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Home Vie politique Dossier AGOA : Tenants et aboutissants véridiques du nouvel impérialisme américain

AGOA : Tenants et aboutissants véridiques du nouvel impérialisme américain

En mai 2000, le Congrès américain adopte la loi connue sous le nom de "African Growth and Opportunity Act", littéralement Acte des Etats-Unis de la Croissance et de l’Opportunité africaines ou AGOA. L’objectif est « de soutenir l’économie des pays africains en leur facilitant l'accès au marché américain s'ils suivent les principes de l'économie libérale ».

Qu’est-ce que l’économie libérale ?

Il s’agit d’un système économique dans lequel les agents économiques (entreprises, individus) ont la liberté de vendre et d'acheter des biens, des services et des capitaux. Une économie de marché s'oppose à une économie planifiée dans laquelle toutes les grandes décisions sont prises par l'État.

Dès lors, au départ, où parle-t-on de droits de l’homme dans ce système dont est issu l’AGOA, mister Obama ? A présent, voici un dossier complet sur les tenants et aboutissants exacts de l’AGOA. Faites-en une large diffusion pour mettre ces Américains devant leur forfaiture. Surtout ceux de l’ambassade à Madagascar dont nous reparlerons, ici, à travers une mainmise épouvantable à caractère environnemental signé Brett Bruen…

Jeannot RAMAMBAZAFY

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L’AGOA est directement lié à la question de la base états-unienne sur Diego Garcia. L’île Maurice a immédiatement obéi aux ordres, comme un caniche apprivoisé, quand son représentant à l’ONU a signifié que l’île Maurice ne pouvait pas soutenir la résolution états-unienne sur l’Irak. (La flotte de B2 et de B52 décolle de Diego Garcia pour attaquer l’Irak.) La condition de l’AGOA de se soumettre à la politique étrangère états-unienne est citée dans la presse, ici, comme une raison de halage (ou touage) de vache [1 ]. Ce n’est pas seulement que tous les types d’événements de la scène politique et économique de l’Île Maurice se rattachent d’une manière importante à l’AGOA. Privatisation, libéralisation, vote du gouvernement d’une "Prevention of Terrorism Act" (Acte de Prévention du Terrorisme), fermetures d’usine, délocalisation, tous ces événements sont liés à l’AGOA d’une manière ou d’une autre. Cet article explique comment et pourquoi.

Les USA se sont équipés d’un nouveau dispositif colonial pour obtenir que les états africains se soumettent au régime impérialiste états-unien, grâce au soutien actif des classes dirigeantes africaines. L’AGOA, décrété en 2000 (après des années littéralement consacrées à essayer de le faire passer), donne de très grands pouvoirs au Président Bush pour décider à quels états africains il ouvrira le marché états-unien, et à quels états africains il le fermera. L’AGOA est assorti de conditions comme quoi les Etats africains ont à se soumettre au Président Bush pour qu’il les favorise en ouvrant le marché états-unien à leurs biens et services de capitalistes. Au moins une fois tous les deux ans, dans le cadre de l’AGOA, le Président Bush convoque les états africains qu’il juge "éligibles" à un Forum AGOA [2] pour leur dire ce qu’il pense que leurs programmes politiques et économiques devraient être. Cet exploit colonial est ce dont le gouvernement mauricien se félicite en l’organisant en janvier 2003.

Quand le Président Bush a annoncé qu’il ne serait pas présent au Sommet Mondial sur le Développement Durable (World Summit on Sustainable Development ; WSSD en 2002) en Afrique du Sud, il a aussi ajouté qu’il programmait une visite à l’Afrique en janvier 2003. Il ne peut pas être plus clair que le Président Bush croit que le forum AGOA est davantage une priorité que le développement durable mondial. En janvier, un "forum AGOA des affaires" se déroulera aussi en même temps que le "Forum AGOA" officiel. A ce second Forum, des hommes d’affaires états-uniens rechercheront des "courtiers" africains pour faciliter leur implantation dans ces états africains labellisés "éligibles" par le Président Bush. Le secteur privé mauricien s’offre avec empressement comme "courtier" africain des transnationales états-uniennes. C’est pourquoi la classe dirigeante mauricienne s’est pris les pieds dans la moquette dans son empressement à obtenir localement la tenue du Forum AGOA. Le Service de l’Information des Etats-Unis (USIS) a financé des programmes à travers toute l’Afrique pour expliquer comment utiliser l’AGOA pour créer des "Partenariats Public-Privé" (3P, la dernière mode en matière de privatisation) dans les pays africains. L’USIS explique aussi comment utiliser l’AGOA pour "matchmaking" (leur terme) (faire l’entremise) entre capitalistes africains et états-uniens.

Le monde des affaires états-unien et les capitalistes africains voient dans l’AGOA, croissance et opportunité pour eux-mêmes, et sont occupés à négocier des actions conjointes (joint-venture) dans les régions d’Afrique où les travailleurs ont moins de droits sociaux et économiques et où les salaires sont les plus bas. Dans des pays comme l’île Maurice ou l’Afrique du Sud, existent des plans massifs de délocalisation en cours qui vont éroder les salaires, les conditions de travail et les conditions sociales et économiques de tous les peuples d’Afrique.

D’où vient l’Acte pour la croissance et l’opportunité africaines états-unien (AGOA) ?

L’AGOA a eu de nombreux noms. Ces années dernières, il s’est appelé Africa Bill (Projet de loi pour l’Afrique), African Growth and Opportunity Bill (Projet de loi pour la Croissance et l’Opportunité africaines) , Africa Act (Acte pour l’Afrique) ou Trade and Tariff Act (Acte du Commerce et des taxes douanières). La version votée est maintenant connue comme African Growth and opportunity Act (AGOA, Acte pour la croissance et l’opportunité africaines) [3] et fait partie d’une loi appelée Trade and Development Act of 2000 (Acte du Développement et du Commerce de l’an 2000). S’il a eu autant de noms, c’est en partie que du fait de son impopularité, il a été à chaque fois repoussé par le Congrès états-unien et il a dû être réintroduit sous d’autres noms. Il a fallu plusieurs années pour que l’AGOA soit décrété. Les classes dirigeantes états-uniennes ont été persévérantes pour faire passer l’AGOA parce qu’il est au cœur de la stratégie impérialiste états-unienne qui date des années 1990.

