La Première Dame de Madagascar, Mialy Rajoelina née Razakandisa, a été choisi par le Fonds des Nations unies pour la Population ou FNUAP (UNFPA) pour être son Ambassadrice dans la lutte contre la violence basée sur le genre (VBG) et contre le mariage précoce. Dans la foulée, elle a également reçu un certificat de reconnaissance de la part du représentant résidant à Madagascar de cet organisme onusien.
Certificat de reconnaissance du FNUAP : le Fonds des Nations unies pour la Population décerne à MME RAJOELINA MIALY, Fondatrice de l’Association Fitia et Première Dame de Madagascar, la distinction d’Honneur et d’Excellence pour son engagement et ses actions en faveur de la Protection de la Femme et de la Lutte contre les Violences Basées sur le Genre. Signé : Constant-Serge Bounda
De gauche à droite: Dr Charlotte Faty Ndiaye, représentante permanente de l'OMS; le Président Andry Rajoelina, la Première Dame Mialy Rajoelina, Constant-Serge Bounda
Les arguments du représentant résidant du FNUAP, Constant-Serge Bounda à l’égard de l’épouse du Président de la république malagasy ont été… percutants ! « Vous êtes une source d’inspiration, un modèle pour des millions de Malgache. Votre parcours, votre sens du devoir et du partage ainsi que votre détermination à servir votre prochain est une source de motivation et un leitmotiv d’action pour beaucoup d’entre-nous. Vos actions concrètes dans les domaines du développement durable, de la santé, de l’éducation et de l’insertion des filles et des femmes au sein de la communauté ont permis de sauver et de transformer de nombreuses vies, surtout en milieu rural. Nous au niveau de UNFPA, et même du système des Nations Unies, nous avons été subjugués lors de vos différentes interventions à Mahajanga, à l’occasion de journée internationale de la femme. (...) Nous vous demandons, très respectueusement, de devenir notre championne pour la lutte contre les VBG car l'un de nos trois objectifs transformateurs, c'est de bâtir un monde avec zéro violence basées sur le genre, les deux autres objectifs étant zéro décès maternel évitable et zéro besoin non satisfait en planification familiale. Dès les prochains jours, nous nous engageons à repartir avec vous sillonner les routes de Madagascar, à l’école de la vie comme vous le dites dans votre profession de foi sur Fitia (...).
Suite à cette nomination sans précédent depuis que le FNUAP est à Madagascar, ci-après la transcription intégrale du premier discours officielle de l’ambassadrice VBG du FNUAP, Mialy Rajoelina, au Carlton Anosy, dans la soirée du 12 avril 2019 :
« Honorables invités,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs.
J’ai l’immense plaisir d’être parmi vous, ce soir, à l’occasion de ce grand évènement. J’aimerai, pour commencer, adresser mes vifs remerciements à toutes les personnes ici présentes, pour la noble cause à laquelle vous œuvrez. Celle de promouvoir et protéger les droits de la femme, de l’homme, des jeunes et, surtout, des filles. En outre, je voudrais féliciter le Fonds des Nations-Unies pour la Population, ou le FNUAP, pour ces cinquante ans d’existence, d’engagement et d’accompagnement auprès des populations du monde entier, et de témoigner ma reconnaissance pour les quarante et une années de sa présence et de son implication à Madagascar.
D’autre part, c’est aussi, pour nous, l’occasion de célébrer les vingt-cinq ans de la Conférence internationale sur la Population et le Développement ou le CIPD. Grâce à l’appui du FNUAP, Madagascar, comme les nombreux autres pays et ONG que vous accompagnez, reçoit un fort soutien, à travers des activités et une mise en exergue des droits humains, notamment dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, de l’égalité des chances ou la réduction de l’inégalité sociale basée sur le genre.
Vos actions et vos réalisations qui ont grandement impacté sur la population malagasy durant toutes ces années, vont dans la droite ligne des objectifs que je me suis fixé moi-même, lorsque j’ai créé mon association caritative que vous connaissez sous l’appellation Association FITIA. Je suis vraiment ravie que nos chemins se soient croisés car nous avons tellement de préoccupations en commun pour le mieux-être de la femme et de l’enfant qui sont au cœur de nos inquiétudes. Nous pourrons, ainsi, conjuguer nos efforts.
Vous continuerez à vous attacher à réduire la pauvreté ; réduire le taux de mortalité maternelle ; veiller au respect de la loi qui fixe l’âge légal minimum du mariage à dix-huit ans. Parce qu’à Madagascar, le taux de prévalence du mariage précoce est présent sur tout le territoire national et est même excessivement élevé dans certaines régions.
