Hery Rajaonarimampianina sur ressort et trois doigts brandis comme une fourche de diablotin
En s’étant conduit comme le dernier des politicards revanchard, le premier président élu de la IVème république vient d’hypothéquer sérieusement son avenir à la tête du pays. Ce 26 novembre 2014, lors de l’ouverture du Vème Congrès de la route, c’est tel pantin dégingandé (haussement d’épaules ; levée du corps comme s’il était sur des ressorts ; moue de parvenu ; trois doigts brandis comme une fourche de diablotin) qu’il s’est carrément attaqué au symbole de la révolution orange de 2009. On aurait pu lui pardonner mais, il a oublié que, durant les cinq dernières années, il était le ministre des Finances et du Budget de la période de transition qui lui a permis d’être là où il est. Quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse. Il vient de scier la branche sur laquelle il est assis. Avec ce genre de « communication » personnelle, Tsilavina Ralaindimby ne lui sera d'aucune utilité... Il pourra toujours dire, après, que ce n'était pas intentionnel (mon oeil!) mais le mal est irrémédiablement fait.
Philibert Tsiranana, décédé en 1978 : “ Ataoko tsak tsak zato arivo ”. Elu à plus de 98% en janvier 1972, il a du céder le pouvoir en mai 1972 et l'a transmis au Général Gabriel Ramanantsoa.
Didier Ratsiraka : “ Na hiodina in-7, in-77, in-777 tsy hialà aho! ”. Il a été obligé d'aller en exil en France pour la première fois en 1993, après la période de transition dirigée par le Professeur Zafy Albert qui le battra lors de l'élection présidentielle qui suivra.
Zafy Albert : cliquez ici pour son histoire
Marc Ravalomanana : « Tsapao aloha ny herinareo vao mitsapa ny aty ». Mesurez vos propres forces avant de vous mesurer à moi. C'était à Andohatapenaka où il a ajouté : « Raha mbola misy tany azo totofana any dia ho totofany koa ». S'il y a encore des terrains à combler, ils seront combler. On connait sa triste fin.
Le peuple malgache est très patient mais lorsqu’on touche à des valeurs qui lui sont chères, il faut s’attendre à un retour de bâton comme en 1972, 1991, 2002 et 2009. Le malheur de ses prédécesseurs est toujours survenu à la suite de mots déplacés. Philibert Tsiranana : « Ataoko tsak tsak zato arivo » ayant amené à la tuerie du 13 mai ; Didier Ratsiraka : « Tsy hiala aho na hiodina in-7, in-77, in-777 aza ianareo » suivi du carnage du 10 août 1991 ; Marc Ravalomanana : « Tsapao aloha ny herinareo vao mitsapa ny aty » et « Raha mbola isy tany totofana any, mbola ho totofako », en décembre 2008 à Andohatapenaka où des dizaines de ménages ont été expulsés sans ménagement.
26 novembre 2014, CCI Ivato : « Nous ne parlerons plus de cette route », a déclaré avec beaucoup trop de sarcasme, Hery Rajaonarimapianina. En français, cela ne veut rien dire. Mais en malgache, cela donne : « Tsy hiteny intsony isika hoe : iny là lana iny ». Il faut savoir que « Iny là lana iny » est le titre d’un chant liturgique créé par le groupe Saotra sy Dera de Fianarantsoa, et qui est devenu l’hymne de la révolution orange. C’était le sarcasme de trop pour le peuple malgache qui a lutté pour stopper les lubies de Marc Ravalomanana, à travers des sacrifices en biens et en vies humaines. Il est clair qu’il a prononcé cela intentionnellement, sachant qu’Andry Rajoelina, leader de cette révolution orange et son patron qui lui a fait confiance durant la transition, est de retour au pays, depuis le 23 novembre 2014.
Le coude plié du candidat n°3 indique un manque de franchise et d'assurance. Qui a cru, à ce moment-là , que le Hery vaovao se comporterait en Judas et Pierre réunis en un temps record?
Ainsi, comme tous ses prédécesseurs élus -sans exception-, avant leur chute, l’actuel Président haï de tous les Malgaches, se sent fort, se croit fort, jusqu’à se permettre de fuir les journalistes pour donner sa vision sur l’atmosphère délétère qui prévaut depuis 10 mois qu’il est au pouvoir, sans se préoccuper du quotidien des 22 millions de Malgaches et du respect de la Constitution. Il est certain que la mise en place de la Haute cour de justice sera aussi galvaudée. Le pire est donc à venir. Non pas pour le peuple qui forme la Nation et qui demeure, mais pour lui et sa garde rapprochée. Va-t-il sortir par la petite porte après un énième carnage ? Ce schéma se profile lentement mais inexorablement à l’horizon de son incompétence à diriger le pays. A présent, il n’a de force que les sous de bailleurs de fonds et l’armée. Mais rien n’arrête jamais un peuple en colère.
L'Ambassadeur de France, François Goldblatt, le Président Hery Rajaonarimampianina et le Conseiller-ambassadeur itinérant, Solofo Rasoarahona, chez Ubifrance, à Paris, en mars 2014. Aucune suite aux promesses mirobolantes mais une facture salée laissée...
Le plus malheureux est qu’il prétend conduire la réconciliation nationale alors, qu’en même temps, il ne cesse d’insulter ses propres concitoyens par le simple fait qu’il est le président élu. Cela ne veut rien dire et les Burkinabe viennent de le démontrer. A présent, il doit compter ses jours au pouvoir, car enivré par sa puissance (ce qui reste à voir), il ne se méfiera jamais de l’eau qui dort. Enfin, je ne peux passer sous silence le limogeage d’un collaborateur de plus d’un quart de siècle. Il s’agit de Solofo Rasoarahona avec qui il avait créé son cabinet d’expert comptable. Certes, en politique il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des intérêts. Mais en reniant un personnage de premier plan, comme il a renié tous ceux qui lui ont permis d’accéder au pouvoir suprême, il ne faut pas qu’il croie au père Noël et que la justice immanente lui fera des cadeaux. Tic tac, tic tac : Combien de temps va-t-il résister, même en remplissant toutes les prisons de Madagascar ?
Les Malgaches ne sont pas des lâches mais ils sont très patients et, tel un chat vis-à -vis d’une souris, ils attendent Hery Rajaonarimampianina au tournant. Cela fera une belle jambe à l’inattaquable (pour l’instant) Henry Rabary-Njaka et sa politique de faire le dos rond. Juste retour des choses.
« Nem auditur propriam turpitudinem allegans »: Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Didier Ratsiraka (ci-dessus dans la force de l'âge), qui a souvent prononcé cette sentence, l’a appris, par deux fois, à ses dépens. Il suffit d’un rien pour que tout bascule à Madagascar.
Jeannot Ramambazafy – 28 novembre 2014