Rabearison Roland, alias le chanteur compositeur interprète, Vahömbey, fait partie de ces personnages de l’identité nationale qui nous propose un regard transversale, donc intéressant. Chanteur à l’origine, il s’est présenté à l’élection présidentielle 2014 à Madagascar. Il n’était pas dans le peloton de tête, mais son engagement profond envers un idéal pour notre pays persiste, loin des effets de manches des coursives du Colbert. Il a accepté avec gentillesse de se prêter au jeu de l’interview. Ci-dessous ses réponses aux questions que tout le monde se pose. Interview au cœur du sujet et sans complaisance.
Que pensez-vous du come-back en force de Marc Ravalomanana ?
Grand temps que l’ancien Président Marc Ravalomanana ait enfin décidé d’abréger son exil volontaire ! Ne représente-t-il pas une pièce maîtresse de l’échiquier politique actuel ? Aucune authentique bonne foi ne contredira cette évidence.
Y voyez-vous une stratégie, et laquelle ?
Côté cour, son but est de reconquérir le pouvoir. Son objectif : reprendre haut la main le circuit des affaires. Et subsidiairement, prendre sa revanche et peut-être même se venger vu l’orgueil qu’il a délibérément affiché. Voire, excessivement affiché. Aussi est-il malaisé de percer des indices, côté jardin. Il a largement eu le temps de côtoyer des stratèges de différents gabarits durant son exil. A lui, une fois au pays, de se muer en tacticien selon son propre ressenti.
Un détail a pourtant retenu mon attention. Son ton volontairement agressif et plein de morgue, lors de ses parutions médiatisées, a-t-il été adopté pour maquiller la dévitalisation de sa propre voix ? A moins qu’il ne s’agisse d’un leurre comme au poker menteur. Ravalomanana a toujours été un politicien d’une certaine facture. A ne sous-estimer, ni surestimer non plus. La seule attitude qui puisse l’indisposer dans un face-à -face est que son vis-à -vis parvienne à faire miroir devant lui sans faillir.
Pensez-vous que certaines hautes personnalités proches du pouvoir étaient au courant ?
Bien sûr qu’ils ne pouvaient que l’être. Ils sont au pouvoir, non ? Ils disposent de toutes les latitudes pour s’assurer du fonctionnement de l’Etat. Et en particulier, des services spéciaux de renseignement qui subviennent aux besoins de la diplomatie conventionnelle. Quant à savoir jusqu’à quel point le scenario convenu aura-t-il été respecté de part et d’autre, …. La question demeurera ouverte. Mais ce genre de secret d’Etat vaut-il la peine que les simples citoyens comme moi s’y attardent ?
D’une manière générale, êtes-vous pour ou contre le retour de Ravalomanana ?
Je me suis toujours prononcé, à ma manière, pour son retour. S’il n’avait pas autant tardé à revenir, les jeux politiques auraient été plus nets depuis longtemps. Notre histoire nationale est débitrice de son absence trop prolongée. Les choses sérieuses vont donc enfin commencer et les cartes, se redistribuer. Mon propre parti politique FAnambinana MAdagasikara – FAMà ne peut que s’en réjouir. Désormais, il va se faire plus aisément les dents puisque tous les ténors politiques sont là . Game is over.
Dans quel cadre doit-il revenir ? Doit-il être emprisonné ? Rejugé ? Si oui, sous quelle forme compte tenu de la corruption de la justice pour que les conclusions des procès soient acceptées par tous ? Ou simplement amnistié ?
L’éventuel vrai procès de Ravalomanana, et a fortiori son jugement, est-il envisageable en l’absence de la Haute Cour de Justice ? Objectivement, je souligne et surligne. Objectivement, là est la question. Sans même avoir à évoquer la structuration de l’appareil judiciaire, permettez-moi de mettre en exergue un handicap majeur pour la mise sur pied de cette institution de premier ordre. Nous n’avons ni Sénat, ni corps véritablement constitué de Grands Electeurs. A cause de cette lourde carence institutionnelle, même notre Haute Cour Constitutionnelle est, pardonnez-moi l’expression, mal constituée. Aujourd’hui, sans Haute Cour de Justice, personne n’est habilité à juger ni l’ancien Président Ravalomanana, ni aucun autre haut dignitaire actuel passible de poursuite judiciaire. Alors, soyons moins idolâtres entre nos oeillères respectives. Devenons plus objectifs et arrêtons surtout de manipuler à hue et à dia l’opinion publique.
