient pourtant servir le public.
Certes, le premier Responsable du CIM, suite aux rumeurs et critiques et aussi après le passage des membres de la Société Civile, s’est lui-même chargé de distribuer les numéros pour les cartes grises à partir de 08 :00. Or, la distribution des numéros (souvent à partir de 05 :30) pour les permis de conduire, sont effectués par des simples agents qui en sont responsables et en gardent pour les amis et parents qui sont des rabatteurs.
Il est certain que le CIM ne pourra effectuer la transformation de dizaines de milliers de documents en QUINZE JOURS Ă raison de 200 par jour, et il en est conscient.
RECOMMANDATIONS
Pour la CNIDH,
1-) LE CENTRE D’IMMATRICULATION DE MADAGASCAR DOIT
* Revoir une fois pour toute la date butoir de manière à limiter les pratiques corruptives, compte tenu du nombre encore important des dossiers à traiter.
* Effectuer un suivi effectif des agents et des policiers, surtout ceux qui s’amènent avec un paquet de documents et des usagers qui se font accompagner par des agents du CIM et des autres fonctionnaires des autres services du bureau du Faritany.
* Rejeter l’esprit corporatiste, le copinage ainsi que le népotisme
* Continuer l’évacuation des zones autour du bureau du Faritany (derrière le bâtiment de la Cour des Comptes et le long du bureau du Faritany côté Ministère de la santé et côté Haute Cour Constitutionnelle
* Vider ces zones de toutes les personnes qui vendent des chemises et autres formulaires dont la plupart sont des rabatteurs.
* Mettre en place un point chargé de vendre les formulaires.
2-) LES USAGERS DOIVENT
* Se conformer aux organisations du CIM et renouveler leur permis et/ou leur carte grise dans les meilleurs délais et ne point attendre la dernière minute ;
* Signaler et dénoncer toutes les pratiques corruptives auprès des responsables concernés; c’est le devoir de tout citoyen ;
* Signaler et dénoncer les rabatteurs aux responsables concernés
* Exiger des agents du CIM une quittance pour tout paiement d’une somme d’argent
* Refuser toute tentative de corruption
La CNIDH peut travailler en synergie avec tous les acteurs pour lutter efficacement contre la corruption qui gangrène les services publics et privés et dont les effets entraînent la violation de Droits Humains.
Antananarivo, le 22 mars 2017
Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme
Immeuble ACORDS – 67 Ha Sud-Est (près TELMA)
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NOTA : aux dernières nouvelles, la date-butoir a été repoussée au mois 31 décembre 2017