A mon sens, lors du référendum du 17 novembre 2010, ce n’est pas le fait que le « Oui » l’ait emporté qui est important. C’est le fait que, quoi que disent les réfractaires nostalgiques du passé qui n’ont rien apporté au pays, les Malgaches, qui forment la population de Madagascar, se sont enfin sentis impliqués -car enfin sensibilisés- et portent en eux-mêmes cette espérance qui fait vivre tout croyant monothéiste (Juif,chrétien, musulman) qui se respecte. Mais aussi les polythéistes. Sauf, ceux qui vénèrent le dieu dollar.
Il est temps de remettre les pendules à l’heure à propos de vocabulaire. « Vahoaka », « Mponina » sont des mots génériques. Il importe de dissocier les termes foule, peuple et population.
La foule (« crowd » en anglais), c’est une multitude de personnes réunie en un même lieu. Ses synonymes, pour mieux comprendre sont : assemblée, affluence, rassemblement, troupe sinon troupeau. La foule ne pourra jamais être une mesure pour quantifier son renom à l’échelle d’une nation. Et tous les politiciens qui basent leur avenir sur une foule sont dangereusement irréalistes. Il existe des tas d’exemples. En voici un seul. En décembre 2007, le stade de Mahamasina ne pouvait plus contenir les supporters du candidat de Ravalomanana, Hery Rafalimanana. Or, malgré les moyens du pouvoir mis à sa disposition, Rafalimanana a été battu par Andry Rajoelina, avec un score impossbile à truquer : 63,27% des suffrages exposés. Malheureusement pour eux, les "politocards" malgaches, en voyant une énorme foule, prennent pour acquis le fait qu’ils seront élus sans conteste. Erreur d’appréciation leur a fait perdre du temps et leur argent. Mais surtout qui les a rendu ridicules.
Venons-en à la notion de peuple. Ce mot a trois sens : A. : un peuple est une communauté vivant sur un même territoire ou unie par des caractéristiques communes telles la langue, les mœurs, la culture. A Madagascar, il existe 18 ethnies ou peuple ; B. : le peuple est l’ensemble de citoyen d’un Etat ou des individus constituant une nation, par rapport aux gouvernants et en regard des principes de citoyenneté ; C. : Le peuple désigne l’ensemble des citoyens de condition modeste ou humble, en opposition aux groupes ou classes privilégiées par la naissance, la fortune, l’éducation, la culture…
A présent, qu’est-ce la population ? Ici aussi, ce mot a trois sens : A. : Il s’agit de l’ensemble des habitants d’un même espace géographique et territorial. Appliqué en économie ; B. : Il désigne l’ensemble de personnes formant une catégorie particulière. Appliqué en sociologie ; C. En zoologie, c’est l’ensemble des animaux d’un même groupe.
Tout cela expliqué, il est facile de comprendre que la population d’un pays est formée de plusieurs peuples qui peuvent se réunir en foule mais jamais en même temps et en un même lieu. Pour Madagascar, à l’heure actuelle, les Malgaches du Magro ne constituent dont qu’une foule mais ne pourra jamais représenter tous les peuples qui forment la population de Madagascar. Concernant les Gtt, leur définition est plus complexe, étant donné qu’éparpillés un peu partout, ils ne forment ni une foule, ni un peuple, ni une population. Ils resteront une diaspora qui est une communauté dispersée à travers le monde et qui ne comprendra jamais ni la souffrance ni les aspirations au changement des Malgaches de Madagascar. Ils ont été plongés dans les mensonges démoniaques de Marc Ravalomanana, un opportuniste qui n’aurait jamais du faire de la politique mais rester self made man irréprochable. Hélas, le pouvoir absolu l’a corrompu absolument.
