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Marc Ravalomanana L’Histoire ne changera pas ni ne le changera à 71 ans

Aujourd’hui 12 décembre 2020, Marc Ravalomanana a atteint l’âge raisonnable de 71 ans. Souhaitons-lui de passer un excellent week-end auprès de sa famille et de ses petits-enfants. Mais comme il cherche toujours à faire parler de lui, et qu’il continue à agir de manière aussi déraisonnée que déraisonnable, je ne vais pas me priver, ni vous priver, vous lecteurs assidus, de vous rappeler certains de ses faits d’armes (si on peut appeler comme çà ses trahisons) immuables que certains esprits amnésiques ne veulent pas eux, se rappeler. Pour ne pas être complices devant le tribunal de l’Histoire, sans doute.

Dans un style qui se veut neutre, voici ce que vous lirez sur wikipédia : Marc Ravalomanana, né le 12 décembre 1949 à Imerikasinina (province d’Antananarivo), est un homme d’Etat malgache. Il est maire d’Antananarivo de 1999 à 2002 et président de la République de Madagascar de 2002 à 2009, année lors de laquelle il est contraint de démissionner et de remettre le pouvoir à un directoire militaire, qui transmet le pouvoir à Andry Rajoelina. Il est battu par celui-ci à l’élection présidentielle de 2018.

Dès lors, il ne tombera pas dans l’oubli. Mais rien n’y fera, il ne pourra jamais changer l’Histoire de ses histoires de dirigeant profiteur et malhonnête. Je rappelle que ce qui suit sont de larges extraits d’un dossier que j’avais rédigé le 23 janvier 2009, et qu’ils sont développés dans l’ouvrage « Tikoland : les comptes de fait de Marc Ravalomanana ».

Par ailleurs, en matière de détaxation, le mémoire de Vola Marielle Rajaonarison pour un DEA en Finances publiques et Fiscalité (Université Paul Cézanne-Aix Marseille 3 en 2004) aura été mis à contribution ici. Merci à elle. Retour vers des réalités indélébiles (sauf pour les débiles) d’il y a plus de dix ans.

Le 21 janvier 2009, Marc Ravalomanana a définitivement atteint le point de non-retour vers sa chute. Jamais deux sans trois après Philibert Tsiranana et Didier Ratsiraka. Mais lui, il utilise le terrorisme d’Etat. Alors que le peuple malgache attendait des explications claires et précises dignes d’un dirigeant sensé, à propos des dossiers du moment qui minaient l’atmosphère socio-politique du pays, voilà que Marc Ravalomanana se met à prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. De ma vie de journaliste, je n’ai jamais entendu de telles énormités de la part d’un président malgache. Marc Ravalomanana se prend vraiment pour Dieu le Père. En tout cas, étant donné, dans la foulée, qu’il a intimé les journalistes à dire (écrire c’est mieux) la vérité vraie, il sera servi.

Marc Ravalomanana a du répondant de très bas étage. Ci-après quelques-unes de ses réponses aussi légères que son jet à 60 millions USD. Il s’agit des mots de Marc Ravalomanana, entendus sur Tvm et Tv Plus, aux journaux télévisés du 21 janvier 2009, concernant les desiderata du peuple malgache, via Andry Rajoelina devenu son porte-parole par la force des choses :

« Tsy maintsy tafa-petraka eto ny demokrasia marina. Aza mieritreritra ianareo ho lany andro etsy sy eroa, fa tsy ety an-dalàna no handeha iteniteny hoe izao ny demokrasia. An an an ! Ary manara-penitra ohatran’ireny any Etats-Unis ireny. Aza matahotra ianareo ! Tsy izay fa ny demokrasia dia miainga avy amin’ny lalàna. Hampitaotao, indrindra fa ianareo mpanao gazety : lazao ny tena marina, aza milaza zavatra tsy marina ». Traduction : Nous allons instaurer la vraie démocratie. Ne perdez pas votre temps à vouloir le faire ici et ailleurs, dans la rue. Ce n’est pas çà la démocratie qui émane des lois. Elle sera aux normes comme aux Etats-Unis./. Ravalomanana prend vraiment ses désirs pour des réalités et il a oublié d’où il est arrivé au pouvoir en 2002 : de la rue !

« N’iza n’iza milaza azy ho mafy be, tsapao aloha ny herinareo !». Traduction : Quel qu’il soit qui se croit fort, qu’il jauge d’abord ses propres forces). Nous avons affaire à un charretier, ma parole. Déjà, lorsqu’il était maire d’Antananarivo, il avait même osé dire, à Andohatapenaka, en matière de remblayage : « Raha mbola misy tany totofana any dia mbola ho totofako ». Traduction : s’il y a encore des terrains à remblayer quelque part, je les remblaierai.

