A gauche, Gabriele Della Morte
Le communiqué de la Troïka de la Sadc, en date du 26 janvier 2012 à Pretoria, fait état de l’impérativité de promulguer une loi d’amnistie, dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar. Ce, avant le 29 février 2012. Immédiatement, les dirigeants malgaches de tous bords, mettent en exergue, une fois de plus, une fois de trop, leur art inné pour compliquer les choses. A commencer par la ministre de la Justice elle-même.
Membres du CST et du CT de Madagascar
Mais, à part leur m’as-tu vu institutionnel et leur parler pour ne rien dire, que font-ils donc de leurs journées ? A moins que tous fassent partie de cette génération qui a perdu la culture de la lecture… Madagate.com leur offre un document de base dont ils doivent impérativement prendre connaissance. Récemment, une journée sur la gouvernance publique avait été organisée, incluant l’accès à l’information. A part un état des lieux piteux, dévoilé par le Premier ministre Jean Omer Beriziky, un autre constat effrayant apparaît, dès lors : les dirigeants malgaches, en général, sont mal formés, mal informés donc incompétents à prendre les décisions adéquates pour la nation dont la composante de base est le peuple (21 millions de Malgaches à présent). Mais tous brillent pour défendre les avantages liés à un poste gracieusement offert, au nom d’une politique baptisée, de manière ridicule, « de consensualité et d’inclusivité ». Actuellement en session « extraordinaire », que ces parlementaires du CT et du CST téléchargent et impriment ce qui suit. Ce sera déjà çà de gagner pour le peuple.
Jeannot Ramambazafy
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Amnistie :
1.Du latin amnestia emprunté au grec ancien ἀμνηστία, amnêstÃa (« oubli »).
2. Terme composé de alpha privatif et du mot grec signifiant je me souviens, qui au parfait est de même radical que le latin meminisse, memoria (voy.)
En termes modernes et plus clairs : effacement de la mémoire…
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L’Amnistie en Droit International
Introduction
La signification du mot
L’amnistie, dans des termes très généraux, « pardon étendu par le gouvernement à un groupe ou une catégorie de personnes », est aussi plus ponctuellement qualifiée de cause d’exclusion de l’imputabilité d’un certain crime ou encore, plus précisément, d’« acte du pouvoir souverain immunisant des personnes de toute poursuite pénale pour des crimes passés ». Toutefois il s’agit d’un terme polysémique ou, au moins, d’un mot caméléon, couvrant des situations très hétérogènes. Sa définition peut donc représenter un exercice insidieux, son sens variant selon le contexte de référence mais gardant un noyau dur de signification détectable à partir de son étymologie (défense de se souvenir ou, à l’inverse, obligation d’oublier).
La pluralité des sens possibles se reflète tout d’abord dans l’ambiguïté de son domaine d’application. « Terme de droit pénal interne désignant la mesure par laquelle le législateur décide de ne pas poursuivre les auteurs de certaines infractions ou de ne pas appliquer les condamnations […] » ; il peut aussi indiquer la «[c]lause d’un traité de paix par laquelle les parties renoncent à leurs griefs, que ceux-ci soient antérieurs ou consécutifs à la guerre ».
Dans ce dernier domaine en particulier, les frontières de l’exemption sont très flexibles et couvrent souvent une multitude de domaines. L’article 2 du Traité d’Osnabrück du 24 Octobre 1648 fournissait une description particulièrement suggestive de cette institution, en prévoyant « […] que toutes les rigueurs, violences, hostilités et défenses qui ont été faites et causées de part et d’autre, tant avant que pendant la guerre, de fait, de parole ou par écrit, sans aucun égard aux personnes et aux choses, soient entièrement abolies : si bien que tout ce que l’on pourrait demander et prétendre de l’autre à ce sujet, soit enseveli dans un perpétuel oubli». La définition est suggestive et exemplaire : l’oubli sera « perpétuel », le passé passe et n’a plus le temps pour resurgir, le droit à la mémoire est enterré, la mémoire du droit interrompue.