Dans les années 1990, il y a eu un changement majeur dans la politique états-unienne concernant l’Afrique. Les Etats-Unis ont décidé de faire de l’Afrique une nouvelle zone d’implantation du capitalisme états-unien. C’est ce qui a été clairement annoncé en 1995 par Ron Brown [4], dernier Secrétaire du Commerce de l’administration Clinton. Ron Brown cite les Archives de l’Administration Clinton : " Les Etats-Unis ne concéderaient plus longtemps le marché africain aux anciennes puissances coloniales." [5]

Le régime de Clinton avait deux buts [6] politiques grand angle, à long terme. Primo, favoriser les intérêts commerciaux états-uniens . Ce que les USA voulaient, c’était implanter des entreprises multinationales états-uniennes en Afrique pour qu’elles contrôlent les riches ressources naturelles et minérales comprenant le pétrole, l’or, le cuivre, les diamants, et pour qu’elles obtiennent une plus grande part du marché africain. Les Archives de Clinton font référence à ce but en termes d’accélérer l’ "intégration dans l’économie globale" de l’Afrique qui ferait "progresser les intérêts commerciaux états-uniens au moyen du renforcement du commerce et de l’investissement". Le deuxième but de la politique états-unienne était d’exercer une influence militaire plus affermie sur l’Afrique. Les Archives de Clinton font référence à ce but comme répondant aux "menaces sur la sécurité" émanant de l’Afrique. L’AGOA est basé à la fois sur ces deux buts de la politique états-unienne à long terme : il impose des conditions qui dictent la politique économique en Afrique afin que les entreprises multinationales états-uniennes puissent opérer lucrativement et en même temps, il contraint les états africains (élus) à soutenir la politique étrangère et les intérêts de la "sécurité nationale" états-uniens. Depuis que George W. Bush a été intronisé Président des Etats-Unis, l’AGOA est devenu un instrument qui répond parfaitement aux besoins de la politique militaire agressive de son régime.

Que signifie l’AGOA ?

Cette loi signifie que jusqu’en septembre 2008, le Président états-unien peut, à l’image d’un roi, ouvrir les portes du marché aux biens et services africains en provenance de 48 états africains, mais il ne le fera que s’ils acceptent les conditions (conditionalities) états-uniennes. Dans l’AGOA, il est référé aux conditions patentes en tant qu’"exigences d’éligibilité". Jusqu’à présent, le Président états-unien a déclaré " 36 pays africains "éligibles ". Les "exigences d’éligibilité" de l’AGOA sont utilisées par le Président Bush pour fermer le marché états-unien aux biens et services venant de neuf pays africains "non-éligibles" : l’Angola, le Burkina Faso, le Burundi, la République Démocratique du Congo, la Guinée Equatoriale, la Gambie, le Libéria, le Togo et le Zimbabwe [7]. Le Soudan, la Somalie et les Comores n’ont pas recherché la faveur de l’"éligibilité" auprès du Président états-unien, donc, ils ont échappé à la zone d’influence de l’AGOA. Depuis que l’AGOA a été décrété, le Président états-unien a présenté deux rapports annuels au Congrès états-unien ; chacun inclut réellement un rapport pays-par-pays qui indique si les Etats africains observent ou non les conditions de l’AGOA.

Le gouvernement des Etats-Unis joue toujours la même ritournelle : le besoin pour le reste du monde de lâcher la bride au capitalisme. Il veut, à long terme, tout transformer des biens aux services, de l’eau à la terre, en marchandises qui soient vendues pour le profit, sans impôt, sans règlement, sans aucun contrôle public ou démocratique. C’est ce qu’on appelle le " marché libre." Quand il s’agit de son propre marché, les Etats-Unis ne sont pas enclins à souscrire à la politique du " libre marché " - mais ils adoptent une politique protectionniste dans l’intérêt des capitalistes états-uniens qui ne veulent pas voir leur profit restreint par l’entrée sur leur marché des biens et des services meilleur marché.

Des partisans de l’AGOA prétendent qu’il a été comme une sorte de nouvelle "Convention de Lomé" pour l’Afrique. Chose étrange, ces partisans s’abstiennent de mentionner que le "libre" accès des marchandises et services au marché états-unien (comme à tout autre marché), sans qu’il y soit attaché de condition, sera en tout cas très vite un dû. Les Etats-Unis font partie de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et sont supposés s’être engagés, comme les autres pays de l’OMC, à ouvrir leur marché sans que quelque condition soit imposée. D’autres accords protectionnistes hors OMC sont également près de leur extinction. L’Accord Multifibre, par exemple, est arrivé à terme en 2004. Donc pourquoi nos Gouvernements acceptent-ils toutes les conditions de l’AGOA, quand, de toute façon, le marché états-unien est supposé d’or et déjà sans barrière ? C’est ce que nous ignorons.

Il existe de nombreuses conditions. Certaines non dissimulées sont dites exigences d"’éligibilité" à l’AGOA, et d’autres sont dissimulées ; elles sont implicites au droit qui régit l’AGOA. Eh bien, considérons-en quelques-unes.

L’AGOA dit : "Acceptez le Président états-unien comme votre Roi"

L’AGOA fait du Président états-unien un Roi avec un empire en Afrique. C’est le Président états-unien qui décide à quel pays africain ouvrir ou fermer le marché états-unien. C’est le Président états-unien qui décide si les pays africains remplissent ou non les conditions de l’AGOA. C’est le Président états-unien qui convoque les Chefs d’état africains à un Forum AGOA au moins une fois tous les deux ans. C’est lui qui décide quand et où il les convoque. C’est le Président Etats-unien qui décide également à quels biens et services de quel pays il accordera le traitement hors-taxe. Si le Président états-unien décide qu’un pays africain n’est pas aligné sur les conditions de l’AGOA, il peut fermer le marché états-unien à ce pays [8]. Le Congrès états-unien s’est donné tellement de pouvoir qu’il peut décider maintenant quel pays africain est "pauvre" ou non. Le Congrès états-unien a simplement amendé l’AGOA (connu sous le nom d’AGOA II), pour donner au Botswana et à la Namibie le statut de "pays pauvre" même si le baromètre états-unien utilisé lors de la première version de l’AGOA, ne classe pas ces deux pays comme étant "pauvres." [9]

Un autre point important à propos de l’AGOA est la procédure utilisée pour son établissement. L’AGOA n’est pas un accord multilatéral négocié entre les Etats-unis et des pays africains. Il a été imposé unilatéralement par les Etats-unis. Il a été proposé par le Président états-unien et voté par le Congrès états-unien. Cette législation états-unienne est une sorte de "législation extra-territoriale", comme si l’Afrique était une colonie états-unienne.

