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Madagascar : la fabrique d’une dictature qui ne dit pas son nom

Jean Eric Rakotoarisoa et le Président Rajaonarimampianina. A eux deux, ils sont en train d'installer un régime dictatorial qui ne dit pas son nom déviant délibérément toute notion de justice et de respect de la Constitution, pierre angulaire de tout Etat de droit

Article 48 de la Constitution de la IVè République de Madagascar

La passation officielle du pouvoir se fait entre le Président sortant et le Président nouvellement élu.

Avant son entrée en fonction le Président de la République, en audience solennelle de la Haute Cour constitutionnelle, devant la Nation, et en présence du Gouvernement, de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la Cour suprême, prête le serment suivant (Ndrl : faites-vous traduire en bon français, j'en ai marre des interprétations) :
" Eto anatrehan'Andriamanitra Andriananahary sy ny Firenena ary ny Vahoaka, mianiana aho fa hanantanteraka an-tsakany sy an-davany ary amim-pahamarinana ny andraikitra lehibe maha-Filohan'ny Firenena Malagasy ahy.
Mianiana aho fa hampiasa ny fahefana natolotra ahy ary hanokana ny heriko rehetra hiarovana sy hanamafisana ny firaisam- pirenena sy ny zon'olombelona.
Mianiana aho fa hanaja sy hitandrina toy ny anakandriamaso ny Lalàmpanorenana sy ny lalàmpanjakana, hikatsaka hatrany ny soa ho an'ny Vahoaka malagasy tsy ankanavaka "
.

Le mandat présidentiel commence à partir du jour de la prestation de serment.

Deux mois, jour pour jour -d'un samedi à un autre-, après sa prestation de serment (stade de Mahamasina, le 25 janvier 2014), le nouveau président élu de Madagascar n’a toujours pas nommé le premier Premier ministre de la IVème République de son pays. Pourquoi ? Ce dossier vous démontre comment on fabrique une dictature. Une sale histoire qui doit faire réfléchir profondément celles et ceux qui affirment aimer Madagascar et qui sont convaincus que le peuple malgache ne mérite pas, ne mérite plus ce genre de manigances pour asseoir un homme fort au sein d’institutions entièrement à sa merci. La République Démocratique de Madagascar de Didier Ratsiraka a déjà montré les limites d’un tel régime.


Lors d’un entretien au Carlton Anosy, que j’ai eu avec Me Henry Rabary-Njaka (pas encore Directeur de Cabinet de la Président), celui-ci m’a avoué que « le problème est que le Hvm -Hery Vaovaon'i Madagasikara- n’a pas de députés ». Ce n’était pas un simple constat mais la vérité vraie. De toute façon, Hery Rajaonarimampianina est bien le seul président élu de la planète qui n’est pas issu d’un parti politique et donc, n’a pas de cursus en la matière. Dans la théorie, il a cru que c’était un atout (« je n’appartiens à aucun parti, on me connait comme technicien ») mais dans la pratique du pouvoir, face aux réalités, cela a été une douche froide pour lui.


31 janvier 2014. A Ivato, de retour du 22è Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Unionafricaine (UA), organisé à Addis-Abeba, Ethiopie, le Président Rajaonarimampianina déclarait encore : « Sur la désignation du futur Premier Ministre, Il faut attendre les décisions officielles de la Cour Electorale Spéciale (CES) sur les élections législatives avant de se prononcer sur quoi que ce soit ».

Rakotozafy François, Président de la CES (Cour électorale spéciale)

6 février 2014. A l’issue des résultats officiels des élections législatives, s’étant tenu le même jour que la présidentielle, le 20 décembre 2013, voici la répartition des sièges de la première Assemblée nationale de la IVème République malgache :

Vue partielle des députés Mapar officiellement élus

Mapar : 49, Indépendants : 25, Mouvance Ravalomanana : 19, Vpm Mmm : 14, Hiaraka isika : 05, Leader Fanilo : 05, Andrin’i Madagasikara : 02, Antoko maitso : 02, Fff : 03, Sambo fiaran’i Noah : 02, Trano Kasaka : 02, Adhem Fizafa : 01, Atm : 01, Bainga : 01, Fanamby 88 : 01, Fanasina ho an’ny Fampandrosoana : 01, Fitarik’andro : 01, Gffm : 01, Harena,01, les As : 02, Mdm : 01, Mpiralahy mianala : 01, Mts : 01, Papa Solo : 01, Patram : 01, Psd : 01, Tambatra : 01, Tma : 01 : Zanak’i Dada : 01, 303 ihany no antsika : 01. Il est à noter que dans quatre districts (Ambanja, Belo-sur-Tsiribihina, Marovoay, Sainte Marie), les élections ont été annulés et seront à refaire.