La problématique qui en découle
Au niveau du droit international, ce n’est pas tellement l’amnistie en tant que telle qui est mise en cause, mais une certaine pratique, voire certaines applications de cette institution (espèces qui proviennent pourtant du même genre). Il est possible de distinguer les amnisties selon différentes perspectives, par exemple : selon les sujets émetteurs, selon la finalité expresse ou implicite, ou encore selon le champ d’application matériel. Ainsi, on peut distinguer les amnisties unilatérales de celles conclues sur la base d’un principe de réciprocité ou, plus généralement, sur la base d’un accord; ou encore, on peut distinguer les amnisties accordées par les sujets qui en bénéficient (auto-amnisties) de celles données par l’establishment politique qui a succédé à celui qui a accompli les faits punissables et désormais amnistiés. Selon le domaine d’application, on isolera les amnisties dénommées « inconditionnelles » de celles qui ont un domaine d’application limité, c’est-à -dire qui ne couvrent pas tous les types de crimes mais seulement certaines catégories de faits punissables avec exclusion d’autres (en particulier, les crimina juris gentium).
La nécessité d’une mise en perspective historique
Dans l’analyse de ces espèces, une mise en perspective historique est au surplus nécessaire.
L’internationalisation de la protection des droits de l’homme, ainsi que la naissance d’une catégorie de droits qualifiés de jus cogens (droit impératif) par le droit international a lentement perméabilisé les frontières originairement infranchissables du domaine réservé des Etats. Sur le plan du droit international, par conséquent, les problématiques posées par l’amnistie concernent tout d’abord la relation entre le respect de la souveraineté, d’une part, et la protection des droits de l’homme, de l’autre. Il s’agit là d’une relation dialectique et évolutive. Dialectique, puisque la protection active des droits de l’homme implique généralement une (auto)limitation, voire une érosion, du concept classique de souveraineté (superiorem non recognoscens). Evolutive, puisque la criminalisation de certains actes (le fait de les punir ou, au moins, de les rendre punissables) n’est pas, en soi, une panacée et il se peut que, dans des conditions particulières, ce ne soit même pas la solution la plus adéquate. L’adage nulla pax sine justitia n’est pas toujours valide en dehors du monde de la logique formelle. La possibilité d’un conflit entre les exigences de réconciliation d’un corps social et l’activité menée par un organe judiciaire de répression nationale ou internationale préfigure une possible hétérogénéité des intérêts à protéger, qui laissent entrevoir le besoin d’une grille taxinomique d’orientation. La question est de savoir dans quelle mesure le droit international est aujourd’hui en mesure de fournir cette grille.
L’amnistie en droit international public
L’article 6.5 du Deuxième Protocole Additionnel aux Conventions de Genève (un mauvais point de départ)
Si on prend comme point de départ la disposition de l’article 6.5 du Deuxième Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, on a la sensation que, au moins par rapport aux conflits à caractère non international, les amnisties ne soient pas inadmissibles. Selon cet article : « A la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir s'efforceront d'accorder la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu'elles soient internées ou détenues ».
Si le texte apparaît déjà assez clair, le commentaire qui l’accompagne l’est encore plus. Selon ce dernier « [l]'objet de cet alinéa est d'encourager un geste de réconciliation qui contribue à rétablir le cours normal de la vie dans un peuple qui a été divisé ». Bien que certains commentateurs aient développé à ce sujet une opinion différente, on peut, au moins, en déduire que dans le cadre du Protocole Additionnel II les rédacteurs ont inséré les lois d’amnistie dans le cadre du domaine réservé des Etats. Il faut aussi rappeler que le Protocole Additionnel sur les conflits à caractère non international date de 1977, c'est-à -dire presque de trente ans. On a déjà observé comment la question de l’(in)admissibilité des amnisties au sein du droit international représente un processus à caractère évolutif, et comment cette évolution a été fortement marqué durant les toutes dernières décennies. La question qui se présente est donc de savoir si les dispositions du Protocole Additionnel II (relatives, en tout cas, aux seuls conflits armés à caractère non international) ont été en tout ou en partie substituées par la naissance d’une nouvelle disposition internationale, particulière (conventionnelle) ou générale (coutumière).
La réponse inadéquate du droit conventionnel…
Le droit international conventionnel ne s’exprime pas, au moins de façon explicite, directement sur la question, mais permet de détecter certaines conséquences importantes (mais pas toujours conclusives) des conventions qui imposent l’imprescriptibilité de certains crimes et/ou l’obligation de les poursuivre. Il y a, évidemment, des accords stipulés principalement dans le cadre d’un processus de paix ou encore des conventions régionales ou sectorielles dédiées essentiellement aux droits de l’homme ou au droit humanitaire (qui considèrent l’admissibilité des amnisties ou leur prohibition). Mais il convient de faire une mise au point.
