Le Chargé d'Affaires a.i. de l'Ambassade d'Allemagne entouré de membres du SeFaFi
Le SeFaFi (« Sehatra Fanaraha-Maso ny Fiainam-pirenena » ou Observatoire de la Vie Publique de Madagascar), avec l’appui de l’Ambassade de la République fédérale d’Allemagne a organisé, le vendredi 19 octobre 2012, à l’hôtel Panorama, Andrainarivo, un atelier sur le thème: « IMPUNITE, AMNISTIE ET RECONCILIATION NATIONALE ». Ce, en vue de contribuer au processus de sortie de crise de la Nation et d’aider à éviter que ce genre de crise ne se reproduise encore à l’avenir.
Cette rencontre a réuni quelques 80 participants (responsables de partis politiques, d'organisations de la société civile et de groupements économiques ou professionnels).
Le Dr Hans-Dieter Stell lors de son intervention préliminaire
Dans son discours d’ouverture de l’atelier, le Chargé d’Affaires a.i. de l’Ambassade d’Allemagne, le Dr. Hans-Dieter Stell, a insisté sur la notion de démocratie basée sur la communication et le compromis. Pour lui, il ne peut y avoir de développement sans transparence et sans participation.
C’est ce qui a poussé  l’Ambassade  d’Allemagne à appuyer l’initiative du SeFaFi, association à but non lucratif qui promeut la participation et la transparence, a-t-il souligné.
D’après toujours le diplomate, il ne peut y avoir de démocratie si le peuple ne gouverne pas. Si Madagascar est dans la situation actuelle, a-t-il expliqué c’est qu’il y a des questions non résolues.
Le terme crise a-t-il souligné ne sied pas au cas que vit Madagascar actuellement car une crise est limitée dans le temps. L’expression « situation malgache » est plus appropriée.
Si la Grande île a-t-il relevé est dans la situation actuelle c’est parce qu’il y a des questions non résolues.
Il a fait référence à l’histoire de l’Europe pour démontrer que sans une convergence d’intérêts l’on n’aurait pas abouti à son unification. Un pays ne peut se développer tant qu’il n’y a pas cette convergence.
« Cette convergence d’intérêt existe-t-il à Madagascar ou persiste-il des non convergences ? », s’est-il demandé.  « Il faut arriver à intégrer ces non convergences », a-t-il conclu.
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AMNISTIE et IMPUNITÉ
La question controversée de l’amnistie se trouve au cœur du conflit politique depuis des mois. L’enjeu est crucial car l’article 16 de la Feuille de route du 18 septembre 2011 précise qu’aucune élection ne peut avoir lieu sans l’adoption d’une loi d’amnistie - à noter que l’accord n° 2 de Maputo évoquait déjà cette question de l’amnistie dans le cadre de la sortie de crise.
La loi 2012-007 a ainsi été adoptée. Mais si son adoption par le pouvoir politique est une chose, les modalités de son application s’avèrent tout aussi importantes. C’est à ce niveau que la société civile doit remplir son rôle et peser de tout son poids pour tenter de limiter le penchant naturel de nos hommes politiques à entretenir l’impunité.
Rappel : Qu’est-ce que l’amnistie ?
« L’amnistie est un acte législatif qui fait disparaître le caractère délictueux d’une action. Elle aboutit à l’effacement pur et simple d’actes qui ont violé la loi. Sans nier les faits, elle efface leurs conséquences juridiques. Si les faits incriminés ont déjà été jugés, on parlera d’une amnistie des peines qui supprime les condamnations prononcées sans pour autant effacer les faits; si les faits n’ont pas encore été jugés, on parlera d’une amnistie des faits qui arrête toute poursuite pénale contre une infraction » (Communiqué SEFAFI - Février 2012).
L’amnistie pose donc des problèmes moraux, éthiques et surtout de justice.
La loi 2012-007
Les termes de la loi nouvellement adoptée montrent une volonté apparente d’ouvrir largement le bénéfice de l’amnistie.
