Cancrelats. Cette appellation est bien proche de "foza orana" (écrevisses) que répètent sans cesse, envers les révolutionnaires oranges, la mouvance Ravalomanana, Me Hanitra Razafimanantsoa, les "zanak'i Dada" et même de Jean-Louis Robinson; lors de son face-à -face avec le candidat Rajaonarimampianina qui a pardonné. Et même totalement oublié vu la tournure de la chose politique actuelle à Madagascar... Bientôt, Marc Ravalomanana -s'il n'est pas nommé Premier ministre, qui sait ?-, sera accueilli à bras ouverts, avec une accolade style baiser de Judas comme il l' a fait à l'Amiral Didier Ratsiraka, en 2002, après la signature des accords de Dakar que Ravalomanana n'a jamais respectés.
Kofi Annan
« Quelque 800 000 hommes, femmes et enfants ont été abandonnés à une mort certaine, la plus violente et la plus inhumaine qui soit, infligée par leurs propres voisins. Des églises et des hôpitaux, qui auraient dû être des sanctuaires, ont été transformés en abattoirs. Un pays entier a volé en éclats. Une succession d’événements terribles a fini par engouffrer toute la région dans le conflit ». Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unis, lors de la Conférence de commémoration du génocide rwandais organisée par les gouvernements canadien et rwandais, le 26 mars 2004.
ICI: Message de Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, le 7 avril 2004, lors de la Journée internationale de réflexion sur le génocide sur le Rwanda.
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Rappels sur cette tragédie de l’Humanité
A partir d'avril 1994, deux foyers de violences éclatent et coexistent au Rwanda jusqu'en juillet :
- le génocide des Tutsi et des Hutu modérés par les extrémistes hutu au pouvoir,
- la réactivation simultanée de la guérilla tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), menée par Paul Kagamé, en lutte depuis 1990 contre le pouvoir hutu et les Forces armées rwandaises (FAR). La guérilla est soutenue par l'Ouganda qui lui sert de base arrière.
Près de 800 000 Rwandais massacrés, Tutsi et Hutu modérés
A droite, le président du Burundi Cyprien Ntaryamira. En bas, l'avion abattu
Juvénal Habyarimana
Le 6 avril 1994, à proximité de l'aéroport de Kigali, Juvénal Habyarimana, président rwandais hutu au pouvoir depuis 1973, accompagné du président burundais Cyprien Ntaryamira, périssent dans un attentat contre l'avion qui les ramenait d'un sommet régional en Tanzanie. L'attentat sert de prétexte au déclenchement des tueries qui, dès le 7 avril, éclatent simultanément dans la capitale Kigali, dans le sud, l'est et le nord du pays. Elles sont conduites par des extrémistes Hutu, miliciens Interahamwé de l'ex-parti unique du président Habyarimana et soldats des Forces armées rwandaises (FAR). Ils ont pour mission d'éliminer méthodiquement les Tutsi « cancrelats » (sobriquet infamant donné aux Tutsi depuis 30 ans) et l'opposition hutu modérée, avec listes des noms à l'appui, constituées grâce aux cartes d'identité instaurées à l'époque coloniale mentionnant l'appartenance ethnique des communautés.
La simultanéité, la violence et l'ampleur des massacres attestent leur planification de longue date.
Les massacres avaient été préparés pendant des mois en avance. La Garde présidentielle et d'autres militaires de l'armée rwandaise ont donné des entraînements militaires aux milices Interahamwe et Impuzamugambi pour leur apprendre comment tuer avec le plus d'efficacité. Les Interahamwe, « ceux qui attaquent ensemble », sont la milice du Mouvement Républicain National pour le Développement et la Démocratie (MRND) et les Impuzamugambi, « ceux qui ont le même but », sont la milice du parti dit Coalition pour la Défense de la République. Créées en 1992, ces milices ont reçu des entraînements militaires intenses fin 1993 et début 1994 en groupes de 300 hommes à la fois envoyés pour trois semaines dans un camp militaire dans la région du nord-est du Mutara. Dans leurs attaques contre les civils, les milices étaient souvent accompagnées d'un petit nombre de militaires ou de policiers du gouvernement, mais les milices ont tué plus de personnes que les forces armées. (.) Les autorités rwandaises ont distribué des armes à feu aux membres de milices et autres supporteurs de Habyarimana au début de l'année 1992 et encore plus vers la fin de 1993 et au début de 1994. (.)