Les accords de paix s’articulent selon des lignes directrices différentes. Par exemple, à côté des accords qui admettent classiquement l’amnistie en l’excluant seulement pour certains cas/crimes, il en existe d’autres qui se concentrent plutôt sur des appels, souvent généraux, à la nécessité d’éradiquer la culture de l’impunité.
En ce qui concerne les conventions sur la protection des droits de l’homme, il s’agit principalement de conventions qui prévoient des dispositions aptes à faire obstacle aux pratiques d’impunité, et cela notamment en interdisant la prescription de certains crimes internationaux, ou en imposant une obligation positive, c’est-à -dire en demandant aux Etats d’exercer une action pénale vis-à -vis des responsables. Mais le fait de déduire l’inadmissibilité d’une amnistie des obligations conventionnelles en matière d’impunité ou d’imprescriptibilité, bien que raisonnable, présente aussi quelques problématiques à prendre en compte.
Antinomies et anomies dans le rapport entre imprescriptibilité et amnistie
En premier lieu, la prescription, rectius l’imprescriptibilité, concerne, stricto sensu, les effets de l’écoulement du temps sur l’action (pénale ou civile) et non, ou non nécessairement, l’obligation de punir (en se configurant comme une disposition qui stipule une possibilité, une permission, et non un devoir – à la différence des conventions qui prévoient expressément une obligation positive).
En deuxième lieu, aussi bien les normes internationales en matière d’imprescriptibilité que celles qui prévoient une obligation positive de poursuivre ne concernent que certains crimes, qui d’ailleurs ne sont pas toujours les mêmes suivant les différents instruments conventionnels.
Et, en troisième lieu, si déduire l’illégitimité de certaines lois d’amnistie du fait qu’un certain Etat ait ratifié une convention sur l’imprescriptibilité (ou encore une convention contenant une clause d’imprescriptibilité, du type du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale) représente sans doute un argument persuasif et pertinent, cela n’est pas à l’abri de certaines interrogations. Par exemple, quid dans le cas où un traité prévoyant des amnisties (comme, par exemple, un accord de paix) se trouve en contradiction avec un accord précédemment conclu et prévoyant l’imprescriptibilité des crimes amnistiés ?
Au niveau international le problème se transposerait sur plan de la compatibilité de traités contradictoires, c’est-à -dire sur le plan des conflits entre normes conventionnelles successives.
Dans la même perspective problématique s’inscrivent les normes d’origine conventionnelle du droit international pénal, dont l’enjeu principal est de permettre le jugement des personnalités politiques qui bénéficient souvent, en droit interne, de formes d’impunité/immunité. En examinant dans le détail les dispositions qui réglementent les pouvoirs des juges, du procureur et du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant la Cour pénale internationale, on a constaté qu’il n’y a dans le Statut de Rome aucune obligation explicite de prendre en compte des dispositions d’amnistie, ni d’interdiction absolue dans ce sens.
La réponse en partie ambiguë du droit coutumier…
La problématique relative à la validité des amnisties en droit international général (et en particulier de certaines catégories d’amnisties, telles que les auto-amnisties et les amnisties inconditionnées) a souvent été envisagée par la doctrine dans les années récentes. Les réponses données ne sont pas univoques. Entre les deux extrêmes (l’inadmissibilité inconditionnée puisque contraire à une norme impérative désormais affirmée ou bien l’état d’incertitude par lequel il est impossible de détecter même un principe de norme coutumière en la matière), il y a la marge pour beaucoup de nuances et c’est justement dans ces dernières que se place la majorité des auteurs, en affirmant une avancée progressive ou exponentielle d’un début de source coutumière.