Dès son retour, sans doute enivré par la joie du retour et la foule, Ravalomanana a eu des propos graves, encourageant à la rébellion et à une nouvelle crise. Ces propos ont été condamnés par la communauté internationale. Pensez-vous que ce soit une attitude responsable et que les malgaches aspirent à une nouvelle crise ?
A cause de mon éducation, j’avoue avoir été heurté par la virulence de certains de ses propos. J’avais naïvement espéré que l’âge, auquel s’ajoute le recul de l’exil, aurait attendri la carapace égotique de l’homme. Apparemment, monsieur Ravalomanana ferait exception. Mais comme ses partisans semblaient avoir beaucoup apprécié son comportement, … A chacun, son appréciation.
Politiquement, c’est une prise de position comme une autre. Il veut asseoir d’emblée son leadership. Cela se comprend sans forcément se tolérer. Nous sommes en démocratie, n’est-ce pas ? Dès lors, son one-man-show théâtralisé à l’ancienne va-t-il drainer une masse populaire critique inquiétante pour la stabilité du régime Rajaonarimampianina ? Le pavé aura atterri dans la cour du Président de la République. Il lui revient donc d’évaluer la réelle ampleur des dégâts et de prendre les mesures idoines.
Avec cette attitude de rebelle, Ravalomanana ne s’est-il pas définitivement classé comme un homme du passé ? Passé dans lequel il s’est englué ?
Il lui fallait un point d’ancrage pour redémarrer sa carrière politique. Normal qu’il ait voulu réveiller les démons de 2002 puisque 2009 n’était pas du tout glorieux pour lui. Au contraire ! En tout cas, il a aussi révélé ses limites. Ni aussi fringant, ni vigoureux comme il y a 12 ans. Bon nombre de ses suiveurs aussi, d’ailleurs. Même s’il le voulait, il aurait du mal à incarner l’homme nouveau qui prédomine dans l’inconscient collectif de l’électorat. Alors tout ce cinéma servirait-il plutôt à se redorer le blason au bénéfice d’un héritier politique en embuscade ? Une telle hypothèse a toutes les chances de se révéler plausible. Dans ce cas, toutes ses simagrées serviraient surtout à mettre sur orbite un successeur dont l’identité ne serait que secret de polichinelle.
Que pensez-vous de la réaction et de la gestion de cette crise par le pouvoir en place et le Président Hery Rajaonarimampianina ?
Qui suis-je pour jauger publiquement les qualités de gestion du Président de la République en exercice ? Lui a été élu et moi, non. Du moins, pas encore (sourire).
Qu'auriez-vous fait si vous avez élu président, face à une telle situation ?
Avant de répondre clairement à votre question, permettez-moi d’abord de lancer un clin d’œil à mes amis pratiquants d’arts martiaux japonais : ki-no-sen. Autrement dit, j’aurais anticipé depuis belle lurette pour préserver l’harmonie.
Votre mot ou appel aux malgaches et à leurs responsables politiques ?
Un article daté du 15 octobre 2014, publié dans mon blog et sur facebook, expose brièvement mon point de vue sur la situation politique actuelle. « Croisée des chemins » s’articule autour d’un fondement essentiel. Je cite : « Notre questionnement est à deux volets. Voulons-nous nous acheminer vers une véritable justice transitionnelle où le binôme « vérité – réconciliation » tiendra lieu de balise ? Ou optons-nous pour un nouveau chaos politico-politicien dont seuls les prédateurs patentés tireront encore bénéfice ? »
Pour clore cet entretien, permettez-moi de révéler que j’ai à maintes reprises interpellé en privé certains barons influents du régime Rajaonarimampianina sur cette question de Justice Transitionnelle. Et surtout de l’importance de ma propre contribution technique pour enclencher ce processus vital en vue de la solidarité nationale. Mais comme disent les jeunes : « Misy mihaino ? ». Autrement dit, zéro écho. Peut-être avaient-ils simplement attendu l’apparition du spectre « Dada » pour enfin prêter l’oreille. Qui sait ?
dwizernews.com – Octobre 2014
Note à l'équipe de dwizernews : Vahömbey est un ami de longue date et l'information prime sur toutes autres considérations. Il n'y a pas de plagiat mais il s'agit d'une reprise qui fait parler aussi de vous qui êtes cités. Le reste n'est qu'une polémique stérile car il s'agit d'un devoir.