DĂ©cidĂ©ment, le processus dictatorial est immuable chez les prĂ©sidents « tropicaux ». Au lieu dâun discours dâapaisement, Ă lâapproche du Sommet de lâUnion africaine, Marc Ravalomanana entre dans une logique digne de lâAmiral RatsirakaâŠ
Mais avant dâen arriver Ă son ordre au Premier ministre de recourir Ă la force, « au nom de la Constitution », faisons un flash back de cette journĂ©e du dimanche 25 janvier 2009 Ă Antananarivo. Pas de photos (câĂ©tait un peu trop dangereux). Mais les Ă©crits restent.
TĂŽt le matin, les chefs dâEtat-major des forces mixtes dâintervention ou Emonat se sont rĂ©unis au camp Ratsimandrava, en lâabsence de Mme la Ministre de la DĂ©fenses nationale. De leur table ronde est sorti un mandat dâarrĂȘt contre le maire Andry Rajoelina. Un reprĂ©sentant du ministĂšre de la Justice Ă©tait lĂ aussi, pour donner un cachet officiel Ă la dĂ©cision mais, Ă©trangement, le motif est restĂ© flou. Mais il nâest pas Ă douter quâAndry Tgv est accusĂ© dâappel Ă la dĂ©sobĂ©issance civile et Ă la grĂšve gĂ©nĂ©rale, aggravĂ© dâune tentative de coup dâEtat. Du coup, des camions bourrĂ©s dâĂ©lĂ©ments cagoulĂ©s et armĂ©s jusquâaux paupiĂšres ont sillonnĂ© la ville, histoire de terroriser lâatmosphĂšre. Cibles : le quartier dâAmbohimitsimbona, dans la Haute-ville, oĂč se trouve lâĂ©metteur de transmission de la radio Viva ; le domicile du Maire Ă Ambatobe oĂč se trouvent lâĂ©pouse du Maire et leurs enfants ; lâimmeuble Injet dâAmbodivona oĂč se trouve le studio de radio Viva et oĂč Andry Tgv a pris ses quartiers. Jusquâau moment ou cet article est rĂ©digĂ© en tout cas. LĂ , lâhistoire de 2002 se rĂ©pĂšte. En effet, aucun des bĂątiments ciblĂ©s ne pouvaient ĂȘtre approchĂ©s Ă cause des « Andrim-pokonolona » venus par centaines. Il sâagit de gens des quartiers comme on les a vu en 2002 qui protĂ©geaient le quartier de Faravohitra oĂč le candidat aux prĂ©sidentielles Marc Ravalomanana habite encore. Le systĂšme a fait ses preuves et mĂȘme une infiltration dâĂ©lĂ©ments en tenue civile est quasi impossible Ă moins de tirer dans le tas.
Ne pouvant rien contre ces boucliers humains, forts de leurs droits inscrits dans la Constitution, les Ă©lĂ©ments des forces de lâordre nâont fait que tourner en rond. En attendant dâautres ordres. Entre-temps, Andry Tgv, avec le soutien des habitants de la Capitale, lance un appel Ă lâarmĂ©e pour se ranger au cĂŽtĂ© du peuple. Plus tard, dans la matinĂ©e, un GĂ©nĂ©ral en exercice sâest manifestĂ© en faveur de ce dernier. Par ailleurs, certains ministres ont suivi le pas. Actuellement donc, les forces armĂ©es sont divisĂ©es entre les lĂ©galistes et les lĂ©gitimistes Comme en 2002. ParallĂšlement, ce dimanche est la date du retour de Marc Ravalomanana dâAfrique du Sud. Et lĂ , toutes les manigances ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes, minute aprĂšs minute via la radio Viva. Dâabord, les premiers responsables des ministĂšres ont carrĂ©ment rĂ©quisitionnĂ© les fonctionnaires et leur famille Ă venir accueillir le chef bien-aimĂ©. Le succĂšs de lâopĂ©ration nâa pas Ă©tĂ© garanti Ă 100%. Certains ont mĂȘme coupĂ© leur tĂ©lĂ©phone. Ensuite, le pouvoir a fait sonnĂ© les cloches des Ă©glises. Peu dâĂ©cho non plus Ă travers un son qui ressemblait au glas⊠Enfin, ce sont les chefs de quartiers (« Sefo fokontany ») qui sont montĂ© au crĂ©neau en mobilisant des cars et des gens Ă 2.000 ariary par tĂȘte de pipe. LĂ non plus les gens ne se sont pas bousculĂ©s au portillon. Ce fut alors la surenchĂšre Ă 5.000 ariary. Mais, au moment de monter dans les cars, certains sont redescendus car ils nâavaient reçu que 2.000 ariary. Une autre astuce qui a Ă©tĂ© Ă©ventĂ© consistait Ă faire croire Ă ces pauvres parmi les pauvres de la ville que le car allait les emmener chez Andry Tgv Ă la radio Viva. Cela nâa pas pris non plus car dĂ©couvert.