Beaucoup de pays africains d’Afrique du nord (Sahara Occidental, Algérie, Tunisie, Maroc, Libye et Egypte) ne tombent pas dans la "zone d’influence" de l’AGOA. Le "dépeçage" de l’Afrique a de quoi faire : les Etats-Unis peuvent à présent, s’ils ne sont pas arrêtés, établir leurs propres " colonies " en Afrique en les gouvernant via l’AGOA.

L’AGOA dit : "Vous devez suivre la politique étrangère des Etats-unis"

AGOA énonce crûment que les Etats africains, pour satisfaire aux exigences d’éligibilité, ne doivent pas "s’engager dans des activités" qui sapent la sécurité nationale ou les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis" [10]. Cette "condition" est réelle : elle a déjà été utilisée par le Président Bush. Le Burkina Faso s’est vu refuser " l’éligibilité " à l’AGOA, en partie parce qu’il n’accepte pas la politique étrangère états-unienne. Le rapport du Président états-unien de mai 2002 concernant l’AGOA au Congrès états-unien mentionne spécifiquement que celui-ci est placé sous l’autorité des "US National Security and Foreign Policy Interest" (Intérêts de la Politique Etrangère et de la Sécurité Nationale états-uniennes). Dans cette section, le Président états-unien déclare que " le Burkina Faso a joué régionalement un rôle inutile, en sapant la stabilité et les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis".

Déjà, l’île Maurice sent le poids de cette conditionnalité. Depuis le passage de l’AGOA, le gouvernement mauricien a soutenu inconditionnellement l’attaque de l’Afghanistan par les Etats-Unis, a aveuglément suivi l’exemple des Etats-unis en votant pour le Prevention of Terrorism Act (Acte pour la Prévention du Terrorisme), et est maintenant prêt à soutenir sans vergogne les seigneurs de la guerre états-uniens dans leur agression du peuple irakien.

Comme les Etats-Unis ont exercé une forte pression pour obtenir que le Conseil de sécurité de l’ONU suive leur propagande de guerre, le gouvernement mauricien a pris la décision de soutenir la résolution états-unienne clé de l’escalade belliciste contre l’Irak. Cette décision a été prise, d’après Raj Meetarbhan de L’Express [11], après que Koonjul, l’Ambassadeur mauricien à Washington, ait signifié l’intention du gouvernement mauricien de ne pas voter pour la résolution états-unienne. Obligation est de dire que peu de jours avant, Le Mauricien [12], avait rapporté que le Premier ministre Jugnauth avait affirmé, sur la question de l’Irak qu’il était "confiant qu’une voie diplomatique est encore possible et que la guerre peut être évitée". C’est une citation extraite de son allocution lors du 57e anniversaire des Nations Unies.

Après que la nouvelle décision du gouvernement sur la résolution états-unienne ait été transmise au Conseil de sécurité de l’ONU, le Ministre des Affaires Etrangères Gayan a été cité par Raj Meetarbhan comme ayant dit qu’il ne fallait pas que le gouvernement "mette les intérêts du pays en péril" [13]. Ce ne sont pas les intérêts du "pays" dont il parle : il parle des intérêts de la classe capitaliste mauricienne qui attend de l’AGOA de succulentes friandises. Même si c’est au prix de milliers de vies en Iraq. Même si cela signifie de déposséder des gens de leurs moyens d’existence à l’île Maurice et à travers toute l’Afrique. Même si cela signifie pour les gens la perte de leurs droits fondamentaux. De manière typique, Raj Meetarbhan de L’Express, fidèle à sa tradition de porte-parole des capitalistes mauriciens et de leur régime, a qualifié la résistance de l’Ambassadeur Koonjul à la sauvage intervention états-unienne du style cow-boy, de "gaffe diplomatique".

Obligation est de dire également que tant que l’AGOA n’était encore qu’au stade de projet, la presse de l’île Maurice a évité de commenter le fait que l’AGOA recelait des conditions strictes. Pour la première fois, et comme si les conditions de l’AGOA étaient la chose la plus normale, la presse indique maintenant les conditions de l’AGOA. Raj Meetarbhan de L’Express cite même la section de l’AGOA énonçant comme les pays africains ne doivent pas aller contre la politique de sécurité nationale et la politique étrangère états-uniennes.

L’AGOA dit : "Privilégiez la sécurité nationale états-unienne plutôt que celle des peuples d’Afrique et du reste du monde"

La classe dirigeante mauricienne ne se soucie pas le moins du monde de la véritable sécurité nationale du peuple mauricien. Elle est prête à la sacrifier pour simplement permettre à des gens comme M. Vigier de la Tour de vendre quelques T-shirts et chemises sur le marché états-unien. Elle a soutenu l’AGOA et a fait fortement pression sur d’autres pays africains pour accepter toutes ses conditions quand bien même l’’AGOA hypothéquerait la lutte pour fermer la base militaire états-unienne de Diego Garcia, partie de la République de l’île Maurice. Ou même d’autres bases en Afrique telles que la base militaire états-unienne au Kenya. Au Kenya, les Etats-Unis occupent une base aérienne qui a été utilisée lors de l’attaque contre l’Afghanistan après le 11 septembre 2001. A l’île Maurice, les Etats-Unis occupent une base militaire à Diego Garcia, une île illégalement séparée de l’île Maurice par le Royaume-Uni pendant les négociations de l’indépendance dans les années 1960. Cette île a été dépeuplée " par les RU-EU pour la transformer en base militaire. Les Mauriciens qui y vivaient ont été déplacés de force à l’île principale de l’île Maurice et aux Seychelles. La base a été par la suite utilisée pour bombarder l’Irak en 1991 pendant le "guerre du Golfe", pour bombarder l’année dernière le peuple d’Afghanistan, et va être à présent encore la principale aire de décollage et d’atterrissage des Etats-Unis pour rebombarder le peuple d’Iraq. L’AGOA, et la nouvelle politique états-unienne en Afrique a de très sérieuses implications sur la lutte pour fermer la base états-unienne de Diego Garcia, d’autres bases états-uniennes en Afrique et pour la lutte de démilitarisation de l’ensemble de l’Afrique et de la région de l’’Océan indien.

