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Home Vie politique Dossier Etats-Unis. Donald Trump. L’image caduque du retour à la doctrine de Monroe

Etats-Unis. Donald Trump. L’image caduque du retour à la doctrine de Monroe

Avec l’élection de Donald Trump, les États-Unis risquent de revenir vers près de deux siècles en arrière. En effet, les propos de ce candidat républicain sont proches de ceux de James Monroe, président américain, dont une doctrine porte son nom. La base de la diplomatie extérieure de Monroe était: «L’Amérique aux Américains».


Dessin de presse expliquant la doctrine Monroe (milieu XIXème)

C’est le 2 décembre 1823 que James Monroe, 5ème président des États-Unis et issu du parti républicain (élu pour deux mandats de 1817 à 1825), a énoncé la doctrine qui portera son nom et fixera pour un siècle et demi les fondements de la diplomatie américaine: « l'Amérique aux Américains ».

Après la seconde guerre d’indépendance ayant opposé les «American natives» au Royaume-Uni (1812-1814), les États-Unis se dotent d’une diplomatie vigoureuse. Le général Andrew Jackson intervient en Floride, une colonie espagnole livrée à l'anarchie. Les États-Unis acquièrent finalement le territoire en 1819 contre cinq millions USD. Cependant, à l'extrême-nord du continent, les Cosaques russes traversent le détroit de Béring et s'implantent en Alaska, menaçant ainsi le territoire des États-Unis. Au sud, les colonies espagnoles se soulèvent contre la métropole. Le roi d'Espagne appelle à son secours les autres souverains de la Sainte-Alliance.


 

Sous l'influence de son Secrétaire d'État (ministre des Affaires étrangères) John Quincy Adams, le président Monroe évolue vers une position neutraliste qui s'affirme avec éclat dans son message annuel au Congrès, le 2 décembre 1823. Dans un long discours en apparence décousu, James Monroe interpelle directement les puissances européennes. Il leur déclare :

1) Les États-Unis ont reconnu l'année précédente l'indépendance des nouvelles républiques latino-américaines; en conséquence de quoi, l'Amérique du nord et l'Amérique du sud ne sont  plus ouvertes à la colonisation européenne.

2) Les États-Unis regardent désormais toute intervention de leur part dans les affaires du continent américain comme une menace pour leur sécurité et pour la paix.
3) En contrepartie, les États-Unis n'interviendront jamais dans les affaires européennes.

La doctrine de Monroe se résume en définitive comme suit: «l'Amérique aux Américains».



 

Ceci semble justifier les propos du candidat Donald Trump suivants: « J’appelle à un arrêt total et complet de l'entrée des Musulmans aux États-Unis. Cette mesure vaudra aussi bien pour les immigrés, les visiteurs et les touristes. Seuls les soldats américains de confession musulmane seront autorisés à pénétrer sur le territoire mais ils seront surveillés ».

 

En 1823 donc, cette doctrine a fixé pour plusieurs décennies l'attitude que les États-Unis comptent adopter vis-à-vis du vieux continent qui assurait, alors, la domination sur le monde. Il s'agissait de délimiter des sphères d'influence: les États-Unis s'étaient engagés à ne pas s'occuper des affaires européennes à condition que les Européens en fassent de même sur le continent américain. Les puissances de la Sainte-Alliance se le sont tenu pour dit et ont renoncé à leurs projets d'intervention en Amérique du sud. L'année suivante, la Russie signe un traité avec les États-Unis par lequel elle renonce à toute revendication au sud de l'Alaska.

 

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les États-Unis détiennent les 2/3 du stock d'or mondial et représentent environ la moitié de la production mondiale. Le problème alors était: trouver des marchés? Le pays a profité de son engagement dans le conflit pour effacer les dernières traces de la crise des années 1930 et démontrer au reste du monde sa capacité productive. Dés 1944, le président Franklin Delano Roosevelt exprime clairement sa volonté de bâtir un monde nouveau lors des conférences interalliées. Les États-Unis songent alors à mettre en place une gouvernance mondiale, une pensée suivant les principes fondateurs de leur modèle idéologique: le capitalisme libéral et la démocratie.



