Roger Thunam, ce baron du bois de rose a admis ouvertement abattre des arbres protégés. Son partenaire le plus important est un négociateur allemand
En 2010, son nom avait maintes fois été cité dans un rapport très consistant rédigé par Herizo Randriamalala et Zhou Liu. En 2012, Alexander Von Bismarck, de l’EIA (Energy Information Administration), est parvenu à le rencontrer. Il s’agit de Roger Thunam (ou Thu-Nam), baron du bois de rose malgache, intouchable jusqu’ici.
Après la diffusion du documentaire et la publication d’un rapport rédigé pour les autorités malgaches et américaines (ce rapport de 60 pages, rédigé, en français et en anglais par Herizo Randriamalala et Zhou Liu de Madagascar Conservation & Development, est intitulé : « Bois de rose de Madagascar : Entre démocratie et protection de la nature »), une descente a eu lieu dans le Nord de Madagascar. Des prises d’essences précieuses et des arrestations ont été effectuées. Par ailleurs, chez le fabricant de guitares Gibson, au nom du « Lacey Act » (loi américaine visant à mettre un terme à l'exploitation illégale du bois à l'étranger, grâce à une entente avec le département de la Justice), une descente a aussi été effectuée et des guitares construites en bois de rose de Madagascar ont été saisies. Gibson a du payer de fortes amendes. Depuis, les U.S.A. surveillent de très près les importations de bois précieux (ébène, bois de rose) en provenance de la Grande île de l’océan Indien.
Puis, c’est le black-out total. Or, le trafic continuait toujours en catimini…
Le 5 février 2014, lors de son premier Conseil des ministres, le Président élu de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina, a déclaré : « Je vais diriger personnellement ce combat contre les trafics de bois de rose ». Hélas, l’effet est contraire à cette intention. En effet, le trafic a repris de plus belle comme si la mafia du bois de rose défiait ouvertement le nouveau président. Voici ce qu’a révélé, entre autres, tananews : « De la ville d’Antalaha à Taolagnaro, en passant par Mananara Nord, l’acheminement des rondins de bois est passé à la vitesse supérieure. 2 bateaux ont quitté Mananara Nord, 5 autres se préparent à quitter les côtes de la SAVA, et 3 s’activent à Taolagnaro. Ce seraient au total pas moins de 6.000 tonnes de bois de rose qui ont été embarquées à bord de ces navires. L’embarquement se fait de nuit à l’aide de radeaux et de caboteurs, tandis que les bateaux attendent en haute mer ». Par ailleurs, le 14 février 2014, un navire transportant du bois de rose, a été arraisonné hier au large de Mananara Nord ; et un autre a été intercepté au large de Zanzibar, transportant 100 tonnes de bois de rose. Il semble alors que la filière malgache fait escale en Afrique de l’Est avant de joindre la Chine, direction finale de ces richesses volées purement et simplement à Madagascar.
Roger Thunam, soupçonneux, à Alexander Von Bismarck : « Vous vous ressemblez tous, mais enfin, tant que vous n’êtes pas de ces types qui veulent sauver l’environnement… ».
Il est indéniable qu’il existe des maillons faibles et corruptibles au sein même ceux qui ont reçu l’ordre de combattre ce fléau, depuis la publication du décret 2010-141 du 24 mars 2010, sous la Transition du Président Rajoelina. En attendant de voir comment le président Rajaonarimampianina (un des co-signataires du décret cité, en tant que ministre des Finances et du Budget) va s’y prendre, je dissèque, ici, en photos, le circuit d’acheminement terrestre qui semble inattaquable. Avec comme personnage-clé Roger Thunam, encore et toujours.
Au cœur du parc national de Masoala, où pourtant l’abattage d’essences précieuses (Bois d’ébène, bois de rose) est strictement interdit. Si Alexander Von Bismarck avait été démasqué, cela lui aurait coûté la vie, car on n’hésite pas à tuer pour du bois précieux.
Alexander dans une scierie appartenant à Roger Thunam : « Je suis au milieu de bois précieux qu’on a volé à Madagascar. C’est déprimant ».
Chaque jour, des troncs de bois de rose et de bois d’ébène tombent par dizaines. Quelques heures de travail suffisent pour abattre un arbre qui a mis 500 ans pour atteindre cette taille.
Plus le chemin est long, plus ils sont mieux payés. Leur salaire maximal est, néanmoins, limité à 15 euros, pour 5.000 dollars par m3 de bois sur le marché international, en aval ! Il faut savoir que la majorité des Malgaches vivent avec 1 euro par jour à peine. C’est donc pour survivre que les Malgaches pillent leur environnement.
Quoi qu’il en soit, il y a du vrai dans les déclarations d’Augustin Sarovy, l’exilé pour cause de menace de mort. A la question : Que faut-il faire pour arrêter ce commerce illégal ? Il a répondu, en connaissance de cause :
« Pour l’instant Madagascar est dans une situation de blocage et attend actuellement 70 millions de dollars d’aide internationales pour financer de nouvelles élections. Il faudrait donc un accord qui suspende le versement de ces fonds en échange de la certitude que les lois environnementales seront enfin appliquées. Cela pourrait prendre la forme d’un accord tripartite entre le gouvernement malgache, la société civile et la communauté internationale. Actuellement nous savons que 2500 conteneurs de bois de rose sont encore bloqués à Madagascar et que potentiellement se sont des milliers d’autres qui pourraient produits. Il faut que l’Europe notamment signe des accords avec Madagascar en vue de stopper ces trafics ».
Certes, des arrestations ont encore eu lieu et des cargaisons, donc, arraisonnées et saisies.
Mais après ? Tant que les têtes pensantes et leurs financiers resteront intouchables, le Président Rajaonarimampianina restera comme Don Quichotte luttant contre des moulins à vent. Mais dans cette mafia du bois de rose, des vies sont en jeu… Mais quelles preuves consistantes peut-on montré contre eux ? La vidéo d'Alexandre Von Bismarck est évidente mais ces barons ont des yeux et des oreilles partout, et le bras long. Très long...
Un dossier de Jeannot Ramambazafy – 16 février 2014