Les chantres du non changement. Seconde à partir de la droite : Lalao Randriamampionona. Présidente du réseau Drv (Comité d'associations de femmes) depuis 1995. Que connaît-elle de l'alternance ?
La Grande île de l’océan Indien n’est pas sortie de l’auberge de l’imbécillité. Bien au contraire, les vaillants hauts diplômés malgaches entendent «valoriser » les études qu’ils ont suivi. Haro sur l’actuelle transition et tant pis pour la population.
Marc Ravalomanana has resigned
Derrière toutes ces manigances, plane l’ombre de Ravalomanana et son argent. Pendant plus d’une année, grâce à cet argent, il a financé toutes sortes de manœuvres « de terrain » qui n’ont mené nulle part, sinon à retarder le processus du retour à l’ordre constitutionnel cassé par la dissolution de son gouvernement et sa démission anticonstitutionnelle. En effet, en cas de carence du chef de l’Etat, la loi fondamentale malgache prévoit que c’est le président du Sénat qui le remplace jusqu’à de nouvelles élections. Mais non : Marc Ravalomanana a démissionné en transférant ses pouvoirs à un directoire militaire qui les a remis au leader de la révolution orange. Voilà ce que retiendra l’histoire. Les Américains, eux-mêmes, ont la version officielle suivante : “Tuesday 17 March 2009. Marc Ravalomanana has resigned as Madagascar’s president and handed over power to the military a day after soldiers stormed his offices in the capital. Ravalomanana has signed a document confirming his resignation, according to a statement issued by his office. The statement said full powers were to be given to a military authority headed by the most senior officer of all forces”.
« Manque à gagner »
Mais une fois en Afrique australe, tous les mensonges à propos d’un coup d”Etat ont été gobés par ses copains de la Sadc. Et parallèlement à des actions de guérilla urbaine effectuées surtout dans la Capitale, l’idée de créer des mouvances pour un partage du pouvoir de transition a fait son bonhomme de chemin. Dès le début, il était clair que seules des élections libres et transparentes pourront rétablir l’ordre constitutionnel. Mais au pays des complications, rien ne sera jamais simple dira Lapalisse. S’y sont ajouté les notions d’inclusivité et de consensualité pour remettre en selle trois présidents jetés dehors par le peuple. Ce, à travers des « mouvances ». Or, malgré toutes les manigances et les lobbying en tous genres, les accords de Maputo I, II, III, Addis-Abeba et Pretoria n’ont abouti à rien. Comme ceux de Dakar I et II en 2002 d’ailleurs. Et le temps a passé. Or, la vingtaine de millions de Malgache est toujours debout sans l’appui financier des bailleurs de fonds qui ont eu une année de « manque à gagner ». Toutefois, la situation a permis aux Malgaches de ne pas s’endetter encore plus.
« Transition bis »
Des milliards (qu’importe que ce soit des ariary, des dollars ou des euros) auront donc été dépensés pour rien par Ravalomanana, en actions de vandalismes, de rébellion et de désinformation. C’est alors qu’une étincelle d’intelligence a jailli. Revenir aux affaires en utilisant la société civile à sa botte, pour une résolution malgacho-malgache. Avec, comme chef de file, Lalao Randriamampionona, épouse de l’ancien ministre des Travaux publics, Roland Randriamampionona. Cela fait plus sérieux, plus formel et autour d’une table et non plus dans la rue et dans des entrepôts Magro devenus tripots pour les oisifs. Et là, on reconnaît bien cette sale mentalité qui consiste au reniement de soi pourvu que l’on grappille un peu de pouvoir qui apporte le maximum d’argent du contribuable. Comme un dû, même momentanément. Mais, comme les ponts Bailey de Madagascar, le provisoire y est durable. Et pouf ! Voilà l’accord « minima » qui remet en selle le partage du pouvoir de transition « dans l’esprit de Maputo ». Ah ah ah ! Après les quatre mouvances, voilà donc une cinquantaine de partis politiques de tous bords (merci la société civile version Randriamampionona) qui entendent se partager une « transition bis ».