L’AGOA et Diego Garcia

Depuis l’indépendance, la lutte pour la fermeture de la base états-unienne de Diego Garcia et la réunification des Chagos avec le reste de l’île Maurice ont souvent été utilisées par l’Etat mauricien comme un point de négociation pour le " commerce " de la part de la classe capitaliste mauricienne. Cette affaire sordide a maintenant été institutionnalisée dans l’AGOA : le silence de l’Etat mauricien sur la fermeture de la base états-uniene en échange de l’entrée des biens et services des capitalistes mauriciens sur le marché états-unien. Les capitalistes mauriciens et leur Etat étaient si désireux de voir l’AGOA accepté par le Congrès états-unien, qu’ils ont entrepris de rallier d’autres états africains de la région (à travers les blocs régionaux tels que le COMESA [14], le SADC [15] et la défunte OAU [16], pour faire pression sur eux pour qu’ils participent à inciter le Congrès états-unien à ratifier l’AGOA avec toutes ses conditions.

L’AGOA peut être utilisé à présent comme un instrument pour garder intacte la base états-unienne sur Diego Garcia, pour ce que les Etats-Unis appelleraient sans doute leurs " intérêts de sécurité nationale ou de politique étrangère. Plus particulièrement dans les intérêts de ses entreprises multinationales du commerce du pétrole et de l’armement. Le nouveau régime Bush utilise agressivement l’AGOA pour assurer ces intérêts par des moyens militaires. Lors du premier United States-Sub-Saharan Africa Trade and Economic Cooperation Forum (Forum de coopération économique et commerciale Etats-Unis-Afrique sub-saharienne) qui s’est tenu en octobre 2001, grosso modo un mois après le 11 septembre, le Président Bush a exprimé bien clairement ce qu’il pensait que les priorités politiques des Etats africains devaient être : suivre l’exemple des Etats-Unis en combattant le " terrorisme " défini par les Etats-Unis, comportant que les "pays africains" offrent "les droits de survol et de créer des bases", montrer leur engagement à " fissurer le financement du terrorisme", et ratifier la Convention d’Alger Contre le Terrorisme de 1999. Bien sûr, le Président Bush a omis de mentionner que c’est le Gouvernement états-unien qui est le seul à avoir été jugé coupable de "terrorisme" par le Tribunal mondial à l’encontre du Nicaragua.

Le Président Bush a exprimé bien clairement aussi que les Etats africains devraient changer leur position après le Congrès de l’OMC qui s’est tenu à Seattle en 1999. Lors du Congrès de Seattle, les Etats africains, agissant en bloc, ont réussi à s’opposer aux nouveaux cycles qui auraient placé encore plus le monde sous la domination capitaliste. C’est pourquoi le Président Bush a eu tellement le souci d’obtenir que les Etats africains cessent ce genre de résistance. Il a dit des Etats africains représentés au 1er Forum AGOA, qu’ils devraient devenir "une voix puissante pour le lancement d’un nouveau cycle de pourparlers à propos du commerce global, prévu commencer au début du mois prochain à Doha". Le quasi ultimatum du Président Bush était à peine voilé ; à ce forum ; il a dit en termes très clairs : "Chaque nation qui adopte cette vision, trouvera en l’Amérique un partenaire commercial, un investisseur et un ami" [17]. S’ils n’avaient pas accepté la vision états-unienne, il leur aurait fermé le marché états-unien.

Du pétrole, de la militarisation états-unienne et de l’AGOA

Il y a eu un intérêt croissant de la classe dirigeante états-uniene pour le pétrole africain. L’Afrique fournit déjà quelques 15% des importations de pétrole brut états-uniennes. Celles-ci vont sans doute encore augmenter à cause d’une nouvelle production en Afrique de l’Ouest et de la construction d’une canalisation (pipe-line) reliant le Tchad du sud aux ports atlantiques. De plus, des réserves ont été découvertes récemment au large de la côte ouest-africaine. C’est en particulier après les événements du 11 septembre que l’Afrique a pris une importance stratégique clé aux yeux de la classe dirigeante états-unienne. Les Etats-Unis ne veulent plus être dépendants de pays comme l’Arabie saoudite, un allié qui n’accorde pas son soutien inconditionnel aux Etats-Unis. Les Etats-Unis veulent intensifier leur stratégie visant à augmenter leur approvisionnement en pétrole d’Afrique, tandis qu’ils se préparent à envahir l’Irak. En même temps, ce que les multinationales états-uniennes du pétrole réclament à grands crisue.org/s, c’est ue.org/sque les Etats-Unis augmentent leur pression sur les états africains pour que ceux-ci leur donnent "la propriété de la terre légalement protégée", c’est-à-dire pour privatiser la terre, puis donner les titres de propriété de la terre aux multinationales états-uniennes. Elles veulent aussi la sécurité de l’armée états-unienne pour leurs opérations en Afrique. C’est ce qu’a divulgué publiquement un article du New York Times. L’article, expliquant comme l’Afrique est devenue stratégiquement importante pour les Etats-Unis à cause de son pétrole, affirme tout à fait clairement qu’"il y a aussi eu discussion au Congrès et au Pentagone à propos des échanges militaires croissants avec des pays d’Afrique de l’Ouest et de l’établissement possible d’une base militaire dans la région, peut-être à São Tomé, une nation-île du Golfe de Guinée" [18].

La nouvelle stratégie états-unienne vis-à-vis du pétrole africain aurait aussi pour effet de casser l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) [19], le cartel du pétrole ayant son centre au Moyen-Orient exerce un important contrôle sur la production et les prix du pétrole. L’article du New York Times mentionne que le Gabon était membre de l’OPEP, mais qu’il l’a quittée en 1995, et qu’en ce moment le Nigeria envisage de quitter l’OPEP. Le débitage de l’OPEP augmenterait grandement le pouvoir des multinationales pétrolières états-uniennes dans l’industrie pétrolière.

