Je ne le répèterai jamais assez : Les propos que débitent Fidèle Razara Pierre, Rolly Mercia et Fernand Cello sur la radio AZ, relayés par d’autres radios appartenant à Marc Ravalomanana, n’ont rien à avoir avec le journalisme mais se rapprochent dangereusement de la radio des mille collines qui a été le déclencheur de la mort d’un millions de personnes au Rwanda en 1994. Si ces tristes sires sont actuellement l’objet d’une plainte, personne n’ira les plaindre car l’incitation à la haine, à la rébellion et les insultes à une institution de la république ne fera jamais recette chez Reporters Sans Frontières ou Amnesty International.
Mais qui donc s’occupe du nerf de leur guerre sans issue ? Un nom revient sans cesse : Mbola Rajaonah. Madagate étant ouvert à tout le monde (enfin ceux qui sont corrects dans leurs propos), et au nom de la présomption d’innocence, j’ai trouvé très intéressant de publier une lettre qu’il m’a fait parvenir. On verra bien les réactions de part et d’autre. En tout cas, à travers sa vision de patriote malgache comme il semble se définir lui-même, il est un point à relever : en écrivant « Personnellement, je suis convaincu que les résultats de la HCC doivent être acceptés… », Mbola Rajaonah se désolidarise complètement des menées « rwandaises » de Fidèle Razara Pierre, Rolly Mercia, Fernand Cello sur radio AZ et radio 95.2. Ainsi donc, ce sont des électrons librement dangereux. Combien j’ai été payé demanderont certains esprits très…vifs. Il ne s’agit pas d’une question d’argent les gars mais comme personne n’y est insulté, cette lettre ne laissera personne indifférent, je vous le garantis. La voici telle que je l’ai reçue. Eh oui, je commence drôlement cette année 2019. Non?
Jeannot Ramambazafy
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Lettre à mes compatriotes
Nous sommes aujourd’hui à un tournant (encore une fois) de l’histoire de notre pays. Madagascar a connu bien des tournants, mais nous ne pouvons pas dire que nous avons toujours choisi les bons chemins. Certains disent que nous sommes maudits, d’autres que nous n’avons pas de chance. Personnellement, je pense que les Malgaches n’ont jamais réellement pris leur responsabilité. Nous nous cachons trop souvent derrière des dirigeants que nous mettons au pouvoir et qui nous déçoivent par la suite, derrière une communauté internationale qui nous maintient généreusement dans un état de dépendance éternelle, derrière une histoire coloniale qui n’a été ni très longue ni sanguinaire contrairement à de nombreux autres pays.
N'est-il donc pas temps pour les Malgaches de prendre leur destin en main ? De se réveiller de cette torpeur qui nous prive du droit que nous avons de disposer de nous-mêmes et de notre sort ? Jusqu’à quand notre peuple devra se contenter d’un semblant de paix, d’une unité factice, d’un développement soumis au bon vouloir des instances internationales et des puissances étrangères ?
Le débat que je soulève aujourd’hui peut paraître hors sujet pour certains. Nous sommes en pleine situation post-électorale disons « difficile », les deux camps occupés à s’accuser de tous les maux et de toutes les horreurs (et je suis loin d’être épargné). Mais la vraie problématique devrait dépasser, je pense, nos animosités respectives, l’envie d’occuper ce pouvoir qui ne l’oublions pas, appartient au peuple mais pas à celui qu’il aura élu, ou tout simplement notre désir de vengeance. La question qui devrait se poser c’est en quoi cette situation que nous nourrissons avec tellement d’énergie, en quoi cette situation peut servir notre pays ?
Dans quelques jours, la HCC devra prendre une décision de la plus haute importance : valider des élections dont personne ne peut dire que les résultats sont sans équivoque en désignant un président que l’autre camp contestera sans aucun doute. Que cela signifie-t-il ? Que nous allons avoir un président (peu importe lequel, la situation sera toujours la même), élu avec moins de 3 millions de voix sur plus de 20 millions de malgaches et presque 10 millions de votants. Déjà ces chiffres devraient nous faire peur parce qu’ils expriment un véritable problème de société. Si on se permettait de les analyser, on pourrait en déduire que malgré la pauvreté, malgré tous leurs problèmes, plus de la moitié de votants ne sont pas allés voter : soit ils estiment que ces candidats ne peuvent pas répondre à leurs attentes soit ils ont perdu tout espoir. Gros problème à résoudre pour celui qui héritera de la magistrature suprême. Mais le problème ne s’arrête pas là . Car nous le savons forcément, l’autre camp qui enregistrera plus de 2 millions de votants contestera les résultats de cette élection.
Personnellement, je suis convaincu que les résultats de la HCC doivent être acceptés parce que le non-respect des institutions et de leurs décisions est le premier pas vers l’anarchie et tous les troubles qu’elle entraine. Mais que fera-t-on de tous les citoyens qui ne seront pas convaincus de la régularité de ces élections ? Que fait-on de toutes ces preuves de fraude et de tous ces doutes qui subsistent et qui subsisteront si les autorités ne prennent pas leur disposition ? Comment fera-t-on pour sauver un pays où la grande majorité de la population ne donne pas sa confiance au président en place, un pays divisé par tous ces appels à la haine et à la violence ?