En 2007, on ne sait plus pour quelle raison, mais au début de son second mandat, le président Ravalomanana supprime sans remords le ministère de la Population, de la Protection sociale et des Loisirs. Il sera englouti (ressources humaines et infrastructures) au sein du ministère de la Santé et du Planning familial. Marc Ravalomanana se croyait déjà le souverain absolu du pays…
Après sa démission, le 17 mars 2009 (malgré l’idée fixe d’un coup d’état relayé à outrance par les Gtt hors Madagascar), le pouvoir de transition comprend l’importance de la population qui est la base de toutes les nations. En avril 2009, le président de la Hat nomme Nadine Ramaroson. Elle sera reconduite par le décret n°2009-1169 du 8 septembre 2009.
Le 8 mai 2009, sort le décret n°2009-530 qui rétablit officiellement le ministère devenu ministère de la Population et des Affaires sociales. En voici les attributions :
Article premier de ce décret n°2009-530 : Le Ministère de la Population et des Affaires Sociales (MPAS) est chargé de l’exécution de la politique du Gouvernement en matière de population et des affaires sociales afin d’assurer la protection sociale et l’intégration de la population, en particulier les groupes vulnérables et marginalisés dans le processus de développement économique et social.
A ce titre il assure :
* La mise en place d’un cadre d’application des orientations générales en matière de politique de population dans les domaines de la protection, de développement et des affaires sociales touchant les groupes marginalisés et vulnérables ;
* La coordination de toutes les actions contribuant au développement économique et social avec tous les partenaires nationaux et internationaux à travers la promotion de la culture de la prise en compte des dimensions « genre – population – développement - droit et environnement » dans tous les plans, programmes et projets de développement d’une part, la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation d’autre part, ainsi que le plaidoyer et la mobilisation sociale ;
* La conception, la mise en œuvre et le suivi des stratégies de protection et développement social de la population, en particulier des groupes marginalisés et vulnérables ;
* Le développement d’un partenariat associatif et intersectoriel ;
* La promotion de la participation de la société civile et de la communauté de base dans tous projets sociaux ;
* L’exécution, le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des instruments nationaux et internationaux en matière de population auxquels Madagascar a adhéré.
Depuis sa nomination, Nadine Ramaroson a bien parcouru une distance équivalent à deux fois le tour de la terre, à travers tout Madagascar, pour mettre en application les trois priorités qu’elle s’est fixé avec son équipe :
1. Le soulagement de la misère d’une population affamée, fatiguée et éprouvée par diverses crises et catastrophes. Ce, à travers des apports d’aides d’urgence ;
2. La promotion de la création d’emplois englobant les 22 régions de la Grande île, en vue d’améliorer le niveau de revenus de la population ;
3. La création de structures à base communautaire pour un développement participatif pérenne de toute la population. Ces structures serviront de plateformes d’échanges et de communication entre la population et les instances gouvernementales à des niveaux différents pour des questions économiques, sociales, culturelles et environnementales.
La Communauté "internationale" dont les rapports sont à base de macroéconomie, ne s'embarrassent jamais de ce genre d'environnement hélas fréquent à Madagascar
Entre-temps, Nadine Ramaroson est aussi la cheville ouvrière de l’élaboration d’un Pacte social qui tarde à attirer l’attention des vrais décideurs d’ici et d’ailleurs : « Le pays se trouve en état d'urgence sociale. La population malgache est confrontée à d'insurmontables difficultés et en souffre terriblement. La crise est évoquée par tous ceux qui parlent du pays, mais cette crise s'aggrave car il faut créer des emplois et non pas en supprimer. Ce qu'il faut établir, c'est un pacte social. Un pacte social auquel doivent adhérer toutes les forces vives du pays ». (Nadine Ramaroson, le 6 avril 2010).
Et, inlassablement, elle est allée au devant de cette population composée donc de peuples qu’ignorent superbement la fameuse Communauté d’intérêts internationaux qui ne voit les Malgaches qu’une sous-population de portefaix, faisant perdurer le système colonial basé, actuellement, sur la loi du plus riche. Lorsqu’un dirigeant tente d’aller à l’encontre de ce système, il faut financer les dirigeants locaux qui épousent cette stratégie mondiale des fossoyeurs de leur propre pays. Halte là  ! Lire, ci-après un document très intéressant, publié par le Journal de l’Economie, du 20 au 26 septembre 2010.