La pratique des Etats tiers et des Etats directement engagés
Tout en cherchant à isoler quelques éléments qui découlent de l’examen de la diuturnitas et de l’opinio juris des Etats, en prenant tout d’abord le seul cas des amnisties qu’un Etat donne à soi même (amnisties internes, ou auto-amnisties), il faut observer que cette institution de clémence n’a pas forcement d’effets extraterritoriaux, c'est-à -dire qu’elle n’empêche pas les autres Etats d’exercer une action judiciaire sur la base d’un critère de rattachement qui le permette (dans le cas pénal, au delà de la compétence fondée sur la territorialité, il faut considérer celle personnelle, active ou passive, ou encore universelle, relative ou absolue). Il ne manque pas, dans la pratique, des cas où des tribunaux internes ont exercé des actions pénales vis-à -vis des crimes amnistiés par un autre Etat. Mais cette pratique des Etats tiers ne suffit pas à éclairer toutes les zones encore dans l’ombre. Même en laissant de coté la question de l’opportunité du respect des amnisties du point de vue politique, sur le plan strictement normatif/international, la problématique se pose à deux niveaux : celui relatif à la légalité internationale de cette institution de clémence vis-à -vis des obligations de l’Etat qui en fait directement usage, et l’autre, celui concernant la légalité du titre de compétence de l’Etat tiers qui choisit d’exercer sa compétence judiciaire.
Aussi la pratique des Etats directement engagés est, sur ce point, assez contradictoire.
Une première articulation peut être faite entre les Etats qui ont opté pour une amnistie de type conditionné, et qui pourtant ne prévoient pas l’exclusion de toute action pénale ou civile vis-à -vis des crimes internationaux, et des autres, qui ont prévu des amnisties inconditionnées. De plus il y a des expériences qui pourraient être qualifiées d’hybridations : quelques fois les amnisties s’accompagnent de l’établissement de commissions de vérité et réconciliation, comme celle bien célèbre de l’Afrique du Sud ; ou encore de tentatives d’administrer la justice « du bas », comme c’est le cas dans le Gacaca au Rwanda.
Le panorama est rendu encore plus vague par le fait que les mêmes Etats directement intéressés ont changé leur attitude au fil du temps à ce sujet. Prenons en exemple les crimes accomplis en Amérique latine, où il est possible de remarquer, en particulier dans ces dernières années, un véritable revirement sur ce point. Les lois argentines du Puncto Final et de la Obediencia Debida30 - qui avaient pour but de rendre bien complexe la possibilité de poursuivre certaines catégories de militaires pour les crimes achevés en Argentine dans la période 1976-1983, ont été tout d’abord mises en cause par les tribunaux internes de première et deuxième instance, pour être ensuite annulées par le Sénat avec l’aval successif de la Cour Suprême.
Clairement aussi bien les Etats directement engagés que les Etats tiers qui reconnaissent des limitations à l’extension des lois d’amnisties d’autre Etats, le font sur la base des normes de droit international qui imposent la criminalisation de certains actes et qui excluent l’impunité. Toutefois les autres agissent sur le postulat du domaine réservé. La pratique au sein des organisations internationales donne des indications intéressantes à ce sujet.
La pratique au sein de l’Organisation des Nations Unies
En partant de la plus importante organisation internationale à vocation universelle, les Nations Unies, il faut bien relever que les évolutions en matière d’amnistie ont été remarquables. Depuis le début des années 1990, l’ONU s’est engagée dans une lutte contre l’impunité qui n’a pas de précédent dans le cadre du droit international et plusieurs organes se sont prononcés dans cette perspective.
Tout d’abord celui doué de la plus grande représentativité, l’Assemblée générale. Dans une riche pléthore de résolutions, cet organe a à plusieurs reprises exprimé son avis contraire aux différentes formes d’impunité. La valeur de ces résolutions ne doit pas être sous-estimée.
Comme la Cour Internationale de Justice a eu la possibilité de le faire remarquer (bien que les résolutions de l’Assemblée n’engagent pas les Etats de manière contraignante), ces résolutions reflètent l’esprit dominant en faveur de l’identification de la règle coutumière.
Ou encore, le Conseil de Sécurité. Il existe une très riche série de résolutions qui marquent une évolution vers la sanction des violations graves aux droits de l’homme. En suivant le fil tracé par ces dernières, on peut reconnaître avec une certaine clarté le passage d’une conception où l’impunité était garante d’un retour à la paix, à une conception où l’impunité représente une menace à la paix.
Le Secrétaire Général s’est impliqué aussi dans ce sujet par le biais de son pouvoir de présenter des rapports. Ces derniers souvent soulignent la nécessité de la lutte contre l’impunité et prévoient des recommandations susceptibles d’être formulées au Conseil de Sécurité. Dans un de ses plus récents rapports, dédié aux problématiques de la justice transitionnelle, il ressort clairement qu’il : « n’est possible de consolider la paix dans la période qui suit immédiatement la fin d’un conflit, et de la préserver durablement, que si la population est assurée d’obtenir réparation à travers un système légitime de règlement des différends et d’administration équitable de la justice ».