Fidel Castro en 1961

 

Mais la Guerre Froide (1947-1991) contraint les États-Unis à contracter de nombreuses alliances diplomatiques et militaires, à la fois pour assurer leur sécurité, démontrer leur puissance et soigner leur « paranoïa ». La période correspond par ailleurs à un gonflement de l'appareil d’État américain, à la multiplication des conseillers et agences spécialisées (comme, par exemple, la CIA créée en 1947). Rappelons aussi qu’en 1961, le nouveau maître de Cuba, Fidel Castro, a pris l'initiative d'un rapprochement avec l'Union Soviétique. Ce que le gouvernement américain a considéré comme une mise en situation du territoire américain à être attaqué par des missiles soviétiques lancés depuis l'île. Dans ces mêmes années 1970-1973, le « gendarme du monde » a essuyé un échec cuisant dans la guerre du Vietnam. Depuis, Les États-Unis ont eu une grande tendance à s’ingérer dans des conflits hors de leur territoire: Koweit, Somalie, Ex-Yougoslavie, Afghanistan…

Devenus une puissance hégémonique, les États-Unis organisent donc le monde à leur avantage, protégeant leurs intérêts et assurant la sécurité de leur territoire tout en assumant leur position dominante. Dans cet ordre mondial unipolaire, «l'empire bienveillant» des États-Unis comprend les alliés/partenaires (Europe, Japon), les pays assurant leur sécurité et leur approvisionnement en matières premières qui font, de ce fait, l’objet d’une intervention diplomatique ou militaire (Moyen-Orient, Amérique Latine) et aussi les ennemis, les «États voyous» («rogue state») comme l'Iran, Cuba ou la Corée du nord.

World Trade Center, New York, 9.11.2001

Quelle est la situation des États-Unis depuis l’entrée dans le XXIè siècle? Plus de guerre froide, plus d’hégémonie européenne mais grande menace de la part des islamistes extrémistes. Le 9 septembre 2001, Les États-Unis sont touchés pour la première fois de leur histoire sur leur propre territoire et au cœur même de leur puissance (avec les tours jumelles de Manhattan, symbole éclatant de la domination économique, et avec le Pentagone, centre de commandement des forces armées). L’opinion publique américaine est traumatisée.


Le président G.W. Bush et des soldats américains

Le président G.W. Bush doit alors montrer à ses concitoyens -et au monde entier- que les États-Unis restent la nation dominante. Influencé par ses conseillers (les «faucons» républicains) et par le lobby militaro-industriel, il s'engage dans des guerres contre le terrorisme. La stratégie géopolitique de l'administration Bush repose à la fois sur une vision simpliste de la réalité opposant bien/mal, civilisation/barbarie. Il définit par exemple un «axe du mal» ou affirme que «ceux qui ne sont pas avec eux sont contre eux», et prend pour base d’action la thèse du «choc des civilisations» du politologue Samuel Huntington. Celui-ci affirme qu'avec la mondialisation et la fin de la Guerre Froide, les affrontements à venir seront des conflits de civilisations: «les lignes de partage entre les civilisations seront [ainsi] les lignes de front des batailles du futur».

Certes donc, les propos du candidat Donald Trump sont proches de l’essence de la doctrine de Monroe. Mais à y voir plus clair, il entend mettre en pratique un isolationnisme qui n’a pas sa place en cette époque d’une mondialisation inexorablement en marche. Passe encore qu’il veuille que la Syrie se débrouille toute seule avec les Russes sans plus d’intervention américaine.


A cartoon portraying Uncle Sam standing protectively over the Western hemisphere with the Monroe Doctrine (heu faites-vous traduire mais le dessin dit tout)

Mais lorsqu’il a parlé, par exemple, d’un mur entre les États-Unis et le Mexique (ce qui ne date pas d’aujourd’hui), il oublie que son pays a signé l’accord ALENA (Accord de libre-échange nord-américain).

L'ALENA a été signé le 17 décembre 1992 par le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le 14 septembre 1993, deux accords complémentaires ont été ajoutés. L'ALENA est entré en vigueur le 1er janvier 1994.

