Le Colonel Jules Rabe, unilatéralement nommé, accueilli comme un président de la république élu. Où va ce pays?
De quel Etat de droit le président Rajaonarimampianina fait-il allusion à chaque fois qu’il prend la parole ?
Avec un président élu au suffrage universel, en décembre 2013, le monde entier se félicitait que Madagascar avait repris le chemin du retour à l’ordre constitutionnel. Que la Constitution de la IVème république sur laquelle il a prêté serment serait respectée. Et bien non, et cela depuis le viol pur et simple de l’article 54 portant sur la nomination du Premier ministre. Actuellement, c’est dans les régions que l’Etat de non-droit se révèle sans honte aucune.
Que dit la Constitution à propos des régions et du chef de région, justement ?
Chapitre II. Des régions.
Article 153.
Les régions ont une vocation essentiellement économique et sociale.
En collaboration avec les organismes publics et privés, elles dirigent, dynamisent, coordonnent et harmonisent le développement économique et social de l'ensemble de leur ressort territorial et assurent la planification, l'aménagement du territoire et la mise en oeuvre de toutes les actions de développement.
Article 154.
La fonction exécutive est exercée par un organe dirigé par le chef de Région élu au suffrage universel.
Le chef de Région est le premier responsable de la stratégie et de la mise en œuvre de toutes les actions de développement économique et social de sa région.
Il est le chef de l'administration de sa région.
Et bien non encore. A Toliara, le pouvoir change le chef de région comme il change de chemise. Sans demander l’avis des administrés, sans suivre la législation et la loi constitutionnelle en vigueur (« lalà na velona ») depuis l’élection d’un président de la république. Et, bien entendu, ce sera « conforme à la constitution », un refrain que va nous seriner Jean Eric Rakotoarisoa, tant qu’il sera président de la Hcc (Haute cour constitutionnelle). Et, pour l’heure, la loi c’est Maharante Jean de Dieu, un député élu sous les couleurs du Mapar (« Miaraka amin’ny Prezidà Andry Rajoelina »), nommé ministre (pouvoir exécutif) qui s’accapare donc les attributions des pouvoirs législatif et judiciaire réunis. Comme si Madagascar était encore dans une période de transition. Et même… Remarque qui aura son poids devant le tribunal de l’Histoire : Maharante Jean de Dieu a suivi des cours de droit à Ris Orangis (France)… et devant ce fait accompli, la population applaudit car ignorant la loi fondamentale. Cela à un nom: politisation à outrance de l'administration publique. Ils ont le pouvoir, ils font leur loi. Pauvre pays...
Jeannot Ramambazafy
Toliara, 19 novembre 2015. Changement un peu brusque pour le public, tout juste sept mois. Le Médecin-Colonel Zafitasondry Marcellin s’est fait couper l’herbe sous les pieds, son entourage profitait du titre de chef de région pour des querelles de palais en tirant la couverture chacun de son côté, selon un proche collaborateur de l’ancien CR. Un autre dit qu’il voulait écarter une soixantaine de collaborateurs. Dans tous les cas, le Médecin-Colonel « n’a pas pu maîtriser l’insécurité pour prioriser le développement », selon son programme lors de son installation en mars 2015.
Sous la caméra, au centre, Maharante Jean de Dieu, le ministre qui impose sa loi à Toliara
Lors de l’arrivée du nouveau chef de région, colonel Jules Rabe, le ministre de la Fonction publique et des Lois sociales Jean de Dieu Maharante a déclaré que « la place de chef de région est une place politique, le remplacement n’est pas une punition ». Comme conseil à l’endroit du nouveau CR, le ministre Maharante a envoyé : « Ne pas faire de la discrimination entre les habitants de la région Sud-ouest. Le Colonel Jules Rabe est le chef de tous y compris chinois et indiens. Il doit gérer en conséquence et avec sagesse en se référant aux anciens. Le Colonel était à tête de la circonscription de la gendarmerie de Toliara, ce n’est pas un nouveau venu ».
Une passation sans aucune base légale et juridique autre que: le Médecin-Colonel « n’a pas pu maîtriser l’insécurité pour prioriser le développement ». A gauche, le Colonel Jules Rabe CR entrant, et à droite, le Médecin-Colonel Zafitasondry Marcellin
Le ministre Maharante était accompagné d’une forte délégation: le vice-président et le rapporteur de l’Assemblée nationale; deux Secrétaires généraux, celui de la Communication et des Relations avec les institutions et celui des Travaux publics; cinq députés.
Charles RAZA – Toliara