Concernant l’achat du jet à 60 millions USD, voici les propos typiquement ravalomanananiens… :

« Mikasika io raoplinanina io. Izaho ve no nibaiko an’io minisitra io hividy azy dia izaho ihany no anala azy ?(…). Maninona aho nividy raopilanina ? Raopilanina novidiako io raopilanina afaha-tsika manamafy sy miasa aingana dia aingana mihitsy amin’ireo firenena manan-katao. Firy miliara de dollars ny vola azon-tsika hatramin’izao ? 4,7 milliards de dollars no azo tamin’iny Map iny. Valeur-na 60 millions de dollars dia mitabataba. Izy koa tsy zatra raopilanina rahateo ka tsy mahagaga. Ny Banque Mondiale sy ny Fmi tsy nisy niteny ahy na kely aza ! Nanaraka procédure ve ianao ? Ie nanaraka. Izay fotsiny»./. Traduction : A propos de cet avion. C’est moi qui ai donné l’ordre à ce ministre de l’acheter (le ministre des Finances Haja Razafintavoto) et c’est moi qui vais le révoquer ? Pourquoi ai-je acheté cet avion ? Parce qu’il me permettra d’accélérer mes travaux d’approches dans les pays riches. Combien de milliards de dollars avons-nous engrangé depuis ? 4,7 milliards de dollars pour le Map (Programme Madagascar Action Plan). Alors pour quelques pauvres 60 millions de dollars il y en a qui haussent le ton ? Rien de plus normal puisqu’ils n’ont pas l’habitude de prendre l’avion. Même la Banque mondiale et le Fmi ne m’ont pas fait de reproches. Ils m'ont simplement demandé si j’avais suivi la procédure. J’ai répondu, oui. C’est tout./.

Je rappelle aussi ses propos suivants, à cette époque précise : « Lazao ny tena marina, aza milaza zavatra tsy marina ! » (racontez la vérité, ne racontez pas ce qui n’est pas vrai). Allons-y alors, ne nous gênons pas !

Contrôle financier ! Voilà l’arme (fatale) du régime Ravalomanana pour éliminer tous ceux qui n’avaient pas la même vision que L’État-Tiko-Tim. Mais pourquoi de tels agissements de la part d’un homme porteur d’espérance, de développement et de dignité humaine; porté au pouvoir par ce peuple malgache en 2002, après avoir vécu d’horribles souffrances et payé de ses larmes et de son sang ?

Dès qu’il a été réélu, en décembre 2006, Marc Ravalomanana a ajusté la Constitution malgache pour pouvoir, à coups d’ordonnances, diriger Madagascar comme son entreprise. Entreprise de transformation de produits laitiers, au départ, devenu un empire qui est présent dans pratiquement tous les secteurs économiques qui marchent. Il n’y aurait rien à redire si ce n’était sa manière machiavélique d’avoir éliminé les opérateurs économiques malgaches performants pour s’accaparer de leurs affaires existantes depuis des décennies.

Certains ont mis la clé sous le paillasson d’eux-mêmes, d’autres ont déclaré faillite, d’autres ont été emprisonnés si quelques-uns sont décédés subitement... Mais, avec tout l’appareil étatique et l’arme fatale que constitue le contrôle financier, ce qui, dans d’autres cieux aurait été qualifié d’OPA (Offre publique d’achat), devient un terrorisme d’État pur et simple. Remontons aux origines.

Dans les années 80 d’une révolution malgache à pensée et parti uniques -qui allait virer brusquement à un pseudo-libéralisme-, personne ne se souciait du village d’Imerikasinina, pas plus que d’un quidam nommé Marc Ravalomanana dont on ignore le rôle exact des parents durant les évènements tragiques de 1947. Année qu’il a renié, d’ailleurs, face au président Jacques Chirac, le 23 juillet 2005, en (lui) déclarant : « Je n'étais pas né à cette époque et je ne sais rien de ce qui s'est passé »

Dans une atmosphère digne des années de privation de guerre mondiale, Marc Ravalomanana a donc réussi à être gratifié de financements de la part de la Banque mondiale, pour racheter à vil prix les sociétés d’état « Mamisoa » et « Lalasoa » qui traitaient le soja pour le transformer en lait commercialisable. Ce, dans le cadre de la vague de privatisations, après des nationalisations à outrance qui n’ont mené strictement à rien sinon à la paupérisation du peuple, visible à travers le phénomène 4 amis (peuple de la rue).

