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Madagascar : Quand l’Ambassadeur de France, Jean Marc Châtaigner, met la Communauté internationale devant ses propres contradictions

 

 

 

A Antananarivo, le 14 juillet, comme chaque année, a été célébré à la résidence de France à Ivandry. Plutôt que de vous confectionner l’album photos habituel, je me suis concentré sur le discours de l’Ambassadeur Jean Marc Châtaigner qui a eu le « courage » de dire ses 4 vérités à la Communauté internationale mais aussi à tous, sans exception, impliqués dans cette crise politique devenue irritante. Extraits saillants de ce discours qui sort du jargon des diplomates qui n’ont jamais dit publiquement ce qu’ils ont au fond de leur pensée.

Littérature et commentaires

(…) Allez-vous me dire qu’elle est la position de la France -j’entends beaucoup de choses…- ? Et bien la position de la France, comme celle de l’Union européenne, la position de la France est simple : c’est celle de l’Onu, c’est celle de l’Union africaine, c’est celle de la Sadc, c’est celle de l’Organisation internationale de la francophonie, c’est celle de la Communauté internationale qu’elle a exprimée lors de la réunion du Groupe de contact d’Addis-Abeba du 30 avril. C’est celle, justement, de cet appui à une solution politique malgache inclusive, pour gérer la transition vers la résolution d’un nouvel ordre constitutionnel. Tout le reste, tout le reste n’est que littérature et commentaires. On nous demande souvent si la France reconnaît le gouvernement de la Haute autorité de transition : Ma réponse est ultra simple : la France ne reconnaît pas des gouvernements. Elle ne reconnaît donc pas plus celui-ci que le président ou le suivant. La France reconnaît les Etats donc elle reconnaît Madagascar. La France est totalement solidaire de la Communauté internationale pour dire à la HAT et aux mouvances politiques malgaches qu’une sortie de crise entièrement unilatérale créerait  plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait (…).

Une confiance excessive à de bonnes paroles technocratiques

(…) Pour ce qui est de notre poutre (de la parabole biblique de la paille et de la poutre), je pense à la France, je pense à la Communauté internationale. Je pense qu’il faudra aussi qu’on s’interroge sur certaines positions que nous avons pu prendre l’an passé, que nous n’avons pas prises, parce l’important ce n’est pas dans ce qu’on fait mais l’important est aussi dans ce qu’on ne fait pas. Pourquoi sommes-nous restés silencieux quand les choses ont commencé à se détériorer, après l’immense espoir populaire de 2002 (Ndlr : l’auto proclamation de Marc Ravalomanana). Pourquoi nos institutions internationales financières n’ont-elles rien dit lorsque l’Etat a favorisé les intérêts d’un grand monopole privé (Ndrl : la société Tiko devenue un empire économique) ? Il lui a accordé des avantages indus par rapport à ses concurrents. Pourquoi la Communauté diplomatique n’a-t-elle pas protesté ou pas assez énergiquement ou pas suffisamment lorsque les atteintes à l’Etat de droit se sont multipliées. Lorsqu’il y a eu des emprisonnements, des arrestations arbitraires et je sais qu’il y en a qui en ont subi qui sont parmi nous. Pourquoi n’avons pas protesté assez fort lorsque des entraves ont été mises à la liberté de la presse et d’expression et lorsque, parfois, la peur –certains d’entre vous l’ont dit- ont gagné les cœurs ? Si nous avions parlé plus fort, si nous n’avions pas donné une confiance excessive à de bonnes paroles technocratiques qui nous ont été prodiguées ; si nous avions décidé plus tôt de suspendre de nos aides budgétaires, si nous avions été réellement exigeants et rigoureux dans le contrôle des fonds publics et la dénonciation des conflits d’intérêts, peut-être que ces dérives ne se seraient pas produites. Peut-être que les dirigeants d'alors nous remercieraient-ils pour notre franchise et les conseils donnés. Peut-être que Madagascar aurait-elle pu continuer son développement sur de bons rails et affronter la crise économique mondiale dans de meilleures conditions (...)

Pensée émue pour les victimes innocentes du 7 février 2009 et toutes les autres

( …) J’ai, bien sûr, une pensée émue, une  pensée très émue pour les dizaines de civils innocents qui ont été tués devant le Palais présidentiel, le 7 février 2009. Plus largement aussi, j’ai aussi cette pensée émue pour toutes les  victimes de cette crise politique ; toutes celles qui ont souffert ; toutes celles qui ont perdu un ou une de leurs proches ; toutes celles qui ont subi des exactions. Le pardon qui viendra le jour venu, ne devra pas exclure la justice. Si l’appui international est nécessaire pour établir la vérité, il devra être sollicité (…).

Pas d’ingérence dans les affaires d’un Etat partenaire et souverain

(…) Les accusations, que je ne balayerai pas d’un revers de main, même si elles sont souvent constituées d’insinuations sans fondements, d’interprétations malveillantes, de rumeurs… Tout ce qui est excessif est quand même insignifiant. Non ? Elles auraient été prises avec mépris si elles n’avaient pas été reprises  par des hommes politiques que, par ailleurs, nous estimons et que nous respectons. Je vous crois pour ces derniers, pour ces hommes politiques, que leurs paroles, prononcées sans doute sous le coup de l’énervement, sous le coup de la colère -toujours mauvaise conseillère-, qui ont trahi les pensées de leurs auteurs. Je remercie, d’ailleurs, les nombreux anciens ministres, les très nombreux parlementaires qui sont ici présents (Ndrl : L’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas été dissous mais suspendus par la HAT), pour les excuses personnelles qu’ils m’ont présenté, pour ce qu’ils estimaient, eux-mêmes, largement déplacé. Je vous rappelle avec la plus grande solennité, avec la plus grande fermeté, en vous de le répéter partout où vous pouvez : la France ne peut rester indifférente à ce qui se passe à Madagascar. Nous ne pouvons pas être indifférents. Mais nous ne pouvons pas nous ingérer dans les affaires d’un Etat partenaire et souverain (…).