 

Le préambule de l'ALENA met l'accent sur un grand nombre d'objectifs très généraux qui dépassent largement le simple domaine commercial. Il y est question d'amitié et de coopération entre des pays désireux de mettre le commerce au service du bien être, c'est-à-dire de la création d'emplois, du respect de l'environnement et des droits des travailleur. Les objectifs plus précis qui sont listés dans le chapitre 1 se concentrent sur l'établissement d'une zone de libre-échange (article 101) et sur 6 règles concernant les obstacles au commerce, la concurrence loyale, les investissements, la propriété intellectuelle, des procédures de mise en œuvre et la coopération trilatérale. Suit un accord d'une très grande complexité, très long (1000 pages), très détaillé (2000 pages d'annexes)!



En février 2016, Donald Trump avait déjà annoncé qu’il voulait au moins renégocier l’ALENA, sinon l’abroger complètement s'il était élu président. Le milliardaire avait qualifié l’accord de «désastre». Il avait même ajouté: «Toute entente a une fin». Cependant, qu’en est-il dans la réalité et dans la pratique ? Car même si un président donnait un préavis de six mois signifiant que les États-Unis se retirent de l’entente, certains éléments de l’ALENA ont été enchâssés dans l’accord de l’Organisation mondiale du commerce.

Un autre problème soulevé par des experts est que les tarifs ne se rétabliraient pas automatiquement -le Congrès devrait les réimposer-, ce qui ne serait pas une démarche facile en soi puisque les mesures devraient être approuvées par les deux chambres, dont le Sénat, où 60% des voix sont nécessaires.

Et finalement, il y a un autre défi de taille: la réalité de l’économie moderne. Il a été mis en remarque que les entreprises deviennent de plus en plus mondialisées et qu’elles développent leurs produits en fonction de leur exportation partout sur la planète. Et, selon un avocat commercial, «On verrait des entreprises devenir folles. Comment renverser ces chaînes d’approvisionnement maintenant? Renverser l’ALENA équivaudrait à fermer la porte de la grange quand tout le monde est parti. Les changements qui ont été faits ont déjà (eu leurs effets)».


Ainsi, Donald Trump sera-t-il un président américain au souvenir impérissable qui a voulu, coûte que coûte, remettre au goût du jour une doctrine passée d’époque (« MAKE AMERICA GREAT AGAIN »), ou bien le monde entier se souviendra, après lui, qu’effectivement un éléphant çà… Trump énormément. En tout cas, en tant qu’homme le plus puissant de la planète, il a entre les mains, les clés et les codes de lancement d’engins à ogives nucléaires permettant d’appliquer l’apocalypse. Et cela fait déjà froid au dos du monde entier. Ainsi, il risque fort d'être frappé, avant la fin de son mandat, d'un «Impeachment» (procédure anglo-saxonne de destitution) qui pourrait bien aboutir cette fois-ci...

Aperçu de l'apocalypse nucléaire sur Terre

A titre d’information pure, sachez qu’en 2015, l’arsenal nucléaire mondial était d’environ 16.300 armes nucléaires, que se répartissaient neuf puissances nucléaires: États-Unis, Russie, France, Chine, Royaume-Uni, Israël, Inde, Pakistan et… Corée du Nord. Cet arsenal est situé sur 98 sites dans ces États, ainsi que sur le territoire de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Turquie (bases de l’OTAN). Environ 10 000 de ces armes sont dans les arsenaux militaires, le reste étant en attente de démantèlement. Enfin, sur ces 10.000 armes, 4.000 sont disponibles sur le plan opérationnel, dont 1.800 en état d’alerte et prêtes à l’emploi dans un délai extrêmement court. La Russie et les États-Unis possèdent 93% de l’inventaire mondial.

Dossier de Jeannot Ramambazafy – 11 novembre 2016

Sources: herodote.net - la-story.over-blog.com - www.sciencespo.fr - www.irenees.net

Mis à jour ( Samedi, 12 Novembre 2016 07:11 )  
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