Décidément, l’élection au suffrage universel du premier président de la IVème république de Madagascar, censée sortir le pays de la crise afin d’avancer vers une démocratie encore à ses balbutiements, n’aura strictement servi à rien. En bientôt une année, le régime Rajaonarimampianina est devenu le plus impopulaire que la Grande île de l’océan Indien a connu en plus d’un demi-siècle du retour de son Indépendance. Sa spécialité ? L’art d’exaspérer tout un peuple en ne respectant ni la parole donnée ni la constitution elle-même.
LA VIDEO DU DISCOURS INTEGRAL ICI
Extrait du discours d’investiture du président élu, le 25 janvier 2014 :
1. 1. « Je suis, ici, devant vous, empli d’un sentiment d’humilité, face à la tâche nous attend, reconnaissant pour la confiance que vous m’avez témoigné, et conscient des sacrifices que nous aurions à consentir pour restaurer la pleine harmonie de notre société. En ce jour historique, je ressens le poids de la responsabilité de la fonction présidentielle, mais je m’y suis préparé. Le Président de la République est l’ultime recours vers lequel vous êtes en droit de vous tourner. Et, pour cela, je serai un Président disponible et à l’écoute ».
2. 2. « Il de notre devoir de faire honneur au mandat que le peuple nous a confié. Le peuple malgache ne supporte plus l’incurie et attend de son personnel politique et des agents de l’Etat : compétence, probité et loyauté. Nous y veillerons, nous ferons table rase des pratiques du passé et viserons l’efficacité ».
3. 3. « J’ai une vision claire de la défense de l’intégrité territoriale de Madagascar, pour que le pays soit un territoire sécurisé, dans un climat propice aux activités de développement. A cet effet, la politique de la Défense et de la Sécurité nationales sera résolument centrée sur la Sécurité intérieure, sans minimiser la sécurité des ressources stratégiques et vitales, tout en respectant les engagements internationaux ».
4. 4. « Je veux aussi une démocratie apaisée ( ?) pour mettre en place un programme de décentralisation effectif qui répond mieux aux besoins de la population. Je veux donner aux élus les responsabilités qu’ils attendent. Madagascar a besoin d’une politique de décentralisation réussie pour accélérer ce développement. Il s’agit de construire un cadre pérenne et durable de l’action publique dans son ensemble. Un cadre qui correspond aux aspirations locales et qui permet à l’action publique de gagner en efficacité, en réactivité et en proximité. Rétablir la confiance de l’Etat, c’est aussi réformer la Justice de l’Etat. La Justice devrait être accessible à tous et égales pour tous. Nous devrons lutter contre l’impunité et restaurer la confiance des Malgaches et des Etrangers dans notre Justice ».
5. 5. «Rétablir la confiance dans l’Etat par ceci : par la Lutte contre la Corruption. La lutte contre la Corruption sera une de mes principales priorités. La corruption devient l’un des obstacles majeurs du développement général. La corruption fausse la concurrence, entraine la mauvaise utilisation des fonds publics. Je ne partirai pas dans une chasse aux sorcières du passé (2 fois) mais je veux que ceux qui se reconnaissent dans cette description et ces propos sachent que le changement est en marche, que rien ne pourra l’arrêter et que je n’admettrai aucune dérive».
6. 6. « La culture de l’impunité est révolue et je m’engage à organiser une lutte sans merci contre tous les détournements de biens et de deniers publics ; contre tout enrichissement illicite, tout racket ou encore toute utilisation abusive des biens publics. Le rétablissement de l’autorité de l’Etat conduira au retour de l’Etat de droit et mettra un terme définitif au cycle de crises et favorisera notre croissance économique ».
7. 7. « Par cette élection, vous avez voulu tourner la page de la division et de la discorde. Vous avez manifesté au monde votre désir de rétablir l’équilibre de notre société dans une démocratie apaisée. Notre société a besoin de sécurité, de justice et de croissance. Mais elle a aussi besoin d’harmonie. Nous devons retrouver le respect de l’autre et garantir aux femmes l’égalité des droits ».
8. 8. Je ne serai pas le Président d’une Région mais que je suis le Président de tous les Malgaches. Je leur demande, enfin, de respecter les règles démocratiques et de ne viser, dans leurs actions, que le bien commun ».
Un exemple parmi d'autres de la régression de la Grande île de l'océan Indien, en à peine une année. Un triste record dans la mauvaise gestion d'un Etat
A vous d’apprécier mais ce qui se passe, actuellement à Madagascar, est tout le contraire de ce discours plein de promesses jamais tenues. Mais voici quelques réalités en guise de repères :
1. 1. Le président est tellement à l’écoute qu’il n’entend plus les cris de grogne concernant les délestages. Il est devenu complètement aphone face à l’insécurité dans toute la Grande île, le pouvoir d’achat qui s’effrite, l’emprisonnement de journalistes, de tireurs de charrette, l’art de condamner sans tenir compte des droits fondamentaux de l’homme et de la présomption d’innocence.
2. 2. Compétence, probité, loyauté ? Il faut savoir envers qui d’abord. Si c’est envers le président élu, alors bravo ! C’est tout à fait exact. Mais s’il a fait allusion au peuple, il ferait mieux de regarder attentivement le train de vie mené par son entourage, si l’on ne parle que de leur parc automobile…
3. 3. La politique de la Défense et de la Sécurité nationales a tellement été résolument centrée sur la Sécurité intérieure que le retour de Marc Ravalomanana a exactement démontré le contraire. Le résultat ? Jean Marc Koumba et quatre agents de l’ACM sont devenus des boucs émissaires, condamnés avant d’être jugés, en invoquant en dernier ressort la raison d’état.