En conclusion, on peut observer que dans le cadre des Nations Unies la question de la lutte contre l’impunité est devenue au fur et à mesure plus centrale, jusqu’à envahir le domaine des amnisties.
La pratique au sein des systèmes régionaux de protection des droits de l’homme
En passant du système universel à celui régional, c’est principalement celui interaméricain qu’il convient de prendre en compte.
Les jugements qui portent sur ce thème sont particulièrement significatifs. Déjà dans les affaires Velásquez RodrÃguez et encore GodÃnez Cruz, la Cour affirme que: « [a]ccording to Article 1 (1), any exercise of public power that violates the rights recognized by the Convention is illegal »; mais c’est dans l’affaire Barrios Altos qu’elle dévoile son attitude innovatrice. Face à la question que pose certaines amnisties proclamées au Pérou qui seraient ou non compatibles avec les obligations qui découlent de la Convention interaméricaine, les juges développent un large raisonnement pour conclure dans le sens de l’incompatibilité. La conclusion est confirmée à l’occasion de la demande d’interprétation du Jugement sur le fond, et est nouvellement réaffirmée dans le cadre de la décision sur les réparations.
Relativement à la demande d’interprétation, la question posée concernait les effets du Jugement : s’il fallait les considérer généraux ou bien valables seulement dans le cadre de l’affaire en cause. La Cour répond par la négative (c'est-à -dire en affirmant la généralité des effets), en soulignant que: « enactment of a law that is manifestly incompatible with the obligations undertaken by a State Party to the Convention is per se a violation of the Convention for which the State incurs international responsibility ». L’intention apparaît claire. Les lois d’auto-amnisties ne sont pas compatibles avec les obligations qui découlent de la Convention interaméricaine des droits de l’homme. Elles doivent être déclarées nulles en permettant la reprise de l’action judiciaire normale (enquêter, poursuivre, punir). C’est ce qui permet aux juges d’ordonner l’ineffectivité de cette loi et d’imposer également l’adoption de mesures contrastantes (parmi lesquelles la promotion de la ratification de la convention sur l’imprescriptibilité de certains crimes : encore une fois on peut entrevoir la relation complexe entre les diverses institutions de clémence).
Il y a des éléments ultérieurs qui se dévoilent dans cette affaire. La raison de la nullité des lois d’amnistie n’est pas seulement fondée sur la base des obligations conventionnelles du système interaméricain, mais aussi sur la base plus générale de violation de « non-derogable rights recognized by international human rights law ». Cette approche est développée dans l’opinion concurrente du Juge Garcia-Ramirez en annexe au Jugement. Après avoir spécifié que l’objet de cette opinion est délimité au seul cas des auto-amnisties « which are promulgated by and for those in power », le juge observe : « that such forgive and forget provisions cannot be permitted to cover up the most severe human rights violations». Pour cela, le Juge ajoute: « the State may not invoke difficulties of a domestic nature to waive the obligation to investigate … and punish ». Cette dernière obligation: « cannot be avoided by measures such as amnesty, prescription …».
L’apport du droit constitutionnel comparé
Du point de vue du droit constitutionnel, la comparaison, centrée sur les fondements et sur l’application de cette institution de clémence dans chaque pays, montre que l’amnistie est consacrée dans les principaux modèles de droit européen (la seule exception est celle du droit norvégien qui ne connaît que la grâce), même si son application est de plus en plus rare (à cause du caractère stable de la vie démocratique de l’ensemble des Etats de l’Union européenne et du fait qu’il y a de moins en moins de changements de régimes politiques).
En général, il s’agit d’une institution à caractère principalement pénal dont le but est d’être un instrument de conciliation sociale et dont le fondement est bien souvent constitutionnel.
Plus en détail, il faut une opération de clarification conceptuelle pour distinguer (dans le cadre constitutionnel comme dans le cadre international) entre le genre et les espèces des amnisties. Par exemple, le droit italien distingue entre « amnistie impropre » et « amnistie propre (sic) » (la première est une mesure préventive ne concernant que les délits pour lesquels un jugement de condamnation pénale irrévocable n’a pas encore été prononcé, tandis que la deuxième est une mesure de clémence votée après une condamnation définitive). Le droit polonais connaît une distinction entre amnistie et « abolition » (seule cette dernière supprime la responsabilité pénale). Le droit portugais distingue l’amnistie du « pardon générique » (mesure de clémence appliquée en fonction des peines et non des crimes). Et le droit français connaît la « grâce amnistiante » (qui apparaît comme une institution de caractère « mixte »).
