En 10 ans à la tête de l’organisation Reporters sans Frontières -créé à Montpellier, France, en 1985 par les journalistes Émilien Jubineau, Rémy Loury, Robert Ménard et Jacques Molénat- Christophe Deloire vient de prouver qu’effectivement, le naturel revient toujours au galop même si on fait semblant de s’agiter, de gesticuler pour le chasser.
A l’origine, la devise de RSF était : « Sans une presse libre, aucun combat ne peut être entendu ». Une mission fort louable impliquant véracité et recoupements des faits ainsi que respect de la culture des peuples du monde autre que la France. Ce qui ne sera jamais le cas de la part des descendants de Gallieni. Par ailleurs, nous, à Madagascar -je parle de la majorité des Malagasy hors des vazaha taratasy-, à 10.000 km de l’Europe, nous pouvons certainement pardonner mais on n’oubliera jamais que la France fait partie des pays colonisateurs et, plus que certainement encore, Christophe Deloire, non plus (c’est une forme stylistique que seuls les experts en langue française saisiront).
Ainsi de son classement 2022. Je dis bien SON classement car, en 2017, Monsieur Deloire a été réélu Directeur général de RSF et Secrétaire général de RSF International par le conseil d’administration et le conseil international de RSF. Mais faudrait-il plutôt remercier le coronavirus qui a paralysé des activités majeures dans de nombreux pays durant deux bonnes années ? Et qui a permis de mettre en chantier des rêves d’hégémonie sous le couvert d’une association devenue Ong…
En effet, la stupeur a été générale de la part de la majorité des journalistes malagasy d’avoir appris que leur pays, dans le classement RSF publié le 03 mai 2022, a dégringolé de 41 places sur 180 pays par rapport à un classement 2021 sans donnée aucune. Quelle a été la première excuse deloirienne que l’on peut lire noir sur blanc sur le schéma ci-dessus ? « Ces indicateurs ne sont pas disponibles avant 2022 en raison d’un changement méthodologique ».
Ce qui fait que, par la magie d’on-ne-sait-pas-quoi, sans aucune donnée… donnée noir sur blanc, hop : le journalisme à Madagascar passe de la 57è à la 98è place dans le classement de RSF (54è en 2019 et 2020) sur 180 pays classés. Cela, sans aucune exaction commise sur un journaliste, sans aucun journaliste emprisonné ou mort à Madagascar dans l’exercice de son métier. Ce, depuis l’arrivée au pouvoir du Président Andry Rajoelina en 2019.
D’ailleurs, RSF le reconnaît dans le tableau ci-après.
Voilà qui fait un grand pied de nez au jeune Toky Rafalimanana qui, en malagasy, a eu le courage d’écrire que « c’est sous ce régime (Ndlr : dirigé par Andry Rajoelina, évidemment) qu’il y a eu le plus de journalistes poursuivis et emprisonnés. Mais il est toujours dit qu’il s’agit d’affaires et/ou de délits qui n’ont rien à voir avec le métier de journaliste ». « Marihina fa tao anatin’izao Fitondrana izao no isan’ny betsaka indrindra ny mpanao gazety nenjehina sy no gadraina, saingy ambara hatrany moa fa raharaha sy heloka tsy mifandraiky amin’ny asa fanaovan-gazety no nanenjehana azy ireny ».
A son âge, il n’a pas vécu la censure des années 1970 ni la DGID des années 1980. Étant de nature curieuse, j’invite ce jeune Toky à dresser une liste de tous ces nombreux journalistes emprisonnés et à la publier dans le journal « Tia Tanindrazana ».
Et j’invite, dans la foulée, tous les journalistes du monde entier à lire et relire la Loi n°2020-006 (ICI) portant modification de certaines dispositions de la Loi n° 2016-029 du 24 août 2016 (ICI) portant Code de la Communication Médiatisée. Ici, je m’adresse particulièrement à Christophe Deloire, qui devrait changer son nom en Leloir. Vous connaissez l’expression « dormir comme un loir » ? En effet, il apparaît clairement que ses fameux « sept experts » (qui sont-ils ?) se sont enracinés sur la « loi liberticide » de 2016 dont RSF a même fait un titre.
Que lit-on dans le rapport de RSF en date du 3 mai 2022, rubrique « Cadre légal » ?
Il est assez rare qu’un journaliste se retrouve en prison pour des faits relevant de l’exercice de ses fonctions. Toutefois, le code de la communication adopté en 2016 ne consacre que partiellement la fin des peines privatives de liberté pour les infractions les plus courantes, comme l’outrage, la diffamation ou la divulgation de "fausses nouvelles".