Hors circuit politique en ce temps-là, Marc Ravalomanana a pu avoir ce financement grâce au président Didier Ratsiraka qui l’avait cautionné. L’homme d’Imerikasinina n’avait aucune prédisposition pour devenir un homme d’État. Un homme de pouvoir, peut-être, mais pas un homme d’État. Nuance. En fait donc, il aura tout appris sur le tas, de ce «métier» de président de la république.

En 2001, Didier Ratsiraka sentant (enfin) venir le danger de la part de ce candidat déclaré aux élections présidentielles du 16 décembre, fait faire un contrôle fiscal à sa société. Résultats : Marc Ravalomanana devait s’acquitter de 330 milliards fmg d’arriérés d’impôts et d’amendes diverses. Comme on dit en malgache : “Ny tody tsy misy fa ny atao ihany no miverina” : tous ses avoirs ont été gelés, y compris son avion immatriculé en Afrique du Sud.

Seulement, grâce à la « bienveillance » de Norbert Lala Ratsirahonana, du temps où celui-ci était Premier ministre, Marc Ravalomanana avait déjà bénéficié d'exonérations douanières se chiffrant à plusieurs centaines de milliards de fmg. Une fois porté par le peuple à la présidence, Marc Ravalomanana fut pratiquement « sauvé ».

Il ne devra plus rien payé des 330 milliards fmg et ses affaires reprendront de plus bel jusqu’à devenir un empire. Il aura vite fait de faire disparaître le dossier fiscal de son entreprise (impôts impayés de 197.920.396.632 fmg et le procès-verbal du 9 Novembre 2001 pour fausses déclarations, minorations, défaut de déclaration et non-paiement de droits et taxes, et ventes sans factures). Car il avait nommé, en tant que Dg des impôts, Jonah Randriambololona, alors Conseiller fiscal de Tiko, déjà au départ pour la retraite mais qui parvint à « arranger les choses ». Il faut aussi se souvenir qu’à la même époque, un incendie a ravagé les locaux de Tiko de Tanjombato. Il paraît que le feu purifie tout…

Concernant la fameuse détaxation de 2005.

La détaxation est une action fiscale qui consiste à exonérer de certaines taxes certains biens d'importation dans le but de favoriser la décision d'investissement. Madagascar en a fait l’objet pour deux ans, à compter du 01 septembre2003.

Cette décision a fait couler beaucoup d'encre à l`époque où elle a été rendue publique puisque à un moment où il s'agissait à tout prix et par tous les moyens de relancer l'économie, une stratégie visant à augmenter les recettes fiscales aurait été plus logique.

Hélas… La loi n° 2003-026 du 27 août 2003 portant sur la détaxation des tarifs douaniers et fiscal prévoit l'exemption de tous droits et taxes à l'importation ainsi que d'autres taxes d'une liste détaillée de biens et de marchandises. L'objet de cette loi, qui se remarque par son caractère très succinct, se résume dans ses trois premiers articles : elle consiste à exempter de tous droits et taxes à l'importation à savoir les Droits de Douane (DD), la Taxe d'Importation (TI), les Droits d'Accises (DA), la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), la Taxe Statistique à l'Importation (TSI) et le Droit de Timbre Douanier (DTD), les biens d'équipement et autres marchandises d'environ 380 articles.

L'article 2 de la même loi, prévoit également l'exemption à la TVA et/ou à la TST de la vente locale des biens d'équipement visés à l'article premier. L'importation des biens d'équipements est également exemptée du paiement d'acompte IBS ou d'IRNS au cordon douanier. Les biens et marchandises concernées sont comptabilisés dans huit catégories de produits qui vont de la catégorie Bâtiments et travaux publics à la catégorie tissus et fils textiles et synthétiques en passant par l'agriculture et l'élevage, le transport, l'industrie, l'informatique ainsi que les machines et appareils à usage domestique.

L'une des premières raisons avancées par le régime Ravalomanana, à l’époque était de permettre aux ménages malgaches sous-équipés d'avoir la possibilité d'améliorer leur confort. L'intention était louable en soi mais fit quand même émettre quelques réserves. D'un côté, le problème était que la situation financière dans laquelle les ménages malgaches se trouvaient, leur permettait difficilement d'investir dans des biens d'équipement. Certes, la réduction des prix de ces biens d'équipements pouvait aider une frange de la population à s'équiper, mais pour la majorité, même le prix détaxé était toujours inabordable.

D'un autre côté, si l'intention était de viser les paysans pour qu'ils s'équipent en machines et outillages agricoles, l'intérêt était réduit pour diverses raisons : d'abord, les biens immobiliers agricoles de la majeure partie des paysans malgaches sont, la plupart du temps, constitués de terrains à superficie. Leur exploitation ne nécessite, a priori, pas la mobilisation d'engins mécaniques comme les tracteurs et les machines-outils.

