Lettre ouverte de Mme Else-Marie COCCA-KRACHT, mère de Jean-Marc KOUMBA
Au Président de la République de Madagascar, M. Hery RAJAONARIMAMPIANINA
Monsieur le Président,
Mon nom est Else-Marie Cocca-Kracht. Je suis la mère de Jean-Marc Koumba, l’homme qui est enfermé à la Maison Centrale d’Antsiranana, à Madagascar, depuis le 31 octobre 2014, pour « Atteinte à la sûreté de l’Etat », si j’ai bien compris.
Monsieur le Président,
C’est en tant que « mère » que je m’adresse à vous à travers cette lettre. Vous êtes vous-même père, et vous pourrez sûrement comprendre les sentiments que j’éprouve depuis quelques jours, par rapport aux évènements qui surviennent en ce moment dans votre pays.
Mon fils a été interpellé chez lui le vendredi 24 octobre 2014 en milieu d’après-midi, devant ses deux enfants, avec qui il était en train de jouer dans le jardin. Il a été emmené à la Gendarmerie d’Antsirabe pour « répondre à quelques questions dans le cadre d’une enquête de routine ». Nous sommes aujourd’hui le mardi 04 novembre 2014, et il n’a toujours pas réintégré son foyer.
Au contraire : depuis le 31 octobre 2014, il est enfermé dans une prison au nord de Madagascar, à des centaines de kilomètres de sa famille, après une courte audience tenue en pleine nuit, sans son avocat dont l’avion n’a pas reçu l’autorisation de décoller de l’aéroport de la Capitale, pour permettre à ce dernier de rejoindre son client (mon fils) à Antsiranana.
Loin de moi l’idée de rentrer dans des discussions politiques, ou autres polémiques. Je ne m’y connais pas et, sauf votre respect, Monsieur le Président, je ne m’y intéresse que très peu.
Kristina et Else-Marie, soeur et mère de Jean Marc Koumba
Monsieur le Président, j’aimerais cependant comprendre : Pourquoi Jean-Marc, pourquoi mon fils ?
Jean-Marc est marié depuis une dizaine d’années à une de vos compatriotes, Lila Randriambololona. Ils ont deux beaux enfants, Nicolas Nantenaina et Alexandra Fy Tahiana, respectivement âgés de 7 et 4 ans. Installés à Antsirabe depuis plus de 6 ans, ils gèrent ensemble et tranquillement leur hôtel qui prend 100% de leur temps. Et ils sont heureux : heureux d’être ensemble, heureux de travailler à leur propre compte et à leur propre rythme. L’hôtel est leur passion, et avec leurs enfants, il constitue toute leur vie. Une vie de rêve qui, en l’espace de quelques minutes, a viré au cauchemar.
Aujourd’hui, la famille est brisée. Ma belle-fille Lila doit s’armer d’un courage qui force l’admiration : un mari incarcéré pour des raisons non-avérées, deux enfants en bas-âge qui réclament leur Papa avec insistance, la gestion de l’hôtel. Elle-même sort à peine d’une menace d’accident vasculaire cérébral, heureusement stoppée à temps.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de vous demander de vous mettre à ma place pendant quelques minutes : imaginez un instant que l’on fasse subir à un de vos enfants le sort que Jean-Marc subit aujourd’hui, et que vous vous trouvez à des dizaines de milliers de kilomètres de lui, complètement impuissant. Non, je ne pense pas que l’on puisse seulement imaginer ce qu’un père ou une mère ressent dans des moments pareils. Il faut le vivre pour le savoir.
Jean-Marc est mon seul fils. L’idée qu’il est tout seul quelque part, enfermé dans une cellule réservée normalement aux dangereux criminels me brise le cœur. Lui qui, depuis toujours, se range du côté des plus faibles et des plus démunis, croyant dur comme fer en la justice et la paix entre les hommes.
Monsieur le Président,
C’est vous qui détenez les rênes du pouvoir à Madagascar. L’avenir, le sort de mon fils est entre vos mains.
Jean-Marc est certes, mon fils, mais il est surtout un mari, un père de famille aimant et aimé, ayant un heureux avenir devant lui. Je vous en prie, ne laissez pas le bonheur de mes enfants et petits-enfants se briser d’une manière aussi cruelle car injuste. Mon fils ne le mérite pas.
Merci Monsieur le Président,
Else-Marie COCCA-KRACHT
Bad-Salzuflen
Allemagne - 3 novembre 2014