Une station de radio appartenant au cercle de Habyarimana, la Radio Télévision Libre des Mille Collines, a commencé depuis l'automne dernier [1993] une campagne de propagande haineuse contre les Tutsi et les membres des partis politiques d'opposition. À la fin de 1993, les émissions sont devenues plus virulentes et ont commencé à cibler les personnes, en les appelant « ennemis » ou « traîtres qui méritaient la mort ». CLIQUEZ ICI AU SUJET DE RADIO FAHAZAVANA de Marc Ravalomanana, en 2009-2010
Jean-Pierre Chrétien, historien spécialiste de la région des grands lacs en Afrique, et Marcel Kabanda, historien franco-rwandais, membre du Centre d'études des mondes africains (Cemaf, CNRS-Université de Paris 1) et président de l'association Ibuka France, qui représente les victimes installées en France. Ils ont été ensemble témoins experts auprès du tribunal pénal international d'Arusha pour le procès des médias (source : sudouest.fr)
Jean-Pierre Chrétien a décrit le cynisme appliqué, la normalisation de la haine dont les tueurs font preuve: « Les miliciens dits interahamwe (« les solidaires ») font fuir leurs victimes vers des refuges supposés (églises, dispensaires, écoles), puis encerclent ces lieux devenus des abattoirs, les militaires y jettent des gaz lacrymogènes, des grenades à fragmentation et tirent pour briser toute résistance, puis y pénètrent pour déloger les réfugiés à la fois terrorisés et résignés, les miliciens attendent aux sorties avec leurs machettes, leurs lances et leurs gourdins cloutés. Ils reviennent voir les tas de cadavres le lendemain matin pour achever les blessés et piller ».
Les massacres se poursuivent sans cesse faisant, entre avril et juillet 1994, plus de 800 000 victimes tutsi et hutu modérés. Une première vague d'une dizaine de milliers de réfugiés, essentiellement tutsi, traverse la frontière et parvient au Kivu, dans l'est du Zaïre.
Plus d'1,2 million de Rwandais réfugiés au Zaïre
Début avril 1994 simultanément, la guérilla tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), dont les bases arrière sont en Ouganda, soutenues par le président Yoweri Museveni depuis 1990, réactive les combats contre les Forces armées rwandaises (FAR) du pouvoir hutu en place.
Après trois mois de violents combats, le 4 juillet, les rebelles conquièrent la capitale Kigali, renversent le régime hutu et poursuivent leur avancée dans l'ensemble du pays. Un gouvernement intérimaire, sans légitimité, constitué par les extrémistes hutus fidèles au président défunt, se replie vers le sud-ouest du pays, zone humanitaire supervisée par l'opération Turquoise. Il s'agit d'une intervention militaire et humanitaire française autorisée par le Conseil de sécurité de l'ONU pour une durée de deux mois.
Paul Kagamé en 1994
Le 17 juillet, la formation du gouvernement d'unité nationale par Faustin Twagiramungu, hutu modéré, consacre la victoire politique du FPR. Pasteur Bizimungu (hutu modéré) est nommé président de la République et Paul Kagamé, chef des rebelles, devient vice-président. Une assemblée nationale de transition entre en fonction le 24 juillet. Les tueries cessent après la victoire du Front patriotique rwandais. Mais une deuxième vague de réfugiés déferle alors: 1,2 million de Rwandais hutu, infiltrés et encadrés par des milliers de soldats hutu des ex-Forces armées rwandaises (FAR) et les milices Interahamwe, les « génocidaires », fuient vers les pays limitrophes, par peur des représailles du nouveau pouvoir tutsi en place. Notamment, plus d'un million de personnes se regroupe vers Goma et Bukavu, dans la province du Kivu, dans l'est du Zaïre.