Il y a un puissant groupe de pression, basé en Israël, allié au groupe de pression pétrolier états-unien qui voudrait que les Etats-Unis utilisent l’AGOA pour ouvrir l’Afrique de l’Ouest à l’industrie pétrolière états-unienne, et assurer cette mainmise par l’installation d’une base militaire à São Tomé et Principe en Afrique de l’Ouest. Ce groupe de pression a même un nom. Il s’appelle The African oil Policy Initiative Group (Groupe d’initiative de la politique pétrolière africaine). Ce groupe actif s’est développé suite à un symposium qui s’est déroulé à Washington, en janvier 2002, et était organisé par l’Institut for Advanced Strategic & Political Studiez (ASPS - Institut de Stratégie avancée et d’Etudes Politiques, lequel se décrit lui-même "une structure de réflexion basée à Jérusalem" [20].

Dans un document produit par cette "structure de réflexion", ont été citées les déclarations faites par Ed Royce, le Président de la U.S. House of Representatives Subcommittee on Africa (de la Sous-commission de la Chambre des Représentants états-unienne pour l’Afrique) en lien avec la stratégie pétrolière états-unienne à la fois de l’AGOA et aussi du Nouveau partenariat économique pour le Développement africain (Nepad) (un plan généralement concocté par une poignée de Présidents africains pour ouvrir l’Afrique au capitalisme global). Tant l’AGOA que le NEPAD sont vus comme des instruments permettant d’assurer le contrôle états-unien sur le pétrole africain. Remarquez que le NEPAD doit être l’un des principaux thèmes discutés au Forum officiel de l’AGOA.

AGOA impose sa dictature économique

Une des conditions de l’AGOA [21] est que les pays africains doivent avoir une "économie de marché" pour mériter l’"éligibilité". Cela veut dire que toute l’économie doit opérer sur une base de profit. Même des services fondamentaux comme la santé, l’éducation, les retraites, l’eau, l’électricité, les télécommunications, le transport, et autres services sociaux doivent être transformés en "biens" vendus au cours d’opérations commerciales capitalistes. Des mesures pour redistribuer la richesse et restreindre l’inégalité entre classes sociales telles qu’impôts sur les entreprises, sur les capitalistes, sur les opérations commerciales, doivent être progressivement mises au rebut jusqu’à leur complète disparition. C’est une condition de l’AGOA. Un "marché" complètement "libre", un marché où le contrôle démocratique n’existe pas, parce que tout fonctionne avec des compagnies privées. A l’île Maurice, comme dans beaucoup de pays africains, il y a eu une vive résistance à un tel système. Dans les années 1970, les FMI et BM (Fond monétaire international ; Banque mondiale) ont essayé d’obtenir que le gouvernement impose un tel système à l’île Maurice, mais les gens s’y sont tant opposés que le gouvernement a heureusement échoué à imposer des mesures clés du programme des FMI-BM. Et une forte opposition a continué jusqu’à aujourd’hui dans le mouvement syndical, ralentissant ainsi le mouvement de la privatisation tous azimuts.

L’AGOA dit : "Liquidez tout ce qui est propriété publique"

Une autre condition est que les gens ne puissent pas posséder et contrôler quelque chose collectivement. C’est ce que le secteur public était supposé être : le peuple possédant, faisant marcher et contrôlant des secteurs de l’économie. Dans des secteurs nationalisés, la propriété et le contrôle publiques étaient déjà beaucoup trop limités en ce sens que c’étaient, dans la pratique, les gouvernements et leurs bureaucrates qui exerçaient le contrôle. Bien que limitée cette forme de contrôle, la possibilité pour le peuple de s’organiser et de prendre le contrôle démocratique du secteur public, reste possible. Ce que la privatisation fait, c’est de rendre beaucoup plus difficile la reconquête d’un contrôle démocratique. C’est une forme de dépossession de notre héritage collectif.

Dans les pays africains, l’expansion du secteur public était un moyen de décolonisation pour mettre fin au fait que des entreprises étrangères et leurs gouvernements contrôlent des secteurs stratégiques de l’économie, et escamotent les profits. La privatisation efface le progrès historique sous l’angle de la décolonisation et expose les pays africains à une recolonisation.

L’AGOA dit : "Supprimez les subventions"

Une autre condition encore, c’est que les états africains doivent entièrement éliminer les subventions. Cela inclut des subventions pour assurer la sécurité alimentaire comme le riz et la farine, des subventions à la médecine, aux vaccins, à la contraception. Des subventions à l’agriculture des petits planteurs et fermiers, des subventions à la pêche, au petit élevage ; des subventions qui sont vitales pour beaucoup, pour beaucoup de gens en Afrique, doivent être supprimées. Des subventions à l’industrie orientée vers l’exportation doivent être supprimées. La classe dirigeante états-unienne veut que les états africains éradiquent des subventions qui stimulent la production locale et diminuent l’importation. Elle veut supprimer toutes les subventions qui faisaient totalement partie du processus de décolonisation.

L’AGOA dit : "Éliminez le contrôle des prix"

La suppression du contrôle des prix est incluse comme une autre condition. La classe dirigeante ne veut même pas le contrôle des prix sur les produits et services les plus fondamentaux. Elle se soucie comme d’une guigne si l’eau, l’électricité, les aliments de base qui sont essentiels pour la survie des gens, sont trop chers pour que des pauvres puissent y avoir accès.

L’AGOA dit : "Soumettez-vous aux compagnies étrangères"

L’AGOA impose aux états africains l’obligation de réserver les mêmes traitement et mesures au capital étranger qu’au capital national [22]. En d’autres termes, des mesures clés pour protéger la souveraineté de pays africains seront éradiquées. Des mesures comme l’attribution de subventions à la production locale ou mettre des impôts, des droits ou des tarifs douaniers sur des marchandises étrangères pour protéger la production locale ne seront plus possibles. Cela veut également dire que des gouvernements, ne seront plus en mesure pour protéger l’emploi de faire voter des réglementations, ni de les faire appliquer à des entreprises étrangères qui emploient des ouvriers de ce pays. Les gouvernements n’auront plus la capacité d’empêcher des entreprises multinationales étrangères de rapatrier tous leurs profits dans leur pays d’origine. Cette condition a même des implications plus sérieuses : les gouvernements ne seront plus en mesure d’empêcher des capitalistes étrangers d’acheter vraiment la terre. Il existe de nos jour un puissant groupe de pression multinational aux Etats-Unis qui veut que des gouvernements à travers le monde lui vendent la terre, en particulier là où il y a de précieuses ressources minérales ou du pétrole, et lui en remettent les titres de propriété. Depuis l’indépendance, les lois qui protègent la terre et l’intégrité territoriale ont été vitales pour la protection de l’indépendance et de la souveraineté des pays au regard de l’histoire de la colonisation. Un état se définit en partie par son territoire. Que les gouvernements soient en mesure de bazarder la terre à des non citoyens et à leurs entreprises, c’est ce qui pourrait alors menacer l’indépendance elle-même.