CLIQUEZ SUR LA PHOTO POUR LIRE EN PDF CE DOSSIER PARU DANS LE JOURNAL DE L'ECONOMIE
Toute dignité humaine commence par un travail et un logement décents. Ainsi, plutôt que de faire de l’aide humanitaire style Pam (Programme alimentaire mondiale qui ne fait que distribuer des vivres collectés dans les pays riches), Nadine Ramaroson met en application le proverbe asiatique : « si tu veux aider quelqu’un, donne-lui une canne à pêche plutôt que du poisson ». Les images qui suivent, d’Andry Rakotonirainy, se passent de commentaires. Mais elles démontrent que la population malgache -et non la foule d’éternels contestataires d’Antananarivo- a besoin du strict minimum pour mieux survivre. En attendant de vivre convenablement, sans attendre qui que ce soit.
Ayant longtemps vécu en Suisse, Nadine Ramaroson tente également de mettre en pratique l’ « Empowerment » que les intellectuels malgaches semble ignorer. Il s’agit d’un terme anglais traduit par autonomisation ou capacitation. C’est la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. Il est donc temps de mettre fin à l’Etat-Providence et aux systèmes des bailleurs de fonds qui n’ont et ne seront jamais philanthropiques...
Gouverner c'est prévoir. Il ne faut pas attendre que le prochain cyclone s'abatte pour se demander et demander ce qu'il faut faire aux "autres". C'est là alors que commence la politique de la main tendue et que le Pam intervient, sans aucune solution pérenne depuis des décennies
Enfin, pour clore ce dossier, reprenons des extraits des déclarations de Nadine Ramaroson, lors de la Journée mondiale de la Population (et non du peuple) :
(…) La population est la raison d’être d’une nation, et le peuple est l’émanation d’un pouvoir étatique.
Le pays n’est rien sans son peuple, et les richesses ne valent rien sans les producteurs qui sont prêts à les exploiter.
Durant quatre mouvements, le peuple s’est érigé contre les injustices sociales, il est temps maintenant que la Nation se lève et exprime sa ferveur patriotique et sa fierté nationale.
Il n’est plus besoin d’affirmer que le peuple est le premier acteur socio-économique du pays.
A ce titre, il en est la première richesse, de par ses idées, de ses paroles, de ses actes, car « il n’y a de production que d’hommes », selon les économistes.
Et il va de soi que toute production de richesses est faite pour assurer le bien-être social de la population, et non pour enrichir une seule poignée de spéculateurs et de prédateurs de tout acabit.
Une nouvelle approche de patriotisme se fonde dorénavant sur l’amour de ses compatriotes, premiers bénéficiaires de toutes décisions et actions socio-économiques.
Madagascar dispose de tous les éventails possibles de richesses du monde, tant il est béni de Dieu de par ses faunes et flores, de ses ressources minières et marines, de ses rivières et forêts, de ses récifs coralliens, ses sites touristiques et tant d’autres.
Tout ceci mérite d’être exploité à bon escient, au profit de son peuple (…).
Voilà les matériels de base dont a besoin la population malgache pour survivre d'abord, et non des promesses ponctuelles, jamais tenues d'ailleurs. Les machines à coudre, par exemple, permettront des rentrées d'argent pour les femmes
La lutte est loin d’être achevée, et Nadine Ramaroson ne ménage pas ses efforts, quitte à donner de sa poche. Sans verser dans la poésie style Kim Il Sung, son combat contre toutes les pauvretés, car il y en a plusieurs, se résume au titre : Nadine Ramaroson, c’est la constance de l’Espérance. Elle n'a jamais partie pour une quelconque campagne, électorale ou non. Elle fait campagne contre l'injustice. Toutes les injustices sociales. Nuance.
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 24 novembre 2010
Photographies : Andry Rakotonirainy