Le Président Paul Kagamé au stade Amaharo, le 7 avril 2014, fustige la France
Paul Kagamé est devenu président de la République du Rwanda depuis le 17 avril 2000. A l'occasion de la commémoration des vingt ans du génocide ce 7 avril 2014, aucun représentant officiel de la France n’était présent. France dont le rôle sur le génocide est toujours sujette à controverse. « Aucun pays n'est assez puissant - même s'il pense l'être - pour changer les faits. Après tout les faits sont têtus», a clamé le président rwandais, devant 30.000 personnes rassemblées au Stade Amaharo de Kigali. Pour marquer les 20 ans du génocide rwandais, la commémoration durera cent jours, pour bien mémoriser le fait que plus de 800 000 rwandais ont été tués, entre avril et juillet 1994.
Mémorial du génocide de Gisozi à Kigali, le 7 avril 2014. Le président Kagame, son épouse et le Secrétaire général des Nations Unies, allument, la "flamme du deuil" qui brûlera durant 100 jours
Au mémorial de Gisozi à Kigali, une "flamme du deuil" a été allumée à l’aide d’une torche qui a parcouru le Rwanda durant 3 mois, brûlera durant ces cents jours. Enfin, une marche du souvenir et une veillée aux chandelles sont également prévues.
Dossier de Jeannot Ramambazafy – 7 avril 2014
Source principale des rappels : Human Rights Watch, Génocide au Rwanda, mai 1994, vol.6, n°4, et Jean-Pierre Chrétien, in « Interprétation du génocide de 1994 dans l’histoire contemporaine du Rwanda », Clio en Afrique, n°2, été 1997 (contient une bibliographie détaillée sur le génocide)
Pour en savoir plus:
La tragédie du Rwanda, dossier constitué par Michel Gaud, Problèmes politiques et sociaux, n°752, 28 juillet 1995, La Documentation française
Rwanda, le génocide de 1994, articles de Michel Gaud et Claudine Vidal parus dans Afrique contemporaine, n° 174, avril-juin 1995, La Documentation française
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L'autre facette du génocide...
Assassinat du président Habyarimana, jeu trouble de Washington, enquête du juge Trévidic : clés de compréhension et d’explication.
Le 6 avril 1994, l’avion transportant deux présidents africains en exercice, MM. Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi était abattu par un missile[1]. Aucune enquête internationale ne fut ouverte afin d’identifier les auteurs de cet attentat qui fut le déclencheur du génocide du Rwanda[2].
Les Etats-Unis à la manoeuvre
Mis en place au mois de mai 1995 après sa création au mois de novembre 1994 par le Conseil de sécurité de l’ONU avec compétence pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1994, le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) fut installé à Arusha, en Tanzanie.
Dès le début, les Etats-Unis d’Amérique firent pression afin que l’attentat du 6 avril 1994, pourtant totalement inclus dans les limites chronologiques imparties au TPIR, soit écarté de son champ d’investigation. Avec une grande constance, tous les Procureurs qui se succédèrent à la tête de ce tribunal respectèrent cette étrange exclusion. Le TPIR spécialement créé pour juger les responsables du génocide, refusa donc de rechercher les auteurs de l’acte terroriste qui en fut la cause (!!!).
