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Home Vie politique Chronique Madagascar Corruption. Plus on en parle, plus elle persiste et se multiplie

Madagascar Corruption. Plus on en parle, plus elle persiste et se multiplie

« Ady amin’ny kolikoly » par-çi, « Aoka izay ny kolikoly » par-là. Mais qui sait exactement de quoi il s’agit vraiment ? Après la lecture de cet article, vous serez forcés de tomber d’accord avec moi : oui, nous sommes tous plus ou moins corrompus à un niveau ou à un autre, à partir du moment où c’est l’intérêt -le mien, le vôtre, le nôtre- qui prime. Mais en sommes-nous conscients ? Matières à réflexion.

En l’an 399 av. J.C., le philosophe grec Socrate fut condamné à mort pour, entre autres, avoir corrompu la jeunesse (in Xénophon : Apologie de Socrate, 10, traduction de Pierre Chambry). Ce concept de corruption est d’autant plus complexe à définir que la corruption se manifeste sous de multiples formes et renvoie bien souvent à des réalités différentes. À tel point qu’il serait acceptable de ne plus parler de la corruption comme d’une notion homogène renvoyant à une réalité facilement identifiable, mais plutôt préférer l’usage pluriel des corruptions (in « Lutte contre la corruption à Madagascar », Bastien Serre, 2017).

En langue malagasy, le mot corruption est traduit par « kolikoly » qui, en fait, est un terme tiroir : « Ny kolikoly, na tsolotra, na risoriso dia fifanarahana ratsy miseho eo amin'ny ankolafiny anankiroa, amin'ny alàlan'ny fanolorana fanomezana na vola tsy ara-dalàna ho tambin'ny asa na fanomezana tombondahiny anankiray tsy ara-dalàna ihany koa » (wikipédia).

Traduction libre. « La « corruption », ou bakchich ou pot-de-vin, est un accord irrégulier répréhensible passé entre deux parties, à travers l’octroi de cadeau(x) ou d’argent, en récompense d’un travail, ou dans le but d’avantager une partie.


D’emblée donc, tout semble être une question d’argent et l’on parle alors de « petite » ou de « grande » corruption selon le milieu et le contexte social où l’accord, l’entente est passée. Cela va de l’argent passant d’une main à l’autre, à un véritable réseau mafieux de comptes en banques secrets, dans lequel des personnes censées être au-dessus de tout soupçon sont impliquées d’une manière ou d’une autre.

C’est sur ce genre de réseau que sont focalisés les esprits dès qu’on parle de corruption en général dans le monde entier. Et pourtant, comme le chante Charles Aznavour, tout émane de l’esprit et du corps avant toute chose et la base même de toute transaction, de quelle sorte qu’elle soit, demeure l’intérêt -au sens de profit, avantage- qui n’est pas obligatoirement financier mais qui est aussi question d’honneur et de prestige. Pour être au-dessus du commun des mortels, aboutissant souvent à l’arrogance et au mépris des autres au final. Fouillez votre mémoire, vous vous souviendrez qu’à un moment ou un autre, vous avez été « corrompu(e »… Mais sans que vous ne soyez pour autant cupide, vénal(e), ou ayant une déficience morale.

Tous les synonymes du mot "corruption"

Dans la bonne langue française, exempte du mot-à-mot et du m’as-tu vu qui ne veut rien dire, la définition première du mot corruption est « l’altération d’une substance, d'une chose, et la putréfaction, la décomposition qui en résulte ». Cela va du pain à un cadavre. Ici, les synonymes de corruption sont : moisissure (pain rassis et on pas raciste), pourriture. Ce n’est pas joli-joli tout çà, n’est-ce pas ? Dans le monde littéraire, la corruption est tout simplement l’altération du goût, du langage, de l’esprit et, donc, du jugement. Et nous y voilà.

Ainsi, à partir de son intérêt propre, une personne peut utiliser des moyens pour faire agir une autre personne contre son devoir, sa conscience. Cela va de la menace au chantage, en passant par l’octroi d’espèces sonnantes et trébuchantes. Qui est le plus à blâmer ? Le corrupteur ou le corrompu lorsque l’acte est consommé ? Ce cas de figure se situe au sein de l’administration publique où la corruption de fonctionnaires est devenue une institution à elle-même, tant elle apparait « normale » de la part des simples citoyens. Et c’est à partir de là que tout se complique car il est de notoriété publique que les domaines les plus réputés pour être corrompus demeurent, jusqu’à preuve du contraire : la sécurité, la justice (tiens donc…) et le foncier.