Une perspective comparative permet d’évaluer dans quelle mesure les frontières érigées par le droit international sont capables de limiter ces hypothèses d’amnisties hybrides.
Conclusion
Dans le système international on trouve souvent des situations où plusieurs intérêts, ou principes également dignes de protection, peuvent être en collision. La sauvegarde de l’un entraînera alors le sacrifice progressif de l’autre et les difficultés qui peuvent apparaître au cours de la protection symétrique de ces différentes exigences sont notamment exacerbées par la question de la validité des amnisties.
Cette institution de clémence peut résulter aussi bien d’un acte isolé qu’être l’aboutissement d’un procès de plus vaste portée développé dans le cadre d’un processus de paix.
Elle peut être établie par les mêmes sujets qui après en bénéficieront comme par la classe politique successive (en accord ou en contraste avec le gouvernent précédent). Son objet est variable (inclus/exclu les crimina juris gentium) comme son sujet émetteur (parlement, gouvernement, peuple à travers un référendum, commissions de réconciliation, etc.).
De l’amnistie aux amnisties
Le Professeur Ascensio a bien raison de rappeler à un doctorant qu’il serait opportun que sa thèse soit dédiée aux amnisties, plutôt qu’à l’amnistie en droit international. La multitude des situations possibles qui se profilent derrière ce mot ne permet pas une approche univoque, que cela soit dans le sens de la légalité ou de l’illégalité. Les frontières que le droit international est en train d’établir tout autour de cette institution prévoient seulement des cas spécifiques d’inviolabilité, c'est-à -dire d’illicéité internationale. Au delà de ces derniers (qui concernent en particulier la violation d’une norme de jus cogens), il faut souligner que dans toutes les autres hypothèses il faudra procéder avec beaucoup de circonspections : au-delà de cas plus extrêmes, le balancement des intérêts en jeux (la justice d’un côté et, parallèlement, mais pas forcement conjointement, la paix de l’autre) pourrait se révéler une opération plus complexe de celle qui résulterait prima facie.
En accord avec la jurisprudence internationale la plus innovatrice à ce sujet, on peut tout d’abord conclure dans le sens que, lorsqu’il y a une norme de jus cogens qui interdise certains crimes, une prévision d’amnistie ne serait pas tolérable. Toutefois, l’ampleur précise de cette prohibition et les relatives conséquences sont fort discutées. Sans entrer dans le détail de la problématique de la responsabilité de l’Etat, la question concerne le contenue de l’obligation (positive) qui peut accompagner la prohibition (négative). Bien que dans l’affaire Barrios Altos les juges de la Cour interaméricaine des droits de l’homme soient allés jusqu’à obliger un Etat à exercer l’action pénale contre des personnes précédemment amnistiées (en explorant encore plus profondément la trace laissée par la Chambre de premier instance du Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie dans l’affaire Furundzija), on peut observer comme, plus en général, la jurisprudence internationale en matière de norme impérative ne soit pas si linéaire.
Elle manifeste souvent des avancées comme des reculs, et d’ailleurs cette ambiguïté n’est pas désencadrée : elle reflète les tensions d’un ordre juridique international combattu entre le souhait d’une structure hiérarchique stable et la flexibilité qui lui est propre.
Quant aux autres cas (amnisties qui ne concernent pas la question du jus cogens), il faut, tout d’abord souligner que le droit international conventionnel ne s’exprime pas directement sur la question, et, en deuxième lieu, constater que l’état du droit coutumier est moins cohérent de ce que souhaiteraient (à juste titre) les partisans des droits de l’homme.
Relativement au droit conventionnel, des conséquences importantes sont détectables dans les conventions qui imposent l’imprescriptibilité de certains crimes et/ou l’obligation de le poursuivre. Toutefois cette opération déductive n’est pas dépourvue d’une certaine complexité, et cela, en particulier, dans le cas d’un conflit entre une obligation internationale imposant la poursuite pénale, d’une part, et une prévision d’amnistie découlant d’un accord international de paix, de l’autre.