L’insolite attitude des Etats-Unis pose d’autant plus problème qu’en 1995, il ne faisait alors de doute pour personne que les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994 étaient ces « Hutu extrémistes » tant de fois dénoncés par les ONG américaines. Pourquoi les Etats-Unis étaient-ils donc opposés à ce que la responsabilité de ces derniers dans l’attentat qui déclencha le génocide du Rwanda soit officiellement mise en évidence par une enquête du TPIR? La réponse à cette question est peut-être que les services de Washington savaient déjà que l’attentat n’avait pas été commis par les « Hutu extrémistes »… En interdisant au TPIR de mener l’enquête sur l’assassinat du président Habyarimana, les Etats-Unis protégèrent donc de fait ceux qui, en détruisant en vol son avion, permirent au FPR (Front patriotique rwandais), mouvement essentiellement tutsi totalisant de 10% à 15% de la population, de s’emparer militairement d’un pouvoir que l’ethno-mathématique électorale lui interdisait de conquérir par les urnes. Un retour en arrière est ici nécessaire.
Washington qui avait décidé de créer un fort pôle d’influence en Afrique centre-orientale, fit de l’Ouganda le pivot de sa stratégie dans cette partie du continent. A partir de ce pays, les Etats-Unis armèrent et conseillèrent le FPR qui, depuis octobre 1990, menait la guerre contre le Rwanda. Ils lui fournirent une aide diplomatique et, par le biais d’ONG liées à leurs services, ils montèrent des campagnes internationales de diabolisation du régime Habyarimana tout en présentant au contraire les hommes du général Kagamé comme des combattants de la démocratie.
Tant que François Mitterrand fut au pouvoir en France, ce plan de conquête du Rwanda fut mis en échec. Il réussit en 1994 quand, à la faveur de la seconde cohabitation, une droite en partie atlantiste occupa l’Hôtel de Matignon.
Le 7 avril, une fois le président Habyarimana assassiné, le FPR reprit unilatéralement les hostilités violant ainsi les accords de paix d’Arusha. Le président Mitterrand fut alors partisan d’une intervention militaire française destinée à ramener le FPR sur ses lignes de départ et cela afin de sauver le processus de paix d’Arusha[3]. Comme le gouvernement de Monsieur Edouard Balladur y était opposé, le général Kagamé eut le champ libre pour conquérir le pays et au mois de juillet 1994 il fut le maître à Kigali.
A partir du Rwanda, les Etats-Unis préparèrent ensuite la seconde phase de leur plan qui était le renversement du maréchal Mobutu du Zaïre. En 1997, paralysée par les fausses accusations de complicité avec les « génocidaires » montées de toutes pièces par les services américains et qui avaient été relayées par la presse hexagonale, la France n’osa pas intervenir pour soutenir son allié zaïrois attaqué par une coalition ougando-rwandaise. Le Zaïre redevenu RDC (République démocratique du Congo) fut démembré et l’exploitation-pillage des richesses du Kivu par les sociétés-écran rwandaises débuta. La connaissance de cet arrière-plan est indispensable à la compréhension du dossier rwandais[4].
Les preuves contre le FPR s’accumulent
Le juge anti-terroriste Jean Louis Bruguière
Revenons à l’attentat du 6 avril 1994. En 1998, saisi des plaintes déposées par les familles de l’équipage français de l’avion et par la veuve du président Habyarimana, le juge anti-terroriste Bruguière mena son enquête. Au mois de novembre 2006, il rendit une ordonnance de soit-communiqué et mit en examen neuf personnalités très proches du général Kagamé, accusées d’avoir organisé ou perpétré l’attentat du 6 avril 1994. Ne pouvant poursuivre le chef de l’Etat rwandais car il était protégé par son immunité, le juge français demanda au TPIR de l’inculper. En vain.
La contre-attaque du général Kagamé se fit à travers ses puissants réseaux d’influence français et par le biais d’une presse qui ne cessa jamais de lui servir de porte-voix, notamment Libération et Le Figaro quand Patrick de Saint-Exupéry collaborait à ce dernier titre. Appuyé sur les uns et sur les autres, il tenta une manœuvre dilatoire destinée à discréditer le travail du juge Bruguière en prétendant que ce dernier aurait été influencé par des témoins dont les propos lui auraient été mal traduits ou qu’il aurait mal interprétés.