12 février 2014. Un Conseil des Ministres s’est tenu Palais d’Etat d’Iavoloha.


II° Adoption de Texte réglementaire

 

Adoption du Décret portant convocation de l’Assemblée Nationale en Session spéciale.

Ainsi, conformément aux dispositions des Articles 76 et 78 de la Constitution, l’Assemblée Nationale est convoquée en Session spéciale en son siège à Tsimbazaza Antananarivo à partir du Mardi 18 Février 2014 à 10h.

L’ordre du jour de cette Session spéciale se portera uniquement sur :

- la constitution du Bureau de l’Assemblée Nationale

- la formation des Commissions.

Cette Session spéciale sera close une fois que cet ordre du jour ait été épuisé.

 

A ce stade, donc, il n'a jamais été question d'un quelconque règlement intérieur.


Solofo Rasoarahona, "Président d'honneur du Hvm"

13 février 2014. Contrarié par le nombre mathématiquement majoritaire du Mapar, et après s’être entretenu en catimini avec des députés élus au Palais d’Iavoloha (ce qui est déjà contraire à la Constitution), le Président Rajaonarimampianina bombarde Solofo Rasoarahona, l’ami de toujours, du titre de « Président d’honneur » du Hvm.


Antsofinondry, Sabotsy-Namehana. C'est ici qu'a pris naissance la Pmp

15 février 2014, Antsofinondry, Sabotsy-Namehana, lieu de naissance de Hery Rajaonarimampianina. Trois jours avant l’ouverture de la session spéciale convoquée par décret, Solofo Rasoarahona « invite », au nom du Hvm donc, tout parti et/ou groupe politique susceptible de soutenir le Hvm, donc le Président Rajaonarimampianina, pour un « repas de solidarité ». Etaient présents : Gerry Randriam­bolaina et Benjamin Andria­mitantsoa, députés élus de la mouvance Ravalomanana mais aussi Hajo Andrianai­narivelo, Président du parti VP-Malagasy Miara-Miainga (Vpmmm), Saraha Georget Rabearisoa, Présidente du parti Vert et Marcel Ranjeva, ancien ministre des Affaires étrangères du régime Ravalo­manana. Aucun député Mapar n’était présent. La suite des évènements va démontrer qu’il y a eu un « deal »…


18 février 2014. En allumant leur poste de télévision, sur la chaine nationale, Tvm, les téléspectateurs, dans tout Madagascar, ont vu les 147 députés élus (quatre députés seront élus ultérieurement suite à l'annulation des scrutins dans leurs circonscriptions) réunis pour la première fois à Tsimbazaza, siège de l'Assemblée nationale. Ce, conformément au Décret portant convocation de l’Assemblée Nationale en Session spéciale pour élire les membres du Bureau permanent (Président, vice-Présidents et Questeurs).


Jaona Elite, Maharante Jean de Dieu et Christine Razanamahasoa Rakotozafy

Ce jour-là, deux candidats étaient en lice pour la présidence de cette Assemblée nationale : Christine Razanamahasoa Rakotozafy du Mapar, présentée par Maharante Jean de Dieu (Mapar) et Jaona Elite (Gps) ; et Jean Max Rakotomamonjy, du Leader Fanilo de Herizo Razafimahaleo, devenu représentant d’une PMP (Plateforme pour la majorité présidentielle), créée de toutes pièces après le « repas de solidarité » à Antsofinondry.

