Hery Martial Rajaonarimampianina Rakotoarimanana
Un an d’inertie politique, de flou stratégique et surtout de vide en termes de résultat quant aux attentes de la population et des autres partenaires et bailleurs et voilà que dimanche dernier, il semblerait qu’un sursaut de survie politique (acte désespéré?) semble avoir animé le Président de la République, lorsque ce dernier accusa les Présidents Andry Rajoelina et Albert Zafy de non patriotes.
Accuser le Président Andry RAJOELINA de non patriote, c’est oser dire que ce dernier, investi d’une tâche nationale, reconnu comme Chef d’Etat, agirait pour ses intérêts propres. Et de ce seul fait ferait de lui un traitre à la Nation. Mais de quels intérêts parle-t-on? Le mandat de Hery RAJAONARIMAMPIANINA s’inscrit-il dans l’accusation sans preuve? Est-ce cela le respect des valeurs démocratiques qu’il annonçait tout fièrement de son discours (emprunté) devant la Communauté Internationale? Où est-ce un moyen détourné pour agiter le drapeau du traitre à la nation en provoquant de ce fait, une division du Peuple, las de ces querelles politiques sans fin? Est-ce cela sa vision de la Réconciliation Nationale?
Ainsi parlons de faits et laissez-nous, cher Président, la clarté quand vous avez laissé pour la confusion: ne pas signer le décret d’application permettant au statut d’opposition d’exister institutionnellement comme le prévoit la Constitution (article 14), ne pas promulguer, dans les délais, les lois (abolition de la peine de mort -par exemple-, article 59).
L’article 3 dispose que l’Etat malagasy repose sur le système de Collectivités territoriales, or jusqu’à ce jour le flou le plus total est jeté sur les élections des collectivités décentralisées (municipales, régionales, provinciales, sénatoriales) ou encore le fait que le délai de 12 mois a compter de votre investiture (25 janvier 2015) pour mettre en place la HCJ ait été largement expiré (art 167), et que faites vous de la laïcité inscrite dans la loi fondamentale (article 2). L’article 168 qui est clair : dans le cadre du processus de réconciliation nationale, il est insaturé le Conseil du Fampihavanana Malagasy et non le conseil du FFKM. Le départ des deux présidents aux négociations est basé sur votre non respect des lois et ils ne reviendront pas tant que la loi fondamentale ne sera pas respectée.
Tous ces faits constituent des violations de la constitution. Peut-on conclure de ces faits que vous êtes un non patriote?
Quand on en est à déformer l’esprit de la Constitution, en dénaturant le fond idéologique même de ses articles au risque de nommer un Gouvernement illégal, devenu légal certes par la voie de la HCC, mais qui politiquement et éthiquement reste une aberration, vous sentez en phase, Monsieur le Président avec vos engagements et envers l’intérêt de nos compatriotes?
Si on reste sur les faits Monsieur le Président, vous avez prêté serment sur cette Constitution, comment expliquez vous Monsieur le Président que vous vous octroyez le droit de ne pas être patriote et de trahir vos engagements pris lors de votre investiture?
Et si on se limite au rang protocolaire, votre statut de « Président non arrivé en fin de mandat » ne constitue en rien votre supériorité sur vos prédécesseurs. Ce ton moralisateur divise et galvaude la fonction des autres personnalités impliquées dans le processus de réconciliation nationale.
Nous croyez-vous aveugles Monsieur le Président? Pensez-vous que le peuple malgache ne voit pas où vous l’emmenez? Pensez-vous Monsieur le Président que nous ne voyons pas que, petit à petit, vous tentez de changer la constitution inspirée des idées de liberté, de bonne gouvernance démocratique pour laisser place aux vieux démons politiques de la dictature, par la réinstauration d’un régime présidentiel fort? Ce contre quoi je me suis battue en 2009? Ce système qui a tant coûté au développement de notre pays, qui a tué toute velléité de pluralisme politique, de partage équitable des richesses et qui a renforcer le système de corruption qui sclérosent tant notre peuple aujourd’hui. Ce retour en arrière à des âges obscurs nous n’en voulons pas !
Certes, procéder à votre destitution, aujourd’hui, serait facile. Mais cela serait faire du mal à notre démocratie si peu rodée, et porterait plus atteinte aux institutions qu’elle ne ferait du bien à notre peuple.
Notre patriotisme commence là Monsieur le Président : dans la préservation des institutions et de leurs acteurs, c’est un compromis difficile, mais le jeu en vaut la chandelle…
Nous représentons le peuple et lui rendons compte au quotidien par nos élus qui font de nous, malgré tous les artifices tendant à maquiller cette réalité, la vraie première force politique de taille aujourd’hui. Notre priorité pour que le pays sorte de cette crise est le respect de la Démocratie et de l’Etat de Droit.
Notre message sera le suivant : arrêtez de jouer avec les textes sacrés de la République Malagasy car s’ils ne symbolisent rien pour vous, ils représentent le socle de la Révolution de 2009. Vous savez ? Celle que vous avez prétendu soutenu. Celle qui vous a permis d’être ministre des finances… celle sur qui vous avez basé toute votre campagne… celle grâce à laquelle vous êtes président.
Enfin pour terminer sur votre patriotisme, nous avons eu, pour notre grand malheur, la possibilité d’assister via les médias aux Tsunami de 2004 en Thaïlande et de 2011 au Japon. Que reste-t-il de ces images en tête? Les soldats, dès le lendemain, sont venus en aide, dans toutes les zones sinistrées. Où sont les nôtres? Vous êtes chef des armées (article 56). Un téléthon, une fondation créée contre tout respect des procédures, ainsi qu’un communiqué de déclaration d’incompétence sont-ils vos seules prérogatives?
Est-ce cela pour vous être patriote ? Crier à l’incompétence des autres, quémander des aides dont on ne verra jamais la transparence dans leur gestion et délaisser nos militaires qui réclament l'aide de la population, quand leur rôle premier est de venir en aide à leurs compatriotes? Est-ce cela être patriote pour vous? Vous semblez être incapable de prendre les décisions élémentaires d’un Président venant au secours de son peuple. Nous vous invitons à garder vos leçons de morale en congrès et non dans la Maison de Dieu, car on frôle le blasphème !
Mais dépasser la ligne du respect que leur fonctions incombent en traitant les deux présidents, le plus âgé et le plus jeune, de non patriotes, de traîtres, il faudrait que cela vienne d’un amateur pour que la classe politique ne l’interprète pas comme une déclaration de guerre… Ce que vous n’êtes pas n’est-ce pas?
Aussi, nous ne prendrons pas vos propos comme telle, mais notre lettre est bien une lettre d’avertissement : quand votre peuple en est à s’entre-tuer, et à manger du chien pour se nourrir; que des parents trop épuisés pour chercher de quoi nourrir leurs enfants sont contraints de les voir mourir; que les contestations grondent à travers tout le pays : c’est que ce pays va mal et qu’en dehors même de la classe politique, votre mandat est en danger. Croyez-en notre regard aguerri. Ce silence respire le silence du soulèvement populaire que nous ne souhaitons pas et que nous voulons éviter ! Recentrez votre énergie à unir plutôt qu’à diviser et les intérêts de notre pays n’en seront que mieux servis.
Il aurait été destructeur de notre part si nous ne vous transmettons pas nos impressions.
Député de Madagascar
Représentant, à travers cette lettre ouverte, des Députés élus sous la bannière MAPAR, candidats restés respectueux de la parole donnée, du code de l’éthique et celui de l’honneur