Cette argumentation qui fut reprise sans vérification par les médias ne correspond pas à la vérité car les témoins entendus par le juge Bruguière furent également auditionnés par le TPIR devant lequel la traduction simultanée (kinyarwanda-français-anglais) était faite par des traducteurs assermentés. Or, les procès-verbaux des audiences montrent que ces témoins firent aux juges internationaux les mêmes déclarations qu’au juge français. Avec une différence toutefois : ils déposèrent sous serment et en pleine connaissance des graves sanctions –dont l’incarcération à l’audience-, qu’entraînait le parjure devant ce tribunal international.
Le juge anti-terroriste Marc Trévidic
Le juge Trévidic ayant succédé au juge Bruguière en 2007, de nouveaux éléments accablants pour les responsables de l’actuel régime de Kigali s’ajoutèrent peu à peu au dossier. Entre autres :
- Le jeudi 21 juin 2012, à Johannesburg, le général Faustin Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major de l’APR (Armée patriotique rwandaise), qui était en 1994 responsable du renseignement militaire du général Kagamé, affirma sous serment devant un tribunal, que ce dernier « a ordonné le meurtre du président Habyarimana»[5], confirmant ainsi les termes de l’ordonnance du juge Bruguière.
- Le 9 juillet 2013, la correspondante de RFI en Afrique du Sud, Madame Sonia Rolley, publia deux entretiens exclusifs, l’un avec le général Faustin Kayumba Nyamwaza, l’autre avec le colonel Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements du général Kagamé, dans lesquels les deux hommes accusaient de la façon la plus claire ce dernier d’être l’ordonnateur de l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président Habyarimana.
Patrick Karegeya qui avait affirmé au micro de RFI qu’il était en mesure de prouver d’où les missiles avaient été tirés, fut étranglé dans sa chambre d’hôtel de Johannesburg le 1er janvier 2014.
Le général Kayumba et le colonel Karegeya demandaient depuis des mois à être entendus par le juge Trévidic. Ce dernier ne pourra donc plus interroger le second…Quant au premier, le juge doit se hâter de le rencontrer car il a échappé de justesse à une seconde tentative de meurtre le 4 mars 2014…
- En juillet 2013 puis en janvier 2014, Jean-Marie Micombero, ancien secrétaire général au ministère rwandais de la Défense et qui, le 6 avril 1994, était affecté à une section chargée du renseignement dépendant directement de Paul Kagamé, témoigna devant le juge Trévidic. Réfugié en Belgique depuis 2010 où il est placé sous protection policière, il a donné les noms des deux hommes qui, le 6 avril 1994, tirèrent deux missiles sur l’avion présidentiel. Il a également livré nombre de détails sur les préparatifs et sur le déroulement de l’attentat[6]. Ces déclarations recoupaient en les confirmant celles recueilles en leur temps par le juge Bruguière auprès d’autres témoins.
Pour le régime de Kigali, ces avancées du dossier sont terriblement destructrices et c’est pourquoi ses affidés ont reçu l’ordre d’allumer des contre-feux. La presse française est donc actuellement et une nouvelle fois à la manœuvre, n’hésitant pas à travestir les faits tout en continuant à réciter une histoire aujourd’hui obsolète.
La thèse fondant la « légitimité » du régime du général Kagamé, à savoir celle du génocide « programmé » et « planifié » par les « extrémistes » hutu, a en effet volé en éclats devant le TPIR. Dans tous ses jugements concernant les « principaux responsables du génocide », tant en première instance qu’en appel, ce tribunal international a en effet clairement établi qu’il n’y avait pas eu « entente » pour le commettre[7].
Conclusion : si ce génocide n’était pas « programmé », c’est donc qu’il fut « spontané ». Et s’il fut « spontané », c’est qu’un évènement d’une exceptionnelle gravité poussa certains à le commettre. Nous en revenons ainsi à l’assassinat du président Habyarimana.
Que contient le dossier du juge Trévidic ?