Me Hanitra Razafimanantsoa présentant le candidat de la Pmp, Jean Max Rakotomamonjy

L’ancien ministre du Tourisme de la Transition avait été présenté par Me Hanitra Razafimanantsoa, député élu de la mouvance Ravalomanana. Et tous les téléspectateurs malgaches ont vu et vécu la victoire, en toute transparence, de Christine Razanamahasoa Rakotozafy avec 77 voix contre 69 pour Mister Jean Max.

Christine Razanamahasoa Rakotozafy (Mapar), élue Présidente de l’Assemblée nationale, face à Jean Max Rakotomamonjy, candidat présenté par la Pmp

Il faut rappeler ici que certains députés indépendants, entre-temps, s’étaient regroupés sous l’appellation de Gps (Groupe parlementaire spécial) pour se rallier au Mapar. Qu’elle le veuille ou non, cette Pmp, marque de fabrique d’une dictature qui ne dit pas son nom, a bien participé à l’élection de Christine Razanamahasoa Rakotozafy à la Présidence de l’Assemblée nationale ce jour-là. Pourquoi cette insistance venant de moi ? Vous le saurez plus bas…


19 février 2014. Voici le nom des membres du Bureau permanent de l’Assemblée nationale, après vote :

Vice-Présidents : Rasolonjatovo Honoré alias Papa Solo (pour Antananarivo), Tinoka Roberto (pour Toliara), Zafimahatratra Abel (pour Fianarantsoa), Naharimana Lucien Irmah (pour Toamasina), Rahelihanta Jocelyne (pour Antsiranana), Rahantanirina Lalao «Nina» (pour Mahajanga). Tous issus du Mapar sauf Papa Solo.

Questeurs : Jean Michel Henry (72 voix contre 69 pour Siteny Randrianasoloniaiko) et Lanto Rakotomanga (73 voix contre 65 pour Mamitiana Ravelonanosy).


Rasolonjatovo Honoré alias Papa Solo

Détails pour le vote des Vice-Présidents :

Antananarivo : Honoré Rasolonjatovo (GPS), 75 voix, bat Hanitra Razafimanantsoa, 70 voix;

Antsiranana : Jocelyne Rahelihanta (MAPAR), 71 voix, bat Abdillah, 6 voix et Laisoa Jean

Pierre, 70 voix ;

Toliara : Tinoka Roberto (MAPAR), 72 voix, bat Liaosoa Malman, 62 voix;

Mahajanga : Rahantanirina Lalao « Nina » (MAPAR), 73 voix, bat, Jao Jean, 72 voix ;

Fianarantsoa : Zafimahatratra Abel (MAPAR), 68 voix, bat Andriantsizehena Benja Urbain, 12 voix et Andrianarivo Harimampianina, 65 voix ;

Toamasina : Naharimana Lucien Irmah (MAPAR), 75 voix, bat Rakotobe Ramorosoa Emeline.


Siteny Randrianasoloniaiko dont le déplacement aux J.O. de Londres était déjà des plus douteux

S'il n'y avait aucune base juridique, pourquoi Me Hanitra Razafimanantsoa et Jean Max Rakotomamonjy se sont-ils présentés alors ? Mais quel est le véritable état d'esprit de ce genre de créatures pourtant diplômées donc sensées être plus intelligentes que le commun des mortels ?

26 février 2014. Battus à plate couture dans une élection à laquelle leurs membres avaient participé, voilà-t-il pas que les députés de la Pmp ont le culot d’aller porter plainte. Motif ? « L’élection de la nouvelle présidente et du Bureau permanent de l’Assemblée nationale a été réalisée sans aucune base juridique et a été entachée d’irrégularités ». Porte-parole le plus fort en gueule : Siteny Randrianasoloniaiko, candidat au poste de questeur, battu par Jean Michel Henry. Et vous savez quoi ? Stoppant le vote des présidents de commissions, la Pmp  a déposé une requête sous forme de saisine à la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) pour lui demander le contrôle de constitutionnalité des textes  utilisés pour mettre en place le Bureau permanent de l’Assemblée nationale.