Ayant recouvré son Indépendance en 1960, Madagascar n’a songé à « lutter » officiellement contre la corruption qu’en 2002. Je parle ici de système et non d’individus, entendons-nous bien. En 18 ans, de nombreuses entités ont été créées. BIANCO (Bureau indépendant anti-corruption) et CSLCC (Conseil supérieur de lutte contre la corruption ou FAMAK pour « Filankevitra ambony momba ny ady amin'ny kolikoly ») en 2002 ; CPEAC (Chaîne Pénale Economique Anti-Corruption) en 2004 ; SAMIFIN (« Sampandraharaha Malagasy Iadiana amin'ny famotsiam-bola sy Famatsiam-bola ny Fampihorohoroana » ou Service de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme) en 2007 ; CSI (Comité pour la Sauvegarde de l'Intégrité) en 2010. L’année 2015 voit l’élaboration de la SNLCC (Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption) pour la période de 2015 – 2025, qui a pour ambition « de renforcer les dispositifs en vigueur, afin de libérer le développement de Madagascar de l’emprise de la corruption, face à un indice de perception de la corruption très préoccupant ». En 2016, les PAC (Pôles Anti-Corruption) sont mis en place pour remplacer les Chaines Pénales Anti-Corruption jugées inefficaces. Enfin, après des reculs de mauvaise foi, la HJC (Haute cour de justice), inscrite dans la Constitution de la IVème république, est enfin mise en place en 2018. Mais ce n’est qu’en ce début du mois de novembre 2020 qu’il y a enfin des… actions de ce côté. Et encore…

Car, jusqu’à présent, tout ne semble être qu’un verbiage qui cache certainement des trucs pas catholiques du tout. Du coup, il faut alors se rappeler aussi que « la corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa complaisance. Elle conduit en général à l'enrichissement personnel du corrompu ou à l'enrichissement de l'organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.). Il s'agit d'une pratique qui peut être tenue pour illicite selon le domaine considéré (commerce, affaires, politique...) mais dont le propre est justement d'agir de manière à la rendre impossible à déceler ou à dénoncer » (wikipédia). Déceler ? Dénoncer ? Choses plus faciles à dire qu’à faire, il faut bien en convenir.

Comment, dès lors, faire bouger les choses dans ce domaine de la corruption à Madagascar ? Doit-on attendre, par exemple, la fameuse « étude encore confidentielle, réalisée par une coalition d’organisations de la société civile travaillant sur la transparence des fonds alloués pour lutter contre la pandémie, sont listés toute une série de dysfonctionnements, de manquements et d’éléments dérangeants par leur opacité » ? Ce texte, à propos de « signalements d’actes de malversation liés aux fonds Covid perçus par l’Etat, déjà transmis BIANCO », publié sur le site web de Rfi par la journaliste Sarah Tétaud, le 30 octobre 2020, se complète par : « Cette étude, que Rfi a pu se procurer en exclusivité, devrait être publiée d’ici quelques semaines ».


En attendant, donc, le mot d’ordre gouvernement actuel, devenu leimotiv : « Corruption, tolérance zéro », reste pour le moment « Zéro action » pour l’opinion publique malagasy tant que les Olivier Mahafaly, Maharante Jean de Dieu, Onitiana Realy et son Briand de mari, Raoul Arizaka Rabekoto… se promènent là où ils sont, libres comme l’air. Et cela nous amène aux constats de la philosophe Ayn Rand (2 février 1905- 6 mars 1982), fugitive de la révolution russe qui a débarqué aux Etats-Unis d’Amérique en 1920 : « Quand vous vous rendez compte que pour produire, vous avez besoin de l’autorisation de celui qui ne produit rien… Quand vous vous rendez compte que l’argent, c’est pour ceux qui font les affaires non pas avec des biens mais avec des faveurs… Quand vous vous rendez compte que beaucoup sont devenus riches avec des pots-de-vin et une influence plus que pour leur travail, et que la loi ne nous protège pas contre ces individus mais les protège, eux… Quand vous vous rendez compte que la corruption est récompensée  et que l’honnêteté mène vers le sacrifice de soi-même… Alors vous pouvez dire, sans avoir peur de vous tromper, que la société est condamnée ».

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Franchement, la vie ne vaut rien mais… rien ne vaut la vie et on ne meurt qu’une fois, contrairement au film de 1967 de l’acteur britannique Thomas Sean Connery, décédé le 31 octobre 2020 à l’âge de 90 ans, qui a incarné James Bond dans les films suivants : « James Bond 007 contre Dr  No » (1962) ; « Bons baisers de Russie » (1963) ; « Godlfinger » (1964) ; « Opération Tonnerre » (1965) ;  « On ne vit que deux fois » (1967) ; « Les diamants sont éternels » (1971) ; « Jamais plus jamais » (1983). Jamais plus jamais de corruption qui mine la vie même de toute la Nation, du point de vue économique et démocratique ? Tout à fait utopique, amis lecteurs, car ce n’est pas demain la veille. Du moins, jusqu’à ce que les gros poissons soient trainés en justice. L’actuel Directeur général du BIANCO sait-il, au moins, que la liste du Premier ministre Omer Beriziky, sur les trafiquants de bois de rose à Madagascar, date d’avril 2014, il y a 6 bonnes années, et qu’Eddy « Bois de Rose » a failli, dernièrement, passer entre les mailles des filets d’une justice aussi trouée qu’une passoire, malgré des magistrats sanctionnés ? Qui protège toujours qui sous cette ère Rajoelina ?

Jeannot Ramambazafy - Également publié dans "La Gazette de la Grande île" du samedi 14 novembre 2014


Mis Ă  jour ( Mercredi, 18 Novembre 2020 06:06 )  
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