Cela ne signifiait pas de ne pas viser loin et envisager un mode d'exploitation plus intensif, encore moins de refuser la modernité, mais la réalité a montré que les paysans malgaches n'étaient pas encore à ce stade de besoins.

Un autre questionnement, plus économique cette fois-ci, concernait les effets inattendus (ou pas) de cette détaxation sur les industriels locaux. Comme la détaxation favorise l'importation, les entreprises qui importent leurs intrants devraient être favorisées. Or, une hausse de l'importation augmente forcément la demande en devises et une trop grande demande entraîne la chute de la monnaie nationale. La fluctuation de la monnaie nationale a pour effet pervers de faire monter le prix des intrants qui se retrouve davantage plus élevé qu'à son niveau avant la détaxation.

Le souci des industriels locaux était que cette situation risquait de les tuer à petits feux. Ils se retrouveraient victimes de cette politique : les uns avaient avoué leur impuissance face aux produits importés qui entraient à des prix défiants toute concurrence, d'autres voyaient leur coût de production augmenter à une vitesse vertigineuse avec la flambée des prix des intrants.

Le point qui suscitait la curiosité portait aussi sur les mesures techniques d'accompagnement (entre autres le dédouanement des matières premières et des intrants) promises par les pouvoirs publics pour rééquilibrer les droits et taxes frappant ces matières premières et ces intrants nécessaires à l'industrie locale et la détaxation des produits finis qui tardaient à venir.

Les tensions entre les représentants des industriels locaux et le gouvernement ont abouti à la promulgation de la loi 024/2004 du 03 juin 2004 modifiant et complétant la loi sur la détaxation des tarifs douaniers et fiscal. Des révisions ont été proposées par le gouvernement et la loi d'aménagement propose de lever la suspension de la TVA sur certains produits comme les appareils électroménagers, le ciment, les bougies, les tubes tuyaux et accessoires en matière plastique, les ficelles et cordages et les tissus de fibres de sisal. Une telle « versatilité » laissa planer le doute quant à la maturité et la pertinence de cette décision de détaxation prise sans doute de façon trop précipitée, sans tenir compte de ses conséquences sur le terrain.

Mais au final, c’est la société Tiko Oil qui été une bénéficiaire exponentielle de cette détaxation. Car si l’huile raffinée importée par ses concurrents était taxée de 20%, l’huile brute importée par Tiko Oil pour traitement sur place était exempte de toute taxe. Du coup, il n’est exagéré d’affirmer que le chiffre d’affaires de Tiko Oil a triplé le temps de la détaxation.

En 2005, l’État -donc le parti Tim donc l’empire Tiko-, avait importé ces fameuses vaches hollandaises « be ronono » ou Holstein. Tous les agents du ministère de l’Élevage qui s’étaient dressés contre ce projet de développement rapide pour Tiko ont été définitivement mis sur la touche.

Et, comme par hasard, plus de la moitié de ces vaches haut de gamme -car ayant coûté 1.500 euros par tête-, avait été achetée par Tiko, évidemment. Mais l’autre moitié a dépéri du dépaysement car quel « Malagasy Farmer » aurait pu se payer ne serait-ce que la queue de ces vaches ?

Des exemples de ce genre, indiquant comment marchent les affaires « tikoesques », par rapport aux affaires nationales réelles, il y en a des masses ignorées par la masse...

En 7 ans de pouvoir Marc Ravalomanana a réussi à atteindre deux extrêmes. D’un côté, un peuple qui se paupérise d’année en année, gavé de promesses et d’espoir perdus ; de l’autre côté, une société agro-alimentaire dont le renom a dépassé les frontières de Madagascar.

La suite et sa fin à lui, en tant que « Filoham-pirenena » ? Le 17 mars 2009, Marc Ravalomanana démissionna en remettant ses pouvoirs à un directoire militaire inexistant dans la Constitution de Madagascar et s’enfuit comme un lapin en Afrique australe, sans dire un mot à personne, surtout pas à ses fans qui étaient toujours massés à Iavoloha et auxquels, la veille, il avait pourtant déclaré : « Isika tsy miala eto na hisy maty aza » (nous ne bougerons pas d’ici même si nous devons y laisser notre peau). Encore un mensonge avalé jusqu’à la lie et l’hallali…

Le 12 décembre 2023, le mandat présidentiel d’Andry Rajoelina (celui qui a été élu Maire de la ville d’Antananarivo le… 12 décembre 2007) arrivera à son terme et Marc Ravalomanana aura 74 ans. Qui vivra verra…

Jeannot Ramambazafy - Egalement publié  dans "La Gazette de la Grande île" du samedi 12 décembre 2020

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Mis à jour ( Samedi, 12 Décembre 2020 17:01 )  
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