On m’avait alors avisé dans l’après-midi du 22 novembre 2008, mais je n’y ai pas cru sur le moment. Hélas, contrairement à moi, le 9 décembre 2016 à la clinique Saint Paul du couple Razafintsambaina Julia et Olivier, le père Rémy Ralibera n’a pas gagné son ultime combat contre l’inflammation de son péritoine, appelée péritonite.
Rémy Ralibera ? Je me souviens qu’il avait fait partie de la liste des quelque 400 « étudiants » envoyés au bagne de Nosy Lava, dans la nuit du 12 mai 1972. J’avais 18 ans, mais le père Rémy Ralibera était déjà journaliste pour l’hebdomadaire «Lakroan’i Madagasikara» depuis 1966, -ainsi qu’au journal «Lumière», qui s’est éteint il y a longtemps- au moment où j’allais entrer en classe de 6è au Lycée Gallieni d’Andohalo. Il écrira dans ce journal jusqu’en 2001. Année où il prendra officiellement sa retraite. Mais c’est une façon de parler car on est journaliste jusqu’à la mort. Ce jésuite qui a été ordonné prêtre à Rome le 5 juillet 1958 -après des études de théologie en Italie et en France-, sortait vraiment de l’ordinaire.
Il avait un charisme et une voix incomparable, reconnaissable les yeux fermés. Dans sa chanson « Lera », Rossy l’imite de manière parfaite avec le mot « Mialà  ! ». Combattant des premières heures contre toutes les formes d’injustices, surtout sociales, Rémy Ralibera, dans le microcosme politique malgache, était un électron libre. Très engagé, il avait fréquenté les plus hauts dirigeants du pays sans pour autant porter allégeance à aucun d’eux. Personnage plus que personnalité, Rémy Ralibera était tout simplement authentique. Sans être diplomatique ni trivial, son langage atteignait les cœurs, tout en frappant les esprits. Il ne combattait pas les hommes mais les idées.
Le Colonel Richard Ratsimandrava. Photo : Robert Andriantsoa
Le père Rémy Ralibera nous a quittés un an exactement après avoir fait paraître son ouvrage intitulé « Souvenirs et témoignages malgaches, de la colonisation à la Troisième république » (Édition « Foi et Justice », 217 pages, décembre 2007). Ce livre résume toute sa vie faite de luttes et de faux espoirs. Il y fait des révélations sur certains mystères de l’histoire politique du pays, tel que l’assassinat du colonel Richard Ratsimandrava le 11 février 1975 à Ambohijatovo ambony et la malgachisation que le père Ralibera considèrait, à l’époque, comme un « génocide culturel »…
Le père Rémy Ralibera ne vivra donc pas le vrai développement de Madagascar… Comment a-t-il quitté cet ici-bas, cette vallée des larmes ? En n’ayant pas pu résister aux efforts dus à une intervention chirurgicale pour prévenir une péritonite. Il a rendu son ultime soupir, le matin du 21 novembre 2008, à la clinique des sœurs d’Ankadifotsy. Il avait 82 ans.
Le père Rémi Ralibera a été inhumé le lundi 24 novembre 2008 au cimetière des Jésuites à Ambohipanja Ilafy, après une messe à la paroisse d’Analamahitsy. J’avais couvert l’évènement mais les photos ont malencontreusement été effacées par le webmaster de l’époque.
Cette année 2008, la disparition du père Rémy Ralibera a suivi celle de Rado (Georges Andriamanantena), poète, journaliste et écrivain, qui nous a quittés le 15 septembre 2008, et de Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato, femme de lettres, décédée le 4 novembre 2008. En tout cas, dix ans après cet hommage était un devoir envers un « ray aman-dreny » avec qui, comme avec Rado, toute discussion enrichissait l’âme et l’esprit. Faut-il espérer qu’un jour, une entité, telle que l’UPEM (Union des Poètes et Ecrivains de Madagascar), décerne un prix «Rémy Ralibera» comme il existe déjà des Prix «Fredy Rajaofera», «Célestin Andriamanantena», «Ralaiarijaona» ?
Je rappelle enfin que, de 1977 à 1991, le père Rémy Ralibera a été le second président de l’Ordre des journalistes de Madagascar (OJM) après le vénérable Ralaiarijaona (de 1975 à 1991).
Jeannot Ramambazafy – 23 novembre 2018
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Biographie du Père Jean Rémy Ralibera
Le couple Bao Razafindrakotohasina (+1994, nom de la 7ème promotion du CEDS Madagascar) et Richard Andriamanjato (+2013) avec le père Rémy Ralibera (Photo encadrée : Daniel Rakotoseheno alias le photojournaliste Dany Be)
Jean Rémy Ralibera est né le 1er octobre 1926 à Antananarivo (Haute-Ville), Madagascar. Fils de Albert Ralibera et de Marguerite Razanatseheno, il avait 2 frères et 3 sœurs. Il a fait ses études primaires (1933-1940) au Collège des Frères à Andohalo et ses études secondaires (1942-1945) au séminaire d’Ambohipo puis au Collège Saint Michel d’Amparibe (1942-1945). Il prononça ses premiers vœux de religieux le 1er octobre 1947. Il fut ordonné prêtre, le 5 juillet 1958 à Rome. De retour à Madagascar (fin 1960), il travailla à la radio Nationale, au journal « Lumière » et à l’hebdomadaire « Lakroan’i Madagascar ». Il avait combattu toutes formes d’injustice. De 1979 à 1980, puis de 1987 à 1989, il a été curé à la Cathédrale de Faravohitra. En décembre 2007, il fit paraître son ouvrage intitulé « Souvenirs et témoignages malgaches de la Colonisation à la Troisième République ». De son vivant, ce grand homme était à la fois prêtre, aumônier, journaliste et écrivain. A partir de 2001, il s’est retiré à la communauté St Joseph, à Analamahitsy. Il est mort le 21 novembre 2008, à la clinique des sœurs Ankadifotsy. Il a été inhumé le 24 novembre 2008 au cimetière des Jésuites à Ilafy.
D’après des recherches effectuées par les élèves du CM2 du Collège de France à Soavinandriana Antananarivo
Saisie : Akshal, le 15 décembre 2012
Dossier également publié dans « La Gazette de la Grande île » du samedi 24 novembre 2018