4. 4. « Nous devrons lutter contre l’impunité et restaurer la confiance des Malgaches et des Etrangers dans notre Justice » ? Boum ! Les dahalo violeurs, voleurs, assassins, incendiaires ont été portés aux nues, nantis d’uniformes et pour lesquels des milliards d’anciens francs malgaches ont été dépensés par l'Etat pour leur « réinsertion » (sur quel budget?). Et tant pis pour les victimes. Cela leur apprendra à croire en la justice malgache… Avec une ministre de la Justice qui jure les grands dieux que Marc Ravalomanana n'est pas en prison. Elle devrait potasser à nouveau ce que signifie privation de la liberté de circuler, de voir sa famille, celle-là .
5. 5. La lutte contre la Corruption sera une de mes principales priorités ». Ah bon ? Il n’a qu’à lire le dernier rapport de Transparency International alors (ICI).Et ICI aussi.
6. 6. « La culture de l’impunité est révolue et je m’engage à organiser une lutte sans merci contre tous les détournements de biens et de deniers publics ». Excellent ! Cliquez ICI et vous m’en direz des nouvelles à ce sujet de l’impunité, hormis le cas des « dahalo niova fo » qui est une porte béante pour la justice populaire. Car quid des nombreuses victimes de ces criminels ? Aucun mot à leur sujet.
7. 7. « Par cette élection, vous avez voulu tourner la page de la division et de la discorde ». Pas mal comme slogan. Le limogeage des frères Christian et Solofo Rasoarahaona (ICI), çà c’est de la divine harmonie ! 25 ans d’amitié cela créé donc la discorde…
8. 8. « Je leur demande, enfin, de respecter les règles démocratiques ». Bravo ! Les règles démocratiques veulent que la liberté d’expression doit être respectée pour tout citoyen. Hélas. Demain, samedi 06 décembre 2014, la manifestation pacifique, pour démontrer le ras-le-bol général des délestages, n’aura pas lieu car, selon le Colonel Florens Rakotomahanina, elle n’a pas reçu l’autorisation. Et il en sera certainement ainsi pour la chaîne de solidarité « Freedom to Koumba » initiée par Rossy, en tant que simple citoyen combattant contre toute forme d’injustice.
Le Colonel Florens Rakotomahanina
Un nouveau préfet de police a été nommé pour la ville d’Antananarivo. Il s’agit de Randriamiarisoa Robert. Mais aussi bizarrement que cela puisse paraître, c’est toujours ce Colonel Florens, commandant de l'Etat-major Mixte Opérationnel Régional (Emmo-Reg), qui parait dans les médias. On a la sale impression qu’il n’y a que des gendarmes à Madagascar. En tout cas, il est devenu le bras armé de cette dictature qui ne dit pas son nom. Le spécialiste des sales besognes. C’est ce que l’Histoire des présidents malgaches élus retiendra de son nom. Sous Tsiranana, il y avait les FRS; sous Ratsiraka le RESEP et la DGID; sous Zafy pas trop de forces de répression; sous Ravalomanana, le CIS. Sous Rajaonarimampianina, ce sera donc l’Emmo-Reg avec le Colonel Florens.
Question 6 posée lors du Colloque sur la fragilité à Madagascar, organisé par l'Institut politique Madagascar, du 16 au 18 juin 2014
En tout cas, la majorité des Malgaches, devenu un peuple opprimé, a pris pour philosophie -avant d’agir en conséquence-, le proverbe qui dit : « 99 jours pour le voleur, un jour pour le grand patron ». Ce proverbe signifie que l’employé peut voler ou tromper son patron tant qu’il veut, il suffit qu’il se fasse prendre une fois pour que tout s’arrête. Que le président élu, Hery Rajaonarimampianina ne se fasse pas d’illusions : son seul et unique patron, c’est le peuple malgache qui lui a prêté momentanément le pouvoir. Mais qu’en a-t-il fait, jusqu’ici Seigneur ? Et le pire est à venir. Mais pour qui au final ?
En attendant le jour du déclin, celui de ce régime aussi irritant qu’incompétent, voyons ce qui se passe dans la France de François Hollande que le président malgache actuel semble suivre à la trace en matière de gestion de l’Etat.
Photo d'illustration d'octobre 2014
Vient récemment de paraître, la publication des résultats de l’enquête publiée chaque année dans le journal « Le Monde », menée par l’institut Opinionway et le Centre de Recherche Politique de Sciences Po, intitulé "Baromètre de la confiance politique". Mais pour 2014, seules 41 pages sur 84 ont été dévoilée par la presse. Cela ne pouvait qu’attiser la curiosité des journalistes.
Et ce sont ceux du magazine « Valeurs actuelles », qui ont réussi à se procurer le « plus » de cette enquête. C’est à la page 19 du numéro 4026. Pour eux, ces résultats sont « stupéfiants », c’est un « séisme politique »…
75% des Français ne font plus confiance à l’État, ni à la république.
88% rejettent catégoriquement les partis politiques.
87% jugent que Hollande n’a pas l’étoffe d’un président.
61% sont prêts à manifester, alors qu’ils n’étaient que 30% en 2010.
71% ne font pas confiance aux syndicats.
50% ne croient plus à la démocratie et souhaitent avoir à la tête du pays "un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections".
12% souhaitent même que l’armée dirige le pays !
Commentaires : « C’est du jamais vu depuis 200 ans et ça montre la crise où ces gouvernements d’énarques coupés des réalités du pays, et d’hommes politiques profiteurs de droite ou de gauche ont plongé la France… ».
Ben dites donc, à Madagascar on peut vraiment dire que le président Hery Rajaonarimampianina est à bonne école, avec à peine une année « d’apprentissage ». Que de promesses, que de promesses...
Un dossier de Jeannot Ramambazafy – 05 décembre 2014