Deux proverbes chinois disent : « donne un poisson à un homme, il mangera une fois ; apprend lui à pêcher, il mangera tous les jours ». «Si tu veux qu’un homme se développe, donne-lui une canne à pêche plutôt que du poisson ». C’est clair et limpide.. Mais pour le programme alimentaire mondiale ou PAM, cela semble une légende pour enfants pas sages. Et ce PAM fait tout le contraire, tandis que les médias se font l’écho d’une stratégie de sous-développement durable pour les peuples du sud de Madagascar.
Récemment, c’est toute fière que Krystyna Bednarska, Représentante résidente du PAM à Madagascar, révèle que 2.150 tonnes de denrées alimentaires sont arrivées à Toliara. Cette aide alimentaire permettra de nourrir plus de 200.000 Malagasy dans le sud. Bravo ! Mais pour combien de temps ? De son côté, Rudolph Thomas, Directeur général de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID) est tout fier en disant que « cette année, les Etats-Unis ont octroyé plus d’aide à Madagascar que par le passé. Le peuple Américain ne va pas rester les bras croisés en sachant que d’autres personnes souffrent. Le sort du peuple Malagasy qui peine pour trouver à manger et pour nourrir leurs familles nous préoccupe au plus haut point . Je suis quand même ravi d’être en mesure d’apporter notre aide ». Re-bravo ! Et de rappeler que depuis 2007, le total de l’aide américaine, à travers le PAM, à Madagascar dépasse les 9 millions de dollars.
C'est un constat et il le restera tant que les populations de ces régions ne pourront pas produire par eux-mêmes. Alors ? Cessez de donner du poisson : offrez une canne à pêche
On ne va pas jouer sur les mots en matière « d’urgence » -tout est urgent dans nos contrées- mais la démarche du PAM, à travers le fameux peuple américain est tout simplement d’asservir encore plus mes compatriotes du Sud. Le « Kéré » (famine) n’est pas occasionnel. C’est une situation vécue 365 jours sur 365, faute de drainage des eaux des fleuves et rivières environnant ce désert que constitue l’Androy. Dans quelques mois, il ne restera plus rien de ces 2.030 tonnes de Sorgho et ces 120 tonnes de pois cassés, d’une valeur de 3,2 milliards Ariary (1,8 million de dollars). Et les « pauvres » gens de là -bas attendront encore l’année prochaine, en se croisant les bras, et mourront en silence par la faute, non pas du peuple américain, mais du PAM qui ne veut pas comprendre que sa démarche de dépendance n’est plus de ce XXIè siècle. Krystyna Bednarska ne sera jamais que de passage comme ses nombreux prédécesseurs, et ses successeurs perpétueront encore ce système qui constitue réellement ce que j’appelle un colonialisme par le ventre.
Nadine Ramaroson et Eric Rajaonary face aux journalistes
Heureusement qu’il existe des Malgaches sensés, réalistes sur ce qui prévaut vraiment au pays et comment faire pour que, de mendiants, les Malgaches, en général, deviennent des agriculteurs qui pourront s’auto-suffire. Ainsi, un protocole d’accord a été signé, ce 8 décembre 2010, entre le ministère de la Population et des Affaires sociales et la société Guanomad. Il porte sur la dotation de 2 tonnes d’engrais biologiques et de réduction de prix pour les associations de femmes agricultrices des régions Analamanga, Vakinakaratra, Atsinanana et Itasy. Ce, pour une durée d’un an. Eric Rajaonary, administrateur de Guanomad : « Guanomad est opérationnel depuis 2006. Nos objectifs sont : la lutte contre l’insuffisance alimentaire ; l’agriculture à base d’engrais biologiques, la protection de l’environnement ».
De son côté la ministre Nadine Ramaroson a rappelé que les femmes qui veulent se lancer dans l’agriculture sont de plus en plus nombreuses. « Il est donc important de les doter des moyens de base. N’oublions pas que Madagascar est peuplé à plus de 75% de paysans, dans le terme le plus noble. Ce n’est donc pas la volonté qui constitue le facteur de blocage mais le manque de moyens de production et d’amélioration des produits ».
Cependant, d’un autre côté, force est d’admettre que si les solutions étaient simples, elles seraient déjà utilisées ! On évoque souvent donc le proverbe cité plus haut : "donne un poisson à un homme, il mangera une fois, apprend lui à pêcher, il mangera tous les jours". Le problème n'est pas celui-là . En vérité, l'Afrique déborde de gens qualifiées sans emploi. Bien souvent, le problème est de lui faire comprendre que c'est une idiotie de vendre bateau et canne à pêche pour acheter un téléphone portable ou un téléviseur.
Le problème du développement est l'incapacité pour un pays de réinvestir ses revenus en moyens de production plutôt qu'en supplément de consommation. C'est un problème de mentalité. Il n'est qu'à voir l'importance du parc de voitures de luxe (en pourcentage du total) dans les pays en voie de développement, en comparaison de l'occident. Il ne faut pas perdre de vue que l'Europe, continent riche, est sûrement le continent le plus défavorisé en matières premières. Il ne doit son développement qu'à l'industrie de ses peuples. Et en rigueur de terme, pas seulement à l'industrie de ses peuples mais aussi -surtout- aux pays et peuples africains dont les sous-sols regorgent d'énormes gisements miniers inexploitées faute de moyens logistiques adéquats. C’est bien là une vérité certaine que tous, Noirs ou Blancs, doivent accepter et reconnaitre. En attendant, le PAM devrait réviser sa raison d’être et ne plus jouer les distributeurs des surplus américains pour les « pauvres » malgaches plutôt démunis de moyens de production durable. Combien de millions de dollars encore l’an prochain pour faire manger épisodiquement mes compatriotes qui ne demandent que de l’eau pour vivre et non survivre en attendant « l’aide » du PAM ?
Jeannot Ramambazafy