L’année 2016 qui arrive à son terme, aura été marquée par l’apparition au grand jour d’un nombre important d’accaparements de terre dus aux exploitations minières et par une montée en intensité des actions de protestation de la population contre les projets miniers en question. Le cas Soamahamanina s’est particulièrement distingué par la détermination de ses habitants et par la répression qui s’est abattue sur le mouvement.
La lutte des habitants de Soamahamanina pour la défense de leurs terres a marqué l’année 2016
Des habitants de Soamahamanina ont manifesté le long de la Route Nationale n°1 depuis le mois de février car la majorité d’entre eux refuse un projet d’exploitation aurifère qui menace de destruction leur village, leur environnement, leurs sources de revenus. Mais au mois de mai, le permis environnemental, dernière étape avant la délivrance de l’autorisation de débuter les opérations d’extraction a été approuvé par l’Office National de l’Environnement, et la société Jiuxing Mines SARL s’installe avec ses engins et employés. La contestation des habitants prend de l’ampleur et au mois de juin surviennent la création de l’association Vona Fitiavan-tanindrazana et le soutien de nombreux citoyens, structures et organisations de la société civile. Les manifestations sont réprimées et aboutissent à l’emprisonnement en septembre de 5 citoyens pendant plusieurs semaines. Le procès s’est tenu en novembre notamment grâce à l’intervention du Rapporteur Spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme et l’environnement, John Knox, en mission à Madagascar. Le verdict a été d’un an d’emprisonnement avec sursis pour avoir manifesté sans autorisation, les détenus ont été acquittés pour les autres motifs d’inculpation (Ndlr: puis survint l'arrestation arbitraire, infâme et infamante d'Augustin Andriamananoro sur la même affaire de Soamahanina, ICI).
Ces répressions et sanction sont révoltantes pour plusieurs raisons :
- les paysans qui manifestent pour défendre leurs terres et leurs moyens d’existence sont considérés comme des délinquants
- alors que dans certains sites impliquant des sociétés minières chinoises, comme à Mananjary, la société ne dispose pas de tous les permis légaux mais les opérations minières ne sont pas arrêtées et aucun responsable n’est poursuivi ni sanctionné ;
- et de nombreux auteurs de délits graves de diverses sortes dont se plaint la population et qui font la réputation internationale peu reluisante du pays ne font pas l’objet ni de répression ni de sanction.
La prolifération de la délivrance d’autorisations d’exploitation aux sociétés chinoises est justifiée par les dirigeants par les besoins de la réunion de la Francophonie.
Cette installation soudaine d’une multitude de sociétés chinoises (1) contestées dans diverses régions de Madagascar a été expliquée par certains hauts dirigeants par l’existence d’un échange de procédés où la partie chinoise aurait contribué par des dons et par la construction d’infrastructures nécessaires à la réunion de la Francophonie qui s’est tenue à Antananarivo au mois de novembre.
D’un côté, l’absence de transparence totale sur ces transactions très spéciales entretient les soupçons de corruption à grande échelle. De l’autre, les milieux généralement bien informés indiquent que les sociétés chinoises nouvellement arrivées appartiennent à un groupe qui n’accorde pas beaucoup de considération aux valeurs humaines. (2)
Par ailleurs, aucune suite n’a été donnée jusqu’à présent à certaines accusations de détournement autour de la construction des infrastructures pour la réunion de la Francophonie.
La justice n’est-elle pas la même pour tous ?
Les accaparements de terre liés aux projets miniers risquent de continuer au-delà de 2016
Les promesses reçues des bailleurs et investisseurs au cours de la conférence de Paris impliqueraient également de nombreux projets miniers. Le volet « Secteur Mines et Hydrocarbures » du document présenté par l’Etat malgache à cette conférence annonce dans sa Vision la nécessité de « réformes […].  L’option prise par le Gouvernement malgache est de promouvoir la concentration des activités  […] dans des périmètres géographiques appelés « Corridor Minier et Pétrolier ». Cette concentration se situe dans un effort de coordination et de synergie et permettra de diminuer les coûts d’approche, notamment ceux relatifs aux infrastructures. »
Il est intéressant de noter que le document mentionne que « depuis 2014, 141 permis d’exploitation ont été délivrés. A fin 2015, le nombre de permis d’exploitation s’élève à 254 ».
Le nombre d’emplois directs ou indirects créés attendu est souvent le seul impact social mentionné et le chiffre précisé pour certains projets prioritaires : 600 ou 800, 15.000 en tout pour les 5 corridors, ce qui reste relativement bas par rapport aux emplois agricoles formels et informels perdus par les habitants des milliers d’hectares des zones concernées en cas d’expulsion des terres où ils vivent et cultivent actuellement.
Les infrastructures mentionnées ne sont probablement pas destinées aux populations riveraines mais aux  sociétés minières elles-mêmes et à leurs employés ainsi qu’aux nouveaux venus qui en profiteront.
Les menaces de perte de l’accès à la terre des habitants riverains ou vivant sur les futurs corridors miniers, les risques de dégradation de leurs conditions de vie et de non-considération de leurs droits dans le cadre de l’extension des exploitations minières dans les conditions actuelles risque donc encore de perdurer !
En attendant une amélioration du Code minier, le Collectif TANY recommande aux différents techniciens et décideurs et responsables politiques, économiques, judiciaires et sociaux de veiller à ne pas sacrifier la majorité de la population vulnérable pour le développement des intérêts des nantis afin de ne pas aggraver la pauvreté des citoyens défavorisés et pour que le pays n’aie plus jamais besoin d’avoir recours aux mesures cache-misère utilisées pendant la réunion de la Francophonie à Madagascar en novembre 2016.
Le Collectif TANY réitère que l’octroi de nouveaux permis miniers devrait être suspendu avant la publication du nouveau Code minier.
L’élaboration et la finalisation de ce nouveau Code minier devraient être plus participatives et inclusives et permettre un débat pour que les citoyens y introduisent des mesures favorables à la population telles que la notion de consultation publique qui figure seulement dans l’étape finale au niveau du permis environnemental actuellement.
La prise de conscience actuelle des habitants des différentes régions face aux menaces qui pèsent sur leurs terres et sur la nécessité d’élever leur voix contre les décisions unilatérales et arbitraires des autorités pourra ainsi s’exprimer par des propositions constructives pour une amélioration de la législation.
Paris, 26 décembre 2016
Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
Références :
(1) Mananjary, Anjeva, Marosada, Fandriana, Ambatondrazaka, etc….