Le concept de "traitement national" à l’égard des compagnies étrangères est un concept clé du "Multilateral Agreement on Investment" (MAI) (Accord multilatéral sur l’investissement) concocté par l’OCDE , une épée de Damoclès placée au-dessus des gouvernements des états les plus riches du monde. Le MAI a été une sorte de Constitution à l’échelle mondiale pour donner aux entreprises multinationales le pouvoir sur les états-nations - elles auraient pu poursuivre des états en justice votant des lois et des règlements pour protéger l’environnement, les droits du travail, pour protéger des services sociaux, des secteurs stratégiques de l’économie, ou pour protéger leur souveraineté. Accorder le même "traitement" aux compagnies étrangères qu’aux nationales, faisait partie du plan du MAI. Le MAI a été vaincu parce qu’il était tellement impopulaire sur le plan mondial, mais des parties du MAI perfusent dans des accords et une législation tels que l’AGOA.

L’AGOA abaisse les barèmes des salaires et sabre les conditions de travail en Afrique

Il y a d’autres conditions spécifiques mentionnées dans l’AGOA qui menacent l’emploi dans des pays comme l’île Maurice, qui tirent les barèmes des salaires vers le bas et qui sabrent les conditions de travail dans la région.

L’AGOA impose des conditions aux importations venant d’un pays

Sous l’autorité de l’AGOA [23], les Etats-Unis n’ouvriront leur marché qu’aux vêtements faits de fils ou de tissus produits et assembler aux Etats-Unis ou dans un pays africain. Cette concession a été faite par le Congrès états-unien aux capitalistes états-uniens du secteur textile qui ont vu en l’AGOA une menace sur l’industrie textile états-unienne. La seule exception à cette "règle" sied dans le cas de pays africains "moins développés". Les " Pays africains "moins développés " ont été définis en 1998 dans l’AGOA comme ceux qui ont un produit national brut par personne de moins que 1.500 US $ par an (c’est-à-dire tous les pays de l’Afrique sub-saharienne à l’exception de la Guinée Equatoriale, du Gabon, de l’île Maurice, des Seychelles et de l’Afrique du Sud) [24]. Dans le cas de pays "pauvres", les Etats-Unis ne seront pas pointilleux quant à savoir d’où viennent les fils et les tissus. Cette exception ne sera tolérée que jusqu’au 30 septembre 2004.

L’île Maurice où le coton ne pousse pas, ne produit pas de fil. C’est ainsi que les Zones Franches capitalistes de l’industrie textile sont un prétexte pour fermer les usines textiles locales d’assemblage et les rouvrir dans des pays africains où sont produits soit le tissu, soit le fil. Ou ils peuvent les déplacer dans des pays qui entrent dans le cadre du Régime Spécial (Special Rule) pour pays africains "moins développés". Là, ces pays peuvent continuer à importer du fil et du tissu d’Asie où ils sont meilleur marché, et à exporter des vêtements, dans certains cas hors taxe, aux Etats-Unis. L’usine textile la plus grande et la plus ancienne, Floreal Knitwear (Tricots Floréal), avait déjà commencé à licencier des ouvriers. Presque 40% de ses opérations avaient été déplacées à Madagascar, avant la crise politique qui a suivi les élections présidentielles de Madagascar. Les autres usines ont fait de même. 100.000 emplois sont menacés dans la Zone Franche. A l’approche du Forum Commercial de l’AGOA de janvier 2003, des délégations d’état officielles de pays africains comme la Tanzanie et Madagascar vont déjà venir à l’île Maurice pour convaincre des capitalistes mauriciens de délocaliser leurs opérations dans leurs pays.

A l’île Maurice et en Afrique du Sud, des capitalistes, en particulier dans le secteur textile de la zone franche et dans l’industrie sucrière, sont déjà sur le point de délocaliser dans des pays africains où les salaires et les conditions du travail sont inférieurs à ceux de l’île Maurice. Le "régime spécial" pour les pays africains "moins développés" accentue la délocalisation.

L’ironie à propos de ce "régime spécial", c’est que c’est un aiguillon pour pousser les pays africains à devenir plus pauvres, au lieu de les induire à travailler en vue de la croissance économique.

L’AGOA est un "conducteur" clé pour tirer les barèmes des salaires et les conditions de travail de la région africaine vers le bas : l’industrie peut se déplacer au gré des salaires africains les plus bas, de l’activité syndicale la plus faible et des opprimés les moins organisés.

" Croissance et Opportunité" pour le commerce états-unien

Les Etats-Unis, par le biais de l’AGOA, garantissent que l’entrée des marchandises et services africains sur le marché états-unien n’entamera pas le gâteau des affaires et du profit états-uniens. C’est ainsi que toutes les fois que certains textiles ou vêtements africains menacent l’industrie textile états-unienne, le Président des Etats-unis peut suspendre le traitement hors taxe [25]. Les états africains doivent se conformer aux directives états-uniennes sur les règlements douaniers de manière à satisfaire les compagnies textiles états-uniennes. Les fonctionnaires des Etats-Unis peuvent même fouiner dans les douanes des pays africains candidats à l’éligibilité de l’AGOA, pour vérifier leur conformité avec les directives des Douanes états-uniennes.

Non seulement l’AGOA fait levier sur le marché africain pour l’ouvrir au commerce états-unien en imposant ses conditions, mais il met également en place aux Etats-Unis toute une bureaucratie d’état pour aider l’implantation des multinationales états-uniennes en Afrique [26]. Les Etats-Unis subventionnent aussi l’implantation de ses capitalistes en Afrique. Au forum de l’AGOA d’octobre 2001, le Président Bush avait déjà annoncé la création d’un service d’aide Overseas Private Investment Corporation (Entreprise d’investissement privé outre-mer) doté de 200 millions de US $ "pour donner accès aux entreprises états-uniennes à des emprunts, des garanties et une assurance du risque politique pour leurs projets d’investissement en Afrique sub-saharienne".