Enfin de compte, il y eu des gens, Ă©videmment car ce nâest pas tous les jours, surtout un dimanche que de lâargent tombe ainsi. Enfin, Marc Ravalomanana dĂ©barque. Personne ne sait si on lâa informĂ© ou non de la situation qui prĂ©vaut. Toujours est-il que ces premiĂšres phrases sont pour adresser des fĂ©licitations aux gens « sages » (« hendry ») des anciennes provinces. Puis dâemblĂ©e et sans transition, il a sommĂ© au Premier ministre de recourir Ă la force sâil le faut pour faire cesser cette mascarade qui va Ă lâencontre des dispositions constitutionnelles. Câest le monde Ă lâenvers. Pour le commun des Malgaches, le message est clair : dĂ©barrassez-moi de ces gens car ils mâempĂȘchent de respirer. Ou encore, faites tout pour protĂ©ger mon fauteuil sinon vous ĂȘtes virĂ©s ! Pauvre GĂ©nĂ©ral Charles Rabemananjara, un homme pourtant trĂšs cultivĂ© (en passant il a Ă©tĂ© le dernier Ă avoir achtetĂ© mon ouvrage « Chronostory 2002 », le jour mĂȘme de sa nomination en tant que Premier ministre). Mais bien avant lâarrivĂ©e de M. Ravalomanana, deux autres mandats dâarrĂȘts ont Ă©tĂ© Ă©mis Ă lâencontre de Nirhy Lanto Andriamahazo, adjoint au Maire pour la  SĂ©curitĂ©, des Affaires administratives et financiĂšres et notre confrĂšre Gilbert Raharizatovo. Si le premier avait dĂ©jĂ fait lâobjet dâune perquisition Ă son domicile de Votovorona, le 22 janvier dernier, le second, lui, a demandĂ© aux bailleurs de fonds de ne pas ĂȘtre complices du rĂ©gime actuel qui piĂ©tine la Constitution.
En rĂ©ponse Ă la fuite en avant de Marc Ravalomanana, Andry Tgv, dans un appel tĂ©lĂ©phonique retransmis sur radio Viva, a rĂ©itĂ©rĂ© sa volontĂ© de poursuivre la lutte et a donnĂ© rendez-vous Ă tous sur la Place du 13-Mai, Ă partir de 10h, le lundi 26 janvier 2009. VoilĂ le point de la situation Ă 18h30. Rien ne pourrait changer sauf sâil y aune charge de blindĂ©s comme contre les adeptes du Kung-Fu en1985. Du cĂŽtĂ© du rĂ©gime Tim, des jeunes se sont rassemblĂ©s une association dĂ©nommĂ©e « Fanoto » (pilon) pour la dĂ©fense des acquis du dĂ©veloppement de Marc Ravalomanana. Cela ressemble vaguement aux tts qui, en leur temps, dĂ©fendaient « trĂšs librement » et en toute impunitĂ© la rĂ©volution socialiste de Didier Ratsiraka. Câest sĂ»r : Ă Madagascar, dans le contexte socio-politique, on nâa pas de pĂ©trole et on nâa pas dâidĂ©es nouvelles non plus. En attendant de savoir de quoi demain sera fait, jetons un regard sur les aboutissants de cette troisiĂšme grande lutte populaire que Madagascar aura vĂ©cu.
En aucun cas, Andry Rajoelina ne parle de coup dâEtat. Il se rĂ©fĂšre Ă la lĂ©gitimitĂ© du peuple souverain, dĂ©tenteur du vrai pouvoir selon mĂȘme le prĂ©ambule de la Constitution malgache. Les actuels dirigeants ayant foulĂ© aux pieds cette Constitution, le peuple malgache, dont Andry Tgv se veut le porte-parole entend reprendre ce pouvoir Ă des dirigeants qui ont failli gravement Ă leur mission. A commencer par vendre la Terre-des-AncĂȘtres (« Tanindrazana ») aux Ă©trangers. Car un bail emphytĂ©otique de 50 ou 99 ans, câest lâĂ©ternitĂ© pour nos contemporains qui passeront de vie Ă trĂ©pas au terme de ce bail. Le plus malheureux est que cette histoire dâavoir cĂ©dĂ© cette terre ancestrale, a Ă©tĂ© fait sans avoir mis au courant le peuple. Il aura fallu le « Financial Time » pour dĂ©couvrir le pot-aux-roses. Par la suite, aucun de ces dirigeants nâa osĂ© dĂ©clarĂ© fermement : non, nous nâavons pas vendu le « Tanindrazana ». Mais câest dans lâintention mĂȘme quâils sont coupables. Et, allant de bafouillages en bafouillages, certains ont fait dĂ©couvrir aux malgaches stupĂ©fiĂ©s que des Japonais avaient acquis des terrains du cĂŽtĂ© de Moramanga. Et, en finalitĂ©, ce sont des milliers dâhectares qui ont Ă©tĂ© cĂ©dĂ©s sans en aviser le peuple. Lâactuelle lutte consiste donc Ă enlever tous les pouvoirs de ces dirigeants jugĂ©s traĂźtres Ă la Nation et la Culture malgache mĂȘme et Ă entrer dans une pĂ©riode de transition dirigĂ©es par Andry Tgv.