"Prêts pour faire de vous un homme fort, Monsieur le Président élu: on vous le jure !", semblent dire ces trois nouveaux membres de la HCC

20 mars 2014. Entre-temps, le Président Rajaonarimampianina, l’homme qui a garanti le retour de l’Etat de droit et la justice impartiale, nomme trois nouveaux membres pour cette HCC, puisés dans son quota. Mais cela lui est permis par la Constitution, quoique... Il s’agit du célèbre Jean Eric Rakotoarisoa (l’homme pour qui 2+2=5), d’Yvonne Raharison et de Fara Alice Ravaoarisoa. Du coup, la requête de la Pmp est recevable par cette HCC« vaovao ». Mais il faut dire que tous les magistrats ne sont pas… dupes. Et c’est Midi Madagasikara qui nous dévoile le résultat de cette requête, un article signé Eugène Rajaofera, ci-dessous.

Notre cher Eugène omet tout simplement d'écrire que l'Assemblée nationale et le Sénat ont aussi leur part de quota dans la HCC. En effet, le nombre exact des membres sont de neuf et que s'ils sont actuellement six c'est parce que l'un est décédé et les deux autres partis à la retraite

Ne croyez pas un seul instant que la Pmp va laisser les choses ainsi. La dictature est de nouveau (« vaovao ») en marche à Madagascar, et il semble que rien ne l’arrêtera. Seulement, à un moment ou à un autre, toute machine très bien huilée peut être bloquée par un infime grain de sable. En tout cas, ce qui est à déplorer dans cette sale histoire de soif de pouvoir absolu, c’est que les intellectuels malgaches sont devenus amorphes, sourds et muets.

Andriamandranto Ralison du SeFaFi qui se fait complice de la Pmp, de Me Hanitra Razafimanantsoa et de Jean Max Ramamonjisoa. Ces derniers ont-ils oui ou non participé aux votes du Président et des vice-Présidents de l'Assemblée nationale? Mais que je suis bête ! Parmi les membres du Sefafi, il y a Jean Eric Rakotoarisoa. Ceci explique cela... Quel revirement, n'est-ce pas ?

Jean Eric Rakotoarisoa et Madeleine Ramaholimihaso, membres fondateurs du SeFaFi

Pire : le SeFaFi (Observatoire de la vie publique) est même devenue complice, en déclarant que « l’Assemblée nationale devrait être dissoute », dixit Andriamandranto Ralison. Ah bon ? Heureusement que les NTIC permettent aux décideurs de ce monde d’être au courant en temps réel de ce que le Président Rajaonarimampianina leur dit et de se qui se trame à Madagascar. L’éclosion d’un nouveau mouvement de contestation dont le pays pourrait bien faire l’économie si, et seulement si, le nouveau président élu du peuple malgache respecte stricto sensu la Constitution, base réelle de l’Etat de droit qu’il clame à qui veut l’entendre, désormais.


Heu, beaucoup de lecteurs et de « communs des mortels » (dernière astuce linguistique utilisée par le Président « vaovao ») me demandent : Jeannot, tu ne crains rien ? Réponse : comme tout citoyen, je suis aussi tenu de respecter la Constitution de la IVème République. Et, en matière de liberté de presse et de liberté d’expression, elle stipule :

Article 11.

Tout individu a droit à l'information. L'information sous toutes ses formes n'est soumise à aucune contrainte préalable, sauf celle portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs.

La liberté d'information, quel que soit le support, est un droit. L'exercice de ce droit comporte des devoirs et des responsabilités, et est soumis à certaines formalités, conditions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique.

Toute forme de censure est interdite.

L'exercice de la profession de journaliste est organisé par la loi.



 

Je connais les limites de ma profession, surtout à Madagascar, pas de panique. En tout cas, à 60 ans et avec 39 ans de journalisme derrière moi, ce n’est pas maintenant que je vais croiser les bras contre toutes ces formes d’injustice. Mes compatriotes, surtout ceux qui ont élu Hery Vaovao -y compris moi-, ne le méritent pas. Il ne s’agit pas de littérature bête et méchante, mais d’une autre pièce à conviction à verser devant le tribunal de l’Histoire quand viendra le moment. Car il s'agit d'un véritable complot contre le peuple malgache lui-même.

A moins d’un miracle…

Dossier de Jeannot Ramambazafy – 23 mars 2014

Mis à jour ( Lundi, 24 Mars 2014 07:26 )  
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