Depuis que l’AGOA a été décrété, l’USIS a préparé la voie aux entreprises multinationales états-uniennes. Elle a financé des programmes en Afrique pour expliquer comment l’AGOA pouvait être utilisé comme "point de départ pour créer des partenariats public-privé dans les pays africains et pour établir l’entremise entre entrepreneurs africains et états-uniens" [27].

Il n’est donc pas surprenant que tant de compagnies états-uniennes avides de profit aient exercé une forte pression pour que l’AGOA soit ratifié par le Congrès états-unien (voir l’Annexe).

Les blocus administratifs états-uniens déguisé en infractions aux "droits de l’homme"

Comme une concession à la vague de résistance aux conditions de l’AGOA, la dernière version de la législation comportait une condition comme quoi les pays africains doivent respecter "les droits du travail" et autres "droits de l’homme" pour être "éligibles". Les Etats-Unis sont renommés pour interpréter "les droits de l’homme" selon leurs propres intérêts, étroits d’impérialistes. A l’île Maurice elle-même, l’Industrial Relations Act (IRA) (Acte des Relations Industrielles) rend illégales la quasi totalité des grèves de travailleurs. Malgré tout les Etats-Unis ne traitent pas ceci comme une infraction aux droits de l’homme ou du travail. Ou du moins pas encore. Si le représentant mauricien à l’ONU ne suit pas la ligne des Etats-Unis, peut-être verront-ils alors brusquement l’IRA comme une infraction aux droits de l’homme.

Les définitions douanières

Les Etats-Unis interprètent aussi l’"éligibilité" pour qu’elle corresponde à leurs propres intérêts. Les Douanes états-uniennes ont refusé l’entrée hors taxe à des pull-overs mauriciens sous le prétexte qu’ils étaient "Knit to Shape" (tricotés d’un seul tenant, sans raccord), sortant selon elles du cadre de l’AGOA. Cette position des Douanes états-uniennes a suivi de peu l’annonce du gouvernement mauricien qu’il voulait formellement réitérer sa demande du retour de Diego Garcia à l’île Maurice.

Ironiquement, c’était Floreal knitwear, la compagnie textile mauricienne qui intriguait le plus pour l’AGOA dont les pull-overs s’étaient vu refuser l’accès hors taxe ! Quelques semaines plus tard, les vêtements mauriciens se sont à nouveau vu refuser l’accès hors taxe, sous le prétexte que la matière utilisée pour en faire les poches, venait d’Asie. Les capitalistes mauriciens et l’état mauricien se sont adressés au Président états-unien, pour obtenir la révision en leur faveur de modalités de l’AGOA.

Et cette année en août, après que l’état mauricien ait soutenu le bombardement états-unien de l’Afghanistan au Conseil de sécurité de l’ONU, après que l’état mauricien ait agréé le "Prevention of Terrorisme Act", en dépit d’une opposition d’une telle ampleur que deux Présidents mauriciens ont démissionné à cause des attaques contre les droits de l’homme et la souveraineté contenues dans cette loi répressive, les Etats-Unis ont amendé l’AGOA pour satisfaire les intérêts de l’entreprise textile mauricienne (AGOA II). Même après le passage de l’AGOA II, des capitalistes africains de l’industrie textile craignent vraiment que la loi soit abrogée pour empêcher leur Knit-to-Shape d’entrer hors taxe sur le marché états-unien. D’après L’Express, trois Sénateurs états-uniens contestent déjà une Loi qui propose de rembourser les droits de douane déjà payés sur les vêtements Knit-to-shape venant d’Afrique depuis octobre 2000 [28].

Depuis que l’AGOA a force de législation, différents secteurs économiques et politiques d’Afrique et des Etats-Unis ont exprimé leurs points de vue :

Les classes dirigeantes africaines et états-uniennes font pression en faveur de l’AGOA assorti de toutes ses conditions

L’AGOA, comme nous l’avons vu, incarne les objectifs économiques, politiques et militaires de la classe dirigeante états-unienne en Afrique. Pas étonnant qu’il galvanise le soutien de tant d’entreprises multinationales états-uniennes, et qu’il ait été voté par les membres du Congrès états-unien soient-ils Démocrates ou Républicains.

Les états mauricien et kenyan ont été particulièrement actifs pour intriguer en faveur de l’AGOA au sein de la COMESA. L’ancien président Nelson Mandela, au nom du gouvernement sud-africain, s’est dans un premier temps opposé aux conditions proposées dans l’AGOA (quand il n’était encore qu’un projet de loi). Ce genre de résistance d’Etat a été rapidement réprimé via l’intervention de pays africains soutenus par les Etats-Unis. Lors du Sommet du SADC qui s’est tenu à l’île Maurice, le gouvernement PT-PMXD mauricien a proposé qu’une déclaration pro AGOA soit adoptée par le SADC - c’était pendant la période cruciale où s’étoffait la résistance aux conditions de l’AGOA dans le mouvement des travailleurs (labour movement) et les associations populaires d’Afrique et des Etats-Unis. Des ambassadeurs africains, dont Jesseramsing, l’Ambassadeur mauricien aux Etats-Unis, intriguaient avec beaucoup d’énergie pour que le Congrès états-unien adopte l’AGOA. Le Premier ministre Navin Ramgoolam est allé personnellement aux Etats-Unis pour les assurer de son soutien inconditionnel à l’AGOA.

Pas étonnant que l’état de l’île Maurice, ait, avec le soutien des Etats-Unis, chassé le Soudan (le candidat africain soutenu officiellement par l’OUA) et qu’il ait eu cette position déplorable au Conseil de sécurité de l’ONU. Le nouveau gouvernement Jugnauth-Berenger a été preneur de l’AGOA avec la même ardeur que le gouvernement antérieur. En tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, Gayan, le nouveau Ministre mauricien des Affaires Etrangères a soutenu le bombardement de l’Afghanistan par la coalition coiffée par les Etats-Unis ; il a réclamé l’adoption de lois pour "prévenir" le terrorisme qui ont été utilisées comme prétexte par les classes dirigeantes de plusieurs pays pour voter des lois répressives qui dépècent les droits de l’homme fondamentaux. Le gouvernement Jugnauth-Berenger suit maintenant avec soumission le Président Bush sur son sentier de la guerre visant à bombarder l’Irak, pour le cas où il s’offenserait et fermerait le marché états-unien aux biens et services des capitalistes mauriciens.

