Le journaliste d’investigation Fernand Cello arrêté à Madagascar
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’acharnement des autorités malgaches contre le journaliste engagé Fernand Cello qui a été placé en détention provisoire. Il doit répondre de sept chefs d'accusation outranciers. L’organisation appelle à sa libération immédiate.
Dans la soirée du 6 mai 2017, Avimana Fernand, alias Fernand Cello, journaliste d’investigation à Radio Jupiter, à Ilakaka, dans le nord du pays, a été arrêté par des individus se présentant comme des gendarmes, alors qu’il sortait d’une clinique privée où il était soigné depuis quelques jours à Antananarivo, capitale de Madagascar.
Connu pour ses enquêtes et pour avoir notamment révélé l’existence d’une exploitation illégale de saphir dans la région d’Ilakaka, le journaliste est aujourd’hui sous le coup de sept chefs d’accusations dont “diffamation publique”, “dénonciation abusive”, “propagation de fausses nouvelles”, “appel à la haine” et “atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat”, sans qu’il soit possible de savoir à quels faits précis ces charges se réfèrent. Une autre accusation pour “vol de chéquiers“ a été rajoutée par la compagnie d’électricité Maherlla, dont il avait également dénoncé les malversations en août 2016.
« Reporters sans frontières dénonce les pratiques des autorités malgaches qui préfèrent harceler un journaliste pour son travail d’enquête plutôt que de regarder en face les conflits d'intérêts et la corruption qui minent la nation. L’excessif nombre de charges retenues contre le journaliste montre qu’il s’agit simplement de mettre un terme aux investigations d’un journaliste qui dérange parce qu’il touche juste. Nous demandons l’abandon des charges et la remise en liberté du journaliste ».
Fernand Cello a été interpellé alors qu’il sortait tout juste de la clandestinité qu’il avait rejoint en décembre 2016, après un violent raid de l’armée sur sa radio. Peu avant cette intervention militaire, qui s’était soldée par la confiscation de l’émetteur de la radio, le journaliste avait, à l’antenne et sur les réseaux sociaux, dénoncé une exploitation illégale de saphirs par l’entreprise minière Gondwana appartenant à des proches du pouvoir. Ces révélations, qui lui ont valu d’être menacé de mort, avaient conduit le journaliste à se réfugier dans la capitale.
En août 2016 déjà, Radio Jupiter avait également été mise hors service par la compagnie locale d’électricité, Maherlla. Le fournisseur privé d’électricité avait coupé l’approvisionnement énergétique de la radio après la diffusion d’une émission du journaliste dénonçant la collusion financière entre l’entreprise et le maire d’Ilakaka.
Le 21 avril dernier, le ministère des Mines a finalement décidé de suspendre les activités de la société Gondwana pour non respect des dispositions du Code minier. Encouragé par ce verdict, Fernand Cello avait repris plus ouvertement ses activités.
Madagascar occupe en 2017 la 57e place sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse établi par RSF.
Cléa Kahn-Sriber
Responsable du Bureau Afrique
Reporters Sans Frontières, 10 Mai 2017
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Ilakaka, radio Jupiter : RSF s’insurge contre la censure arbitraire
Madagascar: une radio libre trop critique privée d’électricité par un maire
Reporters sans frontières (RSF) s’insurge contre la censure arbitraire d’une radio indépendante par une compagnie d'électricité cautionnée par les autorités municipales d’Ilakaka. L’organisation appelle le gouvernement malgache à mettre un terme à cette situation illégale, et à assurer la légalité des actions des autorités locales.
A Ilakaka, ville minière située à 700 kilomètres de la capitale Antananarivo, la radio Jupiter est privée d’électricité depuis lundi 1er août 2016. Des agents de la société Maherlla, fournisseur privé d’énergie électrique sont venus dans les locaux de la radio couper l’électricité. Face à l’incompréhension de la direction de la radio, parfaitement à jour de ses factures électriques, ces agents ont produit un document où la justification de cette coupure est formulée ainsi: «dénigrement de l’entreprise fournisseur d’électricité, ce qui signifie que l’on n’a pas besoin de ses services» et «irrespect et mépris envers des autorités».
“Reporters sans frontières condamne cette action qui est un pur acte de censure envers une radio dont le ton est jugé trop indépendant des pouvoirs économiques et politiques en place, déclare Cléa Kahn-Sriber, du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Nous demandons aux autorités municipales et à la société Maherlla de respecter la loi et de rétablir immédiatement l’électricité de la radio.”
La radio Jupiter est l’unique média de la région qui fournit une information alternative à celle des canaux officiels. C’est peut-être la raison qui a incité le maire de la ville, Ratsimanoitry Razafiarison dit Zidane, à la choisir pour organiser une émission de débat sur la gestion de sa commune, le 28 juillet. Invité à ses côté: Benjamin Ravelonirina, son directeur de cabinet, mais également propriétaire de l’entreprise d’électricité Maherlla. Rapidement, les appels en direct des auditeurs et les questions des autres invités ont mis mal à l’aise les deux hommes, à qui on reproche notamment la mauvaise gestion des ordures publiques. Le journaliste Fernand Cello a lui soulevé la question d’une taxe communale de 3% prélevée par l’entreprise Maherlla sur la facture des consommateurs, mais qui reste introuvable dans les comptes de la commune. Furieux, le maire a quitté l’émission en plein direct.
Pour le journaliste Fernand Cello, il s’agit tout simplement d’une «décision politique et d’un abus de pouvoir». La radio Jupiter a d’ailleurs décidé de porter plainte. Fernand Cello est un journaliste connu par ses reportages sur la corruption et la destruction de l’environnement autour de l’exploitation des mines de saphir à Ilakaka. Fin 2014, après avoir révélé l’existence d’une mine clandestine dans la région, il avait dû trouver refuge à Antananarivo pour échapper aux menaces des autorités locales. Plus récemment, en janvier 2016, après un reportage sur le trafic d’organes, il a fait l’objet d’une grave agression physique et été hospitalisé.
La population locale d’Ilakaka a organisé, samedi 6 août 2016, un rassemblement de protestation et de soutien à l'équipe de la radio, dont elle apprécie l’indépendance.
Cette affaire se déroule à un moment où les journalistes malgaches se battent contre l’adoption d’un nouveau de Communication liberticide auquel on reproche justement la volonté des autorités de renforcer leur mainmise sur la presse.
Madagascar occupe la 56e place sur 180 pays dans l'édition 2016 du classement de la liberté de la presse , établi par Reporters sans frontières.
Reporters sans frontières (RSF)