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Nadine Ramaroson : la leçon qu’elle a laissée

Les Malgaches n’ont pas la même culture que les Créoles. Lorsqu’une personne est décédée, chez ces derniers, tous les travers de sa vie sont rappelés lors de son enterrement.

A Madagascar, tout le monde devient un saint : le voleur, le braqueur, le menteur, le buveur, l’arnaqueur, le dictateur… bref tous sont pardonnés par des hommages ampoulés à l’extrême. Concernant notre Nadine Ramaroson, notre mère, notre sœur, notre fille, elle a mérité sa place au Paradis. Et c’est à travers elle qu’est démenti le terme malgache : « Maty vao Ra-Malala » (c’est quand une personne disparaît que l’on reconnaît sa grandeur au point d'en rajouter).

Nadine avait la grandeur des êtres humains d’exception. Comment une femme, riche, belle, cultivée, qui a passé 30 ans en Suisse, s’est-elle retrouvée embarquée dans la galère des pauvretés de cette Grande île de l’océan Indien ? Personne ne l’a obligé à y revenir. Il y en a beaucoup comme elle, quelque part. Mais qui ne quitteront leur petit confort pour rien au monde. Ces personnes-là, on ne les voit jamais, sauf dans les faire-part avec des titres qui ne leur serviront plus à rien.

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L’hommage de Nadine, lue par Camille Vital, au Palais des Sports, est certes dans le vrai, mais l’essentiel na été qu’effleuré. Cet essentiel se situe dans le patriotisme, le don de sa personne traduit par un parcours de 160.000 km à travers le pays : à pieds, en pirogue, en charrette à bœufs et non trônant de manière hautaine dans un 4X4 à un milliard, comme un souverain qui a droit de vie et de mort sur ses sujets. Issue d’une famille aisée, pour certains la logique veut qu’elle ne devait pas frayer avec les « petites gens ». Eh ben non. Elle a bouleversé un système de hiérarchie sociale qui crée des clivages sociaux, principal facteur de la pauvreté d’esprit de certains dirigeants malgaches, depuis plus d’une décennie. Son constat originel, déclencheur de sa croisade contre la pauvreté endémique de Madagascar, repose sur ceci : Comment, dans un pays aussi riche naturellement que Madagascar, où Dieu a tout mis (aussi bien en surface que sous la terre et dans la mer), les gens pouvaient-ils être de plus en plus pauvres ? Elle a compris que ce peuple qui ne demande qu’à vivre heureux, étaient -est encore- instrumentalisé à outrance pour assouvir la soif de pouvoir (honneur et argent) de quelques grotesques personnages qui croient qu’ils sont d’essence divine, qui sont les plus intelligents mais qui ont tous finis par être jetés hors du pouvoir par ce même peuple qui réagit toujours avec l’énergie du désespoir.

Depuis le début de la révolution orange, en 2009, Nadine faisait appel à moi. Tout simplement parce qu’avant elle, j’ai parcouru toute la Grande île. En près de 30 ans de journalisme, j’ai moi-même constaté rien n’a changé pour les Malgaches des régions, particulièrement dans le Sud frappé tous les deux ans par le « Kere ». La seule solution trouvée depuis plus d’un siècle : attendre les distributions du Pam (Programme alimentaire mondial), sans songer que le problème n’était pas l’eau mais sa maitrise afin de cultiver les terres arable qui ne manquent pas. Il importait d’apprendre aux gens comment cultiver pour eux-mêmes, avec leurs propres moyens et non attendre des cadeaux empoisonnés comme les tracteurs qui ont besoin de carburant et de pièces de rechange. Ce n’est qu’un seul exemple de l’immense imbécilité et l’irréalisme de dirigeants (qu’est devenu la mécanisation de la révolution socialiste ?) qui ne pensent qu’à se remplir les poches sur le dos de leurs compatriotes, et qui prient je-ne-sais quelle idole pour que la famine frappe toujours afin de tirer un pourcentage sur les dons « offerts » par-ci et par-là. Si tous les millions de dollars dépensés par le Pam pour collecter les excédents du peuple américain, à travers l’Usaid, avait servi à mettre en place un système d’extraction souterraine et un réseau de pipe-lines à partir des cours d’eau de la région, il n’y aurait plus de famine cyclique. Le confrère Latimer Rangers, ministre en 1993, y avait songé et, peu de temps après, les Japonais de la Jica (coopération nippone) avaient aussi un projet de pipe-lines. Or, tous ces projets sont tombés… à l’eau. Pourquoi ?