Lors de cette pĂ©riode de transition, la Constitution sera rĂ©visĂ©e de fond en comble. Comme exemple : un prĂ©sident malgache ne pourra se prĂ©senter que deux fois. Comme aux U.S.A. Le contexte gĂ©nĂ©ral sera placĂ© sous la culture du « Teny nierana » ou actions avec lâavis du peuple (mot Ă mot cela signifie phrases prĂȘtĂ©es). Comme au temps dâavant la colonisation. Madagascar possĂšde bien deux codes : celui des 105 articles et celui des 305 articles. Il faudra alors les mettre au goĂ»t de ce troisiĂšme millĂ©naire. En effet, prĂšs des 75% de la Constitution malgache mainte fois toilettĂ©e Ă lâavantage des prĂ©sidents passĂ©s et prĂ©sent, Ă©manent de la Constitution française. Cela fait, ce sera lâentrĂ©e vers la IVĂš rĂ©publique avec des Ă©lections prĂ©sidentielles dĂ©mocratiques, câest-Ă -dire au suffrage universel. Car actuellement, le changement de lâarticle 15 de cette Constitution bĂątarde, effectuĂ© par voie parlementaire plutĂŽt que par rĂ©fĂ©rendum ouvre la voie Ă des mandats prĂ©sidentiels Ă nâen plus finir. En Afrique, câest une maladie incurable, chaque prĂ©sident qui dĂ©passe le second mandat veut rester clouĂ© Ă son fauteuil pour la vie. Tournez votre regard vers le Zimbabwe oĂč un dictateur de 81 ans tient sous sa coupe des millions de gens affamĂ©s, « cholĂ©rĂ©s », pestifĂ©rĂ©s⊠bref ayant tous les bruits et toutes les odeurs de la pauvretĂ© sur terre. Malheureusement, lâAfrique du Sud le soutient, malgrĂ© le tollĂ© gĂ©nĂ©ral des puissances de ce monde. Dans mon ouvrage « Chronostory 2002 », en page 225, achevĂ© en 2003, jâavais Ă©crit : « Lâavenir nous dira qui de Didier Ratsiraka et de Marc Ravalomanana sera le plus dictateur ? ». Etant donnĂ© que ce dernier a accumulĂ© toutes les erreurs du premier, en faisant pire, il est certain quâil va faire tirer sur la foule. VoilĂ une tragĂ©die dont Madagascar pourrait faire lâĂ©conomie. Mais lâhistoire Ă©tant un Ă©ternel recommencement, lĂ , le monde entier aura effectivement les yeux braquĂ©s sur la Grande Ăźle.
Ici, il faut faire une remarque qui a son importance. La plupart des Malgaches, qui sont en fait des parents et mĂȘme grands-parents, sont las de ce genre de situation. 2002 et mĂȘme 1990-1991 ne sont pas loin. Or, si vous regardez attentivement les photos de la foule immense du samedi 24 janvier, les jeunes dominent (comme ci-dessus). Ce sont eux les futurs piliers de la Nation malgache. Dans mon quartier, par exemple, des enfants qui avaient 12-13 ans en 2002 sont majeurs Ă prĂ©sent. Mais, malgrĂ© les promesses « ravalomananiennes », les « croyez seulement » et les « il faut travailler dur, travailler bien » (qui sâapparentent aux « mamokara, mamokara » ou produisez, produisez de Didier Ratsiraka), leurs parents sont devenus encore plus pauvres quâau temps de leur enfance. En Andry Tgv, ils sâidentifient et comme ils nâont pas une perception exacte des luttes passĂ©es, cette lutte est la leur. Ils entendent faire lâHistoire pour ne pas faire comme leurs parents qui ont passĂ© leur vie entiĂšre Ă la subir. Quâon se le dise ! En tout cas, quoi quâil arrive, ni Andry Tgv ni Marc Ravalomanana ne voudront plus reculer. Lâactuel prĂ©sident aurait pu faire des concessions, au nom de la fiertĂ© nationale liĂ©e Ă la tenue du Sommet de lâUnion africaine en juillet. Mais non, il poursuit la logique dictatoriale. Dâici quâil rĂ©alisera que le mouvement fait dĂ©jĂ tĂąche dâhuile dans les rĂ©gions, il sera trop tard. Pour lui. MoralitĂ© dans cette tranche dâhistoire de la Nation malgache ? Il nây en a pas mais le monde est en marche pour un avenir meilleur sachant que cela aura un prix.
Jeannot Ramambazafy - Journaliste