Les capitalistes mauriciens de la Zone Franche du Textile ont versé des sommes énormes d’argent pour faire pression en faveur de l’AGOA. Floreal Knitwear a même délégué un de ses officiels, M. Vigier de la Tour, pour qu’il travaille à plein temps, à rassembler au Congrès états-unien le soutien à l’AGOA. Il a travaillé la main dans la main avec l’Etat mauricien pour exercer cette pression. Pour exercer cette pression pour l’adoption de ce projet de loi, il y avait aussi un Mauritius-United States Business Council (MUSBA) (Conseil des Affaires île Maurice-Etats-Unis.

Opposition aux conditions de l’AGOA en Afrique, aux Etats-Unis et au niveau international

En Afrique, des organisations politiques comme Lalit ont été le fer de lance d’une campagne politique contre les conditions de l’AGOA. Quand le Premier ministre Navin Ramgoolam s’est rendu aux Etats-Unis pour soutenir l’AGOA, encore au stade de projet de loi, Ram Seegobin, membre de Lalit, s’est rendu aussi aux Etats-Unis mais pour exposer les conditions de l’AGOA, et faire campagne contre elles à la Open World Conference (Forum mondial public) qui s’est tenue en Californie, Etats-Unis, où étaient présents les représentants de quelques 55 pays. Il s’y trouvait également une très forte délégation du mouvement syndical états-unien. Dans le mouvement du travail africain, il y avait la résistance la plus étendue aux conditions de l’AGOA particulièrement au Zimbabwe, en Ouganda et à l’île Maurice.

A l’île Maurice, le dirigeant syndical Atma Shanto et le membre de Lalit, Ashok Subron furent insultés publiquement tandis qu’ils s’opposaient aux conditions de l’ AGOA au nom du mouvement du travail uni dans la All Workers Conference (Congrès de tous les travailleurs). Ils furent qualifiés d’indécrottables" (un terme français désobligeant) par l’éditorialiste de Le Mauricien, Gilbert Ahnee. Quelques temps après, il a invité Ram Seegobin et M. Vigier de la Tour à un débat en face à face sur l’AGOA. Ram Seegobin a d’abord accepté ce débat-défi. M. Vigier de la Tour a refusé de débattre de l’AGOA, et il a fui.

Le réseau pan-africain des Femmes Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) ( Femmes pour le Droit et le Développement en Afrique) a fait appel aux Chefs d’état de l’OUA et aux Sénateurs états-uniens pour qu’ils s’opposent aux condition de l’AGOA. Un large éventail de réseaux basés en Afrique, SAPSN [29] y compris, ont également adopté la même position. Des réseaux en Afrique, tel que le Third World Network, se sont aussi dressés contre les conditions de l’AGOA.

Le mouvement du travail états-unien s’est opposé à l’AGOA en partie à cause des conditions néolibérales de ce dernier, en partie parce qu’il signifiait une érosion des salaires à une échelle globale et en partie à cause de la menace sur l’emploi états-unien, en particulier dans le secteur textile. Un large éventail de réseaux, des organisations d’ouvriers et des organisations politiques aux Etats-Unis, comme Citizens trade campaign, 50 years is Enough [30], l’International Liaison Committee ont fait campagne contre l’AGOA avec l’argument qu’il signifie un " NAFTA [31] pour l’Afrique ".

Les capitalistes états-uniens ont été pris d’effroi à l’idée biens et services africains bon marché entrant, hors taxe, sur le marché états-unien. Les capitalistes états-uniens du secteur du textile sont bien connus pour avoir intrigué contre l’AGOA en prétextant qu’il était une menace sur l’industrie états-unienne. C’est pourquoi des concessions majeures leur ont été faites dans la dernière version de la législation.

D’autres réseaux internationaux tels qu’ATTAC et le CETIM ont fait campagne contre les conditions de l’AGOA. Le CETIM et le WiLDAF, en collaboration avec Lalit, ont, lors de la dernière session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, fait circuler une déclaration qui esquisse le grand nombre d’infractions aux droits de l’homme qui est contenu dans l’AGOA [32].

La résistance aux Etats-Unis et en Afrique a abouti à un projet de loi alternatif appelé Hope for Africa ; il a été présenté à la Chambre des représentants par Jesse Jackson (junior). Bien que ce projet de loi n’ait pas été adopté, il a attiré l’attention sur la nature colonialiste de l’AGOA.

Un développement intéressant du mouvement de la résistance contre l’AGOA, c’est que le mouvement du travail états-unien et que les réseaux et les associations anti-néolibéraux des Etats-Unis, ont commencé à reprendre les arguments avancés par la section la plus progressive du mouvement du travail en Afrique et par les forces anticapitalistes de la globalisation dans la région. Les AFL-CIO, la confédération du mouvement du travail aux Etats-Unis, par exemple, ont transmis l’appel mauricien de All Workers Conference (Congrès de tous les travailleurs) (plate-forme de la quasi totalité du mouvement du travail mauricien) aux Sénateurs états-uniens, appel à s’opposer aux conditions de l’AGOA. Le réseau états-unien appelé Public Citizen a délivré un appel semblable de WiLDAF, le réseau panafricain des Femmes à chaque sénateur états-unien. WiLDAF, en même temps, a soumis un appel à tous les chefs d’état africains pour qu’ils s’opposent aux conditions de l’AGOA. Les deux appels du WiLDAF ont été endossés par 216 associations de femmes en Afrique.

AGOA est un instrument des classes dirigeantes états-uniennes et africaines

Nous devons continuer à dévoiler la vraie nature de l’AGOA : un outil de l’impérialisme états-unien. En même temps nous devons dévoiler le rôle des classes dirigeantes africaines qui utilisent l’AGOA pour déposséder les peuples d’Afrique de leur propriété collective, de leurs droits économiques, sociaux, civils et politiques, et de leur souveraineté.


Rajni Lallah

Janvier 2003

Mis à jour ( Dimanche, 06 Janvier 2013 16:52 )  
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