Alors, tant pis si je me répète mais il doit impérativement lire la Loi n°2020-006
Il est clair que les splendides sept experts (le même nombre que le film « The Magnificent Seven » de 1960, avec Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn, Yul Brynner, Hortz Buchholz, Robert Vaughn et Eli Wallach), ou bien n’ont pas lu du tout cette loi de 2020 ou bien ne l’a pas prise en compte. Bien sûr, Madagascar n’est-il pas un pays qu’il faut maintenir en sous-développement permanent ? Sinon, pas de dons pour RSF. Il faut bien vivre, n’est-ce pas, car il faut le rappeler : RSF est une Ong et rien d’autres.
Et dans le domaine du colonialisme et du néocolonialisme, il fait s’adapter au terrain, n’est-ce pas encore ? Puisque le délit de presse ne mène plus de journalistes en prison à Madagascar, il faut « diversifier » les sanctions. Quoi de plus naturel que d’utiliser une demi-compatriote, malgré des arguments qui vont de paradoxes en paradoxes ?
Ce qu’on peut lire sur le site de Rsf :
La radiotélévision publique (RNM et TVM) reste largement dominée par les directives de la communication gouvernementale. En 2021, un reportage basé sur de faux témoignages a été réalisé et diffusé à l’antenne de la TVM pour discréditer une journaliste et ses révélations sur les conséquences d’une famine d'origine climatique. Les médias privés, très nombreux sur tous les supports, sont extrêmement politisés, entre ceux défendant le pouvoir et ceux proches de l’opposition - une polarisation qui limite fortement l’accès à une information neutre et indépendante.
Ci-après des extraits de l’article de RSF, publié le 1er juillet 2021 :
Madagascar : une journaliste victime d’une campagne pour la discréditer
Depuis plus d’une semaine, Gaëlle Borgia, correspondante de France 24, de TV5 Monde et de l’AFP à Madagascar, installée depuis plus de dix ans dans le pays, et lauréate du prix Pulitzer pour son enquête sur l’ingérence russe dans la présidentielle malgache de 2018, fait l’objet d’une campagne destinée à la discréditer à la suite d’une vidéo postée sur son compte Facebook le 21 juin. Cette dernière montre des habitants mangeant des chutes de cuir issues de la peau de zébu, normalement utilisée pour fabriquer des sandales. La séquence, qui illustre la très grande précarité des victimes de la famine qui touche une partie du sud de la Grande Île, a rapidement fait le tour de la toile. Et provoqué des réactions en chaîne pour mettre en cause la probité et le sérieux de cette reporter au professionnalisme reconnu (…).
Quel titre ! La journaliste « discréditée » n’est autre que la jeune malgacho-française, Gaëlle Borgia de Sambava, dans le Nord de Madagascar, paradis de la vanille où sa grand-mère est ensevelie. Effectivement, le Sud, de là-haut, c’est loin... D’où sa méconnaissance, donc son non-respect de la civilisation, de la culture du zébu et de certains tabous chez ses compatriotes Antandroy. Son reportage en anglais, de 4’56”, s’intitule « Eating shoes – surviving Madagascar’s famine » sous les ailes de… l’AFP (Agence France Presse). En français, cela donne littéralement : manger des chaussures pour survivre de la famine à Madagascar. Du coup, ce reportage fait partie des 10 reportages sélectionnés au « One World Media Award » dans la catégorie « News ». J’ai vu, entendu mais je ne serais jamais convaincu, même si ce montage devient « One World Media Award » 2022. Résultats connus le 16 juin 2022.
En tout cas, Je n’aurai pas fait mieux pour focaliser l’attention. Le sérieux et le professionnalisme reconnu de cette reporter ? Ahahaha ! Tu m’en diras tant, petit Christophe, sur cette Aline. D’origine malagasy, née le 28 novembre 1984, Gaëlle Borgia, est entrée dans le journalisme en 2012, la même année où tu as été élu Sg de RSF. Oui, je permets de te tutoyer car j’ai 68 ans et 40 ans de journalisme. Le plus de Gaëlle est d’être la directrice de « Tanala Production », œuvrant dans la production audiovisuelle, et « spécialisée dans le reportage ».
En réponse à Christophe de Saône-et-Loire -Little Chris est né dans ce département à Paray-Le-Monial-, au sujet de ces « Eating shoes », je reprends ici ce qu’ont écrit et dit deux personnes que Gaëlle Borgia doit connaître. Tout d’abord, Laetitia Bezain, sa collègue correspondante à Antananarivo de Rfi qui, le 04 avril 2021 a écrit en chapô de son article sur le site de Rfi :
Le Sud de Madagascar touché par une grave sécheresse dans l'attente d'une aide alimentaire
A Madagascar, de novembre à janvier, le Grand Sud a été touché par la sécheresse la plus sévère depuis 1981. C'est ce qu'indique le dernier bulletin du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires et des Nations Unies. Quelque 1,5 millions de personnes, soit la moitié de la population de cette partie du pays, ont besoin d'une assistance alimentaire d'urgence.
