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Madagascar. Le Comité des droits de l’homme préoccupé par le caractère encore assez répandu de la corruption

1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/4) à ses 3384e et 3385e séances (CCPR/C/SR.3384 et 3385), les 10 et 11juillet 2017. À sa 3406e séance, le 25 juillet 2017, il a adopté des observations finales dont voici de larges extraits ci-après:


Lutte contre la corruption

11. Tout en se félicitant des mesures législatives prises par l’État partie pour lutter contre la corruption et du recrutement survenu, ces dernières années, de nouveaux magistrats et agents de police, le Comité constate avec préoccupation le caractère encore assez répandu de la corruption dans les milieux politiques, dans la magistrature et dans les autorités de police sur le territoire de l’État partie. Il s’inquiète de ce qu’un tel phénomène: (a) mine le processus de réconciliation nationale; (b) perpétue le sentiment de défiance des citoyens malagasy à l’égard des institutions de l’État partie; et (c) favorise l’impunité de certains auteurs de violations des droits de l’homme.


12. L’État partie devrait: (a) veiller strictement au respect du principe de séparation des pouvoirs et redoubler d’efforts dans sa lutte contre la corruption et l’impunité qui y est associée; (b) accélérer le processus de mise en place de la Haute Cour de Justice aux fins de garantir de manière effective l’indépendance et l’impartialité de la justice; (c) poursuivre ses efforts de recrutement et de formation de nouveaux magistrats et agents de police, selon des critères de grande transparence, de professionnalisme et d’honnêteté; (d) veiller à ce que les mécanismes de contrôle des affaires publiques, y compris le Bureau indépendant anticorruption (BIANCO), soient effectifs et efficaces; et (e) garantir que l’ensemble des affaires de corruption fassent l’objet d’enquêtes, de mesures disciplinaires et au besoin de sanctions judiciaires adéquates.


Vindictes populaires

25. Le Comité exprime ses préoccupations quant à l’augmentation du sentiment de défiance envers l’État et son système de justice se traduisant par des cas de vindictes populaires et de lynchages de personnes suspectées d’infractions. Il exprime ses préoccupations quant aux informations faisant état d’un taux important de classement d’affaires pénales à l’égard de personnes ayant participé à ces vindictes (arts. 2, 6 et 7).


26. L’État partie devrait: a) prendre des mesures concrètes aux fins de restaurer la confiance de ses citoyens envers ses institutions judiciaires; b) conduire des enquêtes et poursuivre tous les auteurs présumés de vindictes populaires ou de lynchage et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des sanctions appropriées; et c) poursuivre les mesures prises et mener des campagnes de sensibilisation sur l’illégalité de la justice expéditive et populaire et sur la responsabilité pénale des auteurs.


Exécutions sommaires et extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre

27. Le Comité exprime ses préoccupations quant aux informations faisant état d’exécutions sommaires et extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre, notamment dans le contexte des opérations de sécurisation des régions où opèrent les dahalo (voleurs de bovidés). Il demeure préoccupé par: (a) les allégations d’attaques indiscriminées par les forces de l’ordre contre des groupes supposés être des dahalo; (b) les allégations selon lesquelles, au cours de l’opération Tandroka en 2012, les forces de l’ordre auraient indistinctement exécuté un nombre important de personnes, parmi lesquelles des civils; et (c) les représailles menées par les forces de l’ordre, suite à des vindictes populaires ainsi qu’en témoignent les événements d’Antsakabary (art. 6).


28. L’État partie devrait: (a) mener de manière systématique des enquêtes promptes, impartiales et efficaces pour identifier les responsables d’exécutions sommaires et extrajudiciaires, les poursuivre et, s’ils sont reconnus coupables les condamner à des sanctions appropriées; et (b) veiller à ce que les familles des victimes reçoivent une réparation appropriée.

 

Détention préventive


35.Le Comité demeure préoccupé par le fait que, en dépit de la révision du Code de procédure pénale de 2016, les délais de la détention préventive demeurent excessifs et abusifs pour un nombre très élevé de personnes (arts. 7 et 9).