*Diminuer le taux de grossesse chez les adolescents ;
*Mettre à disposition les services de santé pour la reproduction dans la planification familiale ;
*Octroyer des contraceptifs modernes dans le secteur public ;
*Renforcer les services de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre, autrement appelé VBG, à travers des centres d’écoute et des conseils juridiques ;
*Encadrer ces victimes de VBG pour les traitements médicaux et psycho-sociaux ;
*Aider à l’autonomisation des femmes pour accéder au développement.
Cette liste de missions du FNUA que j’énonce n’est pas exhaustive. Il en existe encore beaucoup d’autres, toutes aussi durables. Pour ma part, comme je l’ai souligné lors de la Journée internationale de la Femme : je suis prête. Je suis prête à combattre les violences perpétrées par envers les femmes. Les femmes malagasy demeurent victimes de violences diverses qu’elles ne méritent absolument pas. Nous avons le devoir de prendre la responsabilité de stopper et bannir toutes formes de violences à l’encontre des personnes vulnérables, fragiles et, essentiellement, les femmes et les enfants.
J’avais également déclaré que je me dresserai ce 8 mars, et que je me dresserai demain encore ainsi que tous les jours à venir. J’avais aussi affirmé que je protègerai les droits fondamentaux des femmes et des enfants malagasy. Et c’est en prenant la complète mesure de mes paroles que j’accepte devant cette auguste assemblée, en ce jour du 12 avril 2019, l’honneur d’être l’Ambassadrice de la lutte contre la violence basée sur le genre et contre le mariage forcé précoce des enfants à Madagascar.
Je me tiens face à vous, aujourd’hui, pour formuler mon engagement solennel à défendre les femmes et les enfants, leurs droits, leur liberté, leur bonheur. La violence basée sur le genre, un des problèmes sociaux les plus graves au monde, continue d’étouffer les femmes et les enfants, et les empêchent de vivre sereinement et de s’épanouir. Il existe différentes sortes de violences telles que l’agression physique, sexuelle, psychologique et économique au sein de la famille. Il existe également des violences telle que l’abus sexuel de l’enfant, le viol, le harcèlement sexuel dans le milieu du travail et les établissements de formation, sans oublier la prostitution forcée et l’exploitation sexuelle des enfants et des femmes.
La violence est répandue, vulgarisée, parfois même excusée. Pourtant, elle n’est ni normale, ni acceptable et nous ne pouvons plus la tolérer. En parler ne suffit plus, il faut agir. Cette menace sévit au-delà des frontières, sans égard sur l’appartenance culturelle ou religieuse, l’appartenance ethnique, l’orientation sexuelle, l’âge ni même l’appartenance sociale.
Concrètement, à Madagascar presqu’un tiers des femmes sont victimes d’agression sexuelle dès l’âge de treize ans. Plus de la moitié des femmes subissent des violences physiques dès l’âge de quinze ans. De même, plus de la moitié des femmes au-delà de dix-huit ans sont victime de violences physiques, sexuelles et émotionnelles. Il s’avère, malheureusement, que la plupart de temps, les agresseurs ne sont autres que leurs proches. Il est inquiétant de constater que les agressions physiques que l’homme fait subir à la femme soient devenues un fait de société pratiquement normal.
Cela est d’autant plus malheureux que les femmes violentées n’ont jamais tenté de dénoncer leurs agresseurs ni chercher de l’assistance tellement elles sont terrorisées par d’éventuelles représailles. Un autre phénomène tout aussi alarmant est la fréquence des mariages précoces à Madagascar. Cette fréquence figure parmi les plus élevées dans le monde. Le pire c’est que ce sont les parents eux-mêmes qui l’imposent.
Les conséquences chez les jeunes filles sont pourtant dévastatrices car survient alors l’abandon scolaire, les relations sexuelles forcées, les grossesses précoces, les maladies tel que le VIH Sida et la mortalité infantile élevée. Et le risque accru des violences domestiques, surtout chez les filles mineures. Le mariage d’enfants est, qu’on le veuille ou non, une violation de leurs droits. Cela les détruit, les prive d’avoir accès à l’éducation et les empêche de s’épanouir. C’est l’accumulation de ces tristes faits qui me pousse à agir. Il faut absolument changer ces pratiques intolérables, ou mieux encore : y mettre un terme.
Faire prévaloir les droits de la femme et de ses filles devient de plus en plus urgent. Il faut mettre en œuvre une stratégie pour rompre le silence dans lequel elles se murent. Il faut les inciter à se manifester pour être écoutées et prises en charge par des traitements médicaux et un accompagnement pour leur réinsertion social. Par ailleurs, le 8 mars dernier, j’avais aussi lancé un appel pour que chaque citoyen prenne conscience qu’il est acteur et que si nous aspirons au changement et au développement du pays, cela commence par nous-mêmes. Je le réitère encore ce soir.