« Cinquième mouvance »
Argument : une crise politique se règle par les politiciens. Lalao Randriamampionona crie déjà victoire : celle d’avoir pu réunir autant de partis politiques en si peu de temps. Et voilà que l’on parle de « cinquième mouvance ». Alors là, chapeau ! Il n’y a que les intellectuels malgaches qui maîtrisent à merveille cet art de compliquer les choses. Et le peuple dans tout çà ? Il peut attendre et subir comme toujours, depuis 1896 lorsque la France a colonisé le pays au nom des accords de Berlin. Que risque-t-il de se passer ? La Transition prévue se terminer cette année 2010 va s’étirer en longueur pour X temps. Car, ne croyez pas un seul instant que le partage du gâteau servira pour un semestre. Le passé est là, bien là qui nous prouve qu’une fois dans la place, ce sera la Côte d’Ivoire et ses cinq ans de transition qui n’en finit pas. Et des villas vont encore être construites à la vitesse grand V ; et de nouveaux riches vont apparaître dans cet océan des mille pauvretés. Il y aura aussi mille excuses pour repousser les dates des élections.
Georges Bernanos
Le pire, c’est que cet hold-up au sommet va non seulement avoir l’aval de la Communauté internationale mais tout sera fait pour que Marc Ravalomanana soit blanchi de toutes ses exactions et qu’il puisse se représenter à la prochaine présidentielle. Alors, Madagascar : quels changements face à ce vilain défaut qu’est la gourmandise des politocards archi-connus qui n’ont jamais rien fait que de se servir eux-mêmes ? Madagascar n’est pas un paradoxe, c’est un exemple-type d’un pays décolonisé dont les dirigeants font leur la sentence de Georges Bernanos : « La force et la faiblesse des dictateurs sont d’avoir fait un pacte avec le désespoir des peuples ». Cette phrase rédigé au passé est plus que d’actualité dans un pays qui, somme toute, n’a que les dirigeants qu’il mérite. Que va faire Andry Rajoelina dont la place de président de la Transition demeure ? Pour le moment, car connaissant les politocards malgaches -ces messieurs tourne-vestes par excellence-, son éviction « en douce » est sûrement déjà prévue quelque part dans le tiroir de la traîtrise.
La dictature du grand nombre
Au point où nous en sommes et face à cette nouvelle perte de temps, il doit absolument tenir parole : celle d’achever cette transition le plus vite possible. Mais sans pour autant donner des dates car elles sont retardées au fil des humeurs… A sa place, je sortirai la botte secrète suivante : après le referendum constitutionnelle -car il est extrêmement nécessaire de changer une bonne dizaine d’articles de cette Constitution bâtarde-, faire organiser immédiatement, dans les délais légaux impartis, l’élection présidentielle. Avec des professionnels du système électoral informatisé. Le taux de participation cautionnera (ou non) tout le reste : retour à l’ordre constitutionnel, reconnaissance de la Communauté internationale, invasion des bailleurs de fonds pour mieux endetter les futures générations de Malgaches. Rappelons-nous que Marc Ravalomanana n’a été reconnu unanimement qu’en 2004. Deux ans après ses deux prestations de serment d’hypocrite. Comment va faire Andry Rajoelina ? La question ne se pose même pas à partir du moment où il ne se présente pas et lorsqu’il aura assimilé le fait que la démocratie c’est aussi la dictature du grand nombre.
Mannequins de parade ?
Car, au final, qui aura le dernier mot sinon le peuple ? S’il n’a pas le courage d’aller de l’avant dans ce sens, et une fois pour toutes, alors là aussi : quels changements pour Madagascar ? Mais, cette fois-ci, en regard d’un jeune qui aura eu les yeux plus gros que le ventre ? Andry Rajoelina a-t-il, oui ou non, des conseillers qui le conseillent vraiment ou bien n’est-il entouré que de mannequins de parade qui n’attendent que ses ordres mais sans les suivre ? Lorsque l’on a un Marc Ravalomanana comme adversaire, il faut se pointer là où on s’y attend le moins. Aussi, il faut compter en mois et non plus en années pour que ce changement soit radical et aille dans les vrais intérêts de la population qui commence réellement à en avoir marre de tout ce cinéma. Gouverner, c’est prévoir et lorsque l’on a tous les pouvoirs, on peut tout faire au nom de l’intérêt vrai de la Nation. Dans six mois, nous serons déjà en 2011. Que cette crise ridicule s’achève avant que je ne meurs idiot.
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 4 août 2010