« Dans les plus brefs délais »

Bravo Jean Marc ! C’est ce qui s’appelle être -non pas neutre comme la Suisse qui ne l’a jamais été réellement depuis la première guerre mondiale- mais être réaliste et lucide. Il faut savoir que l’ambassadeur de France est arrivé en plein « cafouillage » est qu’il n’a pu présenter ses lettres de créances à aucune entité officielle. En tout cas, dans son discours, tout le monde est concerné, sinon impliqué. Ce qui est formidable dans ce discours qui sort vraiment de l’ornière de la diplomatie-hypocrisie-politique de l’autruche, c’est que Jean Marc Chataigner a des connaissances solides de l’Histoire récente de Madagascar. Il a su, en peu de mots, démontrer que la vraie raison de cette crise de 2002 émane d’une très mauvaise gouvernance de la part de Marc Ravalomanana. Avec, en prime, la complicité de cette fameuse Communauté internationale qui joue, à présent, une partition de maîtres chanteurs. Il n’y a pas longtemps, elle prônait pour un retour rapide à la constitutionnalité. Ce qui implique des élections le plus vite que possible. « Dans les plus brefs délais » ont été les termes utilisés. Révisez vos archives.

Si les 7 millions d’électeurs votent, où se situe l’exclusion ?

La prenant au mot, le président de la Hat, Andry Rajoelina, propose alors des élections avant la fin de cette année 2009. Autre son de cloche de la même Communauté internationale suivie de la chorale Copié-collé des trois autres « mouvance » : cela est trop précipité ! Il faudrait savoir ce que vous voulez que diable. En plus, est-on un Etat souverain oui ou non ? Le président Barack Obama, en visite au Ghana, n’a-t-il pas lui-même dit que l’avenir de l’Afrique est entre les mains des Africains. A présent donc que les Malgaches entendent se débrouiller tous seuls, voilà que les gars de Bruxelles pratiquent l’infantilisation. On parle d’exclusion. Comme l’a dit Jean marc Châtaigner, c’est de la littérature. Après avoir fait un petit calcul, j’ai trouvé que le coût des futures  élections s’élève, au maximum à 5.000 ariary par électeur. Vous multiplier cela par 7 millions d’électeurs sur une population d’environ 20 millions. Voilà, au minimum, les sous que cherche la Hat pour boucler sa mission qui est, rappelons-le, l’entrée de Madagascar dans une IVème république impliquant une refonte en profondeur de la Constitution. Hormis l’aspect technique et législatif du processus, Il faudra enfin utiliser le bulletin unique qui sera pris en charge par l’administration. Toutefois, il demeurera impératif que l’organisation des élections soit dévolue à une entité tout à fait indépendante du « Fanjakana », appuyée par des observateurs internationaux. Si tous ces électeurs votent, où se trouvent l’exclusion ?

Où est l’actualité pour les Malgaches des 22 régions ?

Et les électeurs malgaches voteront. Si, mais seulement si, on leur explique bien et clairement les enjeux par une campagne de communication à la hauteur des enjeux. Malheureusement, la HAT brille par un manque endémique d’hommes capables de maîtriser la communication qui est tout un processus et non pas seulement la manière de diffuser des informations à son avantage. Dernière bévue : l’annonce par la téléspeakerine de la télévision nationale (Tvm qui couvre tout le territoire) que ce que j’ai recueilli pour vous, plus haut, sera relaté demain 15 juillet 2009. Aberrant ! Où est l’actualité pour les Malgaches des 22 régions ? cela n’est assurément pas la faute à Andry Rajoelina, j’en suis persuadé. Cependant, il n’y a aucune excuse à cette faute professionnelle sûrement diligentée à un niveau qui dépasse les journalistes et les techniciens qui ont couvert l’évènement. Dès lors, qui alimente les rumeurs, avec un tel comportement de rétention d’informations ? Continuez comme çà mais, dès lors, n’espérez plus rien du peuple qui aura (encore) lutté pour rien, à cause d’individus qui se prennent au sérieux sans jamais l’avoir été, depuis le début de ce combat qui a fait des centaines de victimes. A bon entendeur, salut car je n’ai pas non plus lutté pour des prunes mais pour que mes descendants aient un réel avenir brillant. Avec vos façons de jouer au Roi Soleil, vous commencez à semer le doute en moi. Ce qui ne sera pas à votre avantage, je vous le garantis. Pour le moment, le président de la HAT n’est pas impliqué. Mais s’il tarde à aller enlever les grains de sable qui bloquent les rouages déjà mal huilés de son Tgv, il aura de mes… nouvelles.

Jeannot RAMAMBAZAFY - Journaliste

Antananarivo, le 14 juillet 2009

Mis à jour ( Mardi, 28 Juillet 2009 08:37 )  
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