Les membres de la Haute cour constitutionnelle de Madagascar, en ce 21 novembre 2018. RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président (4ème à partir de la gauche au premier plan), entouré de :
ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne, RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère, RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère, RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère, TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller, TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller, DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller, ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller, Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef
Pour la énième fois à Madagascar, la Haute cour constitutionnelle (HCC) présidée par Jean Eric Rakotoarisoa, depuis octobre 2014, va prochainement statuer sur l’avenir, que dis-je, sur le devenir même de 25 millions de Malagasy. Petits rappels.
Jean Eric Rakotoarisoa, était (le passé est de rigueur) juriste professeur, devenu -presque sans l’avoir vraiment voulu- président de la HCC, qui a passé son temps à dénaturer l'esprit même de la loi, avec des « considérant » très sidérants. De quoi avoir honte d'avoir fait des études de droit constitutionnel. Avec lui, jusqu'au départ définitif du Hery Vaovao (dans un premier temps, déjà , le 7 septembre 2018), toutes les décisions prises par les femmes et hommes au pouvoir, seront conformes à la Constitution. Du coup, toutes les décisions de la HCC ont été, sont et seront « tsy azo hivalozana » (ne pouvant faire l'objet d'aucun recours)... S’étant fourvoyé de plus en plus, va-t-il réellement se dévoyer définitivement ?
Co-fondateur très incisif du SeFaFi (Observatoire de la vie publique) -au côté du père Sylvain Urfer et Madeleine Ramaholimihaso-, Jean Eric Rakotoarisoa a fermé à quadruple tour son clapet, sur les dérives rajaonarimampiennes en tous genres, après avoir été nommé, en février 2014, membre sur le quota du filoha Hery, puis « élu » par ses pairs, en octobre 2014, à la présidence d’une HCC qu’il a corrompue dans ses prises de décisions même (ouf!). L’Histoire retiendra que, pour éviter la déchéance au même filoha Hery, il a inventé, en 2015, un « pacte de responsabilité » jamais appliqué car n’ayant jamais vu le jour, alors que la Constitution est, en elle-même, un pacte où toutes les attributions, tous les rôles, sont clairement définis. Sauf… exception devenue la règle chez lui. Comme ce fut le cas de Jean Max Rakotomamonjy, président de l’Assemblée nationale, également candidat président de la république. Un cas où le vide juridique est béant. Une autre histoire…
Voilà , en deux paragraphes, la situation qui a prévalu jusqu’en ce 21 novembre 2018. En près de cinq ans, la HCC de Jean Eric Rakotoarisoa n’a eu cesse de sauver le soldat Hery de son incompétence mais, surtout, de ses violations répétées de la loi fondamentale. Ne jouez surtout pas aux faux ingénus : il y a eu des milliards d’ariary à la clé. Preuves ? Quoi quelles preuves ? Son train de vie style « Vacances à Nosy Be », chantées par Max Exception, ne vous suffit pas ? Actuellement, cependant, cette situation de toute puissance se trouve soudain confrontée, non pas à un obstacle, mais à un cas de figure assez inédit. Explications.
Primo : celui qui l’a fait roi de la voltige constitutionnelle pour lui permettre de perdurer au maximum n’est et ne sera plus jamais président de la république, après 4 ans, 7 mois et 13 jours au pouvoir. Secundo : si celui-ci a bien voulu démissionner, selon la Constitution, pour pouvoir être candidat le 7 novembre 2018, c’est qu’il était à peu près certain de figurer comme un des deux finalistes dans un second tour. En 2013, Hery Rajaonarimampianina, alors candidat n°3, avait engrangé 15,93 % au premier tour ayant eu lieu le 25 octobre. Avec la complicité diabolique de membres des SRMV (Sections de recensement des matériels de vote) mis en place dans les districts par l’ancien Premier ministre Olivier Mahafaly -lui aussi candidat le 7 Novembre 2018-, Hery candidat n°12, cette fois-ci, avait espéré faire mieux. Comme par hasard, mais le hasard n’a pas sa place ici, voilà qu’une vingtaine de « candidats » venus de nulle part, voit leur candidature acceptée par la HCC. Un flagrant délire permettant d’éparpiller les voix. Mais avant cela, haro sur le n°13 était leur mot d’ordre ! Des tas de coups d’épées dans l’eau, au final. Et ce n’est pas fini…
Ce qu'on peut lire sur Google à propos de l'expert-comptable déchu par lui-même
Malgré toutes ces manœuvres chèrement payées, Hery Rajaonarimampianina a (enfin) ressenti la douleur d’être très mal-aimé par les électeurs malagasy, le soir même du 7 novembre 2018 : son score ne dépassa pas les 05% ! Se mit alors en branle une cabale (entente secrète de plusieurs personnes dirigée contre quelque chose ou quelqu’un) qui lui a permis, au final du 1er tour, de terminer sa carrière politique avec 08,84%. Même si ces résultats sont provisoires, Hery is finish ! Même Google affiche la fin de son mandat : 7 septembre 2018.