Tous ces beaux projets que chaque candidat nous a présentés, tous ces efforts à fournir et toutes ces promesses tomberont forcément à l’eau si le peuple n’adhère pas, si le peuple n’y croit pas, si le peuple ne participe pas. Mais sans confiance, que faire ?
Pourtant actuellement, faisant fi de cette énorme épine dans le pied des Malgaches, la communauté internationale, les pays frères africains et la plupart de nos principaux partenaires s’empressent de nous féliciter. Pourquoi ? Parce que nous savons faire des fraudes sans faire de vagues ? Parce que nous sommes de grands pacifistes qui se résigneront à n’importe quel résultat ? Parce que cette élection ne changera rien à notre pauvreté puisque le président qui sera élu sera forcément fragilisé ? Parce que nous ne nous entretuons pas ? Avez-vous seulement réfléchi un instant avant de féliciter le peuple malgache ? Félicitez-vous aussi la moitié des inscrits qui n’ont pas voté ? Félicitez-vous ceux qui ont voté mais dont le vote a été falsifié ? Ou plutôt, vous félicitez-vous vous-mêmes parce que votre séjour en terre malgache s’est déroulé sans encombre, vous avez été accueillis à bras ouverts, votre confort et votre sécurité assurés, votre mission « accomplie » !!!!!
Quand un observateur a admis que « oui, il y a eu des problèmes, mais il faut accepter, on est en Afrique », je suis d’abord resté sans voix. Et j’ai eu cette terrible envie de m’adresser à mes compatriotes. On peut m’accuser de tout et trainer mon nom dans la boue, me décrire comme un monstre et un fomenteur de troubles. Je me laisse parfois prendre au jeu des attaques réciproques et on peut ne pas m’aimer. Mais je suis un citoyen à part entière, je peux aimer mon pays comme chacun d’entre vous et je peux agir et réagir quand mon orgueil de malgache est touché. A quoi bon faire croire aux Malgaches que les observateurs sont là pour garantir la sincérité du scrutin, a quoi bon dépenser toute cette somme, à quoi bon tout ce cinéma pour en arriver à la conclusion que nous devons tout accepter puisque nous sommes en Afrique ? Laissez donc les Malgaches s’arranger entre eux et nous conclurons nous-mêmes ce que nous voudrons conclure puisque nous sommes à Madagascar. Nous n’avons besoin de personne pour cela.
Car le plus drôle, si on a encore envie de rire, c’est quand on sait exactement ce qui va se passer dans les mois et années à venir. Le président en place, fragile de cette élection contestée, aura du mal à imposer sa politique, sa vision et ses méthodes. On brandira sous notre nez le spectre de l’instabilité politique et on nous dira que nous sommes incapables de nous occuper de nous-mêmes. Qui fera alors la loi chez nous, encore une fois ? Mais nos chers frères de la communauté internationale bien sûr. Ils vont accourir à notre chevet pour bien s’assurer qu’on ne pourra toujours pas se relever sans eux. On nous prendra par la main, on nous dira quoi faire et comment le faire, quelles doivent être nos priorités et peu importe si tout cela nous éloigne encore plus de l’espoir de se développer un jour. Notre futur président aura un simulacre d’autorité sur la politique économique nationale et nous contesterons cette situation dans les rues à la première occasion. On organisera rapidement des élections et devinez qui viendra observer le bon déroulement du vote ?
Alors je repose ma question, pour la paix de ce pays, pour une confiance rétablie entre peuple et dirigeants, pour une plus grande légitimité du futur dirigeant, n’est-il pas temps que nous prenions notre avenir en main ? La décision prise par la HCC devrait entrainer l’apaisement, un environnement serein pour les actions de développement, un départ pour la grande aventure que Madagascar veut maintenant vivre. En l’état actuel des choses, qui peut maintenir que ce sera le cas ? Je peux avoir une préférence pour un candidat mais j’ai surtout le souci du bien-être de mes compatriotes. Lequel de vous, finalistes, peut dire qu’il peut supporter toutes les conséquences de la décision qui le nommera à la tête de ce pays ? Et surtout, autorités détenant les pleins pouvoirs, pouvez-vous affirmer que vous avez fait et ferez tout votre possible pour que cette paix et cette légitimité soient assurées ? Ce n’est pas parce que nous sommes en période électorale et post-électorale que vous n’avez pas de responsabilité envers cette Nation et son peuple.
Encore une fois, n’est-il pas temps pour nous, citoyens, candidats aux élections, responsables étatiques de nous mettre face à nos responsabilités ? A qui allons-nous donner tort quand dans quelques temps les déceptions vont s’accumuler et les rancœurs apparaitre à nouveau ? N’avons-nous donc rien appris de notre passé et sommes-nous prêts à refaire les mêmes erreurs ? Ne savons-nous pas que le même comportement entraîne toujours le même résultat, nous qui avons tant soif de changement….
Mbola Joseph Rajaonah
Note : Mbola Rajaonah a pu avoir mon adresse après mon émission sur radio Viva à propos de l’isoloir, le 18 décembre 2018 (ICI). Je m’étais alors adressé à Mbola Rajaonah -que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve- pour une éventuelle interview filmée. Se fera-t-elle un jour ? Seul Dieu le sait.
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