Ainsi, la loi prévoit une « amnistie large et de plein droit », dans le cadre des infractions liées aux évènements politiques 2002/2009. Cette amnistie des faits prévue par l’art. 2 de la loi est classique.
Mais une amnistie des peines est également prévue, à la demande de chaque individu concernée (art. 4).
De ce fait le panel des bénéficiaires de l’amnistie est étendu car non seulement il est prévu une amnistie des faits et des peines mais il l’accorde tant aux hommes politiques qu’aux « personnes civiles ». Cela laisse présager que tout individu pourra demander le bénéfice de l’amnistie dans le cas où les infractions dans lesquelles il est impliqué entrent dans le cadre de celles prévues par la loi.
Les infractions non amnistiables
Leur liste est conforme à l’art. 18 de la Feuille de Route. Mais la loi donne une énumération limitative de ce qui est compris dans la notion de « violations graves des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
On y voit des infractions, qui normalement n’auraient pas dû y figurer (vu le contexte de la crise), ex : viol, enlèvement de mineurs… En effet, contrairement à ce qui a pu survenir dans d’autres pays, des cas de viol ou d’enlèvement de mineurs liés à la crise de 2002 à 2009 n’ont pas été relevés.
Cela pourrait donc se comprendre comme une volonté de parer à toute tentative de faire bénéficier de cette amnistie des faits révélés par l’actualité et attribué à des responsables politiques .
Les effets de l’amnistie
Comme toutes les lois d’amnistie, celle-ci
- met fin à toutes poursuites pénales (celles en cours/action publique enclenchée) ;
- efface les condamnations pénales et les sanctions disciplinaires prononcées ;
- entraine la réintégration dans les offices publics et ministériels sauf les postes politiques.
La loi prévoit également la prise en charge de l’indemnisation par le Fonds National de Solidarité (pourvu par la Communauté Internationale). Nul doute que la création et la gestion de ce fonds ouvriront d’autres débats.
Procédure d’obtention de l’amnistie
Si les effets de l’amnistie n’appellent pas de remarques spécifiques, la procédure prévue par la loi pour bénéficier de cette amnistie appelle quelques réflexions :
Selon l’art. 4, le bénéfice de l’amnistie est accordé sur requête adressée au Conseil du Fampihavanana Malagasy (CFM) par les personnes poursuivies qui n’ont pas fait l’objet des mesures édictées par la loi d’amnistie (c’est-à -dire de l’amnistie de plein droit). Or il est fait mention dans l’art. 4 de « personnes poursuivies » et non de personnes condamnées. Y-a-t-il nuance volontaire ?
Parallèlement, l’art. 14 prévoit la mise en place, au sein de la Cour Suprême, d’une Commission spéciale chargée de juger et de prononcer les décisions d’amnistie au vu des listes proposées par les entités habilitées.
L’amnistie serait obtenue à l’issue d’une procédure en 3 temps :
*Demande adressée au CFM :
*Etablissement par le CFM d’une liste des personnes susceptibles d’en bénéficier, liste adressée à la Commission Spéciale de la Cour Suprême (CS-CSUP), et, enfin,
*Amnistie accordée (ou non) par la CS-CSUP.
Selon la loi, les contestations relèveront de la compétence et de la procédure de l’art. 597 du Code de procédure pénale. Ainsi, la décision de l’octroi de l’amnistie n’émanera pas d’une entité politique. Elle sera l’œuvre de l’autorité judiciaire.
Dans le contexte qui prévaut actuellement, cette procédure remet sur le tapis l’importance de l’indépendance de la justice.
Enfin, une question demeure…
Une personne à qui le bénéfice de l’amnistie a été refusé pourra-t-elle directement saisir la Commission spéciale de la Cour Suprême ? Ou bien cette possibilité de recours serait-elle réservée uniquement aux personnes figurant sur la liste du CFM et dont l’amnistie a été refusée par la CSUP ?
Recueillis par Jeannot RAMAMBAZAFY – 19 octobre 2012