Mais cette augmentation de son pourcentage a eu aussi la conséquence de la diminution de celui des candidats n°25 et n°13 figurant être les locomotives avec, au final, respectivement 35,29% et 39,19% des voix exprimées. Et croyez-moi ou non mais le parti présidentiel Hvm a démontré une dernière fois (heureusement) son incompétence dans tous les domaines. Car, voilà -t-il pas que les membres de la cour de miracle de l’ex-président et sa dernière dame, ont pitoyablement clamé l’annulation pure et simple du scrutin du 7 novembre 2018 ! Quel cran, il fallait oser, non ? Surtout en payant des laissés-pour-compte de la société que ce régime a lui-même paupérisé en moins de cinq ans.
Quoi qu’il en soit, face à la soudaine précipitation des membres de la CENI à avoir proclamé les résultats provisoires trois jours avant la date prévue, les plaintes en tous genres et venues de tous les azimuts politiques, et même pseudo-politiques, s’amoncellent à la HCC. Le délai de dépôts de ces plaintes a été fixé à hier, 20 novembre 2018, à minuit. Passons tous les détails (plaintes légitimes ou non) et allons directement à la grande question que le monde entier se pose : que va décider la HCC de Jean Eric Rakotoarisoa, connaissant ses antécédents vraiment anticonstitutionnels ?
A mon sens personnel, avec un taux de participation de 54,23%, qui constitue plus de la majorité absolue, annuler le vote du 7 novembre ferait, certes le bonheur du Hvm, mais mettrait définitivement Jean Eric Rakotoarisoa au ban de la société des constitutionnalistes de la planète Terre. Par ailleurs, celui qui l’a fait régent de la loi fondamentale malagasy, sans en être le défenseur et encore moins le protecteur, n’est plus « filoha ». Il n’a donc plus de comptes à lui rendre, ni de dettes morales à s’acquitter envers ce « malfaiteur » (contraire de bienfaiteur, je suppose). Alors ? Alors, Jean Eric Rakotoarisoa va se retrouver coincé entre promesse, compromis et compromission. Qu’il le veuille ou non, il est acculé à , enfin, se comporter comme le vrai constitutionnaliste qu’il fut, avant d’avoir été pollué par la corruption de très haut niveau, instaurée par régime Hvm/Rajaonarimampianina.
En quoi consiste le fait d’être constitutionnaliste, hormis être spécialisé dans le droit constitutionnel ? Tout simplement à mettre en avant le rôle et la fonction de la Constitution relativement à la loi. Pour Jean Eric Rakotoarisoa, il ne s’agit pas d’une quelconque promesse mais il en a fait le serment à sa prise de fonction de président de la HCC. Non ? Qu’a-t-il promis à qui, après ? Disons que c’est de l’histoire ancienne… Dans ce contexte, le respect strico sensu de l’esprit constitutionnel ne saurait donner de place au compromis qui est « un arrangement dans lequel deux ou plusieurs parties font des concessions mutuelles dans le but d'arriver à une collaboration, ou en vue d'obtenir une majorité dans un groupe » (Wikipédia). Dans le contexte du premier tour de cette élection présidentielle qui nous préoccupe tous, qu’est-ce que Jean Eric Rakotoarisoa pourrait bien arranger et avec qui ? Et puis, remember le pacte de responsabilité de 2015 : plus on en a parlé plus il a disparu du paysage politique malagasy…
Il ne reste plus que la compromission. Jusqu’ici, c’est l’élément dans lequel Jean Eric Rakotoarisoa évolue. Compromission. Au pluriel, cela signifie : « Action de compromettre quelqu'un, de se compromettre soi-même avec quelqu'un, dans une affaire; accord résultant de cette action ». De manière péjorative, c’est « l’action de transiger avec sa conscience ou ses principes en acceptant certains accommodements avec d'autres personnes pour son intérêt personnel (son ambition, ses passions ou sa tranquillité) » (cnrtl.fr). Alors encore ? Ben, rien n’est évident à moins d’un miracle… En tout cas, dans sa précipitation à achever sa « mission », la CENI a laissé des traces de sa compromission (on saura avec qui, avec le temps qui n’effacera jamais les crimes commis), en rédigeant une lettre un jour avant sa proclamation des résultats provisoires (dans la soirée du 17 novembre 2018) et sans avoir daigné inviter les candidats directement concernés.
Dans cette lettre datée du 16 novembre 2018, les neuf membres de la CENI déclarent que s’il y avait des erreurs, elles n’étaient pas « délibérées » mais « inévitables ». Tiens, tiens. Ensuite, ils assurent avoir « fait de leur mieux pour être le plus transparents possible dans la conduite de leur mission ». Enfin, et défense de rire, ils ont admis « avoir été dépassés dans ce domaine par des forces (…) plus rapides, mieux financées et plus douées à communiquer avec le public (…) mais pas nécessairement les plus honnêtes ».
Oui, Mesdames et Messieurs, vous êtes bien à Madagascar, la Grande île de tous les impossibles rendus possibles par des créatures nommées au gré des promesses, compromis et compromissions plus ou moins politiques mais grassement rémunérés. Vivement la fin du monde alors ! Car, dès lors, nous n’aurons plus à affaire à de grands fabricants et même trafiquants de lois sur mesure pour avoir toujours raison.
Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 21 novembre 2018