Extraits du rapport du juge Trévidic
La question de savoir qui ordonna l’attentat du 6 avril 1994 est donc primordiale. Voilà pourquoi, depuis des années, les services rwandais tentent d’enfumer la justice française, précisément parce qu’elle est la seule à enquêter sur cette affaire depuis qu’en janvier 1997, Madame Louise Arbour ordonna à Michael Hourigan de cesser ses investigations.
Quelques mois auparavant, cet avocat australien devenu fonctionnaire de l’ONU avait été personnellement chargé par Madame Arbour, Procureur du TPIR de septembre 1996 à septembre 1999, d’identifier les commanditaires et les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994. Madame Arbour voulait alors étayer l’acte d’accusation jusque là rachitique qu’elle était occupée à dresser contre les anciens dirigeants du régime Habyarimana afin de montrer que cet attentat avait été commis par des « extrémistes hutu » et qu’en le commettant, ces derniers avaient donné le signal du génocide qu’ils avaient programmé.
Or, sur place, à Kigali, menant son enquête, Michael Hourigan découvrit tout au contraire que les auteurs de l’attentat n’étaient pas des « Hutu extrémistes », mais des Tutsi du FPR… et il obtint même les noms de ceux qui auraient abattu l’avion du président Habyarimana sur ordre du général Kagamé. Il rédigea ensuite un rapport qu’il remit personnellement à Madame Arbour. A partir du moment où il lui fit ces révélations, cette dernière changea totalement d’attitude à son égard, devenant cassante, le sommant de mettre un terme à ses recherches et exigeant la confidentialité absolue sur ses découvertes. Le contrat de Michael Hourigan avec l’ONU ne fut pas renouvelé.
Bien que le TPIR ait refusé de le lui communiquer au prétexte qu’il n’existait pas (!!!), le juge Bruguière obtint malgré tout une copie du « Rapport Hourigan ». Devant le juge, Michael Hourigan authentifia son texte et il en confirma la teneur.
Le capitaine sénégalais Amadou Deme, adjoint de Michael Hourigan et ancien numéro 2 du renseignement de l’ONU au Rwanda a confirmé à la fois les résultats de l’enquête à laquelle il avait personnellement participé et l’insolite changement d’attitude de madame Arbour à partir du moment où le FPR fut suspecté d’avoir assassiné le président Habyarimana.
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Les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, lors de la reconstitution de l'attentat en septembre 2010 (Photo AFP)
Tous ces éléments ainsi que de multiples autres témoignages figurent dans le dossier d’instruction et ils pèsent naturellement plus lourd que les tentatives d’enfumage médiatique périodiquement faites par les services de Kigali à travers les journaux français. C’est pourquoi, au mois de novembre 2013, le juge Trévidic refusa le non lieu demandé par les avocats des personnalités rwandaises mises en examen par le juge Bruguière en 2006. Cette décision était parfaitement justifiée car :
1) Comment le juge Trévidic aurait-il pu faire autrement que de refuser le non lieu avec un dossier donnant, entre autres, le lieu du tir des missiles, les noms des deux tireurs et des membres de leur escorte, la marque et la couleur des véhicules utilisés pour transporter les missiles depuis l’Ouganda jusqu’au casernement de l’APR situé au centre de Kigali et de là jusqu’au lieu de tir à travers les lignes de l’armée rwandaise ainsi que le déroulé de l’action ?
2) Comment le magistrat instructeur aurait-il pu rendre un non lieu quand son dossier contient la preuve que l’avion présidentiel rwandais a été engagé par deux missiles dont la traçabilité a été établie ? Grâce à la coopération judiciaire de la Russie il sait en effet que ces deux missiles dont les numéros de série étaient respectivement 04-87-04814 et 04-87-04835 faisaient partie d’un lot de 40 missiles SA 16 IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant. Or, Paul Kagamé et ses principaux adjoints furent officiers supérieurs dans l’armée ougandaise avant la guerre civile rwandaise et, de 1990 à 1994, l’Ouganda fut la base arrière, mais aussi l’arsenal du FPR.