Ainsi donc, le Kere existait bien depuis avant la naissance de Gaëlle Borgia en 1984. Durant 37 ans donc, aussi, ce fut une véritable Omerta concernant ces « Eating shoes » que les Antandroy mangent alors. Bravo Gaëlle ! Mais il faudra aussi nous communiquer le temps que met ce cuir pour chaussure à devenir tendre. Si cela est possible et avec quels ingrédients l’accompagner. Comme çà, les gens pourront donner ces « Eating shoes » aux 4’mis des tunnels d’Antananarivo, avec sel, poivre et même salade et piment. Thanks for the idea !
Mais, juste en passant, Gaëlle, il faut absolument que tu lises le texte de Raymond Decary intitulé : « La destruction des Cactus par une cochenille à Madagascar ; ses conséquences économiques et sociales ». On trouve ce texte aux pages 101 à 117 des Annales de la Société linnéenne de Lyon et des Société botanique de Lyon, Société d'anthropologie et de biologie de Lyon réunies, tome 75, Année 1929. 1930. Tu connaîtras alors les vrais coupables de cet état de Kere dans le Sud de Madagascar. Merci…
Il y a aussi Théodore Mbaissem, coordonateur du PAM (Programme alimentaire mondial) qui était dans le Grand Sud à l’époque, et qui a déclaré :
« Personnellement, je crois que je n’ai pas encore vu la consommation de cuir. Des efforts conjoints sont entrepris par l’organisation et par le Gouvernement dans la lutte contre la malnutrition dans le Sud du pays. Des efforts quotidiens sur le terrain qui commencent à porter ses fruits. Chaque mois, le PAM assiste dans le cadre de la crise alimentaire, 602.000 bénéficiaires avec plus de 1.500 tonnes de vivre ».
Certes, le Sud de Madagascar est immense, mais certainement que sur le terrain M. Mbaissem aurait entendu parler de ces «Eating shoes ». Mais aucun écho ne lui est parvenu. Pareil pour David Beasley, Directeur Exécutif du PAM qui s’est rendu dans ce Sud malagasy, en juin 2021.
Se rappelant d'Ambovombe, David Beasley, a déclaré : "J'ai rencontré des femmes et des enfants qui luttaient pour rester en vie et qui ont marché pendant des heures pour se rendre à nos points de distribution alimentaire ; pour ceux qui étaient en assez bonne santé pour y parvenir". Et de conclure : "Les sécheresses consécutives à Madagascar ont poussé les communautés au bord de la famine. Les familles souffrent et des gens meurent déjà de faim sévère. Ce n'est ni à cause de la guerre ni à cause des conflits, c'est à cause du changement climatique. C'est une région du monde qui n'a en rien contribué au changement climatique, mais maintenant, ce sont eux qui en paient le prix".
Du coup, en protégeant la « super » créature que les médias français ont fabriquée, Christophe Deloire s’attaque ouvertement aux dirigeants d’un pays souverain. La pandémie lui a donné beaucoup d’idées. Mais il n’en est pas à son premier diktat. Déjà, en 2014, le journal français « Le Monde », a publié un portrait intitulé « Redresseur sans frontières », qui évoque notamment la politique de redressement financier et de changement stratégique menée par Christophe Deloire. Puis, en 2016, l’hebdomadaire français « Le Canard enchaîné » a publié un article relatant «la gestion dite directive de l'association par Christophe Deloire et souligne les départs, les licenciements et le mal-être d'une partie de l'effectif de l'organisation».
Et donc, en 2021, aux heures de confinement, il a créé ce fameux comité de sept experts issus du monde universitaire et des médias. « Pour faire évoluer sa méthodologie ». Ah bon ? Plus encore. Pour ce Christophe qui n’est pas une colombe :
À l’occasion de la 20e édition du Classement mondial, RSF a fait évoluer sa méthodologie, Ce travail a permis de définir la liberté de la presse comme “la possibilité effective pour les journalistes, en tant qu’individus et en tant que collectifs, de sélectionner, produire et diffuser des informations dans l’intérêt général, indépendamment des interférences politiques, économiques, légales et sociales, et sans menaces pour leur sécurité physique et mentale”. Il en résulte cinq nouveaux indicateurs qui structurent le Classement et donnent une vision de la liberté de la presse dans sa complexité : contexte politique, cadre légal, contexte économique, contexte socioculturel et sécurité.