Ce seul exemple -car il en existe de plus incompréhensibles- pour vous faire comprendre que la pauvreté à Madagascar est entretenue par la communauté internationale (chacun des pays qui la compose adore aligner des chiffres par millions pour se vouloir être le numéro un dans l’aide d’un pays en voie de sous-développement intellectuel), grâce à la complicité de Malgaches véreux d’après eux le déluge. Mais que sont devenus tous les millions et tous ces gens-là ? L’argent est passé à la rubrique perte et profits et ceux qui étaient au pouvoir pendant un certain laps de temps sont morts dans le plus strict anonymat sans avoir rien laissé à leur nation que misère et désespoir. Et c’est dans leur faire-part qu’on lira qu’ils ont été ancien ceci, ex-cela. Et leurs biens mal acquis auront vite fait d’être dilapidés par une descendance mal éduquée, loin des principes d’appartenance à la citoyenneté. Chez Nadine, la base est quasi-biblique : tu mangeras à la sueur de ton front. Et non grâce au « Filoha hajaina Didier Ratsiraka » ou à Dada Ravalomanana. Et encore moins grâce à Andry Tgv qui ne dirige qu’une période encore plus provisoire que jamais. C’est cette culture du respect de soi, de la maitrise de ses propres capacités, de ses dons naturels (« Talenta »), qui est la grande leçon laissée par Nadine Ramaroson. Faire comprendre aux Malgaches que c’est la population qui forme une Nation. Une population qui doit vivre dans la dignité mais en respectant le principe que tout droit revendiqué implique des devoirs, des obligations. Et elle aura surtout donné de sa poche pour pouvoir agir en toute autonomie.

Elle est proche d’une autre personnalité d’exception : le père Pedro Opeka. De 1989 à 2011, il a réussi à construire 19 villages peuplés par les laissés-pour-compte des trottoirs et tunnels de la Capitale de Madagascar. Mendiants et miséreux nés du pouvoir Ratsiraka des années 1980. Cela, à partir d’un terrain vague, dépôt des ordures ménagères d’Antananarivo. Mais la différence avec Nadine Ramaroson, c’est qu’elle a œuvré à l’échelle des 22 régions de la Grande île. Sa démarche était mal vue par une poignée de malfrats de haute voltige (politiciens et opérateurs économiques) qui croient qu’ils détiennent le monde avec leur argent sale et puant et qui n’ont aucune honte à pavaner avec les attributs d’une richesse apparente vraiment trop belle pour être honnête. Pour eux, Nadine était une empêcheuse de s’enrichir rondement. Il n’y a pas de riches sans pauvres. Qui plus est si ces derniers sont tenus par la faim au ventre donc corvéables et malléables à souhait à travers des discours aussi précieux que ridiculement démagogiques. Un peuple qui n’a d’autre projet d’avenir que celui du jour d’aujourd’hui, sans plus pouvoir raisonner de manière rationnelle pour leurs enfants. Nadine leur a insufflé la possibilité de se ressaisir avec des exemples simples et concrets mais réalisables et réalistes. En un mot, elle était humaine et non humaniste. Nuance.

La dernière fois que j’ai discuté avec Nadine, c’était dans son bureau d’Ambohijatovo où on se voyait pour faire le point. Pas tous les jours mais avant et après des actions. C’était trois jours avant mon anniversaire, le 6 août. Il s’agissait de tracer les grandes lignes d’un livre que je devais rédiger, concernant toutes les actions qu’elle a mené. On devait se voir avant la fin du mois d’août. Mais le 28 août 2011, elle nous a quittés. Mais cela ne signifie pas que son départ stoppera la mise en application et en pratique de sa philosophie. Au contraire. Pour moi, le problème et que, depuis quelques temps, je ne suis pas maître de mon emploi du temps, tellement tout est urgence. Cependant, comme elle a su responsabiliser toute une équipe de personnes ressources, l’ouvrage verra le jour. Quand ? Vous le saurez assez tôt. Pour l’heure, que tous ces détracteurs sachent une vérité absolue : l’être humain meurt un jour ou l’autre mais son œuvre, sa philosophie demeure éternel. Qu’est-ce que la mort sinon une présence que l’on ne voit pas physiquement ? Les Malgaches ont le droit au bonheur. Cela relève des devoirs, de la responsabilité de personnes désintéressées qui appliquent et appliqueront la philosophie de Nadine Ramaroson. Combien sommes-nous ? Un seul suffit pour insuffler tout cela.

Certains -les profiteurs et les paresseux par habitude du culte de la personnalité- diront toujours que c’est un combat entre un pot de terre et un pot de fer. Mais penser à cela s’est déjà avoir une mentalité de perdant, d’éternel assisté. Qu’ils sachent que les grandes nations d’aujourd’hui se sont bâties grâce à des personnalités de la trempe de Nadine Ramaroson. Les solutions de facilité ne font pas partie de leur vocabulaire et de leurs actions. Ainsi, je suis profondément persuadé que Nadine n’aurait pas pu disparaître physiquement d’une autre manière : mourir en service commandé pour son pays et non dans son lit étranglée de remords. C’est son destin mais sa disparition donnera un coup de fouet dans les esprits, dans les consciences. Même les plus endurcis. Qu’on le veuille ou non. Ceci n’est pas un hommage mais un devoir envers Nadine. Pour tous les reportages concernant ses funérailles, reportez-vous à NADINE MANDRAKIZAY ! En haut de la page d’accueil. Ils seront mis en ligne, un par un, à partir d’aujourd’hui. Enfin, l'enterrement de Nadine Ramaroson a été mon troisième de la semaine, après ceux du cinéaste Solo Ignace Randrasana et Stéphane Jacob. Toutes des personnalités publiques, des piliers du patrimoine national malgache.

Jeannot RAMAMBAZAFY & Andry RAKOTONIRAINY– Samedi 3 septembre 2011

Mis à jour ( Samedi, 03 Septembre 2011 13:44 )  
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