36. L’État partie devrait: (a) prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que la détention préventive reste soumise à des délais raisonnables; (b) prendre des mesures pour identifier les cas de détentions illégales et ainsi remédier à la situation des personnes qui sont en détention préventive abusive; et (c) s’assurer que les victimes de détentions préventives abusives sont dûment indemnisées.


Administration de la justice et justice traditionnelle – dina

45. Le Comité demeure préoccupé par: (a) les informations faisant état d’interventions fréquentes des autorités politiques en matière judiciaire; (b) le fait que, même si les membres élus du Conseil Supérieur de la Magistrature constituent la majorité du Conseil, le Président de la République et le Ministre de la Justice soient Président et vice-Président du Conseil, ce qui peut être vu comme une atteinte à son indépendance; et (c) le faible nombre de cas traités par ledit Conseil. Il s’inquiète également: (a) des retards importants dans l’administration de la justice; (b) de la faible couverture judiciaire sur le territoire de l’État partie; et (c) du coup élevé des procédures qui poussent un grand nombre de citoyens à préférer les systèmes de justice traditionnelle. A cet égard, il s’inquiète des informations alléguant que les dina traiteraient de cas excédant leur domaine de compétence limité au champ civil (art. 14).


46. L’État partie devrait: (a) garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire de toute interférence politique et poursuivre les efforts en vue de mettre en œuvre une justice accessible et efficace; (b) allouer des ressources humaines et financières supplémentaires à l’appareil judiciaire, y compris pour garantir une meilleure couverture judiciaire et une assistance judiciaire effective et de bonne qualité; et (c) s’assurer de ce que les dina ne traitent que d’affaires civiles et poursuivre ses efforts afin qu’aucune décision de dina contraire aux dispositions du Pacte ne soit mise en œuvre.


Liberté d’expression


49. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’intimidations, de harcèlement et de mauvais traitements à l’encontre de journalistes, d’opposants politiques et de défenseurs des droits de l’homme directement liés à l’exercice de leurs fonctions. Il s’inquiète également: (a) des allégations de brouillages et coupures de courant à l’encontre de médias d’opposition; (b) de ce que le Code de la communication de 2016 prévoit la possibilité d’amendes disproportionnées pour diffamation, injure et outrage aux bonnes mœurs, ayant pour potentielle conséquence l’auto censure des journalistes; et (c) de ce que la loi n° 2014-006 sur la lutte contre la cybercriminalité prévoit des peines de prison ferme pour injure ou diffamation à l’encontre des représentants de l’État par voie électronique (arts. 7 et 19).


50. L’État partie devrait: (a) prendre des mesures nécessaires pour garantir la protection des journalistes, opposants politiques et défenseurs des droits de l’homme contre les menaces et les intimidations et leur donner la latitude nécessaire à l’exercice de leurs activités; (b) enquêter, poursuivre et condamner les responsables d’actes de harcèlement, de menaces et d’intimidations à l’encontre de journalistes, opposants politiques et défenseurs des droits de l’homme; et (c) revoir sa législation relatives aux activités de la presse et des médias aux fins de la rendre strictement conforme aux dispositions de l’article 19 du Pacte.


Libertés de réunion et d’association

51. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’atteintes à la liberté d’association et de réunion sur le territoire de l’État partie, caractérisées par: (a) des refus d’autorisation de manifester pour les syndicats et les organisations non gouvernementales; et (b) des limitations pour rejoindre des mouvements syndicaux. Il s’inquiète également des informations selon lesquelles le droit de manifestation, même pacifique, des opposants politiques serait systématiquement nié (arts. 21 et 22).


52. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les particuliers et tous les partis politiques puissent jouir pleinement, en pratique, du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, et notamment garantir que toute restriction imposée à l’exercice de ces droits est conforme aux conditions strictes énoncées dans le Pacte.

(...)

 

Mis à jour ( Jeudi, 03 Août 2017 16:45 )  
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