Ah bon ? Si ce n'est pas de la politique, Dieu que çà y ressemble.
Louise Mushikiwabo, alors ministre des Affaires étrangères du Rwanda, a été élu lors du 17è Sommet de la Francophonie qui s'est déroulé à Erevan, en Arménie, en 2018. Elle a succédé à la Canadienne Michaëlle Jean
C’est vraiment complexe (d’Ampefiloha). A ce rythme, un de ces quatre matins, Madagascar va quitter la Francophonie, étant donné que toute cause a ses effets. Le Rwanda, par exemple, a avancé de 20 places dans le classement de RSF. Mais ce pays anglophone est toujours 136è sur 180. Or, qui est Sg de la Francophonie, jusqu’en octobre prochain ? Louise Mushikiwabo, une Rwandaise. RSF une Ong (Organisation non gouvernementale) ?
Alors ? Alors, rien. Faut-il en vouloir à Gaëlle Borgia si à 7 ans, elle a été obnubilée par « l’exploit » de Patrick Poivre d’Arvor ou PPDA ? Celui-ci, le 16 décembre 1991, lors du Journal télévisé de TF1, a lancé une interview du Lider Maximo, Fidel Castro, qu'il présenta comme "exclusive". Seulement un mois plus tard, le pot-aux-roses est découvert. En fait, le présentateur vedette avait assisté à une conférence de presse et s'était fait filmer tout seul, posant des questions et reprenant celles d'autres journalistes. Pourquoi alors n’at-il pas été renvoyé, viré ? Le magazine TéléStar dévoile la réponse à ce pourquoi : "Michèle Cotta qui était la patronne de l'info à l'époque, nous a raconté : " Mais on aurait été fou de le virer. PPDA c'était la machine à cash de TF1. Et comment on aurait pu se priver de PPDA ? ", a rapporté Romain Verley. Un sentiment de toute puissance qui permettait donc à Patrick Poivre d'Arvor de ne jamais se sentir inquiété et d'agir comme il l'entendait. En tout cas, le même PPDA a été clair. Après : LA BASE DU MÉTIER, C'EST L'HONNÊTETÉ.
La question est donc : jusqu’où iront Christophe Deloire et Gaëlle Borgia, l’un s’attaquant tout simplement à un mode de gouvernance qui ne plait pas aux dirigeants français (Ong, mon œil); l’autre se sentant intouchable dans ces reportages un peu, beaucoup trop montés et retouchés. Je parle en connaissance de cause étant, entre autres études -je déteste en parler car tout ce que je sais c'est que je ne sais rien-, diplômé du Conservatoire français de Paris, 7 ans avant sa naissance. Enfin, il est vrai que le journalisme n’a pas de frontières mais, un jour, il faudrait poser la question suivante à Gaëlle Borgia : se sent-elle française ou Malagasy ou toujours le cul entre deux chaises ? Si c'est le dernier cas, qu’elle sera son prochain « exploit » ?
Der des der : au sujet de SON prix Pulitzer. Je ne vais pas encore en faire tout un plat -avec des semelles en cuir- ayant déjà rédigé un article à ce sujet. Le cocorico français s’était mis à assourdir les médias d’ici et d’ailleurs, mais ont fini à admettre que ce prix a été adjugé à titre collectif. En tout cas, RSF, France 24, TV5, AFP, Rfi ont encensé Gaëlle Borgia en ignorant superbement les deux autres contributrices Malagasy que sont Prisca Ranjarison et l’autre Gaëlle, Ramamonjisoa, celle-là. C’est çà l’esprit de solidarité et d’équipe : savoir être humble.
En tout cas, en 2023, Madagascar sera à la cent je-ne-sais-plus quelle place. Car, même si personnellement je m’en balance, le cœur des colons est dur comme du granit et ils sont très rancuniers. Oui, il y a Cœur de pirate (Béatrice Martin) et il y aura éternellement cœur de colons… Celui de Christophe Deloire, en 2022, a été giflé par la bise de la discrimination néocoloniale.
Pour le jeune Toky Rafalimanana, afin qu'il étoffe sa culture générale, qu'il sache que la bise dont je parle n'est pas celle à laquelle il pense. Non. La bise dont je parle c'est, en Europe, un vent sec et froid qui souffle du Nord ou du Nord-est.
Pour terminer votre lecture de ce dossier, scrutez bien les commentaires plus bas... Merci.
Dossier de Jeannot Ramambazafy – 08 mai 2022