Nous devons entreprendre une action commune pour évoluer ensemble. Nous avons, tous, le devoir de nous lever pour dénoncer ce fléau qui gangrène notre monde et qui condamne nos sociétés, nos familles et nos générations futures. Agissons ensemble ; sensibilisons ; informons le plus grand nombre car ceci est vital. Agissons bien ; agissons pour que l’impact soit rapide, durable et en profondeur. Le changement de comportement et de mentalité, aussi bien des hommes que des femmes, est plus que nécessaire car ce sont les premiers obstacles au développement.
Tant que la communauté continue à tolérer les violences faites aux femmes et aux enfants, elle continue à les perpétuer de génération en génération. Tant que des hommes verront les femmes comme un être inférieur mais non comme un partenaire ou encore comme compagne, leur égal de nature plus sensible ayant besoin d’égard et de tendresse, pouvant travailler avec eux pour améliorer leur vie et celle de la famille ; tant qu’ils ne réaliseront pas que tous deux sont complémentaires, la violence persistera.
Tant que des parents penseront que la vocation de leurs filles est de se marier et que beaucoup les forcent à se prostituer au péril de leur vie ; tant que des parents penseront qu’il n’est ni prioritaire ni indispensable de les envoyer à l’école, il y aura encore et toujours violence. Cela nous concerne tous. Même vous les hommes. Car oui : les femmes sont le plus souvent les victimes de ces violences, mais les hommes et les garçons peuvent parfois aussi le subir.
La quasi-totalité des filles et des femmes maltraitées se résignent à être soumises et elles seront dans un état de dépendance intellectuelle. Elles ne pourront ni s’épanouir, ni s’émanciper, ni contribuer au développement social et économique. Une victime de violences basées sur le genre aura beaucoup de mal à se reconstruire car elle aura perdu son estime de soi. Elle se sentira rejetée, marginalisée par la société ou, même, par la famille. Elle manquera de soutien. D’où la nécessité d’un accompagnement psychologique, médical, juridique et socio-économique qui leur permettra de recouvrer sa dignité.
Aussi, est-il primordial que chaque femme connaisse ses droits et qu’elle sache qu’il existe des structures et des services publics pouvant remédier à des situations de crise et pouvant assurer sa sécurité. A cet effet, j’ai le projet de travailler en collaboration avec la brigade féminine de proximité policière qui n’existe, pour le moment, qu’à Antananarivo, et donc, j’envisage d’étendre la présence et l’action dans tout Madagascar.
Mon premier projet, en tant qu’Ambassadrice, va ainsi s’appuyer sur le renforcement de cette brigade féminine de proximité que j’aurai plaisir à vous présenter très prochainement. Pour ma mission d’Ambassadrice, je veillerai à réunir les efforts nécessaires, en vue des objectifs à atteindre A savoir :
Rendre effective l’existence d’une loi sur la violence basée sur le genre ;
Renforcer la culture de zéro tolérance face aux violences basées sur le genre ;
Développer les mécanismes de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre.
Je ne perds pas de vue que je devrai, pour cela, solliciter et établir des collaborations de toutes parts.
J’engagerai toute mon énergie à briser le silence, à briser ces liens qui enchainent à casser cette prison qui isole : la violence.
Je donnerai la parole à ceux qui auront le courage de dire un mot, de dénoncer cette réalité et je porterai la parole de ceux qui sont fatigués, qui ne trouvent plus les mots tellement la douleur est tenace.
Je donnerai la parole à ceux qui ont le courage de dire un mot, de dénoncer cette réalité. Et je porterai la parole de ceux qui sont fatigués, qui ne trouvent plus les mots tellement la douleur est tenace.
Pour terminer mon intervention, il me tient à cœur de saluer l’action bienveillante de mon époux qui a rapatrié les femmes malagasy parties travailler au Koweït. Ces femmes ont fait des concessions et des sacrifices ; elles ont pris la grande décision de laisser derrière elles leur famille, leurs enfants, dans l’espoir de pouvoir leur apporter un avenir meilleur. Issues de diverses régions de Madagascar, elles ont été attirées par un Eldorado qui n’était, en réalité, qu’un mirage car elles ont vécu l’enfer de l’esclavage moderne fait de violences physiques, morales et sexuelles.
Que Madagascar fasse partie des pays les moins avancés, n’autorise, en aucun cas, notre pays à bafouer ses droits ni ses valeurs. Il faudrait réussir à démanteler les réseaux d’agences de recrutement ne s’assurant pas du respect des droits humains, au départ du territoire national, et mieux encore, arriver à dissuader nos femmes malagasy de partir pour souffrir. Je remercie mon époux d’avoir fait primer l’amour de notre patrie, le sens des valeurs et le respect des droits humains.
Merci pour cette action formidable à l’égard de ces femmes, merci d’exister.
Pour conclure, osons exprimer d’une seule voix : oui à la Bienveillance, non à la violence.
Je vous remercie de votre aimable attention ».
Transcription à partir du prononcé : Jeannot Ramambazafy