3) Comment un non lieu aurait-il pu être envisagé quand, devant le TPIR, il fut amplement démontré que l’armée rwandaise ne disposait pas de tels missiles et que l’arme du crime était en revanche entre les mains du FPR ?
4) Comment le juge Trévidic aurait-il pu satisfaire à la demande exorbitante de non lieu alors qu’il sait que cette même armée rwandaise, paralysée par l’embargo sur les armes et la mise sous séquestre par l’ONU de son armement lourd et de ses hélicoptères, n’était pas en état de combattre et que ce fut le FPR qui reprit unilatéralement les hostilités car il savait qu’il allait gagner la guerre ?
5) Comment un tel non lieu aurait-il pu être justifié alors que, comme cela fut largement démontré devant le TPIR, les forces du FPR qui n’attendaient qu’un signal pour lancer leur offensive préparée de longue date, reçurent l’ordre de marche depuis leurs bases de la frontière ougandaise dans la nuit du 6 au 7 avril, juste après l’annonce de la mort du président Habyarimana ?
Le général Kagamé va-t-il néanmoins réussir à faire enterrer le dossier ?
En dépit de toutes les pressions qu’il subit, il faudra bien que, tôt ou tard, le juge Trévidic face la balance entre les éléments que contient le dossier de l’assassinat du président Habyarimana.
Or, si le magistrat instructeur a bien entre les mains suffisamment d’éléments pour renvoyer les mis en examen devant la Cour d’Assises, tout va in fine dépendre du Parquet chargé de porter l’accusation à l’audience.
Nous voilà donc revenus aux réseaux d’influence que Kigali entretient en France et dont la mission est de tenter d’influencer le juge Trévidic pour que soit étouffé le dossier. En effet, et comme l’a dit Madame Carla Del Ponte qui succéda à Louise Arbour au poste de Procureur du TPIR : « S’il était avéré que c’est le FPR qui a abattu l’avion du président Habyarimana, c’est toute l’histoire du génocide du Rwanda qu’il faudrait re-écrire ».
Et de cela, les alliés, les soutiens et les obligés du général Kagamé ne veulent évidemment pas entendre parler.
Les éléments contenus dans cette analyse seront naturellement occultés par la presse française à l’occasion du vingtième anniversaire du début du génocide du Rwanda. Les journalistes paresseux continueront à réciter une histoire obsolète ; quant aux journalistes militants ils recopieront ou liront les fiches qui leur ont été remises par les agents de Kigali.
Bernard Lugan
03/04/2014
[1] Un premier missile rata sa cible.
[2] La « communauté internationale » se montra plus empressée quand il s’agit d’identifier les assassins de M. Rafik Hariri (2005), ancien Premier ministre libanais, et de Mme Bénazir Bhutto (2007), Premier ministre du Pakistan.
[3] Si une telle opération avait été décidée, il n’y aurait pas eu de génocide.
[4] Aujourd’hui, à Washington, le général Kagamé voit son étoile pâlir en raison des accusations portées contre son régime par les défenseurs des droits de l’Homme.
[5] Après avoir rompu avec Paul Kagamé, le général Nyamwaza se réfugia en Afrique du Sud où au mois de juin 2010, il survécut par miracle à une tentative d’assassinat. C’est à l’occasion du procès des six Rwandais qui tentèrent de le réduire au silence qu’il fit cette déclaration.
[6] Voir à ce sujet l’interview donnée à Pierre Péan intitulée « J’ai assisté à la préparation de l’attentat qui a déclenché le génocide » (Marianne numéro du 28 mars au 3 avril 2014).
[7] A l’exception du jugement de Jean Kambanda, ancien Premier ministre condamné en 1998, après qu’il eut plaidé coupable contre la promesse d’une peine réduite, procédure qui de facto lui avait fait accepter l’acte d’accusation du procureur. Depuis, il est fermement revenu sur cette reconnaissance.