En ce qui concerne le droit coutumier, si dans les cadres onusien et interaméricain on assiste au fil des dernières années à une évolution exponentielle de la prohibition de certaines amnisties (dans le sens de la limitation de leur champ d’action matérielle : c'est-à -dire l’exclusion de certains crimes tels que génocide, crimes contre l’humanité, infractions graves aux conventions de Genève, etc.), le panorama étatique se révèle plus varié. L’impression générale qui en découle est que sur le plan du droit coutumier on peut remarquer une certaine tendance.
S’il est vrai que le processus d’internationalisation de la protection des droits de l’homme pose des barrières de plus en plus infranchissables à toute forme d’escamotage permettant l’impunité, il n’est pas négligeable que la pratique, et en particulier la pratique des Etats, offre des exemples contraires.
Dans la même perspective s’inscrivent les récentes normes d’origine conventionnelle qui traitent plus spécifiquement du droit international pénal. Après avoir examiné dans le détail les dispositions qui réglementent les pouvoirs des organes de la CPI, députée devenir la plus importante institution en la matière, on a constaté qu’il n’y a dans le Statut de Rome aucune obligation ou interdiction absolue dans ce sens.
Mais tout cela ne veut pas forcément affirmer que ubi lex voluit dixit ubi noluit taquit.
D’un côté, la configuration d’une norme coutumière de type impérative, comme expliqué, tranche la question à l’origine (dans le sens de l’interdiction de l’amnistie). De l’autre, dans beaucoup de cas, la question reste ouverte, et c’est justement dans ces espaces gris qu’il faut opérer à un balancement attentif entre exigences qui peuvent se trouver sur un plan de collision.
Il est probable que, pour s’orienter dans ce dernier type d’hypothèses, les divers acteurs appelés à se prononcer sur ce sujet, les juges, in primis, feront référence à des grilles interprétatives en formation et qui ne se limiteront pas à la seule définition du champ d’action matériel de cette institution de clémence (inclusion/exclusion de certains crimes). La légalité d’une amnistie sera alors évaluée sur la base d’une pluralité de facteurs qui refléteront l’hétérogénéité des situations examinées dans cette étude. Ces dernières concernes, par exemple, la nature interne ou internationale de l’acte amnistiante, la gravité et l’ampleur de la violation considérée, le degré de participation populaire dans la procédure directe à affirmer la disposition de clémence, la possibilité pour les victimes d’obtenir en tout cas une forme de réparation, la continuité politique entre les sujets qui émettent l’amnistie et les sujet qui en bénéficient, etc.
L’argument peut être également utilisé par rapport à la question de la validité de l’action des commissions de vérité et réconciliation : quoique qu’il s’agisse d’une pratique extra ou quasi-judiciaire, les travaux de ces commissions aboutissent souvent à des dispositions d’amnisties. La particularité est alors dans la valeur octroyée à ces différentes expériences. Quand les commissions de réconciliation se présentent comme une alternative à la prévision de procès pénaux, dans la relation dialectique entre paix et justice, elles se posent (comme d’ailleurs l’amnistie) ex parte pacis. La communauté internationale, à son tour, peut se positionner ex parte justitiae (par exemple en instituant des juridictions pénales internationales, en déférant une situation à la Cour pénale internationale, ou encore à travers l’action pénale des Etats tiers). Mais on peut présumer qu’une solution de ce type ne sera prise qu’avec beaucoup de précaution.
Du contrôle du temps au contrôle par le temps
En définitif, l’amnistie semble aujourd’hui traverser une période de forte crise d’identité. Conçue comme un outil du droit apte à gouverner le temps, l’amnistie semble, de plus en plus, gouvernée par ce dernier. Imaginée à l’origine comme une monnaie d’échange dans le cadre de processus de transition, elle parait aujourd’hui remise en cause par ce même pouvoir judiciaire duquel elle voulait se mettre à l’abri. A la place d’arrêter les effets de l’écoulement du temps sur le droit, l’amnistie en est à son tour renversée.
Dans une perspective, peut-être, un peu post-moderne on peut se demander si les Etats deviennent incléments vis-à -vis de leur propre clémence.
Gabriele Della Morte
Chercheur à l’Université Catholique de Milan,
Docteur de recherche à l’Université de Palerme
en co-tutelle avec l’Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)